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Quand le covo devient une méthode de justice : où sont passés nos droits ?

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Depuis quelques mois, une nouvelle mode semble s’installer au Gabon, en pleine ère de Transition. Ce n’est pas la dernière tendance vestimentaire ou une nouvelle danse qui fait fureur, non. Cette fois, c’est une pratique bien plus dérangeante : des individus, arrêtés pour diverses raisons, se retrouvent avec le crâne rasé – un bon vieux covo – et filmés sous tous les angles par les médias.

Un spectacle qui, avouons-le, en fait rire certains… mais qui pose un vrai problème sur le plan des droits humains. D’après la Charte de la Transition, document qui devrait servir de boussole pour cette nouvelle ère politique, « tout détenu doit être traité avec respect et dignité”. Il est également stipulé que toute forme de torture, de traitement cruel, inhumain ou dégradant est strictement interdite ». Vous voyez où je veux en venir ? Je ne sais pas pour vous, mais je trouve que se retrouver rasé, exposé à la vue de tous avant même d’avoir été jugé, ça ressemble à un bon vieux traitement dégradant, non ?

Alors oui, raser des crânes et les montrer à la télé ou sur les réseaux sociaux peut amuser certains spectateurs. On rit un peu, on commente, on partage… Mais est-ce que cela justifie pour autant un tel traitement ? Après tout, ces personnes sont-elles des condamnées ? Non, pas encore ! Il est toujours bien de rappeler que nous sommes dans un État de droit – ou tout du moins, nous essayons de l’être – et qu’un procès doit avoir lieu avant toute forme de condamnation. En d’autres termes, ces têtes rasées sont déjà humiliées, reconnues coupables aux yeux du public, alors qu’un tribunal ne s’est même pas encore prononcé.

Ce qui est encore plus surprenant dans cette affaire, c’est le silence assourdissant de ceux qui sont censés veiller au respect des lois et des procédures : où sont donc passés les magistrats, les juges, et toutes ces voix censées s’indigner face à une telle dérive ? Si ces détentions sont légales, pourquoi personne ne semble s’opposer à cette humiliation publique qui, rappelons-le, est contraire aux dispositions de la Charte de la Transition et aux principes des Droits de l’Homme ?

On pourrait se poser la question suivante : à quoi sert cette pratique ? Est-ce vraiment une mesure de sécurité, une tentative de contrôle, ou simplement une façon d’humilier ces individus pour marquer les esprits ? Et puis, est-ce vraiment nécessaire ? En quoi le fait de raser une tête prouve la culpabilité de quelqu’un ou renforce la justice ? Si la présomption d’innocence est encore d’actualité dans notre pays, comment expliquer ces mises en scène humiliantes, où l’on prend des hommes et des femmes, les rase et les expose aux moqueries ?

Cette pratique donne l’impression qu’on a déjà sauté l’étape du procès, que la sentence est rendue avant même que la justice ait eu son mot à dire. Un covo pour clore le dossier. Et pendant ce temps, la dignité humaine, cette valeur fondamentale qu’on devrait protéger, est allègrement foulée du pied.

Alors, chers compatriotes, posons-nous la question : est-ce vraiment ce que nous voulons pour notre pays ? Une justice qui se fait dans les salons de coiffure improvisés des commissariats, avec des têtes rasées en guise de verdict ? Ce n’est pas seulement une atteinte aux droits des détenus, mais un affront à nous tous, à notre conscience collective.

En conclusion, que ce soit clair : la transition ne signifie pas qu’on doit piétiner la dignité humaine au passage. Raser des têtes ne fera jamais office de justice, et tant que ce spectacle continuera, c’est notre dignité nationale qui en prendra un coup, elle aussi.

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