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Chronique d’un Gabonais au chômage : VIVE SOBRAGA

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Il est 13h, le soleil tape fort à Libreville, mais ce n’est pas la chaleur qui pèse le plus. C’est le poids du chômage, cette espèce de mal silencieux qui étouffe les ambitions et rend les jours longs et vides.

Encore un jour sans appel. Encore un jour où le téléphone ne sonne pas pour annoncer cette opportunité tant attendue. Alors, on fait ce qu’on sait faire de mieux : s’occuper l’esprit avec ce qui ne manque jamais, même quand les poches sont vides… une bonne bière fraîche.

Oui, on est « nguémbé, sans un sou, fauchés comme des rats. Mais mystère de la vie gabonaise, on a toujours les moyens de prendre un pot, une dernière pour la route en fin de journée. C’est comme si, dans l’équation du chômage, il y avait toujours un budget secret, réservé à la bière. On peut galérer à payer le loyer, sauter des repas, mais la bière, elle, est inamovible.

Toujours là. Toujours présente. Et comment ne pas la remercier, cette bière salvatrice, fidèle compagnon de l’inactivité imposée ? VIVE SOBRAGA, hein ! Les promotions n’arrangent rien. À chaque fois qu’on se dit « je vais lever le pied », Sobraga arrive avec ses offres : « 3 bières à kolo, la formule » « Festival de la bière avec des prix hors du commun », et la tentation devient irrésistible.

Le chômage nous fait tourner en rond, et la bière devient la béquille, la pause dans ce cercle infernal d’attente et de promesses non tenues. On se dit qu’on s’en sortira, que cette dépendance n’est que temporaire. « J’arrêterai de boire quand j’aurai trouvé un boulot« , on se rassure ainsi, tout en levant une autre bouteille.

Le pire, c’est qu’on sait. On sait que ce n’est pas la meilleure solution. On sait que cette bière qu’on boit chaque soir avec les amis du quartier ne règle rien. Mais la vérité est que c’est devenu une habitude. Une fuite douce, un refuge collectif. Parce qu’en réalité, cette bière, c’est le seul luxe que beaucoup d’entre nous peuvent encore s’offrir.

Et si demain, Sobraga devait fermer ses portes, c’est probablement là qu’on se lèverait pour protester. Pas quand le chômage frappe, pas quand les factures s’accumulent ou que les promesses d’emploi ne se réalisent jamais. Non, c’est à la fermeture des brasseries qu’on sortirait dans les rues. Parce que, bizarrement, tant que la bière coule, on arrive à oublier le reste. Le chômage ? Oh, ça va s’arranger.

Voilà ce qu’on se dit, au fond du verre. Mais la réalité, c’est qu’entre les promotions de Sobraga et les difficultés du marché de l’emploi, on devient doucement mais sûrement des alcooliques fonctionnels. On se ment à nous-mêmes, croyant qu’on maîtrise la situation. « Je vais arrêter quand ça ira mieux », on se le répète.

Mais ça, c’est juste un mensonge pour survivre à la dureté du quotidien. Parce que tant qu’on sera dans cette situation, tant que le travail restera un mirage, la bière, elle, restera une certitude. Et c’est bien là le problème. VIVE SOBRAGA, hein…

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