D’un côté, il y a ceux qui, les yeux tournés vers l’horizon, voient en cette époque troublée une chance rare, presque providentielle, de refaçonner le monde. Ils rêvent d’un avenir où les erreurs du passé seraient effacées, comme des ombres chassées par la lumière nouvelle. Ces esprits idéalistes prônent un changement profond, un nouveau paradigme qui redonnerait à l’humanité une voie plus juste, plus éclairée. Leur discours est empreint d’espérance, et leurs projets semblent déjà élever les fondations d’une société future.
En face, une autre école, moins encline à l’envolée des idées, mais plus attachée aux réalités du moment. Ceux-là voient les choses autrement : « Que valent ces grands idéaux face aux besoins immédiats ? », se demandent-ils. Car pour eux, la faim, la précarité, et les nécessités quotidiennes ne laissent guère de place aux rêveries. Ce sont les besoins urgents qui gouvernent leurs actions, et l’avenir, bien qu’important, ne peut se construire sur des ventres affamés.
La question se pose alors : qui a raison ? Peut-on, sans risque, suivre la voie de l’idéalisme, en ignorant les grincement de ventre de la réalité ? Ou bien, l’attachement au présent nous enferme-t-il dans une vision trop étroite, nous privant des promesses d’un futur meilleur ? Qui l’emportera, de celui pensant voir la lumière, s’arrachant les cheveux de l’inaction de ses pairs face à l’évidence, ou de celui qui semble n’entendre que le bruit de son ventre, et de son âme, en quête de satisfaction des besoins premiers ?
Le débat est ancien, aussi vieux que la société elle-même, et chaque époque a oscillé entre ces deux pôles : l’ambition de bâtir des utopies et la nécessité de survivre au jour le jour.
Mais peut-être cette opposition est-elle, en fin de compte, illusoire. Car l’histoire nous enseigne que les grandes avancées, si elles ont pu naître d’idéaux, se sont toujours ancrées dans la réalité. Et puis, au final, est-ce si grave de se tromper ? Est-ce si grave d’avoir une vision loin de la réalité ?
Le temps nous dira.
Signé, La prose sur l’oreiller