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Libreville, ce n’est pas le Gabon !

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Ah, Libreville… cette terre promise où tout semble se réaliser. TaxiGab ? Libreville. Routes flambant neuves ? Libreville. Nouveaux bâtiments administratifs et services modernes ? Toujours à Libreville. Et pour le reste du pays ? On patiente, on rêve, on prend son mal en patience, comme si la modernité s’arrêtait aux portes de la capitale. Mais jusqu’à quand ? C’est la question qu’on se pose, nous, Gabonais de l’intérieur.

Les projets du CTRI, ou  même les initiatives d’Ali Bongo, on nous en parle, on nous les vante, on les voit à la télévision. Et oui, à Libreville, il y a du mouvement, ça bouge, les choses se font. Mais ici, dans nos villes et nos villages, c’est comme si on regardait la fête depuis la fenêtre, invités par la parole mais laissés à l’écart dans les faits. Pourtant, nous aussi, on a des besoins, des attentes, des ambitions.

Prenons l’exemple de TaxiGab. Une belle initiative pour donner aux Gabonais des taxis modernes, leur permettre de se déplacer dans de meilleures conditions, tout en créant des emplois pour nos jeunes. Mais soyons réalistes, quel Gabonais peut en profiter ? Celui de Libreville, bien entendu ! Chez nous, dans l’intérieur du pays, TaxiGab est un mythe, un mot qu’on a entendu à la radio, un projet dont on nous parle mais que nous ne verrons pas de sitôt. On continue avec nos taxis collectifs vieillissants, qui font des allers-retours entre les villages, souvent en mauvais état, en espérant qu’ils tiendront la route jusqu’au prochain arrêt.

Et puis, parlons des routes justement. À Libreville, on voit les chantiers fleurir, les avenues s’élargir, les passerelles se renforcer. Les habitants de la capitale profitent d’un réseau routier qui s’améliore, des routes bien entretenues et éclairées. Mais ici ? Ici, on roule sur des routes trouées, en terre, parfois même inachevées, comme si nos routes dataient d’une autre époque. Dès qu’il pleut, il devient difficile de circuler ; aller d’un village à l’autre devient une véritable expédition. On se demande même si nos autorités savent que nous existons et que nous aussi avons droit à des infrastructures dignes de ce nom. Après, ils vont aussi savoir ça comment ? Quand un voyage officiel doit se faire, on bouche vite les trous pour que le Président ne soit pas mis au courant qu’on vit un calvaire. 

Et puis, il y a les démarches administratives. Ah, ce sujet-là, il nous fait grincer des dents. Pour faire une carte d’identité, obtenir un extrait de naissance ou un simple document officiel, il faut parfois parcourir des centaines de kilomètres jusqu’à Libreville. Dans nos provinces, soit le service n’existe pas, soit il est trop éloigné, ou alors il fonctionne au ralenti, faute de moyens. On est des centaines, à chaque concours ou à chaque période de recrutement, à devoir monter à la capitale pour déposer nos dossiers. On va squatter chez des proches, on s’entasse dans de petits logements le temps de finir les démarches, avec l’espoir qu’un jour, on recevra ce fameux appel qui nous dira : « Venez, on vous attend pour travailler ! » Mais cet appel, on l’attend encore…

Et pourtant, quand vient la période des campagnes électorales, là, nos villes, nos villages, nos chemins perdus semblent soudain avoir un intérêt. Là, les candidats retrouvent la route de nos villages, ils savent nous trouver, ils se souviennent qu’ils sont eux aussi les “enfants de la province” ! Ils viennent nous voir, serrent des mains, promettent monts et merveilles. « Vous aussi, vous comptez ! Nous sommes ensemble ! » qu’ils disent, en promettant que la ruralité sera prise en charge, que chaque province aura droit à un morceau du gâteau. Mais une fois les élections passées, on est de nouveau oubliés. Notre existence, notre quotidien, ne semblent valoir que le temps d’une promesse.

Il est temps de le dire : le Gabon, ce n’est pas que Libreville. Nous aussi, nous voulons des projets qui comptent pour nous, des routes qui ne s’arrêtent pas aux limites de la capitale, des infrastructures qui changent notre quotidien et qui freinent cet exode rural. Libreville est une capitale, mais elle n’est pas le Gabon à elle seule. Notre pays est vaste, riche de sa diversité, de ses cultures, de ses territoires, et il a besoin que chaque région avance. Que chaque village sente que l’État est présent.

La concentration de tout à Libreville ne fait que creuser les inégalités, pousser les jeunes et les familles à quitter leurs terres pour espérer un peu plus de confort dans des quartiers déjà surchargés. Ce n’est pas une fatalité, c’est une conséquence directe de l’oubli. Pour un Gabon plus fort, plus uni, il est essentiel que les projets, les infrastructures, et les investissements soient répartis équitablement, que chacun puisse en profiter.

Parce qu’au fond, Libreville ne sera jamais tout le Gabon, et le Gabon ne se résumera jamais à une seule ville.

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