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Style/Hygiene ou stigmate de l’esclavage ?

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Imaginez un instant : on est en Afrique, à Libreville ou au Sénégal, et dans une école de la république, un Noir — oui, vous avez bien lu, un Noir — se voit interdire l’entrée parce qu’il arbore un afro soigneusement peigné ou une barbe bien taillée. Oui, sur LE continent des Noirs, l’Afro est suspect… Vous avez ri ? Attendez la suite.

À chaque rentrée scolaire, les circulaires fleurissent : « Tenue correcte exigée. Élèves propres et présentables. » Jusque-là, rien de bien méchant. Mais très vite, ces consignes se transforment en chasse à l’Afro, à la barbe et à tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, réclame un peigne ou un rasoir. Un noir au naturel ? Apparemment trop sauvage pour la cour de l’école.

Et pourtant, quand vient le carnaval, les perruques blondes, les barbes comme le père noël et les chapeaux à plumes deviennent subitement acceptables. Donc, on ne refuse pas le style… on refuse juste le nôtre ! Un Afro bien fourni, symbole de fierté culturelle et d’affirmation identitaire, est perçu comme un caprice. Une barbe entretenue ? Un manque d’hygiène. Mais les cheveux défrisés et les teintures peuvent parfois passer crème… Cherchez l’erreur.

La vraie question, c’est quoi ? Est-ce que la taille des cheveux ou le tracé d’une barbe affectent directement la capacité d’un élève à comprendre les maths ? A-t-on déjà établi que les mémoires les plus brillantes étaient livrées avec un crâne rasé ? Spoiler alert : non.En réalité, ces interdictions cachent une déconnexion plus profonde. Nous avons hérité d’un système de normes qui rejette ce qui est authentiquement africain et valorise ce qui semble européen. Quand nos enseignants et dirigeants cautionnent ces règles absurdes, ils perpétuent un stigmate historique : celui de l’esclavage et de la colonisation, où l’africain était contraint de renier son apparence pour paraître « civilisé ».

À qui profite cette obsession du conformisme capillaire ? Certainement pas à l’élève. Parce que pendant qu’on perd du temps à lui faire la morale sur la longueur de ses cheveux, on n’améliore ni la qualité des infrastructures scolaires ni celle de l’enseignement. Rappelons que dans certains établissements, les livres datent de l’époque où Omar Bongo était encore jeune… mais les coupes de cheveux, ça, c’est la priorité !

Alors, chers décideurs à la créativité capillaire limitée, permettez-nous de poser une question : quand allez-vous comprendre que ce n’est pas la coiffure qui fait la compétence ? Les réglementations sur le style devraient viser à inculquer des valeurs de propreté et de discipline, pas à rejeter nos identités. L’Afro, la barbe ou même les locks ne sont ni des obstacles à l’intelligence ni des indicateurs de mauvaise conduite. Ils sont, au contraire, des marques de diversité et de richesse culturelle.

En attendant, continuez donc à chasser les Afros. Nous, on continuera à rire (jaune) en regardant vos incohérences.

Pendant ce temps, devinez quoi ? Les pays occidentaux, eux, font un moonwalk spectaculaire sur ces questions. Aux États-Unis, par exemple, des lois comme le CROWN Act interdisent désormais la discrimination capillaire, reconnaissant enfin que les coiffures afro-descendantes n’ont rien de répréhensible. Pendant qu’eux, ils font le moonwalk, nous, nous avançons à contre-courant… vers des règles absurdes. Ironique, n’est-ce pas ?

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