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Sortir après minuit pour chercher de l’eau : entre soif et coupe gratuite

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Dans mon quartier, l’eau est un luxe réservé aux courageux de la nuit. La SEEG a décrété que c’est après minuit que les robinets daignent couler. Pour éviter que ma famille ne manque de cette ressource essentielle, je dois braver le couvre-feu, marcher dans des rues sombres et prier pour rentrer entier.

Je ne fais pas ça par plaisir. Ce n’est pas un choix, c’est une nécessité. Sans eau, il n’y a pas de douche pour commencer la journée, pas de linge propre, pas de repas cuisiné. Imaginez un élève qui doit affronter les cours avec des vêtements sales ou un visage non rincé, faute d’eau disponible. Ce n’est pas seulement humiliant, c’est révoltant.

Pourtant, le vrai cauchemar ne se limite pas au manque d’eau. Il commence quand je croise les agents en tenue. Leur rôle devrait être de nous protéger, mais ils préfèrent distribuer des « coupes gratuites » pour « discipliner » les retardataires de la nuit. Une lame pour tout un groupe, sans aucune mesure d’hygiène. Résultat : des blessures, des infections potentielles et un profond sentiment d’humiliation.

Ces agents, formés pour défendre l’ordre, se transforment en bourreaux. Ce ne sont pas juste des actes d’abus, c’est un système qui écrase ceux qu’il est censé protéger. Et le pire ? Leur impunité. Que ce soit avant ou après la Transition, rien ne change. Ils agissent en toute liberté, comme si nos vies ne valaient rien.

Ce qui rend la situation encore plus absurde, c’est que ces coupures d’eau, comme celles d’électricité, étaient censées appartenir au passé. En octobre, on nous avait promis la fin de ces privations. Pourtant, dans nos foyers, l’eau et le courant jouent toujours à cache-cache. Parfois, on reste dans le noir, se demandant si la coupure durera des minutes, des heures ou des jours.

Et que dire des risques sanitaires liés à ce chaos ? Entre la rareté de l’eau propre et les infections provoquées par ces « coupes gratuites », c’est toute une population exposée. Les hôpitaux, déjà saturés, n’ont pas besoin de ces nouveaux « patients » fabriqués par des pratiques barbares.

Comment accepter qu’en 2024, dans un pays qui parle d’émergence, nous soyons encore réduits à de telles conditions ? Nos dirigeants promettent des changements, mais sur le terrain, la réalité est tout autre. L’eau, le courant et la dignité des citoyens sont systématiquement coupés, sans explication ni solution durable.

Ce qui choque encore plus, c’est le silence face à ces abus. Où sont les sanctions pour ces agents ? Où sont les politiques publiques pour améliorer la distribution de l’eau ? Pourquoi cette impunité continue-t-elle de régner ?

Certains habitants s’organisent malgré tout : groupes de veille, réservoirs collectifs, plaintes adressées aux autorités locales. Mais ces initiatives ne suffisent pas sans un réel soutien de l’État. Des solutions simples existent pourtant :

1- Réorganiser les horaires de distribution d’eau pour éviter les sorties nocturnes.

1- Installer des citernes communautaires accessibles en permanence.

3- Renforcer les mécanismes de contrôle pour mettre fin aux abus des forces de l’ordre.

Il est temps de cesser de normaliser l’inacceptable. Ces pratiques doivent cesser, et pour cela, il faut que les habitants s’unissent, témoignent et réclament leurs droits. Parce qu’en fin de compte, ce ne sont pas seulement les coupures d’eau et de courant qui nous touchent. Ce sont nos vies, nos rêves et notre dignité qui sont en jeu.

Dans ce chaos, je vais encore sortir ce soir, comme tant d’autres. Peut-être que cette fois, je reviendrai avec de l’eau. Peut-être même avec mes cheveux. Mais jusqu’à quand devrons-nous vivre ainsi ?

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