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Créol et le Ngori : reflet d’une réalité ou simple divertissement ?

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Le dernier morceau de l’artiste gabonaise Créol fait grand bruit. Elle met en scène un phénomène bien connu mais souvent tu : le « ngori ». Dans cette chanson, Créol clame : « Il faut payer », résumant ainsi une dynamique sociale où charme et avantages matériels se rencontrent dans un jeu d’échanges. Mais ce morceau est-il une simple distraction ou le miroir d’une réalité plus profonde ?

Dans le langage populaire, « ngori » fait référence à ces avantages qu’un individu obtient grâce à son apparence, certains de ses atouts ou son charme. Derrière ces faveurs apparemment « gratuites » se cache une logique impitoyable : rien n’est jamais sans coût. Dans un contexte où les opportunités économiques sont rares, le « ngori » devient pour certains une stratégie de survie, mais avec un prix élevé : celui de la marchandisation de soi.

Créol soulève une réalité. Derrière la légèreté apparente de sa chanson, elle expose une dynamique où le corps devient une monnaie d’échange. Et dans cette économie, chacun, homme ou femme, joue son rôle. Le « ngori » ne concerne pas uniquement les femmes, mais aussi les hommes qui en profitent ou qui s’y soumettent.

Beauté, marketing et TikTok

Imaginez un supermarché où les produits ne sont pas des objets, mais des humains. Certains brillent sous les projecteurs, sourient avec assurance, tandis que d’autres restent en retrait, se demandant comment attirer l’attention dans cette compétition féroce. Une cliente passe avec son caddie :

– « Toi, t’es top, mais trop basique. »
– « Toi, par contre, waouh, tu as tout compris : sourire Colgate, posture impeccable et ce petit air aguicheur… Je prends ! »

C’est absurde, non ? Pourtant, cela reflète ce que le « ngori » devient dans un monde où les réseaux sociaux transforment chacun en campagne publicitaire vivante. Une publication aguicheuse sur TikTok vaut aujourd’hui autant qu’une stratégie marketing pour Coca-Cola : tout est dans la présentation.

Ce phénomène n’est pas sans conséquences. Depuis 2020, la loi gabonaise reconnaît l’escroquerie sentimentale comme une infraction punie de six mois d’emprisonnement avec sursis et d’une amende pouvant atteindre un million de FCFA. Une sanction qui vise ceux qui « usent de manœuvres pour persuader ou faire naître de l’espérance afin d’obtenir des fonds ». Cela montre une prise de conscience légale face à des pratiques hier banalisées.

Le vrai problème n’est pas seulement dans le « ngori », mais dans ce qu’il reflète : la banalisation des relations sexuelles tarifées et la désacralisation du sexe. Dans une société où le corps devient un produit à vendre, l’humain est réduit à une étiquette de prix.

Pourquoi sommes-nous arrivés à un point où la valeur d’une personne repose plus sur son apparence ou son portefeuille que sur son caractère ou ses compétences ? Le « ngori » n’est pas un choix délibéré pour beaucoup, mais souvent une absence d’alternative dans une société marquée par les inégalités économiques et sociales.

Créol n’est pas là pour éduquer, mais sa chanson nous invite à réfléchir. Si nous voulons changer les choses, cela commence par une redéfinition de nos valeurs. Enseignons à nos enfants que leur valeur dépasse leur apparence physique ou leur richesse matérielle. Apprenons à nos filles qu’elles ne sont pas des produits à vendre, et à nos garçons que leur pouvoir ne réside pas uniquement dans leur portefeuille.

Créons également des opportunités économiques pour que chacun puisse construire un avenir sur des bases solides, grâce à ses talents et son travail. Sinon, le « ngori » continuera d’exister, non par choix, mais par nécessité.

En fin de compte, Créol a peut-être utilisé un ton provocateur, mais elle a mis le doigt sur un sujet sensible. Le « ngori » n’est pas juste une distraction. C’est un miroir tendu à notre société, nous forçant à nous interroger sur nos priorités et nos choix collectifs. Alors, divertissement ou réalité sociale ? Probablement un peu des deux.

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