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Féminicides : le Gabon face à une violence qui ne dit pas son nom

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Si vous êtes sur les réseaux sociaux, vous avez certainement vu passer l’histoire de Béatrice Nzang. Son ex-compagnon, Rodrigue Mintsa Menie, n’aurait pas accepté leur rupture et l’aurait traquée avant de lui infliger un supplice d’une barbarie extrême. Un énième féminicide, qui suscite une vive émotion et relance le débat sur les violences faites aux femmes au Gabon, ainsi que sur la nécessité d’une justice plus ferme.

Il y a des silences qui pèsent plus lourd que des cris. Celui qui entoure les féminicides au Gabon en fait partie. Chaque meurtre d’une femme par son conjoint, un proche ou un inconnu ne devrait pas être un fait divers, encore moins un accident tragique. Pourtant, la société continue de détourner le regard, comme si cette violence extrême était inévitable.

Le féminicide n’est pas un acte isolé, c’est l’aboutissement d’un long processus de violences banalisées, tolérées et parfois même justifiées. Certains pensent encore qu’exercer sa force sur une femme, « parfois », est normal. Ce conditionnement commence tôt : aucune éducation ne sensibilise réellement à ce qu’est une agression. Le respect du consentement, la détection des comportements violents, le droit des femmes à l’intégrité physique et morale sont des sujets qui restent largement sous-explorés dans les écoles, les foyers et même dans l’espace public.

Quand une société accepte l’idée qu’un homme puisse corriger sa femme, contrôler ses allées et venues ou la priver de liberté, elle pave la voie aux pires dérives. La violence commence par une insulte, un coup qui ne laisse pas de trace, une menace chuchotée à l’oreille. Puis viennent les coups visibles, les excuses forcées, les justifications absurdes – « elle l’a cherché, elle m’a énervé », « c’est une affaire de couple », « il était sous l’effet de la colère ». Et un jour, il n’y a plus d’excuses possibles, seulement un corps sans vie et un coupable qui, trop souvent, s’en sort avec peu ou pas de conséquences.

C’est là que la complaisance des autorités devient un problème de société. Quand une plainte pour violence conjugale est balayée d’un revers de main, quand un agresseur est libéré faute de « preuves suffisantes », quand les victimes sont renvoyées à leur sort, c’est un message qui est envoyé : ici, frapper ou tuer une femme n’est pas un crime qui mérite d’être pris au sérieux.

Et au cœur de tout cela, la misogynie. Ce poison insidieux qui fait croire que la femme est inférieure, qu’elle doit obéissance et soumission, qu’elle doit endurer en silence. Une société qui tolère l’humiliation des femmes, qui les réduit à des objets ou qui banalise leur souffrance ne peut que produire des bourreaux.

Mais ce qui tue encore plus sûrement que les coups, c’est le silence. Celui des proches qui détournent les yeux. Celui des voisins qui n’interviennent pas. Celui des témoins qui choisissent de ne pas dénoncer. Celui des institutions qui, en ignorant le problème, le rendent encore plus mortel.

Au Gabon, briser ce silence est une urgence. Parce qu’aucune femme ne devrait mourir pour avoir simplement été une femme.

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