GabonOpinionSociété

« Nous sommes Bantu » : l’excuse parfaite pour ne rien changer ?

c'est

Dans nos sociétés, il y a des phrases qui servent d’arguments massue, des répliques qui coupent court à tout débat et scellent le sort de toute discussion. L’une des plus populaires ? « Nous sommes Bantu. »

Cette phrase, qu’on pourrait croire anodine et qui est en passant un argument d’autorité, est en réalité une armure, un passe-droit, un bouclier inébranlable face au changement. Elle permet de justifier l’immobilisme, de sanctifier les hiérarchies les plus absurdes et de garantir que, quoi qu’il arrive, certaines personnes ne seront jamais remises en question.

L’aîné a toujours raison, même quand il a tort

Dans la logique Bantu, l’aîné est une figure d’autorité absolue. Son âge lui confère un savoir inattaquable, une sagesse supposée et une immunité totale contre la critique. Peu importe qu’il se trompe, qu’il répète des erreurs évidentes ou qu’il prenne des décisions hasardeuses : contester un aîné, c’est défier l’ordre naturel des choses.

Ainsi, même face à une évidence, le plus jeune doit ravaler ses arguments et se plier à la sentence de son aîné. Car « nous sommes Bantu », et chez nous, le respect prime sur la raison.

L’aîné veut toujours être le chef, même s’il est incompétent. D’ailleurs même en entreprise on a des gens qui pensent que le droit d’aînesse prévaut sur la hiérarchie. Quelqu’un voudra envoyer son collègue sur la simple base qu’il est plus âgé. Il va oublier formule de politesse et bienséance et va brandir ça en mode c’est la carte magique qui lui confère tous les droits. Lol, chien ! Tu penses que tu vas brimer qui ?

Cette vénération aveugle pour l’âge se répercute aussi sur le leadership. Dans une entreprise, une association, une famille, celui qui est le plus âgé se sent automatiquement investi du droit de commander. Peu importe qu’il ne comprenne rien à la gestion, qu’il prenne des décisions à l’instinct ou qu’il refuse de s’adapter aux nouvelles réalités : il est le chef, parce que… « nous sommes Bantu. »

Et malheur à celui qui oserait proposer une autre approche, suggérer que peut-être, la compétence devrait primer sur l’ancienneté. On lui rétorquera qu’il est insolent, qu’il manque de respect, qu’il ne comprend pas la culture.

La tradition comme excuse à l’immobilisme

Cette phrase est le bouclier ultime contre tout progrès. Car en affirmant « nous sommes Bantu », on place la tradition au-dessus de toute évolution possible. Besoin de réformer un système de gouvernance ? Impossible, car ce n’est pas ainsi que faisaient nos ancêtres. Envie d’instaurer plus de méritocratie ? Impensable, car l’ordre établi doit être respecté.

Bien sûr, personne ne dit qu’il faut balayer la culture et ses valeurs. Mais il est essentiel de se demander si elle doit être une boussole qui nous guide ou une prison qui nous enferme.

Et si on devenait Bantu différemment ?

Être Bantu ne devrait pas signifier s’accrocher à des pratiques dépassées ou refuser le progrès sous prétexte de respect des anciens. Si la culture est vivante, alors elle doit évoluer.

Peut-être qu’il est temps d’accepter que l’aîné n’a pas toujours raison. Peut-être que le leadership ne devrait pas être une question d’âge mais de compétence. Peut-être que nous pouvons être Bantu, tout en avançant.

Ou alors, on peut continuer comme avant. Après tout, « nous sommes Bantu. »

N'oubliez pas que vous avez vous aussi la possibilité de nous envoyer vos textes pour encourager, dénoncer et sensibiliser. Envoyez vos contributions à l'adresse ungabonaisnormal@proton.me. On publie en anonyme, sauf mention contraire, et nos messageries sont ouvertes au besoin.