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Le calvaire d’un gabonais lambda

c'est

6h30. Réveil. Enfin, pas vraiment. C’est mon téléphone qui vibre parce qu’il me reste à peine 10 % de batterie. Coupure d’électricité cette nuit, encore. J’ai dormi comme dans un sauna, avec un ventilateur qui n’a servi qu’à la déco et des moustiques qui ont organisé un festin sur mes jambes. Je me lève, direction la douche. L’eau sort en mode filet d’espoir, mais bon, faut faire avec.

7h15. Départ pour le boulot. Premier dilemme de la journée : clando ou taxi ? Le taxi veut 700, je proteste, il me répond : « Tu veux ou tu veux pas ? ». Bon. Clando, alors. Sauf qu’il est plein et me regarde comme si j’étais une valise en trop. J’insiste, le chauffeur soupire et me fait signe de monter.

7h35. On roule enfin. Cinq minutes plus tard, premier barrage de police. Contrôle de routine, qu’ils disent. Le chauffeur descend, palabre, revient. « C’est à cause de ça que je n’aime pas venir ici, tu prends quelqu’un à 500 tu vas donner 1 000f aux gens là ». Hein ?! Donc en fait, moi aussi, je paie l’amende du clando ? On proteste un peu, mais bon, il faut arriver au boulot.

8h10. Embouteillage. Et pas un petit. On avance à la vitesse d’une tortue fatiguée. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a que deux vraies routes dans cette ville et que tout le monde est dessus. Taxis, camions, 4×4 climatisés de ceux qui ne vivent pas « en bas ». Et moi, en costume, collé à la fenêtre, une goutte de sueur traçant son chemin sur ma tempe. Je regarde le chauffeur. Il met la radio. Un discours qui parle du développement du pays. Ironie du sort.

Et c’est là qu’on nous parle d’élections. Encore une fois, on va nous promettre monts et merveilles, des routes dignes de Dubaï, des universités aux équipements high-tech, et bien sûr, “un avenir radieux pour notre jeunesse”. On connaît la chanson, on l’a écoutée en boucle depuis trop longtemps. Mais moi, ce que j’attends du prochain président, c’est pas qu’il me promette 2035.

Moi, je veux savoir comment je vais faire demain matin. Est-ce que je vais encore galérer pour trouver du manioc à un prix raisonnable ? Est-ce que le pain va encore prendre 50 francs d’augmentation pendant qu’on nous parle de “plan de développement durable” ? Est-ce que je pourrai enfin rentrer chez moi sans craindre que mon quartier soit dans le noir ? Je ne veux plus entendre parler de projets “long-termistes” qui ne concernent que mes arrière-petits-enfants. Non, dites-moi plutôt comment, dès demain, mon quotidien peut redevenir vivable.

12h30. Pause déjeuner. Je vais acheter du pain. Hier encore, c’était 150. Aujourd’hui, c’est 200. Je regarde le vendeur, il me regarde, je le regarde encore. Finalement, je paie sans rien dire. Pas le courage.

17h00. Fin du boulot. Retour au combat. Cette fois, pas de clando. Je prends un taxi. 800 francs. Arrêt surprise de la police. Encore. Contrôle, palabres. Je paie et descends avant de me faire ruiner.

19h00. À la maison. Enfin. Pas de lumière. Toujours pas d’eau. Mais demain, on va encore nous dire qu’on est sur la bonne voie, que le pays avance. Moi, je veux juste que mon pain revienne à 125 et que mon quartier ne ressemble plus à une scène post-apocalyptique chaque soir.

Alors oui, les élections arrivent. Oui, on va encore nous vendre du rêve, des projets futuristes et des phrases pleines d’espoir. Mais moi, ce que je veux savoir, c’est comment on fait pour vivre maintenant, aujourd’hui, demain matin. Parce que 2035, c’est bien joli, mais j’ai encore une longue route à faire demain et je ne suis même pas sûr que mon téléphone aura assez de batterie pour me réveiller.

Alors voilà, je vais lire les programmes de campagne. Un par un. Et celui qui me dira, avec des arguments concrets, qu’il mettra le peuple et son bien-être au centre de tout, c’est lui que je suivrai. 

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