C’est « Je » qui a lancé ce projet. C’est « Je » qui a décidé d’augmenter les salaires. C’est « Je » qui a financé la réhabilitation de cet hôpital. C’est « Je » qui a offert cette enveloppe aux étudiants en difficulté.
Un « Je » qui s’infiltre partout, comme un refrain entêtant. Sauf qu’ici, ce n’est pas une chanson, c’est une gouvernance. Et il y a un problème.
L’État, ce n’est pas vous.
Que l’on s’entende bien : nul ne conteste votre rôle de chef d’orchestre de cette transition. Vous êtes celui qui donne le tempo, qui impulse les décisions. Mais derrière chaque mesure, chaque action, chaque avancée, il y a des ministres, des techniciens, des fonctionnaires, des forces vives qui œuvrent, qui exécutent, qui traduisent vos orientations en actes concrets.
Alors pourquoi les effacer ? Pourquoi donner cette impression que l’État se résume à votre personne ? Ce pays n’est pas une start-up où l’on glorifie le « self-made-man » aux décisions visionnaires. C’est une République, avec des institutions, une administration et des moyens qui appartiennent à tous.
Quand vous octroyez une aide financière, ce n’est pas une donation personnelle, c’est de l’argent public. Quand vous inaugurez un projet, ce n’est pas le fruit de votre seule générosité, c’est un processus collectif financé par l’impôt des citoyens.
Le « Je » confisque, le « Nous » rassemble.
Votre insistance à tout personnaliser finit par dessiner un portrait qui ne joue pas forcément en votre faveur.
Au sein de votre équipe, certains doivent commencer à ressentir un léger agacement. Travailler dans l’ombre, se démener, et voir, au final, toutes les réalisations estampillées d’un « Je » exclusif… Ça finit par créer du ressentiment. Et à long terme, cela peut miner la cohésion de votre entourage.
Quant aux citoyens, le message qu’ils reçoivent est biaisé. Ce culte du « Je » donne l’impression d’un chef solitaire, d’un pouvoir centralisé, d’une gouvernance où le collectif s’efface devant une seule figure.
À l’international aussi, l’image peut être mal perçue. Les partenaires étrangers, toujours attentifs aux signaux de personnalisation excessive du pouvoir, pourraient y voir un excès d’ego, une dérive vers un autoritarisme feutré. L’histoire africaine regorge de leaders qui, à force de tout ramener à eux, ont fini par confondre leur destin personnel avec celui de leur pays. Or, la transition a été portée sur la promesse d’un renouveau.
Médias training en urgence : insérer « Nous » dans le discours
Monsieur le Président, il est encore temps de corriger le tir. Vos collaborateurs doivent être mis en avant. Il faut valoriser le travail d’équipe, montrer que la transition est l’œuvre d’un ensemble et non d’un seul homme.
Un bon exercice serait de reprendre vos derniers discours et de remplacer chaque « Je » par un « Nous ». Vous verrez : c’est plus rassembleur, plus humble, plus efficace.
En politique, les mots ne sont pas anodins. Ils construisent une perception. Et si vous voulez que l’histoire retienne que cette transition a été une œuvre collective, il faut commencer dès maintenant à le dire.
Alors, Monsieur le Président, la prochaine fois que vous prendrez la parole, essayez : « Nous avons décidé », « Nous avons fait », « Nous avons œuvré ».
Vous verrez, ça sonne bien aussi.