Il faut le dire clairement : certaines choses avancent. Et parfois, dans le silence le plus total.
Mais voilà, ces plateformes existent dans un quasi-silence institutionnel. Pas de campagne de sensibilisation, pas de pédagogie, pas de mise en valeur. Comme si, une fois le chantier numérique lancé, il fallait surtout éviter que trop de gens l’utilisent. Et ce paradoxe, on le connaît : on parle de transformation digitale, mais on ne fait rien pour l’incarner.
La vérité, c’est que le numérique n’est pas une vitrine, c’est un outil. Et un outil, ça s’emploie. Dans un pays où les files d’attente sont encore la norme pour le moindre papier, dématérialiser, ce n’est pas faire moderne : c’est désengorger, simplifier, dignifier. C’est permettre à une veuve de province d’avoir accès à son dossier sans prendre le bus à 4 h du matin pour Libreville. C’est offrir à un jeune développeur la possibilité d’intégrer un service sans piston, juste avec son talent et un formulaire en ligne.
Et puis, il y a cette plateforme qu’on attend toujours : un portail national pour les examens et concours. Parce que soyons honnêtes, ceux qui ont déjà tenté de déposer un dossier savent ce que ça signifie : remplir un formulaire à la main, faire des photocopies en cascade, chercher des timbres fiscaux, puis faire la queue pendant des heures, parfois après avoir quitté une province entière pour venir à Libreville, avec l’espoir que le dossier ne sera pas refusé pour un détail.
Chaque année, ce sont des milliers de jeunes qui vivent ce parcours absurde, simplement pour déposer un dossier. On parle d’un pays où l’on prétend moderniser l’administration, mais où postuler à un concours relève encore d’un véritable parcours du combattant.
Une plateforme dédiée permettrait pourtant de :
• centraliser les annonces de concours,
• permettre le dépôt de dossier en ligne,
• suivre l’évolution de son dossier ou la publication des résultats,
• et surtout, rendre l’accès aux opportunités plus équitable, peu importe qu’on vive à Libreville ou à Makokou.
Et derrière cette absurdité, il ne faut pas oublier les fonctionnaires eux-mêmes. Ceux à qui l’on confie, bien souvent sans préparation ni moyens, la tâche de réceptionner, trier à la main des centaines voire des milliers de dossiers papier. En 2025. Pendant qu’ailleurs on parle d’intelligence artificielle, ici, un agent administratif doit passer ses journées à classer des photocopies, vérifier des dossiers incomplets, courir après des signatures.
Ce n’est plus seulement un manque d’efficacité. C’est une forme de maltraitance institutionnelle. On oublie que les premiers à souffrir de l’absence de numérisation, ce sont aussi les agents de l’État, coincés dans des tâches répétitives, chronophages, frustrantes – là où des outils simples pourraient les soulager, leur faire gagner du temps, et leur permettre de se concentrer sur des missions à plus forte valeur.
Automatiser le dépôt, le tri et la présélection des candidatures, ce n’est pas une utopie. C’est un standard ailleurs. Et ce n’est même pas une question d’argent. C’est une question de volonté.
Last modified: 05/06/2025