Mais au-delà de cette vitrine marketing, il y a une vérité moins glamour qu’on cache trop souvent : l’entrepreneuriat demande du cardio. Du vrai. Du lourd. Et parfois, ça te rend fou.
Parce qu’entreprendre au Gabon, ce n’est pas juste avoir une idée et foncer. C’est jongler entre mille obstacles pendant que tout le monde s’attend à ce que tu réussisses vite, bien, sans faillir.
Pendant que dans d’autres pays on accorde des exonérations, des aides, du répit pour te laisser le temps de comprendre ton marché, de stabiliser ta trésorerie et de construire quelque chose de viable, ici, dès que l’ANPI t’a remis ta fiche circuit, tu deviens une vache à traire. Et tout le monde veut son seau de lait.
La mairie te taxe, la DGCCRF te visite comme si tu cachais des armes, les impôts t’alignent comme si tu gérais une multinationale. Même si tu n’as encore rien vendu, on t’explique que “c’est la procédure”. Et comme beaucoup ne connaissent pas leurs droits, ou n’ont pas de piston pour se défendre, tu peux te retrouver à fermer boutique ou à encaisser des amendes qui dépassent ton chiffre d’affaires.
Mais l’administration, ce n’est que le premier boss du jeu.
Viennent ensuite les clients.
Certains impolis, d’autres condescendants. Beaucoup pensent que consommer chez toi, c’est te faire une faveur. Que tu leur es redevable, et que tu dois presque t’excuser d’oser leur vendre un service. Parce que oui, ici, on a mal interprété l’expression “le client est roi”. On pense qu’elle donne droit au mépris, à la familiarité, au rabais systématique. Sauf que non. Un entrepreneur n’est pas ton larbin. Beaucoup sont diplômés, formés, passionnés. Ils ont fait un choix de cœur ou de raison. Ils méritent le respect, pas la condescendance.
Et puis il y a les saboteurs.
Ceux qui te mettent des bâtons dans les roues non pas parce que tu fais mal, mais parce que tu fais bien. Parce que tu proposes une solution simple, accessible, innovante. Et comme eux ont prospéré en embrouillant les gens, ta clarté les dérange. Alors on cherche un vice de forme, un manquement administratif, une faille dans ton parcours pour te faire tomber. Ici, réussir proprement, c’est presque suspect.
Tu proposes une application pour faciliter un service ? Tu deviens l’ennemi. Tu rends un processus transparent ? On crie au scandale. Parce que si tout devient fluide, les “mange-mille” ne peuvent plus mystifier les autres. Et plutôt que de s’adapter, ils préfèrent t’éliminer.
Et si tu as le malheur d’avoir du succès, prépare-toi à l’autre poison de notre époque : les rumeurs.
Il suffit qu’un inconnu sur Internet ne t’aime pas pour que ton nom devienne une cible. Faux avis, insinuations, calomnies… Et si ton entreprise en prend un coup ? Tant pis. Quand tu fermeras, ce seront les premiers à te dire : “Force à toi 🙏”. Hypocrisie 2.0.
Dans tout ça, tu continues.
Tu tiens ton salon de prothésie ongulaire, où tu sculptes des ongles pendant dix heures d’affilée. Tu tiens ton petit resto, où tu cuisines à feu doux tout en gérant les livraisons, les commandes, les pannes d’électricité et les clients qui veulent le menu à crédit. Tu vends tes habits, tu gères ton spa, tu proposes des services digitaux, tu formes d’autres jeunes. Bref, tu tiens la baraque. Même quand elle brûle.
Et oui, tout n’est pas parfait du côté des entrepreneurs non plus.
Certains ne sont pas professionnels. Certains livrent mal. D’autres ne respectent pas les horaires, ou confondent leadership et tyrannie. Il y a des managers toxiques, des abus internes, des caisses mal gérées. Mais ça, c’est un autre sujet. Et surtout, ce n’est pas une excuse pour écraser ceux qui, chaque jour, essaient de construire quelque chose à la sueur de leur front.
Entreprendre au Gabon, c’est un choix courageux.
C’est poser une brique là où tout le monde te dit que le mur va tomber.
C’est croire en ton rêve même quand tout pousse à l’abandon.
C’est créer de l’emploi, résoudre des problèmes, participer à l’économie locale avec les moyens du bord.
Et parfois, juste survivre, c’est déjà un exploit.
Alors, si on veut que les choses changent vraiment :
L’État doit accompagner au lieu d’étrangler.
Les clients doivent respecter au lieu de mépriser.
Les proches doivent soutenir au lieu de décourager.
Et nous tous, devons comprendre une chose simple :
Derrière chaque petite entreprise, il y a un rêve, un combat, un gagne-pain.
Et si on n’a rien de constructif à dire, qu’on apprenne simplement à se taire.
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Last modified: 05/06/2025