Au Gabon, dire qu’on n’a pas d’argent, c’est comme avouer qu’on a trahi la patrie. On te regarde comme si tu venais de dire “je suis contre les piments dans les bouillons”. L’impensable. Et dans ce climat de suspicion financière permanente, certaines personnes ont développé un sixième sens de ton portefeuille.
Les urgentistes émotionnels
Ceux-là ont des urgences… dans ton argent. Oui, oui. Pas dans le leur. Leur mère doit se faire opérer. Leur cousin a raté le bus. Le chien du voisin a mangé leur dernier billet de 5.000. Tout est possible. Et TOI, tu deviens leur SAMU personnel. Et si jamais tu dis non, attention : ils basculent dans le mélodrame.
“Tu as changé, hein. Avant tu étais simple.”
Traduction : tu n’es plus rentable. Donc tu n’as plus d’utilité.
Et là, on te sort la phrase assassine :
“Je sais que tu es fauché mais fais un effort.”
Traduction libre : menteur, je sais que tu caches quelque chose.
Ils parlent comme si tu avais un compte secret dans une banque suisse, et qu’on était dans un épisode de “Inspecteur Mabounda.”
LES JAMAIS-LÀ
Tu les aides une fois, deux fois, quinze fois. Tu es là quand ils tombent. Tu es là quand ils pleurent. Tu es même là quand ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Mais le jour où toi-même tu tousses, silence radio. Le réseau coupe bizarrement. Ils deviennent invisibles, muets, occupés, en prière ou “en mode avion.”
Ce sont eux aussi qui envoient des statuts genre :
“La vraie amitié, c’est dans les moments difficiles.”
Sauf que dans leur film, les moments difficiles, c’est uniquement pour les autres. Eux, ils ont juste signé pour encaisser, jamais pour donner.
Les analystes de ta galère
Toi-même tu fais des calculs, tu bouffes sans jus, tu annules des sorties, tu compresses le budget à mort. Mais eux, au lieu de te demander “tu tiens comment ?”, ils demandent :
“Mais tu fais quoi de ton argent ?”
“Tu n’économises pas un peu aussi ?”
“Tu bois trop les sucreries là.”
Merci pour le conseil, coach financier, mais là je n’ai même pas de quoi acheter une banane.
Et attention, ces gens-là ne t’aident pas. Non non. Mais ils te jugent quand même.
Les ingrats à mémoire sélective
Là, on touche un point sensible. Ce sont les plus dangereux. Tu les aides quand ils sont dans la misère. Tu fais des efforts même quand tu n’as presque rien. Tu grattes pour eux, tu fais des sacrifices, tu fais des avances sur ton malheur. Mais le SEUL jour où tu dis non – pas parce que tu ne veux pas, mais parce que tu ne peux pas – c’est fini.
Tu deviens l’égoïste, le cœur sec, le faux gars.
Et comme si ça ne suffisait pas, ils disent même aux autres que tu n’aides jamais. Comme si tu étais une illusion.
Et là, tu restes là à te demander :
“Donc tout ce que j’ai fait là, c’était des rêves ?”
VOUS FATIGUEZ LES GENS !!!
La vérité, c’est que dans ce pays, beaucoup confondent générosité et obligation. Ils croient que parce que tu as donné une fois, tu as signé un contrat à vie. Or même les ONG ont des limites.
Alors oui, tu peux dire non.
Oui, tu as le droit d’être fauché.
Et non, tu n’es pas obligé de t’endetter pour entretenir des gens qui, de toutes façons, ne seront même pas là pour t’acheter un Doliprane si tu tombes malade.
Et la prochaine fois qu’on te dit :
« Je sais que tu es fauché, mais fais un effort…»
Réponds doucement :
“Je fais déjà un effort monumental en souriant avec 432 francs dans mon compte. On va s’en tenir là.”