Depuis juillet 2019, une nuance légale permet l’interruption thérapeutique de grossesse (ITG) — mais seulement dans ces cas limités, et jusqu’à 10 semaines de grossesse :
– malformations physiques graves ou incurables du fœtus ;
– danger grave pour la vie de la mère ;
– grossesse résultant de viol, d’inceste, ou si la mineure est en état de détresse grave.
Des limites médicalement absurdes
Dix semaines d’aménorrhée (soit 3 mois après les dernières règles) est une limite trop courte pour diagnostiquer les anomalies fœtales.
À ce stade, la première échographie n’a souvent pas encore eu lieu — ou ne sert qu’à dater la grossesse, pas à détecter les malformations.
Les tests spécifiques comme l’amniocentèse ne sont possibles qu’à partir de 15–18 semaines. Résultat : la majorité des cas ne seraient ni détectés ni pris en charge dans les temps.
Et pour les victimes de viol ?
Les séquelles psychologiques d’un viol sont souvent profondes, parfois déniées ou découvertes tardivement. Se limiter à 10 semaines, c’est ignorer la réalité traumatique : les législateurs n’ont jamais été en contact réel avec ces victimes, et ça se sent dans la loi.
Politique nataliste vs réalité sociale
Le Gabon affiche un attachement fort à une politique nataliste : repeupler un pays de 2 millions d’habitants. Pourtant :
– 1 femme sur 2 entre 15 et 19 ans est concernée par une grossesse précoce.
– 28,8 % des décès maternels en 2001 étaient liés à des avortements clandestins.
– 40 % des filles de moins de 25 ans rapportent avoir déjà eu recours à un avortement clandestin.
Statistiquement, cela montre qu’une loi restrictive n’empêche pas l’avortement – elle le rend dangereux.
Parallèlement, la gratuité de l’accouchement est limitée (jeunes femmes assurées de plus de 18 ans). En matière d’éducation, les infrastructures sont saturées, les enseignants absents, et la violence scolaire fréquente. Pour les enfants abandonnés ou handicapés, les structures d’accueil sont rares ou inadaptées.
Une loi inégalitaire
Les femmes aisées pourront contourner la loi (cliniques privées, déplacements).
Les plus pauvres seront exposées aux pilules de rue, à des méthodes artisanales dangereuses, voire mortelles – infections, infertilité, hémorragies, décès.
Conclusion : cette loi ne protège personne vraiment.
Elle punit, exclut et expose les femmes vulnérables — ce qui est contraire à tout principe de justice sociale.
Pourquoi légaliser ?
– Santé publique : réduire les décès maternels.
– Égalité sociale : garantir un droit pour toutes, non seulement les riches.
– Justice de genre : permettre aux femmes de disposer de leur corps comme les hommes.
– Dignité psychologique : accompagner les victimes de viol ou détresse dans la durée, sans contrainte abusive.
Prochaines étapes possibles
– Dépénaliser l’avortement jusqu’à 12–14 semaines, avec exceptions pour les cas graves tout au long de la grossesse.
– Renforcer l’accès aux contraceptifs et à l’éducation sexuelle.
– Garantir un suivi médical et psychologique adapté pour les mineures, les victimes de viol et les jeunes mères.
– Améliorer les services sociaux : orphelinats, écoles adaptées, accès aux soins, structures pour enfants handicapés.
En résumé, cette loi n’est pas neutre : elle est punitive, sexiste, inégalitaire.