Dans d’autres pays, mourir avant 30 ans, c’est un drame rare, presque inconcevable.
Chez nous, c’est devenu une expérience familière, parfois même attendue.
Pas parce que nos vies valent moins, mais parce que tout autour semble conspirer pour les raccourcir.
Ce n’est pas une fatalité. Ce n’est pas une affaire de destin.
C’est le poids du sous-développement.
Ce sont ces soins qui arrivent tard, ces maladies qu’on laisse s’installer, ces routes qui éloignent encore plus les secours, ces médicaments inaccessibles.
C’est cette résilience qu’on ne choisit pas, cette force qu’on mobilise toujours, faute de mieux.
Et ces phrases qu’on répète pour tenir : « On va encore faire comment… »
Et je me demande souvent : pourquoi ce n’est pas le premier sujet des politiques publiques ?
Pourquoi le simple fait de vivre plus longtemps, en bonne santé, dans la dignité, n’est-il pas l’objectif premier ?
Parce que la vérité, c’est que beaucoup de nos morts ne sont pas naturelles.
Elles sont la conséquence directe d’un système qui ne prévient pas, qui n’écoute pas, qui réagit tard.
On meurt de fatigue chronique, de stress permanent, de conditions de vie indignes.
On meurt de trop s’adapter, tout le temps, à tout.
Il y a quelques années, j’ai commencé à compter les personnes que j’avais connues, croisées, aimées — mortes avant 60 ans.
Je me suis arrêté à 15.
J’avais à peine 30 ans.
Et à chaque retour au pays, c’est ce décalage qui me frappe en plein cœur.
Ce constat dur : vieillir reste un privilège.
Alors quand on parle de jeunesse en Afrique, j’aimerais qu’on parle aussi de ce qui l’empêche de vieillir.
Qu’on réfléchisse à ce que cela signifie, concrètement, de la mettre « au cœur de l’action politique ».
Parce que prendre soin de sa jeunesse, ce n’est pas seulement l’écouter ou la divertir.
C’est lui garantir un accès aux soins, un emploi digne, un logement salubre, une éducation solide, un environnement sûr.
C’est lui permettre de vivre, et de vivre longtemps.