Peut-être que nous ne nous aimons pas assez. Je ne sais pas…
Dans ma vie professionnelle, j’ai croisé beaucoup de profils. Autant au Gabon qu’à l’international.
Je vais volontairement passer sur la partie internationale – ce n’est pas le sujet.
Ce qui m’intéresse ici, c’est cette dynamique étrange qui s’installe lorsqu’on travaille entre Gabonais.
Et je pèse mes mots : nous sommes capables de rigueur, tant que nous ne sommes pas entre nous.
Prenons un exemple banal. Une procédure à suivre pour une demande de visa :
Aucune ambiguïté. Aucun passe-droit. Aucun retard.
On réunit les documents, on prend rendez-vous en ligne, on respecte le protocole.
Sérieux. Efficacité. Respect des règles.
Mais dans une administration locale ?
Tout change.
Même pour l’opération la plus basique, on cherche un contact ou un “piston”.
Pourquoi ? Parce que bien souvent :
– les procédures sont mal définies, mal communiquées, ou inexistantes,
– les agents censés nous orienter sont absents, injoignables ou occupés à faire tout sauf leur travail,
– la norme devient l’arrangement, l’exception devient la règle.
Et ici, on ne peut pas parler seulement des agents.
Les managers aussi ont une lourde part de responsabilité.
Ceux qui sont payés pour organiser le travail, mais qui ne sont jamais disponibles.
Ceux qui n’expliquent rien mais attendent tout.
Ceux qui t’accueillent dans une entreprise sans même prendre cinq minutes pour te former ou t’orienter.
Leur seule attente : “que tu fasses le travail” – comme par magie, sans outil, sans cadre.
Peut-être que tout cela tient à une chose plus profonde.
Peut-être que nous ne nous aimons pas assez.
Ou, dit autrement : peut-être que nous ne nous respectons pas assez.
J’ai souvent entendu cette phrase glaçante lors de mes échanges avec des prospects :
“Je ne savais pas que des Gabonais pouvaient faire ça.”
Ce n’est pas seulement blessant. C’est révélateur.
On ne croit pas en nous-mêmes.
On valorise davantage ce qui vient de l’étranger, non pas parce que c’est forcément mieux, mais parce que ça nous semble plus crédible. Plus sérieux. Plus contractuel.
Et pourtant, dès qu’un Gabonais ose appliquer cette même rigueur, on le taxe de “compliqué”.
On le met à l’écart.
Parce que la médiocrité est devenue la norme attendue.
Parce que trop bien faire dérange.
Alors non, je ne pense pas exagérer.
Ce n’est pas une affaire de compétence.
C’est une affaire de mentalité collective, de respect mutuel, de structures absentes et de confiance trahie.
C’est ce que nous devons combattre.
Pas demain. Maintenant.