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Père avant l’heure : comment la paternité précoce m’a façonné

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Je n’avais pas prévu de devenir père si tôt. En classe de 3ᵉ, mon premier enfant est arrivé. En Terminale, le second. Je n’étais encore qu’un adolescent, et tout a basculé.

Avant eux, j’étais comme beaucoup de jeunes garçons : insouciant, le regard tourné vers l’avenir, occupé à profiter de la vie sans vraiment penser à ce que serait demain. Et puis, d’un coup, le demain est arrivé plus vite que prévu. Il a pris la forme de deux petits êtres fragiles qui dépendaient entièrement de moi. Ce jour-là, j’ai compris que ma vie ne m’appartenait plus vraiment.

Il a fallu grandir. Vite.

Apprendre à gérer un budget quand on n’a presque rien en poche. Réfléchir à chaque dépense. Dire non à certaines envies pour pouvoir dire oui à leurs besoins. Revoir mes priorités, abandonner certaines habitudes, certains rêves même. Assumer.

Mes parents étaient là, mais dans ma tête, je me répétais : “C’est mon devoir. C’est à moi d’assurer.” Pas à eux. Pas à un oncle, pas à un ami. Moi. Parce que c’étaient mes enfants, ma responsabilité, ma fierté aussi.

Je veux remercier celle qui les a portés. Pour le courage face aux regards parfois lourds de jugement, pour les épreuves traversées ensemble, pour les concessions silencieuses. Rien n’a été simple.

Être père très jeune, ce n’est pas seulement affronter les difficultés. C’est aussi apprendre à savourer les moments qui, parfois, passent inaperçus. Les écouter raconter leurs histoires farfelues. Répondre à leurs questions, même quand elles m’embarrassent ou me dépassent. Rire avec eux à en oublier les soucis. Les regarder grandir et se dire : “C’est moi qui les ai mis là, sur ce chemin.”

C’est stresser avec eux la veille d’un examen. C’est sentir son cœur se serrer quand la fièvre les cloue au lit. C’est se sentir impuissant quand on n’a pas la réponse, pas la solution, pas les moyens. Et parfois, c’est pleurer en silence. Mais se relever, toujours. Parce qu’on ne peut pas se permettre de rester à terre.

Oui, j’ai eu peur.

Peur de ne pas être à la hauteur, peur de reproduire les erreurs que j’ai connues, peur de les décevoir. Mais la paternité m’a appris une vérité simple : on ne naît pas père, on le devient. Chaque erreur, chaque effort, chaque geste compte.

Être père trop tôt m’a volé une partie de mon adolescence, mais m’a offert bien plus que ce que j’aurais pu imaginer : un sens à ma vie. Ces deux êtres m’ont forgé, m’ont appris la patience, la résilience et l’amour inconditionnel.

Si je parle aujourd’hui, ce n’est pas pour me plaindre. C’est pour dire aux plus jeunes : faites attention.

Protégez-vous.

Ne laissez pas un moment de plaisir décider à votre place de ce que sera votre vie.

Avoir un enfant, c’est magnifique… mais c’est aussi un engagement total, qui demande des sacrifices que vous n’imaginez même pas à votre âge.

Ne vous précipitez pas. Prenez le temps de finir vos études, de construire votre vie, de devenir vous-même avant d’être responsable d’un autre être. Vous ne pouvez pas verser dans un verre vide.

Et si un jour, vous devenez parents, soyez présents. Pas juste physiquement. Écoutez, accompagnez, rassurez. Même quand vous n’avez pas la solution, montrez que vous êtes là. Parce qu’au fond, ce dont un enfant a le plus besoin, ce n’est pas d’un parent parfait, mais d’un parent qui ne lâche jamais.

Aujourd’hui, je ne sais pas si je suis le meilleur des pères. Mais je sais une chose : je fais de mon mieux, chaque jour, pour qu’ils ne manquent de rien, pour qu’ils se sentent aimés, pour qu’ils sachent qu’ils peuvent compter sur moi. Toujours.

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Last modified: 13/08/2025