Auteur/autrice : Assoumou

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Le Banquet des Illusions

Dans la grande savane, un événement grandiose se préparait : un banquet. Tous les animaux étaient invités, du plus petit au plus grand. La table était dressée sous l’ombre d’un baobab centenaire, et tout semblait parfait… ou presque.

Le Lion, chef de la savane, tout fier dans sa crinière dorée, occupait déjà la place d’honneur. “Ah ! Regardez-moi, je suis l’incarnation de la majesté”, pensait-il, tandis que ses admirateurs, principalement des gazelles un peu naïves, s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Le Lion ronronnait de plaisir. Mais au fond de lui, une petite voix murmurait : “Est-ce que ces gazelles m’aiment vraiment, ou est-ce que c’est juste la peur qui les fait s’agenouiller ?”

Puis arriva l’Hyène. Ah, l’Hyène ! Il était le genre d’animal qu’on reconnaît à son rire strident et à son sourire aussi large que ses ambitions. Ancien allié du Lion, il n’était plus que l’ombre de lui-même, mais toujours aussi rusé. “Je suis tellement charmant, n’est-ce pas ?” se disait-il en s’approchant des invités. Avec sa belle langue de serpent, il susurrait des paroles sucrées à la Tortue, qui, elle, ne pouvait s’empêcher de lever un sourcil, incrédule. “Le Lion a vécu ses plus belles années, hein ? Peut-être qu’il est temps de confier le pouvoir à quelqu’un qui sait s’amuser… comme moi !” disait-il d’un ton enjôleur. La Tortue, un peu lassée, répondit simplement : “Oui, bien sûr… et pourquoi pas un jour une girafe à la tête de l’assemblée ?”

Les gazelles, dans leur naïveté charmante, ne comprenaient pas bien. Elles étaient trop occupées à admirer le Lion, à sauter joyeusement autour de lui, pour écouter les sages conseils de la Tortue. Après tout, qui a le temps de méditer sur la sagesse quand on peut gambader sous le soleil ?

Et puis… voilà qu’arrivent les rats. Ah, les rats ! Ces petits malins n’étaient pas invités, bien sûr, mais ils avaient un sens du timing à toute épreuve. Déguisés en zebres et en antilopes, ils se faufilèrent sous la table comme des ombres. “C’est bien mieux que le buffet du marché !” chuchotèrent-ils entre eux. Et, sans vergogne, ils commencèrent à se servir, sans jamais se soucier des regards accusateurs qui les ignoraient. Ils prenaient tout, se glissant à droite et à gauche. “S’il y a bien quelque chose qu’on peut apprendre des lions, c’est qu’il faut prendre ce qui est à ta portée”, pensa un rat, les dents pleines.

Le banquet, au départ si raffiné, se transforma en une scène de chaos organisé. Le Lion, trop occupé à se faire admirer, n’avait pas vu les rats dévorer ses réserves. L’Hyène, tout sourire, faisait des compliments à tout le monde, sauf au Lion, qui commençait à se demander si son trône n’était pas en danger. La Tortue, quant à elle, en avait assez de cette comédie. “Ah, quel spectacle !” soupira-t-elle. “Le vrai pouvoir réside dans le silence, pas dans la rapidité. Dommage que tout le monde soit trop occupé à courir après l’illusion.”

Finalement, lorsque les festivités touchèrent à leur fin, personne ne s’avoua qu’un certain nombre de plats avaient disparu mystérieusement. Les gazelles étaient toujours pleines d’admiration pour le Lion, mais quelques-unes avaient remarqué que le banquet avait perdu de son éclat. L’Hyène, lui, était déjà en train de planifier son prochain coup. Quant à la Tortue, elle repartit lentement, le sourire aux lèvres. Elle savait que la vraie leçon viendrait avec le temps.

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ÉlectionsGabonPrésidentielles2025Société

Trois semaines pour exister…

Vous déplorez — non sans raison — une scène devenue tristement banale : celle de citoyens agitant leur carte d’électeur comme une menace, au Trésor Public, dans l’espoir d’un rappel, d’un dû. Vous y voyez du chantage politique. Soit. Mais permettez-moi de poser la question autrement : que leur reste-t-il d’autre ?

Dans ce pays où les promesses sont recyclées à chaque échéance, où les routes sont construites au rythme des meetings, où les rappels tombent en cascade à la veille des urnes, qui peut encore croire que le pouvoir s’intéresse aux citoyens hors période électorale ? Pour nombre d’entre eux, le bulletin de vote est le dernier levier, le seul moment où ils peuvent espérer être entendus — ou redoutés.

Ces hommes et femmes n’ont pas choisi de politiser leur misère. C’est la politique elle-même qui a organisé leur précarité, qui a conditionné leurs espoirs à un cycle électoral. On ne troque pas sa voix contre un rappel par plaisir, on le fait parce que c’est souvent la seule monnaie de négociation dont on dispose dans un système verrouillé par ceux qui refusent de céder le pouvoir, même quand les urnes les désavouent.

Alors oui, le vote est un acte civique, une responsabilité. Mais dans une démocratie abîmée, ce même vote devient aussi, parfois, un cri. Un coup de poing sur la table. Une tentative — même maladroite — de reprendre un peu de pouvoir sur un quotidien qui échappe.

Ce n’est pas le peuple qu’il faut blâmer pour ses choix stratégiques, c’est le système qui rend ces stratégies nécessaires. Et parmi ces citoyens stratèges malgré eux, il y a un groupe en particulier dont on parle trop peu, sinon pour s’en moquer ou les réduire à des rôles folkloriques. Ce sont elles.

« Elles ne dansent pas pour le plaisir. »

À vous qui voyez dans certains comportements électoraux du chantage politique, avez-vous seulement regardé qui tient ces cartes d’électeur tendues comme des ultimatums ? Avez-vous écouté les voix derrière ces cris ? Ce ne sont pas des acteurs cyniques de la démocratie. Ce sont, bien souvent, des femmes. Des mères. Des survivantes.

Celles qu’on applaudit quand elles chantent et dansent au passage d’un cortège politique, mais qu’on oublie sitôt la sono éteinte.

Elles ont quitté l’école bien trop tôt. Grossesses précoces, manque de moyens, devoir de « faire leur part » imposé dès l’adolescence. Certaines subissent des violences financières silencieuses dans leur foyer. D’autres, mères célibataires, vivent de la vente de manioc, de piment ou d’aubergines sur les étals poussiéreux, sous un soleil qui ne fait crédit à personne.

Elles n’ont pas de syndicats. Pas de réseau. Pas de porte-voix. Elles n’ont que ce moment : la période électorale. Trois semaines pour se rappeler au bon souvenir d’un système qui les a reléguées aux marges. Trois semaines pour tenter de négocier, pas un avenir, mais un répit.

Et vous voudriez leur faire la morale ?

Non. Elles ne brandissent pas leur carte pour le plaisir. Elles ne chantent pas pour la gloire. Elles ne dansent pas parce qu’elles y croient encore. Elles dansent parce qu’il faut bien vivre. Parce que, dans cette mise en scène politique où elles ne sont jamais que figurantes, elles ont compris qu’un rôle de plus valait parfois un repas de plus.

Le véritable chantage, ce n’est pas celui qu’elles exerceraient sur les puissants. C’est celui que les puissants exercent sur elles depuis des décennies :
« Danse, soutiens, acclame… peut-être qu’on pensera à toi. »

Alors, à ceux qui dénoncent le “cancer démocratique” du vote intéressé, commencez par regarder la tumeur sociale qu’on laisse proliférer.
Et demandez-vous : qui sont les vrais marchands d’influence ?

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GabonOpinionSociété

Polygamie, ton nom est débauche

Il y a quelques jours, j’ai échangé avec une personnalité médiatique et un podcasteur de renom sur les réseaux sociaux.
Au cours de notre conversation, la question de la polygamie et de l’inceste a surgi. Je déplorais que les femmes gabonaises contemporaines n’en parlent pas et que ce fléau endémique soit responsable de la « souffrance silencieuse » d’une grande partie des femmes gabonaises.

J’ai été stupéfaite d’apprendre qu’un podcasteur de renom avait qualifié la polygamie de « spirituelle » et s’en était tiré en affirmant que l’inceste était un sujet « sensible », alors inutile d’y réfléchir. J’ai été choquée, et je lui ai demandé : « En tant que femme, ne connaissez-vous pas le calvaire d’une autre femme victime de polygamie et d’inceste ? » Elle n’a pas répondu par la suite.

Le 24 mars 2025, le portail médiatique info241.com, via un article de Flacia Ibiatsi, a rapporté le viol odieux d’une jeune fille de 13 ans par un homme de 44 ans, vivant chez sa belle-famille. J’ai partagé l’article avec une figure médiatique influente et sollicité les réactions d’internautes actifs sur les réseaux sociaux. Personne n’a réagi. Personne n’était prêt à prendre conscience de ce crime abominable. Personne n’y a prêté attention. Comme si de rien n’était.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux comptes font la promotion de la nudité, parfois déguisée, et du twerk, sous couvert de promotion de la culture africaine. Je leur demande : avez-vous vu des contenus similaires venant d’Asiatiques ou d’Occidentaux ? Pourquoi la femme africaine est-elle perçue comme un produit de consommation ? Car, désolée de le dire, la femme africaine est bel et bien considérée comme un produit par une grande partie des Africains. Le résultat est sous nos yeux.

Voilà la situation au Gabon. Un pays qui prétend vouloir prospérer, bien sûr grâce à l’argent emprunté et à l’aide de quelques capitalistes indiens et chinois.

Aucune société n’a jamais prospéré sans respecter ses femmes.

Le problème est profondément enraciné, car ces fléaux sont normalisés. Les hommes, sans distinction d’âge, se livrent à un adultère généralisé. Certains flirtent ouvertement avec des femmes de l’âge de leur fille. La débauche, parmi les hommes gabonais, est aussi naturelle que le sang dans les veines. La fidélité semble absente de leur code moral, s’il en existe un. Ce phénomène est généralisé, mais personne n’en parle, et encore moins ne le dénonce.

J’ai observé un autre phénomène : le nombre croissant de jeunes mères célibataires. Pourquoi ces mères sont-elles seules ? Où sont les pères de ces enfants ? Pourquoi les hommes gabonais ne prennent-ils pas leurs responsabilités ? Pourquoi abandonnent-ils la femme après l’avoir mise enceinte ? Après tout, il y a une différence entre les humains et les bêtes : nous ne vivons pas dans une jungle.

Ces questions sont simples, mais la société civile les ignore. Car les poser reviendrait à renoncer au privilège d’une vie de débauche, ce que peu sont prêts à faire.

Ces maux sociétaux s’épanouissent grâce à l’acceptation silencieuse. L’éthique sociale a sa part de responsabilité. Mais je n’en parlerai pas ici.

Pour comprendre ces dérives, il faut s’interroger : comment une société se construit-elle ? Comment a-t-elle évolué ? Je ne suis pas spécialiste de l’évolution sociétale au Gabon, mais mon expérience personnelle me pousse à m’exprimer. Je sais que ce sujet est tabou, et que peu y adhéreront, mais j’ose aborder l’inabordable.

En anglais, on dit : « Fools rush in where angels fear to tread. »
Je l’avoue. Je l’accepte.

La société gabonaise est figée, monolithique, fermé aux nouvelles idées. Les anciennes traditions persistent, sans ouverture au monde extérieur. La langue française, en dépit de la mondialisation, n’a pas suffi à ouvrir les esprits. Ainsi, même après la mondialisation, rien n’a changé. Durant la colonisation, les maîtres blancs exploitaient les Gabonais. Après l’indépendance, les élites locales ont continué sur le même schéma. À ceci près qu’on vote.

Dans les sociétés de consommation, la femme est aussi traitée comme un produit – mais dans un objectif de profit économique. En Afrique, cela détruit les fondations sociales. Ailleurs, les femmes sont protégées par la loi. En Afrique, non.

Le Gabon n’a pas encore atteint le niveau de maturité démocratique nécessaire pour voir émerger de vrais mouvements sociaux. Or, ce sont ces mouvements qui permettent de lutter contre les fléaux sociaux. Ce sont eux qui mobilisent l’opinion publique, sensibilisent, informent. Ce sont eux qui permettent l’adoption de lois protectrices. Et surtout, ce sont eux qui veillent à leur application. Les tribunaux doivent jouer leur rôle. La justice doit être dissuasive.

Mais tout cela suppose un consensus, même au sein de la société civile. Et c’est là le plus gros frein : tout le monde résiste au changement. Le statu quo arrange trop de gens. Pire encore, certains continueront à défendre l’inceste comme un droit, et la polygamie comme une expérience spirituelle.

Les esprits raisonnables doivent mener cette lutte difficile, abolir les inégalités, et faire naître une nouvelle société. Une société dans laquelle les femmes vivent en sécurité, où elles n’ont plus à se défendre seules face aux prédateurs humains.

Mais ce sera long. Très long. Et rien n’avancera si l’administration n’applique pas les lois, si les tribunaux ne punissent pas avec fermeté. Le changement durable nécessite volonté, rigueur et courage.

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GabonPolitiquePrésidentielles2025

Projet Oligui Nguéma : Des promesses, en veux-tu ? En voilà !

Alors que le Gabon s’apprête à vivre une élection présidentielle historique, le projet de société du Général Brice Clotaire Oligui Nguema, porté par la transition post-coup d’État, se veut celui d’une renaissance nationale. Entre volonté de rupture avec l’ancien régime, réformes ambitieuses et réaffirmation de la souveraineté, que peut-on retenir de ce programme ?

Une volonté de refondation politique assumée

Les atouts d’un projet de rupture

Le projet s’inscrit dans une dynamique de refonte institutionnelle profonde. S’appuyant sur une transition militaire présentée comme un « coup de la libération », le candidat mise sur une refondation politique complète. Parmi les propositions phares figurent :

  • Une nouvelle Constitution, soumise à référendum, pour garantir des institutions renouvelées.
  • Un Code électoral repensé afin d’assurer la transparence des scrutins.
  • L’organisation d’un Dialogue national inclusif (DNI) pour reconstruire le contrat social et restaurer la confiance citoyenne.
  • Une décentralisation affirmée, avec un transfert de compétences vers les collectivités locales et un renforcement de la gouvernance territoriale.

Les limites d’un pouvoir toujours centralisé

Cependant, derrière cette volonté de réforme, le programme maintient une centralisation forte autour de l’exécutif. La conduite des réformes et les grands chantiers restent dans les mains de l’État central, soulevant des inquiétudes sur une possible dérive autoritaire, accentuée par le passé militaire du candidat. Par ailleurs, l’indépendance de la justice, bien que mentionnée, reste peu détaillée dans sa concrétisation institutionnelle.

Un projet économique ambitieux, mais à clarifier

Des initiatives fortes pour la souveraineté économique

Sur le plan financier, le projet affiche une volonté de maîtriser la dette publique, avec notamment le remboursement anticipé d’un eurobond. Il prévoit également le rachat d’actifs stratégiques, comme Assala Energy et la SNBG, pour renforcer la souveraineté sur les ressources naturelles. Parmi les mesures marquantes :

  • Création d’une Banque publique pour l’entrepreneuriat (BCEG) dotée d’un fonds de 20 milliards FCFA à destination des jeunes.
  • Recours accru aux Partenariats Public-Privé (PPP) pour financer les infrastructures (ports, routes, hôpitaux…).

Des flous budgétaires persistants

Malgré ces orientations, le coût global du programme n’est pas chiffré de manière détaillée. Les investissements annoncés – dans les infrastructures, l’agriculture, la digitalisation ou la défense – sont ambitieux, mais aucune projection pluriannuelle n’est fournie. Le risque d’une dépendance persistante aux recettes extractives (pétrole, mines) reste également élevé, malgré les intentions affichées de diversification économique.

Une vision sociale inclusive mais perfectible

Une ambition d’inclusion à large spectre

Sur le plan social, le projet affirme une orientation fortement inclusive, ciblant la jeunesse, les femmes, les personnes en situation de handicap, les retraités ou encore les populations marginalisées. Il prévoit :

  • Des investissements dans l’éducation et la santé (pôles hospitaliers, réhabilitation des écoles, retour des bourses).
  • Un soutien renforcé à l’emploi des jeunes (formation, alternance, soutien aux startups).
  • Une réforme des systèmes de protection sociale (CNSS, CNAMGS, CPPF).

Des objectifs sociaux encore flous

Cependant, plusieurs mesures phares manquent de précisions techniques : la promesse « Un Gabonais, un titre foncier » ou la réforme du logement social souffrent d’un manque de cadrage opérationnel. En outre, aucun indicateur d’impact social chiffré n’est présenté pour mesurer les progrès en matière de pauvreté, chômage ou inégalités. Enfin, le rôle très central de l’État dans tous les domaines laisse peu de place aux initiatives citoyennes ou privées.

Le projet d’Oligui Nguema se présente comme celui d’un changement en profondeur, porté par une transition exceptionnelle. Si les ambitions sont grandes et les chantiers multiples, la réussite dépendra de la capacité à concrétiser, chiffrer et équilibrer les pouvoirs, tout en impliquant durablement la société civile et les acteurs non étatiques.

Cependant, cette vision soulève aussi une interrogation de fond : le respect effectif des engagements. Depuis sa prise de pouvoir, plusieurs promesses formulées par le Général – notamment en matière de transparence, de réformes urgentes ou de calendrier de transition – ont été partiellement tenues ou repoussées. Cette tendance à l’ajustement en cours de route appelle à la vigilance et au suivi rigoureux de l’exécution de son programme. Au-delà des intentions affichées, c’est la cohérence entre le discours et l’action qui permettra de juger de la portée réelle de ce projet de société.

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GabonPolitiquePrésidentielles2025

Dr Iloko : un projet plein de rêves…

Faute de mécanismes concrets, de chiffrages précis et de stratégies réalistes, ce projet ressemble davantage à un rêve inspirant qu’à un véritable plan d’action gouvernemental.

1. Une ambition infrastructurelle impressionnante, mais irréaliste ?

Le projet du Dr Iloko prévoit la construction de 2000 salles de classes par an à l’échelle nationale. Cette ambition, bien qu’indéniablement louable dans l’optique de désengorger les établissements scolaires, soulève d’importantes interrogations quant à sa faisabilité. À titre de comparaison, le Complexe Scolaire d’Alibandeng, avec ses 45 classes pour 2000 élèves, servirait d’unité de mesure. Répliquer 45 fois ce modèle chaque année équivaudrait à une capacité annuelle supplémentaire de 90 000 places.
Cela représente une charge financière colossale. En prenant en compte qu’un établissement complet (pré-primaire, primaire, secondaire) peut coûter entre 2,5 et 5 milliards FCFA, le budget annuel pour atteindre cet objectif serait compris entre 112,5 et 225 milliards FCFA. À cela s’ajoutent les coûts de fonctionnement, de maintenance, de recrutement du personnel et de fourniture de matériel pédagogique. Peu d’éléments concrets dans le projet permettent de savoir comment ce financement serait sécurisé et soutenable dans la durée.

2. « Redonner la dignité aux enseignants » : un slogan vide de mesures concrètes

La promesse de « redonner la dignité aux enseignants » est répétée à plusieurs reprises dans le projet du Dr Iloko. Pourtant, aucune mesure précise n’est proposée pour traduire cette déclaration d’intention en actions concrètes. Le projet n’évoque ni revalorisation salariale, ni plan de formation continue, ni amélioration des conditions de travail, ni perspectives de développement professionnel.
Il en résulte une lacune flagrante dans la compréhension des défis que rencontrent les enseignants gabonais. Restaurer leur dignité ne peut se résumer à une proclamation : cela nécessite un engagement fort, structuré et mesurable, tant sur le plan matériel (traitement, équipements, sécurité) que symbolique (statut, reconnaissance sociale, perspectives d’évolution).

3. L’enseignement supérieur : entre grands chantiers et précipitation

La construction annoncée de 9 universités et 9 bibliothèques universitaires modernes, ainsi que de 2000 logements universitaires, montre une volonté claire d’expansion. Cependant, cette vision ne prend pas en compte les ressources humaines qualifiées nécessaires, la planification urbaine, ou encore les besoins logistiques d’un tel programme.
De plus, le système d’échanges internationaux soutenu par des allocations de 150 000 à 200 000 FCFA est séduisant, mais peu détaillé : Quels critères ? Quelle durée ? Quelle prise en charge réelle ? Ce volet semble davantage refléter une volonté d’attractivité qu’une stratégie pérenne pour améliorer la qualité globale de l’enseignement supérieur gabonais.

4. Un projet éducatif globalement déséquilibré

En somme, le volet éducatif du programme du Dr Iloko met l’accent sur la quantité plutôt que sur la qualité. Il propose un bond en avant en matière d’infrastructures, mais sans vision cohérente sur les moyens humains, pédagogiques et budgétaires nécessaires à leur mise en œuvre et à leur fonctionnement.


L’absence de priorisation, de phasage des projets, et de budget détaillé laisse planer le doute sur la viabilité de ces engagements. Or, un système éducatif performant repose avant tout sur la qualité de son encadrement, la formation des enseignants, la stabilité des ressources et la pertinence des programmes.

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CommunicationGabonPolitique

Journaliste ou animateur ? Une profession prise en otage au Gabon

Il est temps de regarder en face la crise profonde que traverse le journalisme gabonais. Alors que l’on croyait tourner une page après ce que certains ont appelé le « coup de libération », la réalité du paysage médiatique semble nous ramener aux pires travers d’avant.

Une profession instrumentalisée

Loin d’être un contre-pouvoir, le journalisme gabonais semble aujourd’hui instrumentalisé au service d’un narratif unique. Les médias ne sont plus que des relais d’informations officielles : ils publient ce que les institutions leur transmettent, sans analyse, sans explication, sans vérification. Le travail journalistique est réduit à une simple reproduction mécanique de communiqués.

Pire encore, on assiste à une diffusion à sens unique. Certains médias, avec la bienveillance silencieuse de la HAC, accordent une visibilité quasi exclusive à un seul candidat, à un seul discours. Le reste est mis sous silence, ou attaqué avec une virulence qu’on ne retrouve jamais lorsqu’il s’agit de commenter les actions du pouvoir.

Les soi-disant débats politiques deviennent alors de véritables mises en scène : plusieurs intervenants d’un même bord politique face à un seul contradicteur, souvent isolé, parfois même piégé. Peut-on encore parler d’équité de temps ou de pluralité d’opinion dans ces conditions ?

Cette complaisance envers le pouvoir, cette agressivité parfois gratuite envers l’opposition, décrédibilisent le métier. Le journalisme devient un outil, un prolongement des luttes politiques, et non un espace de compréhension, de nuance, d’investigation.

Quand le manque de compétence rencontre l’absence de volonté

À ce déséquilibre s’ajoute un problème tout aussi fondamental : le manque de préparation des journalistes. Face à des interlocuteurs rompus aux codes de la communication politique, les journalistes semblent souvent démunis. Ils ne maîtrisent pas les sujets, n’identifient pas les angles, n’imposent aucune rigueur dans les échanges.

L’interview récente de Billie Bi Nze en est l’exemple criant. Il a contrôlé l’entretien de bout en bout, répondant à sa guise, évitant sans difficulté les rares questions embarrassantes. Non pas grâce à un talent hors norme, mais surtout parce qu’en face, il n’y avait tout simplement pas de contradiction sérieuse.

Pour progresser, il faudra avoir l’honnêteté de reconnaître une forme d’incompétence, structurelle et installée. Ce n’est pas une attaque personnelle : c’est un constat nécessaire. Car ce n’est qu’en acceptant ses lacunes qu’on peut espérer les combler.

Mais là encore, la responsabilité ne repose pas uniquement sur les individus. Quel est le niveau de formation réel des journalistes ? Quels moyens leur donne-t-on pour enquêter, se documenter, se former ? Quel modèle économique leur permettrait d’être indépendants, au lieu d’être soumis aux logiques partisanes ?

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ConteGabonSociété

La Révolte des Antilopes

Dans la vaste savane où régnait depuis des générations le vieux Lion Bongoloss, les antilopes vivaient sous le joug d’un règne sans pitié. Traquées, affamées, elles espéraient un jour voir tomber ce trône où seuls les fauves du clan Bongoloss avaient droit de régner.

Un jour, parmi elles, se levèrent de jeunes antilopes, fougueuses et pleines d’espoir. Elles parlèrent haut et fort, dénoncèrent les injustices et promirent qu’une fois le Lion chassé, la savane ne serait plus un lieu de peur mais un royaume de justice.

Les autres antilopes crurent en elles. Elles leur donnèrent leur confiance, leur courage et même leur voix, les poussant au sommet du rocher des chefs.

Et le vieux Lion tomba.

Mais à peine installées sur les hauteurs, ces jeunes antilopes changèrent. Leurs regards devinrent fuyants, leurs discours plus distants. Elles qui hier encore marchaient parmi leurs sœurs, ne daignaient même plus les voir.

Pire encore, elles s’entourèrent des hyènes qui hier les effrayaient tant. Elles festoyaient à leurs côtés, riaient avec elles, partageaient leur gibier.

Et lorsqu’une antilope osa leur rappeler leurs promesses, on l’accusa d’être naïve, de ne rien comprendre aux lois de la savane. On la tourna en dérision.

Regardez ces folles, ricanaient-elles depuis leur trône. Elles croient encore à la loyauté en politique !

Mais dans l’ombre des hautes herbes, les antilopes observaient. Elles n’étaient ni folles ni aveugles.

Elles voyaient bien que celles qu’elles avaient portées au sommet n’étaient plus des leurs. Elles n’étaient plus que des roitelets assis sur un pouvoir prêt à dévorer les leurs au moindre mot de travers.

Alors, les antilopes murmurèrent entre elles :

Nous les combattrons, tout comme nous avons combattu le vieux Lion.

Mais à une différence près : nous ne nous laisserons pas corrompre. Nous ne nous perdrons pas comme elles l’ont fait. Nous ne trahirons pas notre combat.

Et tandis que les hyènes et les nouvelles reines de la savane festoyaient sous la lueur de la lune, dans l’ombre, les antilopes se préparaient déjà.

Car une chose était sûre : rien ne dure éternellement dans la savane.

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Le Gabon et la culture du contentement : quand le « moindre mal » devient la norme

Il y a quelque chose qui m’agace profondément dans la société gabonaise : cette manie de se contenter du minimum. On a une si faible estime de nous-même que nous nous enthousiasmons pour la moindre avancée, le moindre geste, la moindre attention. Ok il faut célébrer les petites victoires, mais quand allons nous nous dépasser pour atteindre de vrais objectifs challengeants ?

Cette tendance est dans tous les domaines. Dans la politique, dans l’art, dans le sport, dans la gestion de l’Etat… On ne prend jamais exemple sur les meilleurs pour définir nos aspirations. On regarde nos pires échecs et on s’en sert comme baromètre pour mesurer nos succès qui ne le sont pas au final.

L’art de se satisfaire du peu : une habitude bien ancrée

Dans la politique, dans l’art, dans le sport, dans la vie professionnelle, et même dans les relations interpersonnelles, le contentement passif semble être devenu une valeur dominante. On ne cherche plus à s’inspirer des meilleurs, mais à s’éloigner juste assez de nos pires échecs pour s’auto-congratuler. Cette dynamique crée une société figée, qui confond stagnation et progrès véritable.

On doit élire un nouveau président ? Tant pis s’ il perpétue certaines pratiques douteuses du régime déchu, tant pis si il était le premier ministre hautain d’un ancien système malhonnête et corrompu… Au moins il a quand même fait çi ou ça, il a raison sur çi ou ça… On ne sait pas dire “non”. Parce que c’est quand même mieux qu’avant.

Et cette résignation ne touche pas que le domaine politique. Hein mesdames ? “Tous les hommes sont infidèles”, c’est rassurant de se le dire. C’est tellement plus facile d’être “au moins” la titulaire, que de chercher à viser haut en épousant un homme fidèle. Encore faudrait-il être conscient qu’on peut avoir mieux. On est fier d’un père pourvoyeur sans attache émotionnelle avec ses enfants. “Au moins il n’a pas nié la grossesse”, dit la jeune mère satisfaite d’être “au moins” féconde.

Le conformisme et la résignation, moteurs invisibles de la médiocrité

Entre conformisme, résignation, culture de la médiocrité, les concepts se choquent et s’entrechoquent pour donner le résultat médiocre auquel on a droit. On se satisfait et s’autocongratule en tant qu’intellectuel de donner une dimension de groove national à ce qui aurait pu faire de nous un exemple régional. Nous vivons dans un environnement où la médiocrité est non seulement tolérée, mais parfois valorisée comme preuve d’humilité ou de réalisme.

Quand tout le monde se contente de peu, personne ne vise haut. Ni nos dirigeants, ni nos institutions, ni même les citoyens. Pourquoi se dépasser quand le public ne le réclame pas ? La médiocrité ambiante a engendré un cercle vicieux : à force de n’attendre que le minimum, on décourage toute émulation vers le haut. L’initiative et le mérite sont trop peu valorisés. On voit des responsables accumuler honneurs et postes sans résultats tangibles, capitalisant sur un capital symbolique de titres ronflants plutôt que sur l’efficacité réelle. Un ministre d’une incompétence notoire est nommé à la présidence pour ne pas citer que ça.

Pas de principes forts : une société sans colonne vertébrale
Un autre symptôme de cette “culture” nauséabonde, c’est l’édulcoration progressive des principes. Les valeurs fondamentales ne tiennent plus lieu de repères. Le respect de la parole donnée, l’intégrité, la justice, la vérité — toutes ces notions sont devenues relatives, soumises aux circonstances, aux intérêts, ou au buzz du moment. On excuse tout, parce que « tout le monde le fait ». On tolère parce que « c’est comme ça ».

On admire l’opportunisme camouflé en pragmatisme. Il n’y a plus de socle moral solide. Et c’est peut-être là que le bât blesse le plus : sans principes clairs, on ne peut pas bâtir une société d’excellence. Et une société sans colonne vertébrale morale est une société qui s’effondre au moindre vent. C’est pourquoi la restauration des mentalités demeure une urgence.

Et si on osait l’excellence ?

“Au moins”, “quand même” sont devenus les slogans nationaux à la place du légendaire “on va encore faire comment?”. Ça nous aura pris plus de 60 ans pour faire ce pas de tortue. “Quand même”.

Je disais à un ami hier que je suis peut-être trop idéaliste. Cet environnement est un red flag géant pour nous autres qui rêvons grand, qui rêvons juste et qui rêvons d’excellence. A défaut de pouvoir transformer ce pays, j’espère semer la graine d’idéal chez vous mes dear lovers.

Et si vous êtes comme moi, peut-être qu’on contaminera un peu plus de monde. Ce serait le plus beau virus qui soit.

Allez, tchuss.
La P’tite Dame

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CommunicationGabonPolitique

Monsieur le Président, il va falloir conjuguer autrement…

Il y a des habitudes qu’on adopte sans trop y penser. Des tics de langage, des façons de s’exprimer qui, au fil du temps, finissent par dire plus sur nous que ce qu’on voudrait bien laisser transparaître. Vous, Monsieur le Président, avez un faible pour le « Je ». Un « Je » appuyé, omniprésent, indéboulonnable.

C’est « Je » qui a lancé ce projet. C’est « Je » qui a décidé d’augmenter les salaires. C’est « Je » qui a financé la réhabilitation de cet hôpital. C’est « Je » qui a offert cette enveloppe aux étudiants en difficulté.

Un « Je » qui s’infiltre partout, comme un refrain entêtant. Sauf qu’ici, ce n’est pas une chanson, c’est une gouvernance. Et il y a un problème.

L’État, ce n’est pas vous.

Que l’on s’entende bien : nul ne conteste votre rôle de chef d’orchestre de cette transition. Vous êtes celui qui donne le tempo, qui impulse les décisions. Mais derrière chaque mesure, chaque action, chaque avancée, il y a des ministres, des techniciens, des fonctionnaires, des forces vives qui œuvrent, qui exécutent, qui traduisent vos orientations en actes concrets.

Alors pourquoi les effacer ? Pourquoi donner cette impression que l’État se résume à votre personne ? Ce pays n’est pas une start-up où l’on glorifie le « self-made-man » aux décisions visionnaires. C’est une République, avec des institutions, une administration et des moyens qui appartiennent à tous.

Quand vous octroyez une aide financière, ce n’est pas une donation personnelle, c’est de l’argent public. Quand vous inaugurez un projet, ce n’est pas le fruit de votre seule générosité, c’est un processus collectif financé par l’impôt des citoyens.

Le « Je » confisque, le « Nous » rassemble.

Votre insistance à tout personnaliser finit par dessiner un portrait qui ne joue pas forcément en votre faveur.

Au sein de votre équipe, certains doivent commencer à ressentir un léger agacement. Travailler dans l’ombre, se démener, et voir, au final, toutes les réalisations estampillées d’un « Je » exclusif… Ça finit par créer du ressentiment. Et à long terme, cela peut miner la cohésion de votre entourage.

Quant aux citoyens, le message qu’ils reçoivent est biaisé. Ce culte du « Je » donne l’impression d’un chef solitaire, d’un pouvoir centralisé, d’une gouvernance où le collectif s’efface devant une seule figure.

À l’international aussi, l’image peut être mal perçue. Les partenaires étrangers, toujours attentifs aux signaux de personnalisation excessive du pouvoir, pourraient y voir un excès d’ego, une dérive vers un autoritarisme feutré. L’histoire africaine regorge de leaders qui, à force de tout ramener à eux, ont fini par confondre leur destin personnel avec celui de leur pays. Or, la transition a été portée sur la promesse d’un renouveau.

Médias training en urgence : insérer « Nous » dans le discours

Monsieur le Président, il est encore temps de corriger le tir. Vos collaborateurs doivent être mis en avant. Il faut valoriser le travail d’équipe, montrer que la transition est l’œuvre d’un ensemble et non d’un seul homme.

Un bon exercice serait de reprendre vos derniers discours et de remplacer chaque « Je » par un « Nous ». Vous verrez : c’est plus rassembleur, plus humble, plus efficace.

En politique, les mots ne sont pas anodins. Ils construisent une perception. Et si vous voulez que l’histoire retienne que cette transition a été une œuvre collective, il faut commencer dès maintenant à le dire.

Alors, Monsieur le Président, la prochaine fois que vous prendrez la parole, essayez : « Nous avons décidé », « Nous avons fait », « Nous avons œuvré ».

Vous verrez, ça sonne bien aussi.

Je te dis tout

GabonLa Fière TrentenaireSociété

Le Gabon, notre pis-aller.

Il n’y a pas à dire, le Gabonais aime son pays. D’un amour sincère et plein d’entrain. Il a beau s’en plaindre à longueur de journées, mais le patriotisme, au fond de lui, ne lui permettra jamais de s’en détourner trop longtemps.

Je me suis toujours dit ça parce que la plupart des gens que je connais reviennent offrir au pays le meilleur de ce qu’ils ont trouvé ou appris après s’être exilés à l’étranger. Il n’y a qu’à voir comment beaucoup d’anciens de la diaspora, de retour au pays, tentent de participer activement à la vie politique et économique du pays. Pas toujours avec beaucoup de sagesse, mais la plupart créent des business, lancent des initiatives novatrices au bénéfice des Gabonais restés au pays, « à ne rien faire d’autre que sortir tard le soir et dormir toute la journée ».

Parce que oui, c’est comme ça que beaucoup de gens de la diaspora nous voient souvent. Pour eux, on ne sait que groover, se chercher des sugar daddies et s’afficher avec les perruques les plus chères du marché, en gros entretenir une vie de paraître dépourvue de but réel. De la même façon, beaucoup d’entre nous, résidents, les voient comme des arrivistes que le rang social des parents propulse presque toujours au-devant des opportunités, facilitant ainsi leur accès au rêve américain gabonais. Il faut les voir les premiers mois, pleins d’idées, pleins de ressources, mais surtout pleins de hargne. Ils sont partout, partagés entre plusieurs business : locations meublées, restos, salles de pilates, instituts de beauté, e-médias, magazines de bons plans, et j’en passe… Ils ont à peine le temps pour leurs proches qu’ils jugent parfois dangereux pour leur « réussite »… « Au pays, on empoisonne », donc on fait attention… Et plus le temps passe, moins ils sont hargneux. L’envie de réussir n’a pas disparu, mais, au vu des difficultés, le rêve gabonais devient de plus en plus abstrait… Comme beaucoup de rêves, il est souvent de courte durée.

Après avoir connu la discrimination, la solitude, le manque de repères culturels, et parfois même le sentiment d’échec à l’étranger, ils se refusent à le revivre chez eux. Après avoir tenté et réessayé sans que ça marche comme ils l’imaginaient. Après avoir tenté de revendre à 100 000 FCFA un sac de citrons acheté à 100 000 FCFA, pour un bénéfice de 100 %, ils s’ouvrent aux réalités actuelles, à ce qu’ils considéraient comme des facilités à l’époque. Leur enthousiasme initial se transforme en déception. Certains finissent par quitter à nouveau le Gabon, déçus et frustrés. Mais d’autres restent, résignés comme nous tous, parce que de toute façon, le Gabon est un pis-aller, le nôtre.

Vous savez que j’aime bien vous faire découvrir des trucs, non ? Eh bien, pour enrichir votre vocabulaire aujourd’hui, sachez que « pis-aller » est un terme que l’on utilise pour définir ce à quoi l’on se résout, faute de mieux. C’est le haut niveau de la résignation, plus connu au pays comme « on va encore faire comment ? ». On est là, autant rester. On ne va pas retourner à l’étranger et de nouveau subir le racisme ou l’exclusion, payer les impôts… Donc on se laisse aller à ce qu’il y a : corruption, retournement de veste, enchaînement de « petites », grooves, plus de Régab que d’eau, délestages, chômage… On garde un sourire apparent. Mais derrière le sourire et la bonne humeur, on ressent souvent une frustration profonde face aux promesses non tenues, aux opportunités manquées, à la corruption endémique qui ralentit le développement du pays. Puisqu’on ne peut porter haut nos voix (en dehors des périodes électorales), on devient décrypteur d’actualité. On critique tout par tous les moyens dont on dispose : Facebook, Twitter, un Gabonais normal… En attendant de voir le soleil et de finir comme ceux qu’on critiquait jadis, parce que c’est quoi le rêve gabonais, sinon une place à l’ombre des billets ? On attend, on se résigne.

Pourtant, malgré cette résignation apparente, il y a quelque chose de fascinant dans la manière dont les Gabonais continuent de croire en leur pays (n’en déplaise à la Chronique d’un Pessimiste). Peut-être est-ce cette espérance tenace, cette croyance que demain sera meilleur. Ou peut-être est-ce simplement la force de l’habitude, cette routine qui fait que l’on finit par accepter les choses telles qu’elles sont. Survivre plus que vivre.

Les Gabonais sont des survivants. Ils ont appris à tirer le meilleur de ce qui leur est offert, à faire preuve d’ingéniosité et de créativité pour surmonter les obstacles, même si ça revient à vendre de la friperie, devenir vineur/tiktokeur, « dealer du mbaki », retourner chez les darons ou se poser en tchiza. Les marchés animés, les lives plus drôles les uns que les autres, les petits commerces familiaux, les initiatives communautaires sont autant de preuves de cette résilience.

Le Gabon possède pourtant tous les atouts pour briller : des ressources naturelles abondantes, une situation géographique stratégique, un peuple talentueux et passionné. Pourtant, malgré ces atouts, le pays peine à décoller véritablement, à sortir de cette spirale de la médiocrité dans laquelle il semble coincé. Pourquoi donc ?

À mon avis (et c’est bien le mien, celui d’une Gabonaise résidente qui se sert de ce dont elle dispose pour dénoncer), c’est parce que ces « richesses » sont gérées en petits groupes, toujours les mêmes noms… Mais on nous jure que le pays change, qu’il évolue, qu’il vit une « transition »… Alors, le Gabonais Normal continue de rêver d’un pays meilleur

Et peut-être, un jour, ce rêve se réalisera.

La Fière Trentenaire 😘

Je te dis tout