Le Lion, chef de la savane, tout fier dans sa crinière dorée, occupait déjà la place d’honneur. “Ah ! Regardez-moi, je suis l’incarnation de la majesté”, pensait-il, tandis que ses admirateurs, principalement des gazelles un peu naïves, s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Le Lion ronronnait de plaisir. Mais au fond de lui, une petite voix murmurait : “Est-ce que ces gazelles m’aiment vraiment, ou est-ce que c’est juste la peur qui les fait s’agenouiller ?”
Puis arriva l’Hyène. Ah, l’Hyène ! Il était le genre d’animal qu’on reconnaît à son rire strident et à son sourire aussi large que ses ambitions. Ancien allié du Lion, il n’était plus que l’ombre de lui-même, mais toujours aussi rusé. “Je suis tellement charmant, n’est-ce pas ?” se disait-il en s’approchant des invités. Avec sa belle langue de serpent, il susurrait des paroles sucrées à la Tortue, qui, elle, ne pouvait s’empêcher de lever un sourcil, incrédule. “Le Lion a vécu ses plus belles années, hein ? Peut-être qu’il est temps de confier le pouvoir à quelqu’un qui sait s’amuser… comme moi !” disait-il d’un ton enjôleur. La Tortue, un peu lassée, répondit simplement : “Oui, bien sûr… et pourquoi pas un jour une girafe à la tête de l’assemblée ?”
Les gazelles, dans leur naïveté charmante, ne comprenaient pas bien. Elles étaient trop occupées à admirer le Lion, à sauter joyeusement autour de lui, pour écouter les sages conseils de la Tortue. Après tout, qui a le temps de méditer sur la sagesse quand on peut gambader sous le soleil ?
Et puis… voilà qu’arrivent les rats. Ah, les rats ! Ces petits malins n’étaient pas invités, bien sûr, mais ils avaient un sens du timing à toute épreuve. Déguisés en zebres et en antilopes, ils se faufilèrent sous la table comme des ombres. “C’est bien mieux que le buffet du marché !” chuchotèrent-ils entre eux. Et, sans vergogne, ils commencèrent à se servir, sans jamais se soucier des regards accusateurs qui les ignoraient. Ils prenaient tout, se glissant à droite et à gauche. “S’il y a bien quelque chose qu’on peut apprendre des lions, c’est qu’il faut prendre ce qui est à ta portée”, pensa un rat, les dents pleines.
Le banquet, au départ si raffiné, se transforma en une scène de chaos organisé. Le Lion, trop occupé à se faire admirer, n’avait pas vu les rats dévorer ses réserves. L’Hyène, tout sourire, faisait des compliments à tout le monde, sauf au Lion, qui commençait à se demander si son trône n’était pas en danger. La Tortue, quant à elle, en avait assez de cette comédie. “Ah, quel spectacle !” soupira-t-elle. “Le vrai pouvoir réside dans le silence, pas dans la rapidité. Dommage que tout le monde soit trop occupé à courir après l’illusion.”
Finalement, lorsque les festivités touchèrent à leur fin, personne ne s’avoua qu’un certain nombre de plats avaient disparu mystérieusement. Les gazelles étaient toujours pleines d’admiration pour le Lion, mais quelques-unes avaient remarqué que le banquet avait perdu de son éclat. L’Hyène, lui, était déjà en train de planifier son prochain coup. Quant à la Tortue, elle repartit lentement, le sourire aux lèvres. Elle savait que la vraie leçon viendrait avec le temps.