Une profession instrumentalisée
Loin d’être un contre-pouvoir, le journalisme gabonais semble aujourd’hui instrumentalisé au service d’un narratif unique. Les médias ne sont plus que des relais d’informations officielles : ils publient ce que les institutions leur transmettent, sans analyse, sans explication, sans vérification. Le travail journalistique est réduit à une simple reproduction mécanique de communiqués.
Pire encore, on assiste à une diffusion à sens unique. Certains médias, avec la bienveillance silencieuse de la HAC, accordent une visibilité quasi exclusive à un seul candidat, à un seul discours. Le reste est mis sous silence, ou attaqué avec une virulence qu’on ne retrouve jamais lorsqu’il s’agit de commenter les actions du pouvoir.
Les soi-disant débats politiques deviennent alors de véritables mises en scène : plusieurs intervenants d’un même bord politique face à un seul contradicteur, souvent isolé, parfois même piégé. Peut-on encore parler d’équité de temps ou de pluralité d’opinion dans ces conditions ?
Cette complaisance envers le pouvoir, cette agressivité parfois gratuite envers l’opposition, décrédibilisent le métier. Le journalisme devient un outil, un prolongement des luttes politiques, et non un espace de compréhension, de nuance, d’investigation.
Quand le manque de compétence rencontre l’absence de volonté
À ce déséquilibre s’ajoute un problème tout aussi fondamental : le manque de préparation des journalistes. Face à des interlocuteurs rompus aux codes de la communication politique, les journalistes semblent souvent démunis. Ils ne maîtrisent pas les sujets, n’identifient pas les angles, n’imposent aucune rigueur dans les échanges.
L’interview récente de Billie Bi Nze en est l’exemple criant. Il a contrôlé l’entretien de bout en bout, répondant à sa guise, évitant sans difficulté les rares questions embarrassantes. Non pas grâce à un talent hors norme, mais surtout parce qu’en face, il n’y avait tout simplement pas de contradiction sérieuse.
Pour progresser, il faudra avoir l’honnêteté de reconnaître une forme d’incompétence, structurelle et installée. Ce n’est pas une attaque personnelle : c’est un constat nécessaire. Car ce n’est qu’en acceptant ses lacunes qu’on peut espérer les combler.
Mais là encore, la responsabilité ne repose pas uniquement sur les individus. Quel est le niveau de formation réel des journalistes ? Quels moyens leur donne-t-on pour enquêter, se documenter, se former ? Quel modèle économique leur permettrait d’être indépendants, au lieu d’être soumis aux logiques partisanes ?