Droits

CommunicationDroitsGabon

Quand la dignité ne suffit pas

Lorsque le CTRI a pris le pouvoir, une promesse a traversé les discours, les interviews, les espoirs : rendre leur dignité aux Gabonais. Pas de grandes utopies, pas de phrases creuses — un mot, un engagement. Dignité.

Et il faut être honnête : des choses bougent. Les routes s’améliorent, les bâtiments sortent de terre, les administrations semblent parfois mieux fonctionner. Il y a du mouvement, des efforts visibles. Et il serait malhonnête de faire comme si rien n’avait changé.

Mais la dignité ne s’évalue pas qu’au niveau de l’asphalte. Elle se mesure aussi au respect que l’on porte à ceux qu’on a blessés. À ceux que le pouvoir, même transitoire, a oubliés. Elle se jauge dans la capacité à reconnaître ses erreurs, à regarder les fautes en face, à ne pas les balayer d’un revers de phrase.

Alors lorsque la ministre déléguée à la Défense salue la « conduite irréprochable » des Forces de Défense et de Sécurité pendant la transition, il y a un malaise. Un malaise sourd, tenace. Une gêne partagée par tous ceux qui n’ont pas oublié.

Karl Stecy Akué Angoué, 30 ans, battu à mort pour une violation présumée du couvre-feu.
Les syndicalistes de la SEEG, arrêtés, humiliés, le crâne rasé à la lame.
Les journalistes de Gabon Media Time, placés en garde à vue, déshabillés, pour un article jugé dérangeant.
Johan Bounda, second maître, torturé à mort, brûlé au fer, dans les locaux du B2.

Des faits. Documentés. Connus. Reconnaissables. Et pourtant, effacés d’un revers de discours.

Les forces de sécurité ont un devoir. Celui de protéger. Pas d’opprimer. Celui de servir, pas de punir. Et ce devoir ne se mesure pas à l’instant présent seulement, mais à ce que l’on fait de son propre passé.

Saluer leur discipline, pourquoi pas. Mais l’appeler “irréprochable”, c’est insulter la mémoire de ceux qui ont payé de leur corps les dérives de la transition.

La dignité, la vraie, commence quand l’État a le courage de dire : là, nous avons failli. Et qu’il en tire des conséquences.

Je te dis tout

DroitsFemmesGabon

C’est le 8 mars, offrez nous des fleurs

Je crois qu’il est grand temps d’aller au-delà de la sacro-sainte phrase « ce n’est pas la fête des mères mais la journée internationale des DROITS des femmes » .

Le 8 mars, Journée internationale des droits de la femme, comme d’habitude, a été le temps pour celles qui travaillent de se faire un restaurant entre femmes de l’entreprise, écouter d’autres femmes parler de leurs problèmes de couple, des challenges qu’elles rencontrent en tant que femmes actives, remercier les dames (1ères et ex æquo ?) et autres femmes qui gravitent dans la sphère politique pour leur digne représentation de la femme gabonaise.

On a dit qu’on ne critique pas, alors, oui, ce n’est déjà pas mal. Il faut reconnaître que la femme gabonaise s’exprime, « elle a la bouche » comme on dit chez nous. Il faut reconnaître qu’il existe des textes, des textes qui depuis peu condamnent le harcèlement sexuel au travail (Messieurs, oui, nous savons que les chacalas existent aussi, mais ce n’est pas le sujet), des textes qui favorisent l’inclusion de la femme en société, des textes, décriés de toutes et tous, qui donnent à la femme, le statut de chef de famille au même titre que son conjoint.

Les textes existent, les marches et autres types de soutien aussi. Mais après, quel en est le bilan ?

J’ai envie de m’étendre sur le sujet, mais je ne suis même pas sûre que cela intéresse qui que ce soit. Je vais donc me contenter de jeter un pavé dans la mare et poser quelques questions :
Est-ce qu’on sait si les femmes, lorsqu’elles sont victimes d’agression sexuelle, connaissent leur droit et se sentent libres de porter plainte ? Lorsqu’elles le font, est-ce qu’on parle de la manière dont ces plaintes sont accueillies et de leur issue ?
Est-ce qu’on sait si les femmes souhaitent que l’on retouche, de manière plus approfondie (parce que cela a déjà été fait) le texte sur l’avortement ? Ne devrait-on pas lancer un débat de société quand on connaît la pratique récurrente du sac poubelle où l’on balance neuf mois de souffrance ? Est-ce qu’on évoque le jeu hypocrite des autorités qui savent bien qu’on pratique des avortements clandestins, à tout coin de rue et même dans les cliniques les plus honorables de la capitale ?
Est-ce qu’on se demande comment une femme salariée du privé vit durant ses trois mois de congé maternité, privée de son salaire parce que la CNSS doit prendre le relais ? Cette même CNSS dont le remboursement pourrait contribuer aux frais d’université de l’enfant, tant il arrive tard.
Est-ce qu’on se demande si la tradition du père qui fait épouser ses enfants et les enterre n’est pas un peu déplacée (le mot est doux) dans un monde où la femme battante (qui se débrouille seule face à son ex-amant démissionnaire) a été érigée en norme ?
Enfin, de manière générale, est-ce qu’il ne serait pas judicieux de se dire que notre société matriarcale sur fond d’empreinte coloniale est souffrante, en perte de repères, et que peut-être, en écoutant les maux de Vénus, nous parviendrons à créer une meilleure Terre gabonaise pour tous ?

Le 8 mars n’est pas une journée de fête, c’est un jour qui, dans un pays en construction, doit faire mal, doit réveiller les souffrances endormies, bousculer les hypocrisies entendues et chercher des solutions réelles.

Pensons-y en offrant et en acceptant les fleurs.

Je te dis tout