Il serait bien naïf de ne pas l’avoir vu venir.
Dès le référendum, certains activistes et opposants avaient déjà révélé leurs véritables priorités : préserver leurs positions plutôt que défendre le peuple.
En acceptant — voire en réclamant — une Constitution qui concentrait les pouvoirs entre les mains du président, ils ont eux-mêmes préparé le terrain pour ce qu’ils dénoncent aujourd’hui.
Au fond, ils ont simplement été cohérents : ils ont façonné leur propre champion et cherchent désormais à figurer dans son premier cercle.
Un siège de député, après tout, offre la visibilité nécessaire pour espérer une place au Gouvernement.
Depuis le 30 août 2023, la scène politique gabonaise s’est peu à peu aplatie.
Les partis qui criaient au changement s’enrôlent aujourd’hui dans la même armée politique, au nom de la stabilité ou du réalisme.
À peine deux ou trois irréductibles tentent encore de faire vivre l’esprit d’opposition, comme des bougies dans un amphithéâtre trop éclairé.
Car Oligui, tout le monde le veut.
Il est devenu ce père symbolique que chaque formation s’attribue, parfois de force, pour mieux légitimer sa propre existence.
On ne parle plus d’alliances idéologiques, mais de filiation politique.
Et quand tout le monde appelle le même homme « père », il ne reste plus beaucoup de place pour la contradiction.
La réponse du Secrétaire général de l’UDB a d’ailleurs été sans détour :
« Oligui n’a pas d’autre enfant que l’UDB. »
Une phrase révélatrice.
L’UDB ne partage plus le pouvoir : elle partage le père.
Et cette confusion des rôles, entre autorité morale et domination politique, risque de marquer durablement la démocratie post-Bongo, qui devait se reconstruire, mais qui semble déjà se recentrer — sur un seul nom, un seul visage, un seul récit.
Alors comment jouer au jeu démocratique dans un environnement où un seul parti polarise, oriente et décide de tout ?
Comment parler d’équilibre quand le désordre lui-même semble orchestré, quand les élections deviennent des chorégraphies de chaos au service d’une continuité politique déguisée ?
La vraie question, au fond, n’est peut-être plus de savoir qui gouverne, mais qui ose encore contester.