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Les viols dans l’église : faut-il se taire ?

J’écris cet article, en essayant de mettre mes émotions de côté, ce n’est pas un simple article, c’est une lettre ouverte, c’est un témoignage, c’est un récit personnel, c’est un ensemble de conseils.

Pendant longtemps j’ai considéré l’église comme un lieu de repos. Je n’ai d’ailleurs cessé de le répéter à une certaine période de ma vie. L’église était mon échappatoire, ce lieu où je me sentais un peu en sécurité, enfin, ça c’était au début.

Pendant longtemps, j’ai considéré l’Église comme un lieu de repos. Je n’ai d’ailleurs cessé de le répéter à une certaine période de ma vie. L’Église était mon échappatoire, ce lieu où je me sentais un peu en sécurité. Enfin… ça, c’était au début.

Parce qu’il faut le dire, une fois que tu commences des activités, que tu fréquentes d’autres jeunes d’autres églises de la même congrégation, que tu te mets à faire des prestations, ta santé mentale risque de prendre un coup.

On était une famille. On nous répète cela à longueur de journée. On est le corps du Christ, on est la représentation de l’amour de Dieu sur terre… Mais pourquoi suis-je tombée encore plus malade à vos côtés ? Au total, j’ai subi trois viols et deux agressions sexuelles au sein de ma belle Église.

Je peux parler d’agressions commises par X ou Y pour sensibiliser, mais il est temps que je parle de moi. Que ce soit celui que j’appelais affectueusement “papa” ou celui à qui j’avais confié mes traumatismes mais qui n’a pas hésité à les répéter… Tout ceci s’est passé au sein du corps du Christ. Je ne vais pas entrer dans les détails, c’était une introduction, mdr.

longueur de journée. On est le corps du Christ, on est la représentation de l’amour de Dieu sur terre… Mais pourquoi suis-je tombée encore plus malade à vos côtés ? Au total, j’ai subi trois viols et deux agressions sexuelles au sein de ma belle Église.

Énormément de jeunes femmes et d’hommes sont abusés psychologiquement et sexuellement, jour après jour, dans les Églises. Mais ils ne savent pas comment le dire. Parce que soit on ne les croira pas, soit on les isolera. Par exemple, quand j’ai essayé de parler de ma situation, elle a appelé l’agresseur pour qu’il “donne sa version”. Alors qu’à cet instant, j’avais besoin qu’on m’écoute, qu’on m’aide, pas qu’on m’expose.

Bien sûr, le concerné est revenu m’écrire par la suite. Ça m’a énormément traumatisée. Beaucoup de personnes subissent ces choses. Mais dites-vous que c’est devenu tellement normal, tellement monnaie courante, que tout le monde essaie de faire comprendre aux victimes que ce n’est rien, qu’il n’y a rien de grave… Par exemple, quand j’ai raconté à mon ex-meilleur ami de l’époque ce que l’un de ses frères m’avait fait, il m’a simplement dit que “c’était la vie” et que c’était “un passage obligatoire pour toutes les femmes”.

Je tiens à rappeler qu’il ne s’agit que de chrétiens.Il y a des groupes WhatsApp où circulent des vidéos et des photos de jeunes sœurs en Christ en plein acte sexuel ou non. Il y a des “plans” qui se montent, des discussions dégradantes qui ont lieu…C’est ainsi que, en fouillant le téléphone de l’un d’eux, j’ai découvert un groupe WhatsApp où mes frères en Christ préméditaient de coucher avec moi à tour de rôle, de filmer, puis de se partager les vidéos. Dieu merci, j’ai vu ces messages à temps, car je ne sais pas comment ils auraient procédé pour arriver à leurs fins.

Les jeunes filles sont en danger dans les Églises, parce qu’on nous prêche l’obsession du mariage. Elles deviennent tellement matrixées par cette idée que, au final, il suffit qu’un frère en Christ leur dise qu’il va les épouser pour qu’elles se donnent facilement.

J’ai mis du temps à m’en remettre. Il m’a fallu des années pour recommencer à avoir une sexualité normale. Et je pense que, même si on n’a pas la force de citer des noms ou des congrégations, on devrait libérer la parole pour que les victimes s’expriment. Vous n’êtes pas seules. Je suis des vôtres.

Je n’ai rien précisé, ni cité, car aujourd’hui j’ai supprimé toutes les preuves et je ne suis pas capable de prouver ces choses.

Je te dis tout

FemmesLa Fière TrentenaireSociété

1404, Allo !!!? 

Je commence presque toujours mes formations sur le risque industriel en posant une question aux stagiaires « quels sont les numéros d’urgence que vous connaissez ? ». Parmi ceux qui reviennent le plus souvent, il y a le 911 et le 18. Avant de commencer j’ai envie de rappeler que ces deux numéros, souvent apparentés à la police et aux pompiers, ne sont pas valides au Gabon.

Je crois qu’à force de les voir et les entendre dans les shows télévisés occidentaux que nous regardons au quotidien, nous nous sommes laissés avoir par l’idée qu’ils sont actifs ici aussi, mais ce n’est pas le cas.
Cette question, on pourrait la poser dans la rue, à n’importe quel Gabonais normal, et très peu sauront répondre en donnant au moins deux numéros d’urgence valides. Encore moins de personnes sauront vous dire qui appeler pour déclarer quel type d’urgence. Pourtant, on a tous déjà été confrontés à une situation qui nécessitait les forces d’intervention, la police, les pompiers, le SAMU… et j’en passe. Mais très peu d’entre nous (je m’appuie sur un panel d’au moins 90 personnes formées au cours de l’année dernière) connaissent les numéros d’urgence valides dans leur ville.

Si en salle de formation, en situation totale d’accalmie, personne ne se souvient du contact de la police, je peux dire sans m’avancer qu’en cas d’urgence, même doté d’un sang-froid à toute épreuve ou formé à réagir, il nous sera encore moins évident de se rappeler des procédures importantes et surtout, des numéros d’urgence. D’autant que dans notre pays, chaque ville a un numéro d’urgence différent et qu’en plus, selon le quartier d’où tu appelles, il est probable que ton interlocuteur ne fasse que t’orienter vers un autre commissariat, qui n’interviendra que si tu leur fournis le carburant pour… C’est à se demander pourquoi on paie des impôts. Bref !

À l’aube de la Journée internationale des droits des femmes, quelques semaines seulement après que nous nous soyons tous indignés devant les conditions du décès de Béatrice ZANG, j’ai envie de poser la questionQui connaît le numéro vert (gratuit) pour dénoncer les violences faites aux femmes au Gabon ? … Maintenant que vous êtes allés relire le titre de l’article, dites-moi en toute sincérité, si vous le connaissiez avant aujourd’hui ? Parce qu’après tout, qui en parle ?

En ce qui me concerne, je le connais, et à chaque fois que j’en ai l’occasion, je le partage autour de moi. Mais heureusement pour moi et pour les femmes de mon entourage, je n’ai jamais eu à m’en servir. Par contre, je me suis toujours posé la question de savoir comment il fonctionne. J’aurais pu appeler, mais j’ai évité de faire le test pour ne pas éventuellement bloquer la ligne à une victime tentant d’obtenir de l’aide. J’ai donc fait quelques recherches, lu des articles sur le sujet, et j’ai appris que le centre d’appel orienterait les victimes et/ou témoins sur la conduite à tenir en cas de violenceQui, d’autre qu’eux, appeler ; les structures médicales de prise en charge, le commissariat le plus proche, etc. Il peut recevoir jusqu’à 30 appels par seconde, c’est énorme !!!

Quand on sait que selon les chiffres sortis en novembre 2024 par le Ministère des Affaires Sociales, 90% des femmes gabonaises ont déjà été victimes de violences sexuelles et que 64% sont victimes de violences physiques (dont 46% de leur conjoint), il est révoltant de constater que très peu d’entre nous sont familiers au 1404. Mais ce n’est pas entièrement de notre faute. Une part des responsabilités revient aux autorités qui l’ont mis en place et se sont contentées d’en parler deux à trois fois sans plus. Si on nous bassinait chaque jour de ces numéros comme les Américains et les Français le font quotidiennement avec les leurs, si on centralisait les appels d’urgence sur des numéros courts gratuits et faciles à joindre, et si on améliorait le rapport au plaignant des personnes au bout du fil, je crois qu’on n’aurait pas trop de mal à les retenir et surtout à les appeler au besoin.

Parfois, même quand on connaît le contact de la police, on a peur de les appeler, parce qu’au Gabon, la procédure ne se limite malheureusement pas toujours à l’appel. Les témoins sont très souvent exposés quand les autorités se présentent après leur appel. Combien se sont vus devenir des victimes après que des acteurs de violences les aient pris pour cible parce qu’ils avaient osé dénoncer des violences subies par une voisine, une sœur, une amie ? Tu appelles la police, et puisque tu ne peux pas leur donner une adresse précise (tu connais les indications au bled non ? derrière la flaque d’eau…), tu es forcé de les recevoir et parfois de leur indiquer la porte de la maison ciblée. Gare à toi si quelqu’un t’a vu faire.

À une période, j’étais très à cheval avec le règlement des conflits par les forces de l’ordreDes déchets devant ma maison, police. Des jeunes fumant à la fenêtre de ma chambre, police. Tapage nocturne, police… Je me souviens d’ailleurs qu’une fois, j’ai contacté la police parce qu’un de mes voisins policiers frappait sa conjointe. Quelle ne fut pas ma frayeur de jeune fille vivant seule avec ses enfants quand, le lendemain, le type se pointa à ma porte en caleçon-débardeur avec son arme serrée dans une ceinture qui n’était posée là que pour me montrer le fusil. « Je suis venu te saluer voisine ! C’est toi qui as appelé mes collègues hier non ? » m’avait-il sorti d’un air nerveux. Je n’abuse pas quand je dis que j’ai vu ma vie défiler devant moi. Après ça, je n’ai plus jamais contacté la police que parce qu’on m’avait cambriolée, deux à trois ans plus tard. Imaginez que le monsieur s’était vengé ?

La plupart du temps, dénoncer des violences peut nous coûter notre tranquillité, des blessures, voire pire, la mort. Certains se font harceler après avoir dénoncé le « ravisseur », sous le regard impuissant de sa victime. D’autres qui, par vaillance, tentent de s’interposer, se font agresser par le couple une fois que la victime constate que son défenseur prend le dessus sur son bourreauBref, tout est « mélOngé mélOngé » !

En gros, il y a encore beaucoup de choses à revoir dans la gestion des violences faites aux femmesLa communication sur les numéros à joindre, l’aide aux victimes, la protection des témoins, la condamnation rapide du ravisseur… On n’oublie pas le traitement des plaintes et le deux poids, deux mesures quand le ravisseur est un proche.

On est encore loin, mais bon, on va y arriver « un peu un peu »

La Fière Trentenaire 😘

Je te dis tout

DroitsFemmesGabon

C’est le 8 mars, offrez nous des fleurs

Je crois qu’il est grand temps d’aller au-delà de la sacro-sainte phrase « ce n’est pas la fête des mères mais la journée internationale des DROITS des femmes » .

Le 8 mars, Journée internationale des droits de la femme, comme d’habitude, a été le temps pour celles qui travaillent de se faire un restaurant entre femmes de l’entreprise, écouter d’autres femmes parler de leurs problèmes de couple, des challenges qu’elles rencontrent en tant que femmes actives, remercier les dames (1ères et ex æquo ?) et autres femmes qui gravitent dans la sphère politique pour leur digne représentation de la femme gabonaise.

On a dit qu’on ne critique pas, alors, oui, ce n’est déjà pas mal. Il faut reconnaître que la femme gabonaise s’exprime, « elle a la bouche » comme on dit chez nous. Il faut reconnaître qu’il existe des textes, des textes qui depuis peu condamnent le harcèlement sexuel au travail (Messieurs, oui, nous savons que les chacalas existent aussi, mais ce n’est pas le sujet), des textes qui favorisent l’inclusion de la femme en société, des textes, décriés de toutes et tous, qui donnent à la femme, le statut de chef de famille au même titre que son conjoint.

Les textes existent, les marches et autres types de soutien aussi. Mais après, quel en est le bilan ?

J’ai envie de m’étendre sur le sujet, mais je ne suis même pas sûre que cela intéresse qui que ce soit. Je vais donc me contenter de jeter un pavé dans la mare et poser quelques questions :
Est-ce qu’on sait si les femmes, lorsqu’elles sont victimes d’agression sexuelle, connaissent leur droit et se sentent libres de porter plainte ? Lorsqu’elles le font, est-ce qu’on parle de la manière dont ces plaintes sont accueillies et de leur issue ?
Est-ce qu’on sait si les femmes souhaitent que l’on retouche, de manière plus approfondie (parce que cela a déjà été fait) le texte sur l’avortement ? Ne devrait-on pas lancer un débat de société quand on connaît la pratique récurrente du sac poubelle où l’on balance neuf mois de souffrance ? Est-ce qu’on évoque le jeu hypocrite des autorités qui savent bien qu’on pratique des avortements clandestins, à tout coin de rue et même dans les cliniques les plus honorables de la capitale ?
Est-ce qu’on se demande comment une femme salariée du privé vit durant ses trois mois de congé maternité, privée de son salaire parce que la CNSS doit prendre le relais ? Cette même CNSS dont le remboursement pourrait contribuer aux frais d’université de l’enfant, tant il arrive tard.
Est-ce qu’on se demande si la tradition du père qui fait épouser ses enfants et les enterre n’est pas un peu déplacée (le mot est doux) dans un monde où la femme battante (qui se débrouille seule face à son ex-amant démissionnaire) a été érigée en norme ?
Enfin, de manière générale, est-ce qu’il ne serait pas judicieux de se dire que notre société matriarcale sur fond d’empreinte coloniale est souffrante, en perte de repères, et que peut-être, en écoutant les maux de Vénus, nous parviendrons à créer une meilleure Terre gabonaise pour tous ?

Le 8 mars n’est pas une journée de fête, c’est un jour qui, dans un pays en construction, doit faire mal, doit réveiller les souffrances endormies, bousculer les hypocrisies entendues et chercher des solutions réelles.

Pensons-y en offrant et en acceptant les fleurs.

Je te dis tout