Dans un pays où les scandales financiers et les détournements de fonds se chiffrent en milliards, on pourrait s’attendre à des enquêtes rigoureuses et des suivis réguliers. Pourtant, il semble qu’au Gabon, l’opacité soit devenue une institution à part entière, bien rodée et parfaitement huilée. Les affaires sont souvent annoncées avec grand bruit dans les médias, quelques arrestations ou perquisitions créent un spectacle ponctuel, puis plus rien. Silence radio. Les dossiers disparaissent, les enquêtes s’éternisent et l’on se retrouve, encore et toujours, sans réponses.
Prenons l’exemple de certains scandales financiers. Des montants faramineux sont évoqués, des fonds publics détournés, des budgets évaporés… mais, une fois les projecteurs éteints, plus personne n’en parle. Qu’en est-il des personnes impliquées ? Ont-elles rendu des comptes ? Existe-t-il un mécanisme de restitution pour ces sommes ? À voir le manque de suivi, on pourrait croire que l’argent s’est littéralement volatilisé, et avec lui la responsabilité des acteurs concernés. Même son de cloche pour les affaires d’abus de pouvoir par des agents des Forces de police. Que deviennent les accusés ? Sont-ils condamnés ? Acquittés ?
Le manque de transparence ne fait que renforcer la méfiance du public envers les institutions censées défendre l’intégrité et la justice dans le pays. Que penser d’un État qui ne publie jamais les conclusions de ses enquêtes, qui ne communique que rarement sur les mesures prises pour redresser les torts causés ? Qui fait durer les détentions préventives ?
Dans cette culture de l’opacité, il est légitime de se demander : qui protège-t-on vraiment ? Est-ce que l’omerta sert l’intérêt général ou bien n’est-elle qu’un moyen de dissimuler des réseaux d’influence et des jeux de pouvoir qui échappent à tout contrôle ? En effet, de nombreux cas qui concernent des personnalités influentes ou des fonds importants finissent dans un oubli institutionnalisé. Mais ce silence a un coût, et ce coût, c’est la crédibilité de l’État et la confiance des citoyens.
L’une des pierres angulaires d’un État démocratique, c’est la transparence. La justice ne peut être crédible si elle opère dans le noir, à l’abri des regards, sans rendre de comptes. Dans ce climat d’incertitude, il est normal que le peuple finisse par douter des institutions et de la justice, se demandant même si certains ont des passe-droits en raison de leur position ou de leurs relations. A force d’étouffer des dossiers et de dissimuler la vérité, les institutions ne font que creuser le fossé entre elles et la population. Laissant planer le doute et parfois la certitude d’une justice à double vitesse !
Il est peut-être temps de changer d’approche. L’opacité peut temporairement protéger des intérêts privés, mais elle nuit durablement à l’intérêt public. Si le Gabon veut renforcer la cohésion et la confiance de son peuple, il est impératif de rendre des comptes de façon régulière et transparente sur les dossiers en cours et ce dans tous les ministères et les administrations. La démocratie ne peut pas s’épanouir dans le secret. Il ne s’agit pas seulement de rendre justice, mais de le faire de manière visible, traçable et crédible pour que chacun ait confiance en l’équité de notre État.