Le vrai réseautage ne se fait pas dans les salons feutrés des hôtels ou dans les bureaux climatisés des tours administratives. Non. Il se passe dans des bars, des “chills”, des afterworks improvisés et même dans des maquis où la seule carte de visite qui compte, c’est la capacité à tenir un verre sans vaciller.
Les deals à la fraîche : bienvenue dans l’économie du chill
Dans beaucoup de pays africains, et le Gabon ne fait pas exception, l’informel est roi. Que ce soit dans les affaires, la politique ou même les opportunités de carrière, c’est souvent une question de “qui connaît qui”. Mais contrairement aux idées reçues, les connexions ne se tissent pas forcément dans des cadres conventionnels.
Prenons un scénario typique. Un jeune ambitieux veut décrocher un marché ou un job. Il envoie son CV par mail, attend une réponse qui ne viendra probablement jamais. Parce qu’il ne sait pas encore que son CV aurait eu plus d’impact s’il l’avait déposé verbalement au bon moment, au bon endroit.
Le bon moment ? Un vendredi soir.
Le bon endroit ? Un bar fréquenté par des décideurs.
Le bon timing ? Entre le deuxième et le troisième verre, quand l’ambiance est légère, que tout le monde se tutoie et que les barrières hiérarchiques s’effacent comme par magie.
Les catégories de relationnel “made in Gabon”
1. Le réseautage alcoolisé
C’est la base. Au Gabon, on ne compte plus le nombre de contrats et d’embauches qui se sont décidés autour d’un bon whisky, d’une bière ou d’une bouteille de rosé bien glacée. Il n’est pas rare qu’un cadre ou un entrepreneur balance un “Passe-moi ton numéro, on va voir ce qu’on peut faire” entre deux gorgées. Et si le contact est bien entretenu (traduction : ne pas oublier de relancer une semaine après avec subtilité), ça peut déboucher sur quelque chose de concret.
2. Le réseautage gastronomique
Ici, tout commence par un plat de cotis braisés ou de la viande de brousse. Il suffit de bien choisir sa table dans un restaurant populaire et de se faire remarquer (positivement, bien sûr) par un big boss de passage. Une invitation à s’asseoir, quelques échanges cordiaux sur l’état du pays, et hop, un partenariat peut voir le jour entre deux bouchées de paquet de concombre.
3. Le réseautage familial
On parle souvent de “l’Afrique des réseaux”, mais le plus puissant de tous reste la famille. Il suffit d’avoir un oncle, une tante ou un cousin bien placé pour voir des portes s’ouvrir comme par enchantement. Bien sûr, cela ne garantit pas le poste ou le contrat, mais ça donne une longueur d’avance face à ceux qui doivent tout faire par la voie classique. Faut pas suivre, le piston c’est important.
4. Le réseautage événementiel
Mariages, anniversaires, funérailles… chaque occasion est une opportunité. Ce n’est pas un hasard si certains Gabonais prennent un soin particulier à s’habiller élégamment même pour des cérémonies où ils ne connaissent personne. L’idée est simple : se fondre dans le décor, identifier les personnes influentes et entamer des conversations anodines qui peuvent déboucher sur de belles opportunités.
Pourquoi ça marche (et pourquoi ce n’est pas une voie unique)
Ce modèle de réseautage fonctionne parce qu’il repose sur la proximité, la confiance et l’instantanéité. Les décisions se prennent vite, dans un cadre détendu, et souvent sur la base d’un bon “feeling”.
Mais ce n’est pas une science exacte.
D’abord, il favorise les initiés et laisse de côté ceux qui ne maîtrisent pas les codes de ce relationnel “off the record”. Ensuite, il peut encourager une forme de favoritisme où la compétence passe parfois après la convivialité.
Enfin, il crée une situation où les opportunités professionnelles et économiques dépendent plus des rencontres hasardeuses que d’un système transparent et méritocratique. Ce qui peut être frustrant pour ceux qui jouent le jeu à l’occidentale, avec CV bien ficelé et lettres de motivation en bonne et due forme.
Réseautage informel vs. voies classiques : pourquoi choisir ?
Faut-il tout miser sur ces cercles d’influence décontractés ? Pas forcément. Beaucoup de personnes réussissent grâce à leur mérite, en passant par les voies classiques : candidatures bien préparées, formations solides, efforts constants.
Mais il serait naïf d’ignorer la réalité du terrain. Beaucoup de choses se jouent en dehors des cadres conventionnels.
La meilleure approche ? Ne pas se limiter.
Envoyer son CV par mail, mais aussi accepter cette invitation à un chill. Se préparer aux entretiens, mais aussi savoir engager la conversation avec les bonnes personnes au bon moment.
Parce que dans un pays où le relationnel ouvre beaucoup de portes, mieux vaut avoir toutes les clés en main.