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Le corbeau et la mangeoire

Le vieux roi Hyène, dont le rire résonnait autrefois dans toute la savane, fut chassé du trône par un corbeau rusé et ambitieux. Ce dernier, juché sur une branche au-dessus de la mangeoire royale, proclamait à qui voulait l’entendre : « Finie l’époque des carnassiers voraces ! Désormais, seul celui qui saura honorer ma grandeur goûtera aux délices du royaume. »

Les animaux, médusés, observaient ce drôle de souverain, mais la faim étant un tyran plus redoutable encore, ils s’avancèrent un à un, le bec et le museau pleins d’allégeance.

Le premier fut le Chacal, qui, avec une révérence exagérée, lécha les serres du Corbeau en gloussant : « Ô Majesté, votre plumage surpasse l’ébène, votre bec est plus affûté que l’esprit du Lièvre ! » Séduit par tant de flagornerie, le Corbeau lui offrit une maigre pitance. Aussitôt, tous les autres bêtes s’essayèrent à l’exercice, redoublant d’éloges grotesques. L’Éléphant parla de « plumes divines », la Tortue vanta « l’élégance aérienne » du souverain, et même le Crocodile, pourtant réputé pour son franc-parler, se fendit d’un compliment sur « la noblesse du croassement royal ».

Mais le Singe, moqueur et malin, ne put s’empêcher de ricaner. « Alors c’est ça, la nouvelle loi ? Un festin pour les lèche-plumes et la disette pour les honnêtes ? » Le Corbeau, piqué au vif, lui rétorqua : « Qu’importe la sincérité, seul le respect compte ! » Et pour punir l’effronté, il ordonna qu’on lui retire sa part. Voyant cela, les animaux redoublèrent d’ardeur, s’agenouillant si bas qu’ils en mangeaient la poussière, et le Corbeau, ivre de vanité, en oublia même de manger lui-même.

C’est ainsi que, repu d’adulation mais affamé de bon sens, le Corbeau finit par s’effondrer d’inanition. Le vent, témoin de la scène, siffla doucement dans les branches : « Mieux vaut un roi qui rit qu’un roi qu’on flatte. » Et au loin, la Hyène, éclatant de son rire rauque, savourait son retour inévitable.

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La Digitalisation au Cœur des Enjeux du Financement du Développement Post-Transition

Du 17 au 18 Mars 2025, j’ai eu l’honneur de participer aux Assises Nationales sur le Financement du Développement Post-Transition au Gabon, organisées par le Ministère de l’Économie et des Participations en partenariat avec le PNUD.

Durant ces deux jours d’échanges intenses, ministres, agences des Nations Unies, hauts cadres de l’administration et chefs d’entreprises ont unanimement souligné l’importance cruciale de la digitalisation dans ce processus de transformation économique.

Le numérique représente un levier stratégique pour le développement, d’autant plus que le Gabon dispose déjà d’atouts majeurs : une infrastructure numérique en place, une forte pénétration du digital parmi la population et un réseau de fibre optique déployé sur l’ensemble du territoire. Toutefois, des défis subsistent, notamment la nécessité de construire un datacenter national pour assurer le stockage et la sécurisation des données.

Une Politique Digitale Aggressive pour un Nouveau Modèle Économique

Le Ministre Mark Doumba l’a bien résumé : “Nous n’avons pas d’autre choix que de faire d’autres choix.” Dans cette optique, il est impératif que le gouvernement adopte une politique digitale ambitieuse afin de développer une industrie des services performante, à l’image du modèle rwandais avec Irembo. Cette dynamique a déjà été amorcée à travers le programme Gabon Digital soutenu par la Banque Mondiale. Un projet structurant est en cours : la mise en place d’un identifiant unique pour chaque citoyen et résident étranger. Cet identifiant constituera la pierre angulaire d’un écosystème interconnecté entre les administrations, facilitant la gestion des données liées à l’état civil, l’éducation, l’emploi, les cotisations sociales, les crédits, les assurances et les pensions.

Au-delà de la modernisation administrative, la digitalisation est un catalyseur essentiel pour la transition d’une économie de rente vers une économie de production. L’adoption généralisée des paiements électroniques offrirait une traçabilité des transactions, et l’État doit l’imposer à tous les commerces, renforçant ainsi la capacité des banques à évaluer les risques et à financer les PME. Toutefois, l’absence de structuration financière représente un obstacle pour ces entreprises. La création d’un Centre de Gestion Agréé au sein de la Chambre de Commerce, comme proposé par le Directeur Général de l’ANPI, serait une solution efficace pour accompagner les PME dans leur gestion comptable et financière.

Optimisation des Recettes Fiscales et Réduction de la Corruption

Le financement du développement repose d’abord sur l’optimisation des recettes avant le recours à l’endettement. La digitalisation permettrait une meilleure gestion des ressources fiscales et une transparence accrue, limitant ainsi les risques de corruption. De même, pour les petites entreprises et les ménages, des mécanismes de financement adaptés doivent être mis en place afin de favoriser leur inclusion économique.

Dans cette perspective, l’État doit créer un environnement propice aux affaires en levant les contraintes administratives, en remboursant la dette domestique et en encourageant une politique pro-business axée sur l’entrepreneuriat. L’exemple du Nigeria montre que le développement de champions nationaux est possible avec une approche stratégique, comme l’illustrent des figures emblématiques telles qu’Aliko Dangote, qui a bâti un empire industriel avec sa cimenterie et aujourd’hui sa raffinerie, ou encore Tony Elumelu, PDG de UBA, qui incarne l’entrepreneuriat africain moderne. Malheureusement, au Gabon, nous n’avons pas encore assez mis en avant ces success stories et pourtant nous avons des exemples. Des figures telles que M. Bikalou (Petrogabon), M. Kouakoua (Mika Services) et Henri Claude Oyima (BGFI) ont démontré qu’avec une bonne structuration, il est possible de mobiliser des financements à travers le système bancaire.

Un Financement Inclusif pour les Petites Entreprises

Enfin, il est essentiel de penser aux plus petites entreprises en leur offrant des mécanismes de financement adaptés. Des fonds d’amorçage doivent être mis en place par des institutions telles que la CDC, le FGIS, Okoume Capital et la SGG (pour la garantie), et former ces entrepreneurs sur la gestion à travers des incubateurs. L’expérience pilote menée par COMILOG avec les microfinances a prouvé l’efficacité d’un tel dispositif : sur un fonds de 2 milliards FCFA, une centaine de projets ont été financés et il reste encore 700 millions FCFA disponibles.

Le Gabon a l’opportunité de se transformer en un véritable hub digital en Afrique centrale. Pour cela, nous devons faire de la digitalisation une priorité absolue, en soutenant l’innovation, en simplifiant les procédures administratives et en développant un cadre financier inclusif pour tous les acteurs économiques. Ce n’est qu’à travers cette synergie entre technologie, gouvernance et entrepreneuriat que nous pourrons bâtir une économie durable et compétitive.

Le défi est grand, mais l’opportunité est immense. Ensemble, accélérons la transformation digitale du Gabon !

Mouhamed SANNI, Chef d’entreprise

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GabonSociété

Le relationnel au Gabon : quand les vrais deals se font au bar et pas en réunion

Au Gabon, et plus largement en Afrique, le relationnel est un art. Mais contrairement aux schémas classiques où l’on imagine des costumes-cravates serrés autour d’une table de conférence en train de négocier des contrats avec des PowerPoint bien chiadés, ici, c’est souvent une toute autre dynamique.

Le vrai réseautage ne se fait pas dans les salons feutrés des hôtels ou dans les bureaux climatisés des tours administratives. Non. Il se passe dans des bars, des “chills”, des afterworks improvisés et même dans des maquis où la seule carte de visite qui compte, c’est la capacité à tenir un verre sans vaciller.

Les deals à la fraîche : bienvenue dans l’économie du chill

Dans beaucoup de pays africains, et le Gabon ne fait pas exception, l’informel est roi. Que ce soit dans les affaires, la politique ou même les opportunités de carrière, c’est souvent une question de “qui connaît qui”. Mais contrairement aux idées reçues, les connexions ne se tissent pas forcément dans des cadres conventionnels.

Prenons un scénario typique. Un jeune ambitieux veut décrocher un marché ou un job. Il envoie son CV par mail, attend une réponse qui ne viendra probablement jamais. Parce qu’il ne sait pas encore que son CV aurait eu plus d’impact s’il l’avait déposé verbalement au bon moment, au bon endroit.

Le bon moment ? Un vendredi soir.

Le bon endroit ? Un bar fréquenté par des décideurs.

Le bon timing ? Entre le deuxième et le troisième verre, quand l’ambiance est légère, que tout le monde se tutoie et que les barrières hiérarchiques s’effacent comme par magie.

Les catégories de relationnel “made in Gabon”

1. Le réseautage alcoolisé

C’est la base. Au Gabon, on ne compte plus le nombre de contrats et d’embauches qui se sont décidés autour d’un bon whisky, d’une bière ou d’une bouteille de rosé bien glacée. Il n’est pas rare qu’un cadre ou un entrepreneur balance un “Passe-moi ton numéro, on va voir ce qu’on peut faire” entre deux gorgées. Et si le contact est bien entretenu (traduction : ne pas oublier de relancer une semaine après avec subtilité), ça peut déboucher sur quelque chose de concret.

2. Le réseautage gastronomique

Ici, tout commence par un plat de cotis braisés ou de la viande de brousse. Il suffit de bien choisir sa table dans un restaurant populaire et de se faire remarquer (positivement, bien sûr) par un big boss de passage. Une invitation à s’asseoir, quelques échanges cordiaux sur l’état du pays, et hop, un partenariat peut voir le jour entre deux bouchées de paquet de concombre.

3. Le réseautage familial

On parle souvent de “l’Afrique des réseaux”, mais le plus puissant de tous reste la famille. Il suffit d’avoir un oncle, une tante ou un cousin bien placé pour voir des portes s’ouvrir comme par enchantement. Bien sûr, cela ne garantit pas le poste ou le contrat, mais ça donne une longueur d’avance face à ceux qui doivent tout faire par la voie classique. Faut pas suivre, le piston c’est important.

4. Le réseautage événementiel

Mariages, anniversaires, funérailles… chaque occasion est une opportunité. Ce n’est pas un hasard si certains Gabonais prennent un soin particulier à s’habiller élégamment même pour des cérémonies où ils ne connaissent personne. L’idée est simple : se fondre dans le décor, identifier les personnes influentes et entamer des conversations anodines qui peuvent déboucher sur de belles opportunités.

Pourquoi ça marche (et pourquoi ce n’est pas une voie unique)

Ce modèle de réseautage fonctionne parce qu’il repose sur la proximité, la confiance et l’instantanéité. Les décisions se prennent vite, dans un cadre détendu, et souvent sur la base d’un bon “feeling”.

Mais ce n’est pas une science exacte.

D’abord, il favorise les initiés et laisse de côté ceux qui ne maîtrisent pas les codes de ce relationnel “off the record”. Ensuite, il peut encourager une forme de favoritisme où la compétence passe parfois après la convivialité.

Enfin, il crée une situation où les opportunités professionnelles et économiques dépendent plus des rencontres hasardeuses que d’un système transparent et méritocratique. Ce qui peut être frustrant pour ceux qui jouent le jeu à l’occidentale, avec CV bien ficelé et lettres de motivation en bonne et due forme.

Réseautage informel vs. voies classiques : pourquoi choisir ?

Faut-il tout miser sur ces cercles d’influence décontractés ? Pas forcément. Beaucoup de personnes réussissent grâce à leur mérite, en passant par les voies classiques : candidatures bien préparées, formations solides, efforts constants.

Mais il serait naïf d’ignorer la réalité du terrain. Beaucoup de choses se jouent en dehors des cadres conventionnels.

La meilleure approche ? Ne pas se limiter.

Envoyer son CV par mail, mais aussi accepter cette invitation à un chill. Se préparer aux entretiens, mais aussi savoir engager la conversation avec les bonnes personnes au bon moment.

Parce que dans un pays où le relationnel ouvre beaucoup de portes, mieux vaut avoir toutes les clés en main.

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GabonOpinion

Agressions sexuelles : voix brisées, silences imposés

Les agressions sexuelles sont une réalité brutale qui touche toutes les catégories de personnes : femmes, hommes, enfants. Pourtant, la parole des victimes est souvent étouffée, minimisée ou tournée en dérision.

Derrière chaque témoignage, il y a une douleur silencieuse, un traumatisme profond, une peur omniprésente. Être une femme dans une société patriarcale, c’est vivre avec l’angoisse permanente d’être une cible. Être un homme agressé, c’est affronter la honte et le scepticisme. Être un enfant victime, c’est parfois ne même pas comprendre ce qui se passe.

Je suis une femme

Je suis une femme et j’ai peur. Peur de marcher seule la nuit, peur de rentrer tard, peur des regards qui s’attardent trop longtemps, peur des mots qui dégoulinent d’intentions malsaines.

Je suis une femme et je vis dans un monde où mon corps est un champ de bataille. Dans les statistiques, je ne suis qu’un chiffre de plus. Une femme violée toutes les X minutes, une femme tuée par son compagnon, une femme harcelée au travail. Mais dans la vraie vie, je suis bien plus que cela : je suis une personne qui se crispe en entendant un pas derrière elle, qui baisse la tête quand un groupe d’hommes rit trop fort, qui garde ses clés entre les doigts comme des griffes en cas d’attaque.

Et que dire des oncles qui me connaissent depuis que je suis enfant et qui, aujourd’hui, m’invitent dans leur lit comme si c’était naturel ? Que dire des collègues qui glissent des allusions en plein open-space, des clients qui se croient tout permis, des supérieurs qui abusent de leur pouvoir ?

Et puis il y a le marché, le bus, la rue, où l’on me siffle comme un chien, où l’on me touche parfois comme si mon corps n’était qu’un objet en libre-service. Si je m’énerve, c’est moi la “mal-baisée”. Si je ne réagis pas, on pense que j’aime ça. Quoi que je fasse, c’est toujours moi le problème.

Je suis un homme

Je suis un homme et j’ai été agressé. Mais si je le dis, on rira. On me demandera pourquoi je n’ai pas aimé ça. On me dira que j’exagère, que ce n’est pas possible, qu’un homme ne peut pas être victime.

Je suis un homme et je sens la peur dans les regards des femmes lorsque je marche trop près derrière elles dans la rue. Alors je ralentis, je traverse, je fais semblant de ne pas exister. Parce qu’elles ne me connaissent pas, elles ne savent pas que je ne suis pas un danger. Elles ont juste peur, comme d’habitude.

Mais moi aussi, j’ai peur. Peur d’être considéré comme un violeur en puissance alors que je n’ai jamais levé la main sur une femme. Peur de me confier sur ce qui m’est arrivé et qu’on me tourne en ridicule. Peur de dire que, oui, un homme aussi peut être forcé, humilié, brisé.

Je suis un enfant

Je suis un enfant et je ne comprends pas ce qui m’arrive. Pourquoi tonton met sa main là ? Pourquoi cousine insiste pour qu’on “joue aux grands” ? Pourquoi tout le monde me dit d’embrasser cet adulte que je n’aime pas ?

On me dit de ne pas parler aux inconnus, mais c’est un proche qui me touche. On me dit que c’est normal, que je fabule, que je dois rester sage. Et moi, je me tais, je me referme, je me perds.

Et maintenant ?

Les agressions sexuelles ne sont pas qu’un “problème de femmes”, ni une honte à porter en silence. C’est une plaie qui gangrène nos sociétés, un fléau qui touche femmes, hommes et enfants.

Les chiffres sont terrifiants : des milliers de victimes chaque année, un nombre incalculable de cas qui ne seront jamais signalés. Pourquoi ? Parce que la honte écrase. Parce que la société minimise. Parce que les agresseurs sont rarement inquiétés.

Que faut-il faire ? Éduquer dès le plus jeune âge, briser les silences, écouter et croire les victimes. Former les forces de l’ordre à recueillir la parole sans jugement. Lutter contre la culture du viol, cette idée sournoise qui cherche toujours à excuser l’agresseur et culpabiliser la victime.

Il faut parler, dénoncer, protéger. Il faut surtout comprendre que les agressions sexuelles ne sont pas une fatalité, mais un combat que nous devons mener ensemble.

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CommunicationGabonOpinion

Être qui on veut être !

L’individualisme, la singularité sont sincèrement en train de disparaître, et c’est dommage ! On a comme l’impression que le besoin d’appartenance a tellement grandi que plus personne ne veut se sentir différent des autres.

Le concept du Glow up, par exemple. En Afrique, je ne sais pas comment les gens ont compris ça.Tu vois des gens qui estiment que mettre des perruques et coller des faux ongles, c’est Glow up.

On a beaucoup de femmes qui pensent que toutes les femmes doivent obligatoirement le faire, parce que c’est ça être “propre” et être une femme. Pourtant, il y a des gens comme moi.

La majeure partie du temps, je me balade avec mon afro, je n’ai mis des faux ongles qu’une fois, pourtant je suis tout autant clean. Et toutes ces “règles” que les femmes s’imposent pour entrer dans les cases de “chics” femmes font que la singularité est en train de mourir.

Les mêmes robes, les mêmes visages parfois retouchés, les mêmes styles…On a besoin de créativité pour vivre. Nous. Et donc, on ne sera jamais complètement clean.Il y a une semaine ou deux, je suis sortie de chez moi avec un maquillage peul. En Afrique noire, au Gabon, on m’a regardée tout le long comme si j’étais nue. Un monsieur m’a même demandé pourquoi sortir avec. J’étais choquée.

Tout ce qui touche à l’art ou même juste à la singularité est vu de manière bizarre. Pourtant, c’est ainsi qu’on nous a créés : on est TOUS DIFFÉRENTS.

Au final, nous, les personnes avec des styles et des lifestyles différents, recevons des commentaires différents. Moi, par exemple, on ne me dit pas toujours que je suis jolie dans la rue. On me dit : « Tu es particulière », « Ton style est intéressant ». C’est tout. Parce que c’est curieux, mais ils ne savent pas comment l’apprécier.

C’est dommage, parce que la vie est trop belle pour se mettre dans des cases. Vivez singulièrement !

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CommunicationDigitalGabonOpinion

Chroniques d’un optimiste en voie d’extinction

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai essayé pourtant. Je me suis installé, carnet en main, prêt à chanter les louanges de mon beau pays. J’ai commencé par l’électricité, mais au moment où j’écrivais “nous avançons vers une stabilité énergétique“, le courant a sauté. Silence total. J’ai attendu, le ventilo s’est arrêté, la chaleur s’est installée. Trois heures plus tard, toujours rien. Un voisin a crié “Mettez nous même les groupes, allumez !” et j’ai compris qu’il fallait abandonner l’idée d’un pays électrifié en continu. J’ai griffonné dans mon carnet : Nous sommes passés de l’énergie renouvelable à l’énergie intermittente. C’est une transition écologique… forcée.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler des opportunités pour les jeunes. À la télé, on nous dit que le chômage baisse, que l’économie se porte mieux, que les entreprises recrutent. Puis, j’ai croisé mon cousin, master en poche, qui fait des livraisons à moto. “Faut bien manger, hein !” m’a-t-il lancé avant de repartir sous la pluie, casque à moitié cassé. J’ai aussi pensé à mon ami qui a envoyé 100 CV et n’a reçu que des refus polis, ou pire, un silence radio. Alors j’ai noté : Les jeunes ont des diplômes, des compétences et de l’ambition. Il ne leur manque plus qu’une chose : un pays qui leur donne leur chance.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler de la santé. Je suis allé à l’hôpital. À l’entrée, des files d’attente interminables. J’ai vu une femme enceinte attendre des heures, un vieil homme allongé sur un banc, faute de lit disponible. La pharmacie n’avait plus les médicaments nécessaires, mais “on peut vous aider si vous avez quelqu’un en ville pour les acheter en pharmacie privée“. Et si t’es fauché, que tu crèves en silence ? J’ai noté : On dit que la santé n’a pas de prix… Mais ici, elle a un coût, et tout le monde ne peut pas se l’offrir.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler de l’amour. Mais le goumin m’a rattrapé. Elle est partie. Pourquoi ? “Tu n’as pas de projet”, “Les temps sont durs”, “Un homme doit être stable“. J’ai repensé aux loyers exorbitants des faux agents immobiliers qui réclament leur fameux “100% de commission” avant même que tu signes un bail. J’ai aussi pensé à l’inflation, au prix du poisson qui a triplé, aux légumes qui coûtent une fortune, et aux “commérages financiers” dans les couples. J’ai écrit : L’amour, c’est beau. Mais sans argent, c’est juste une relation d’amitié avec des obligations.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler des routes. Puis j’ai pris un taxi et me suis retrouvé coincé dans un embouteillage monstre. Pourquoi ? Parce qu’une autorité a décidé de bloquer une route pour son passage. On voit arriver des motards sifflant comme des policiers en plein marathon, des agents de sécurité nerveux, et une file de voitures climatisées roulant à toute vitesse pendant que nous, pauvres mortels, transpirons sous un soleil impitoyable. J’ai noté : Ici, les routes sont à tout le monde. Mais certains sont plus “tout le monde” que d’autres.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler de la liberté d’expression. Puis j’ai vu un gars critiquer une situation sur Facebook. Deux jours plus tard, il était porté disparu. On apprend plus tard qu’il “collabore avec la justice“. En clair, il est au ngata. J’ai effacé ce que je voulais écrire et noté : Ici, la liberté d’expression est un mythe. Si tu veux parler, assure-toi d’avoir un bon avocat.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

Alors, peut-être qu’un jour, je pourrai enfin écrire un article joyeux. Peut-être qu’un jour, mon stylo tracera des lignes où l’espoir ne sera pas une blague. Peut-être qu’un jour, je cesserai d’avoir l’impression d’écrire un recueil de plaintes.

Mais pour l’instant, la lumière vient de s’éteindre. Le réservoir d’eau est vide. Mon cousin cherche un autre boulot. Une femme a encore été tuée.

Et moi, je me demande si l’optimisme n’est pas un sport extrême réservé aux inconscients.

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GabonOpinionPrésidentielles2025

Oligui, le bâtisseur ! Mais pas que…

Si vous vous attendez ici à un article qui encense le Président de la Transition, vous lisez le mauvais texte. Loin des médias nationaux qui donnent dans la propagande, il serait de bon ton aussi de rappeler que le Général n’a pas toujours tenu sa parole…

Pour ceux qui n’iront pas beaucoup plus loin dans cet article, je tiens à rappeler que je ne cite que des faits vérifiables à travers les déclarations faites ici et là. Ça ne sert à rien de me tenir la jambe. Je n’ai rien inventé.

Ceci dit, pour ceux qui ont un peu fait attention, on a tous constaté une gymnastique particulière des différentes institutions, qui auraient dû être restaurées, pour répondre aux besoins du Président de la Transition. De la première version de la Charte qui l’empêchait de se présenter à la nouvelle version de la Constitution, tout est mis en place pour paver le chemin du Général de Brigade.

Autour de lui, d’anciens opposants et des PDGistes mis de côté par l’ancien régime : une cour de partisans uniquement là pour atteindre ses desseins. Rappelons-le, BCON a lu Machiavel… qui défend dans Le Prince l’idée qu’un dirigeant peut utiliser la ruse et la perception pour maintenir son pouvoir, affirmant même que l’apparence de la vertu peut être plus importante que la vertu elle-même et que les dirigeants doivent parfois user de tromperie. Dès lors, on peut clairement se dire qu’il n’a jamais été question de partir après la transition.

Modification de la Charte de la Transition
Initialement, la Charte de la Transition stipulait clairement que le Président de la Transition ne pouvait pas se présenter aux futures élections. Un gage de bonne foi censé rassurer les populations sur la sincérité du coup de libération. Mais comme par enchantement, la révision de cette charte a progressivement ouvert la porte à une candidature du Général. Une stratégie bien ficelée où l’on change les règles du jeu au fil du temps pour s’assurer un avenir politique.

Loi pour la polygamie
En pleine période de transition, une loi est adoptée permettant aux membres de l’armée d’être polygames. Coïncidence ? Pas vraiment. Cette loi semble taillée sur mesure pour le Président, dont la situation matrimoniale était déjà connue de tous. Par exemple, il était de notoriété publique qu’il entretenait plusieurs relations avant même cette loi, ce qui rend cette réforme pour le moins suspecte. Pendant ce temps, d’autres réformes essentielles attendent encore, comme la modernisation du système judiciaire ou l’amélioration des services publics.

Main tremblante devant les actions de certains
D’un côté, Oligui prône une politique de tolérance zéro contre la corruption et les abus de l’ancien régime. De l’autre, il ferme les yeux sur les dérives de son entourage. Son propre frère, surnommé l’enfant, a été épinglé pour des faits de malversation, mais cela n’a en rien affecté son influence politique. On pourrait aussi citer des figures du PDG aujourd’hui en poste, malgré leur implication passée dans la mauvaise gestion des affaires publiques. Cette indulgence sélective interroge sur la sincérité de la lutte contre les abus.

Responsable de rien
« Tu me les enlèves », disait-il en parlant des incompétents. Mais qui, au Gabon, donne réellement les directives concernant l’utilisation du budget ? La gestion des priorités budgétaires semble erratique : certains projets purement populistes reçoivent des financements immédiats, pendant que des secteurs clés comme la santé et l’éducation restent sous-financés. L’augmentation de la dette devient inévitable pour répondre à ces choix discutables, qui ne servent souvent qu’à soigner l’image du pouvoir en place.

Retour du tribalisme et de la xénophobie
Lorsqu’un gouvernement manque de propositions concrètes, il lui faut un bouc émissaire. Ces derniers mois, les discours tribalistes et xénophobes sont utilisés comme un outil de diversion politique. Des figures publiques, y compris certains ministres, ont tenu des propos ouvertement discriminatoires sans jamais être rappelés à l’ordre. Ce climat contribue à diviser les Gabonais et détourne l’attention des véritables problèmes économiques et sociaux du pays.

Oligui, le bâtisseur ? Peut-être. Mais gouverner, ce n’est pas que construire des routes et poser des premières pierres. C’est aussi assumer ses engagements, faire preuve de cohérence et ne pas instrumentaliser les institutions à des fins personnelles.

On est encore loin du compte. Mais bon… on va y arriver, « un peu un peu ».

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GabonPrésidentielles2025

Présidentielle 2025 au Gabon : Festival d’amateurisme et course à la célébrité éphémère

À quelques semaines seulement de l’élection présidentielle gabonaise, le pays vient d’assister à un spectacle haut en couleur : un concours inédit de plaisantins, venus plus pour décrocher leur quart d’heure de célébrité que pour gouverner sérieusement.

Parmi les raisons invraisemblables ayant entraîné le rejet des dossiers figurent, pour plusieurs d’entre eux, l’absence d’actes de naissance légalisés (faut-il rappeler qu’il s’agit d’une candidature présidentielle et que même pour une inscription au collège, on demande un acte de naissance légalisé ?), l’incapacité à justifier la caution de 30 millions de FCFA (finalement, les internautes gabonais avaient peut-être raison de demander à chaque nouvelle déclaration de candidature si la personne avait 30 millions), ou encore l’oubli risible de la lettre officielle de candidature (peut-être une stratégie révolutionnaire pour manifester leur « différence » ?). On a même eu une candidate qui n’a pas pu fournir des photos en noir et blanc. Seigneur, sommes-nous revenus à l’époque où seul le studio photo Troisième Œil était habilité à fournir des photos officielles et était fermé chaque fois qu’elle y passait ?

Parmi tous ces farceurs, la palme revient à deux candidats. Le premier, Pierre Claver Maganga Moussavou, parfaitement conscient d’avoir dépassé la limite d’âge, mais qui, visiblement nostalgique de ses multiples tentatives précédentes à la présidentielle, a décidé de tenter encore une fois sa chance. Il semble déterminé à se présenter tant qu’il sera en vie, histoire d’ajouter un peu d’humour dans une compétition qui manquait clairement de piquant.

Bruno Ben Moumbamba, quant à lui, remporte haut la main le prix spécial du dossier le plus vide jamais vu dans une candidature présidentielle : ni déclaration de candidature manuscrite, ni acte de mariage, ni certificat médical, ni photo d’identité, ni certificat de résidence, et bien sûr, encore moins la déclaration des biens. Que cherchait-il donc exactement ? Probablement assouvir un besoin quasi-pathologique d’être au cœur de l’attention publique, symptôme évident d’une recherche compulsive et désespérée de reconnaissance.

Enfin, le cas de Jean-Rémy Yama est particulièrement frustrant pour de nombreux Gabonais qui voyaient en lui le candidat capable de challenger sérieusement le Général-Président-Chef de tout. Oui, c’était plus difficile pour lui d’obtenir un acte de naissance de son père né en 1920, mais les règles n’ont pas été connues la semaine dernière. Si tu veux participer, tu fais le nécessaire, et si le temps d’obtention de la pièce est trop long, libère le spot et place-toi derrière quelqu’un qui aura un dossier en règle dans les temps.

Cependant, au-delà de l’aspect ridicule de ces candidatures farfelues, il serait injuste de ne pas souligner que le montant exorbitant de la caution et le délai particulièrement court pour constituer les dossiers ont probablement privé le Gabon de candidatures plus sérieuses. Si ces conditions avaient été plus raisonnables, qui sait, peut-être aurions-nous assisté à une élection présidentielle digne de ce nom, plutôt qu’à cette parade de prétendants en quête d’un instant fugace de célébrité.

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C’est le 8 mars, offrez nous des fleurs

Je crois qu’il est grand temps d’aller au-delà de la sacro-sainte phrase « ce n’est pas la fête des mères mais la journée internationale des DROITS des femmes » .

Le 8 mars, Journée internationale des droits de la femme, comme d’habitude, a été le temps pour celles qui travaillent de se faire un restaurant entre femmes de l’entreprise, écouter d’autres femmes parler de leurs problèmes de couple, des challenges qu’elles rencontrent en tant que femmes actives, remercier les dames (1ères et ex æquo ?) et autres femmes qui gravitent dans la sphère politique pour leur digne représentation de la femme gabonaise.

On a dit qu’on ne critique pas, alors, oui, ce n’est déjà pas mal. Il faut reconnaître que la femme gabonaise s’exprime, « elle a la bouche » comme on dit chez nous. Il faut reconnaître qu’il existe des textes, des textes qui depuis peu condamnent le harcèlement sexuel au travail (Messieurs, oui, nous savons que les chacalas existent aussi, mais ce n’est pas le sujet), des textes qui favorisent l’inclusion de la femme en société, des textes, décriés de toutes et tous, qui donnent à la femme, le statut de chef de famille au même titre que son conjoint.

Les textes existent, les marches et autres types de soutien aussi. Mais après, quel en est le bilan ?

J’ai envie de m’étendre sur le sujet, mais je ne suis même pas sûre que cela intéresse qui que ce soit. Je vais donc me contenter de jeter un pavé dans la mare et poser quelques questions :
Est-ce qu’on sait si les femmes, lorsqu’elles sont victimes d’agression sexuelle, connaissent leur droit et se sentent libres de porter plainte ? Lorsqu’elles le font, est-ce qu’on parle de la manière dont ces plaintes sont accueillies et de leur issue ?
Est-ce qu’on sait si les femmes souhaitent que l’on retouche, de manière plus approfondie (parce que cela a déjà été fait) le texte sur l’avortement ? Ne devrait-on pas lancer un débat de société quand on connaît la pratique récurrente du sac poubelle où l’on balance neuf mois de souffrance ? Est-ce qu’on évoque le jeu hypocrite des autorités qui savent bien qu’on pratique des avortements clandestins, à tout coin de rue et même dans les cliniques les plus honorables de la capitale ?
Est-ce qu’on se demande comment une femme salariée du privé vit durant ses trois mois de congé maternité, privée de son salaire parce que la CNSS doit prendre le relais ? Cette même CNSS dont le remboursement pourrait contribuer aux frais d’université de l’enfant, tant il arrive tard.
Est-ce qu’on se demande si la tradition du père qui fait épouser ses enfants et les enterre n’est pas un peu déplacée (le mot est doux) dans un monde où la femme battante (qui se débrouille seule face à son ex-amant démissionnaire) a été érigée en norme ?
Enfin, de manière générale, est-ce qu’il ne serait pas judicieux de se dire que notre société matriarcale sur fond d’empreinte coloniale est souffrante, en perte de repères, et que peut-être, en écoutant les maux de Vénus, nous parviendrons à créer une meilleure Terre gabonaise pour tous ?

Le 8 mars n’est pas une journée de fête, c’est un jour qui, dans un pays en construction, doit faire mal, doit réveiller les souffrances endormies, bousculer les hypocrisies entendues et chercher des solutions réelles.

Pensons-y en offrant et en acceptant les fleurs.

Je te dis tout

GabonOpinionSociété

Faire autrement c’est d’abord un choix

« Faire du neuf avec du vieux », modifier les apparences sans rénover. C’est un peu ça au final la transition au Gabon. En reprenant les mêmes joueurs, on obtient les mêmes résultats car la volonté n’est pas de changer les règles du jeu mais bien de s’enrichir.

La sortie du Ministre des Mines m’a littéralement bondir. Koh « enlevez vos enfants du tertiaire »… M’enfin ! C’est exactement la raison pour laquelle on en est là. Là oú ? À 1 Gabonais, 1 Taxi. Dès le départ, on a expliqué au Gabonais, qui n’avait alors pas de problème pour se baisser et planter, qu’il n’aurait plus à le faire : le sol est riche en ressources pourquoi developper une economie autour d’autre chose ? Plus d’un demi-siècle plus tard, on voit les résultats. Aujourd’hui alors qu’on court après un élargissement du marché du travail et une diversification de l’offre, une Autorité vient nous expliquer qu’il faudrait reculer. Non, Monsieur !

Et même si tout cela part d’une bonne intention, je suppose la formation puis le recrutement de spécialistes du domaine, la forme du message est problématique. Sous d’autres cieux, pour marquer une préférence vers une formation, on n’essaie pas de déshabiller Paul. On propose des incitatifs :

  • Des bourses
  • Des contrats courts
  • Des formations courtes
  • Des salaires attractifs
  • Des emplois.
    Le dernier point est assez interessant car un Gabonais normal a répondu au Ministre qui prétendait que les ressources humaines locales n’existaient pas. Documents à l’appui, il a montré toute la difficulté de l’intégration au Gabon dans la fonction publique dont PERSONNE ne connait les besoins réels. Ou peut-être qu’ils connaissent mais ils ne veulent pas les dire au public… Notre pays n’est pas réputé pour la transparence de ses institutions.

Et là, vous vous demandez pourquoi je parlais de faire du neuf avec du vieux… Parce que cette sortie du Ministre, aussi maladroite soit-elle, n’est que le reflet d’un mode de gouvernance bien connu au Gabon : on ne règle pas les problèmes, on les déplace. Plutôt que de bâtir une stratégie cohérente et durable, on lance des déclarations à l’emporte-pièce, sans fond ni vision. C’est le règne du coup de com’, du symbole creux, du « faire semblant ». Et surtout, du recyclage permanent des mêmes pratiques et des mêmes discours.

Or, si nous voulons réellement avancer, il faut arrêter de bricoler et poser les bases d’un modèle économique qui fonctionne pour nous. Ce n’est pas en pointant du doigt un secteur ou un autre que nous trouverons des solutions. C’est en nous demandant : comment créer un environnement où chaque Gabonais peut s’épanouir et contribuer au développement du pays ?

Je te dis tout