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Et si on regardait autrement ?

Ce matin, je suis tombée sur un message publié à propos d’Emma’a. Un message de soutien, sincère, écrit par quelqu’un qui l’a toujours défendue. Mais au milieu des encouragements, une remarque sur son nouveau style vestimentaire : “Tu peux rester l’ancienne Emma’a… tu n’as pas besoin de tout ça.”

C’était bienveillant, je n’en doute pas. Mais ça m’a fait réfléchir.

On parle souvent d’Emma’a comme de l’artiste. On observe ses choix, on commente son apparence, on analyse sa direction. Mais on oublie parfois qu’avant tout, Emma’a est une jeune femme. Une personne entière, sensible, qui vit aussi avec ses propres doutes, ses blessures, ses souvenirs. Et peut-être, ses complexes.

Changer, ce n’est pas toujours une stratégie. Ce n’est pas forcément pour “faire parler”. Parfois, c’est juste une façon de se sentir un peu mieux. D’alléger quelque chose qu’on porte depuis longtemps, en silence.

Je me souviens, par exemple, de mes parents qui m’avaient surnommée “la boule”. C’était affectueux, je le sais bien. Mais ce surnom, il ouvrait la porte à toutes sortes de moqueries. Quand la famille venait à la maison, c’était : “Oh la boule ! Toujours aussi ronde !”, “La boule, tu as encore planqué la nourriture ?”, “Arrête de faire ta relou, la boule !”

Je souriais, bien sûr. Pour faire bonne figure. Pour ne pas créer de malaise. Mais au fond, ça piquait. Et cette petite douleur, je l’ai gardée en moi pendant des années, sans rien dire. J’ai appris à vivre avec. À me construire autour.

Alors aujourd’hui, quand je vois une femme faire le choix de changer quelque chose en elle – son corps, son style, son attitude – je ne me demande pas si c’est “utile” ou “nécessaire”. Je me demande si ça lui fait du bien. Si ça l’aide à se sentir plus légère, plus libre. Si c’est sa manière à elle de se réconcilier avec une version d’elle qu’elle a longtemps dû cacher, supporter ou taire.

Je parle d’Emma’a, mais en vérité, je parle de beaucoup d’entre nous. De toutes celles qui ont grandi en apprenant à sourire quand ça faisait mal. De celles qui ont été définies par un surnom, une blague, un commentaire, et qui ont mis du temps à se retrouver.

Parfois, quand on en a enfin les moyens, on décide de faire un pas vers soi. Pour se sentir mieux. Pas pour les autres. Juste pour soi. Et ça n’a rien à voir avec une image ou une carrière. C’est quelque chose de profondément personnel. Un apaisement. Un exorcisme, doux et nécessaire.

Alors, la prochaine fois, avant de commenter, même avec tendresse, essayons simplement de regarder autrement. Avec plus de douceur. Parce que l’important, ce n’est pas ce que les autres voient. C’est comment on se sent, quand on se regarde.

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Une mallette pleine de papiers

Je me suis récemment surpris à essayer de me souvenir des entrepreneurs que j’ai connus dans mon enfance. À vrai dire, il y en avait très peu. Très, très peu. Autour de moi, les modèles de réussite étaient clairs : obtenir un bon diplôme, intégrer la fonction publique ou une grande entreprise, et y faire carrière jusqu’à la retraite.

L’entrepreneuriat ? C’était un mot flou. Une idée un peu farfelue. Parfois même un synonyme d’échec.

Il faut comprendre le contexte. Le Gabon des années 80-90 baignait encore dans une relative opulence, soutenue par la manne pétrolière. Le pays offrait alors à une minorité des emplois stables, bien rémunérés, et surtout perçus comme des ascenseurs sociaux sûrs. Travailler à la SEEG, à la CNSS, ou au Trésor Public, c’était “réussir”. Dans l’imaginaire collectif, ce n’était pas seulement respectable, c’était rassurant. Quitter ces postes-là pour “se mettre à son compte”, c’était incompréhensible.

Je me souviens d’un ami de la famille. Il avait quitté un poste confortable à la SEEG – il était chef de service, ingénieur, cadre. Autant dire une valeur sûre. Il voulait “monter sa boîte”. Personne ne comprenait. À voix basse, certains le prenaient pour un fou, d’autres pour un flemmard qui ne voulait plus “se lever tôt pour aller bosser”.

Dans la famille, quelques oncles et tantes étaient “dans les affaires”. Mais on ne comprenait jamais vraiment ce qu’ils faisaient. Ils parlaient d’investissements, de “projets à venir”, de “rentrées d’argent” hypothétiques. Il y en avait un en particulier qui traînait toujours une mallette pleine de papiers. Il faisait le tour de la famille pour proposer d’investir dans son idée, sans que personne ne sache trop dans quoi il voulait vraiment se lancer. Pour les anciens, ce genre de profil n’était pas un entrepreneur, mais un rêveur, voire un parasite.

Et pourtant, derrière ces regards moqueurs ou méfiants, il y avait une autre réalité, beaucoup plus rude. Ces “entrepreneurs” tentaient d’exister dans un pays où le système ne leur laissait presque aucune chance. Il n’y avait ni structure d’accompagnement digne de ce nom, ni écosystème solide, encore moins de culture du risque ou de l’innovation. Il fallait se battre contre l’administration, la lenteur des processus, le manque de financements, et l’absence totale de reconnaissance sociale.

Aujourd’hui encore, malgré les discours sur “l’auto-emploi” et “la jeunesse entreprenante”, cette perception persiste. Être entrepreneur au Gabon, c’est souvent être regardé avec suspicion, comme si c’était un plan B pour ceux qui n’ont pas trouvé de “vrai travail”.

Mais peut-être que notre génération peut changer cette image. En racontant nos histoires. En valorisant nos parcours, nos réussites comme nos échecs. En montrant que ce qu’on appelle “l’entrepreneuriat” n’est pas une fuite, mais une construction – parfois chaotique, souvent solitaire, mais profondément nécessaire.

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Ce n’est pas toujours un shade — Biais cognitifs, identification et projection

Il y a quelques jours, j’ai publié un texte. Un parmi tant d’autres. Mais dans les minutes qui ont suivi, des réactions ont surgi : “C’est un shade, on sait de qui tu parles.” Peut-être. Peut-être pas. Et c’est justement cette certitude, souvent hâtive, qui mérite d’être interrogée.

Sur les réseaux sociaux — Twitter en tête — on a pris l’habitude de chercher qui est visé. Comme si chaque mot publié était une balle perdue. Pourtant, ce réflexe de traquer la cible cache autre chose : un biais d’identification.

Prenons un exemple simple. Je décris dans un texte une situation où une personne prend la parole publiquement mais agit à l’opposé en privé. Quelqu’un lit ça, pense immédiatement à une figure connue de son cercle ou de l’actualité, et s’écrie : “C’est elle, c’est lui, c’est forcément eux !”

Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que cette impression de reconnaissance vient souvent de soi. Ce n’est pas le texte qui parle d’une personne précise — c’est le lecteur qui projette une personne sur le texte.

Ce phénomène est connu en psychologie : on appelle ça un biais cognitif, notamment un mélange entre biais de confirmation et attribution erronée. On croit reconnaître une personne parce que l’on connaît quelqu’un qui agit à peu près comme ça. Et ça suffit à notre cerveau pour faire un raccourci : “Si ça ressemble, c’est que c’est.”

Mais non. Ce n’est pas si simple.

Ce qu’on prend pour un shade, c’est parfois juste une illustration d’un fait social global.
Quand on parle d’opportunisme, d’hypocrisie, de récupération politique, ce ne sont pas des concepts neufs. Ce sont des dynamiques bien connues, observables ici comme ailleurs.
Le texte ne vise pas forcément quelqu’un — il décrit un phénomène. Et si quelqu’un se sent visé, peut-être que le miroir social fonctionne. Mais ce n’est pas une preuve d’intention.

Il est donc essentiel, surtout dans cette période d’hyper-exposition et de suspicion, d’apprendre à faire la part des choses entre ressenti personnel et réalité objective.
Reconnaître un comportement n’est pas reconnaître une personne. Ce n’est pas parce que “ça lui ressemble” que “c’est lui”.
Et ce n’est pas parce qu’on se sent attaqué qu’on est attaqué.

En fin de compte, nous devons à nous-mêmes — et aux autres — un minimum d’honnêteté intellectuelle : celle d’admettre que parfois, ce que nous croyons lire dans les mots… vient surtout de ce que nous avons en tête.

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Et certains se lèchent les doigts…

Il y a des phrases qui me retournent l’estomac. « Le partage du gâteau » en fait partie. Tout comme ce fameux « si tu m’achètes ça, ça te fait quoi ? ». Ces expressions anodines en apparence cachent une vérité beaucoup plus crue : une vision pourrie du pouvoir, de la gestion publique, de notre vivre-ensemble.

Quand on parle de “partager le gâteau”, on ne parle pas de justice sociale, encore moins de développement collectif. Non. On parle de se partager un butin. Comme si l’État n’était qu’une prise de guerre, un coffre-fort qu’on ouvre après un braquage réussi. Comme si les nominations, les fonctions, les marchés publics, les budgets… n’étaient que des récompenses personnelles. Une affaire de clans. Une affaire de deals.

Mais il faut le dire clairement : le seul partage légitime, c’est celui qui se traduit en écoles ouvertes, en hôpitaux qui fonctionnent, en routes praticables, en services publics accessibles à tous. C’est ça, le vrai gâteau. Et celui-là, on ne le partage pas entre individus, on l’offre au peuple.

Or, dans ce fameux “partage”, 1 Gabonais sur 3 n’est même pas concerné. Oui, 1 sur 3 est pauvre. Et parmi les deux autres, il y en a au moins un qui vit chaque jour avec la corde au cou, tirant le diable par la queue, tout en ayant la tête sous l’eau. Ces gens-là, nos gens, savent-ils seulement qu’il y a un gâteau à partager ? Non. Ils ne sont pas à table. Ils sont trop occupés à se demander ce qu’ils vont manger ce soir.

Et c’est bien ça, le comble.

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Les rois de la sous table

Après le Banquet des Illusions, les rats quittèrent la grande table, repus, le ventre bombé comme s’ils avaient mangé les plats principaux alors qu’ils n’avaient fait que grignoter les miettes tombées par terre.

Mais qu’importe ! Dans leur tête, ils étaient désormais les rois du festin.
« Nous étions au banquet des puissants ! Nous avons mangé à la table du Lion ! » criaient-ils à qui voulait bien les écouter — et surtout à ceux qui n’avaient pas été invités.

Ils avaient tellement bien menti à eux-mêmes qu’ils en avaient oublié qu’ils n’étaient que des rats. Plus aucun ne rampait, non… désormais, ils paradaient ! Un reste de feuille de bananier sur le dos, un bout de ficelle autour du cou, et hop ! Les voilà transformés en chefs d’apparat.

Ils croisèrent un groupe de gazelles, fatiguées mais dignes, toujours en quête de liberté et de justice dans cette savane déséquilibrée.

Les rats, le museau en l’air, les toisaient du regard.
« Vos cornes ne sont pas assez affûtées pour diriger la savane, mesdemoiselles… » lâcha l’un d’eux avec un sourire narquois.
Un autre renchérit : « Le pouvoir se mange avec les dents, pas avec des rêves. »

Les gazelles, surprises, clignèrent des yeux. Elles, qui avaient toujours évité les rats pour éviter les puces, voyaient désormais ces mêmes créatures se donner des airs de rois.

L’une d’elles, plus vive que les autres, s’approcha et dit calmement :
« Mais vous… avez-vous seulement des cornes ? Ou même une colonne vertébrale ? »
Le silence fut long. Même le vent sembla retenir son souffle.

Un vieux caméléon, qui observait la scène depuis une branche, hocha la tête lentement et murmura :
« Il y a ceux qui mangent dans l’ombre, et ceux qui brillent de leur propre lumière. Les rats croient qu’en léchant la sauce, ils deviennent cuisiniers. »

Les gazelles s’éloignèrent, le cœur un peu plus lourd mais l’esprit clair.
Quant aux rats, ils se mirent à répéter cette phrase étrange :
« Nous étions au banquet, nous étions au banquet… »
Mais à force de le répéter, ils finirent par croire que c’était eux qui l’avaient organisé.

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ChatGPT, mon accélérateur de productivité

Depuis quelques semaines, j’ai intégré ChatGPT à mes tâches quotidiennes au travail. Mon employeur a pris une licence pro pour l’équipe, histoire de tester notre efficacité avec ce nouvel outil. Et franchement ? Disons-le clairement : si TikTok est un accélérateur de tendances, ChatGPT est un accélérateur de productivité.

Dit comme ça, on dirait presque une phrase toute faite. Mais ce que j’ai vécu ce week-end dépasse clairement ce genre de punchline.

Un samedi, un projet, zéro budget

Je suis développeur. Et c’est plus qu’un métier, c’est une vraie passion. Ce samedi, plutôt que de sortir (je suis fauché comme les blés), j’ai décidé d’apprendre quelque chose de nouveau. J’ai ouvert mon carnet à idées, et j’ai choisi un projet perso.

L’idée ? Créer un service à destination des Gabonais, voire des Africains… Mais j’en parlerai plus tard. Pour exploiter ce service, il me fallait une interface où les utilisateurs pourraient saisir leurs informations.

Petit souci : je sais faire du front, mais ce n’est pas ma spécialité. D’habitude, dans le cadre de mon activité en freelance, je fais appel à un expert pour ça. Mais là, j’ai voulu relever le défi moi-même.

Maquettes, code, et assistant IA

Je me suis souvenu d’un post vu sur Twitter (oui, Twitter, pas “X”) : quelqu’un montrait comment ChatGPT pouvait transformer une maquette en HTML/CSS. J’aurais pu aller sur Dribbble ou Pinterest, mais j’aime bien les challenges. Direction Figma.

Une heure plus tard, j’avais trois écrans designés. Et j’ai utilisé mon compte perso ChatGPT (pas la version Pro, hein), avec ses limitations. Je lui ai envoyé mes maquettes pour qu’il me les transforme en code.

Résultat ? En quelques secondes, j’avais un premier rendu fonctionnel. Bon, pas parfait — certains éléments étaient mal placés — mais 80% du travail était fait. J’ai corrigé ce qui clochait, puis renvoyé le code corrigé à ChatGPT pour qu’il s’appuie dessus pour les maquettes suivantes.

La deuxième vue ? Réalisée avec à peine deux ou trois ajustements à faire. La troisième ? Codée directement par ChatGPT à partir d’une description textuelle enrichie. Et là, j’ai carrément pu produire une dizaine de pages PHP/HTML/CSS/JS en une après-midi. Ce même travail m’aurait pris trois jours minimum sans aide.

Un cours à la demande

Mais ce n’est pas tout. Pendant que je lisais le code, je posais des questions à ChatGPT sur ses choix techniques. Il me répondait, me formaît. Je me suis même tapé un cours complet sur la propriété flex de CSS. Résultat : la maquette du dimanche, je l’ai codée entièrement seul, sans aide.

Quand travailler devient un kiff

En deux jours, j’ai monté tout le front de mon projet, sans galérer. J’ai appris. J’ai gagné du temps. J’ai progressé. Et le plus fou ? À la fin, ChatGPT m’a même listé les étapes restantes pour finaliser mon projet. C’était motivant. Presque trop : j’avais du mal à m’arrêter tant le travail avançait vite.

Conclusion ?

TikTok inspire, ChatGPT exécute. L’un te montre ce qui buzze. L’autre t’aide à concrétiser tes idées.

Et moi ? J’ai gagné un week-end, un projet qui avance à fond, et un sentiment de productivité que je n’avais pas ressenti depuis longtemps.

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Tisser l’équilibre : Mars, Vénus et l’avenir du Gabon

Quand je réfléchis à ce qui fait avancer les individus ou les nations, je vois deux forces distinctes, mais inséparables : une énergie d’action, de courage, de rupture, celle de Mars ; et une autre, plus douce, faite d’écoute, de lien et d’harmonie, celle de Vénus.

L’élan de la rupture

Ces deux dynamiques, loin de s’opposer, se nourrissent mutuellement. Leur équilibre, fragile et vivant, est au cœur de toute transformation durable, qu’il s’agisse de nos vies personnelles ou d’un pays comme le Gabon, où la victoire de Brice Oligui Nguema à l’élection présidentielle du 12 avril 2025 avec 94.85 % des voix, incarne ce défi.

Mars : la force en action

La victoire d’Oligui Nguema est un symbole puissant de l’énergie martienne. Après avoir renversé la dynastie Bongo en 2023, il a promis de redonner espoir à un Gabon riche en pétrole, mais où un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. À Libreville, les célébrations dans les rues, relayées sur les réseaux sociaux, montraient une ferveur presque tangible : des klaxons, des danses, une vague d’enthousiasme pour un homme perçu comme un bâtisseur, prêt à secouer un système entier. Cette force – celle de trancher, de réformer, de construire – est essentielle. Elle porte l’ambition de nouvelles infrastructures, d’une économie diversifiée, d’un pays qui ne repose plus seulement sur l’or noir. C’est l’élan d’un peuple qui veut tourner la page.

Vénus : le souffle de l’unité

Mais cette énergie, aussi puissante soit-elle, ne suffit pas seule. Les critiques de l’opposition, comme celles d’Alain Claude Bilie-By-Nze, qui a dénoncé un scrutin opaque, rappellent une vérité : aucun changement ne dure s’il ignore les voix discordantes. Vénus, c’est cette capacité à écouter, à fédérer, à soigner les fractures d’une société marquée par des décennies d’inégalités. Le Gabon a besoin de réformes audacieuses, mais aussi de gestes qui touchent le quotidien : des écoles équipées, des hôpitaux fonctionnels, des opportunités pour une jeunesse qui rêve grand. Je pense à des initiatives comme les centres numériques, évoquées récemment dans des discussions sur l’accès à l’éducation. Ces projets, modestes en apparence, peuvent tisser des liens, donner aux jeunes de Port-Gentil ou de Franceville les outils pour se connecter au monde. C’est Vénus qui transforme une vision en un projet partagé.

Une navigation permanente

Cette idée d’équilibre résonne aussi dans ma propre expérience. J’ai souvent été tenté de foncer tête baissée, porté par une idée ou une ambition, en oubliant parfois de m’arrêter pour écouter ceux autour de moi. Une fois, dans un projet collectif, j’ai poussé pour imposer une direction qui me semblait évidente, mais j’ai vite vu les limites : sans l’adhésion des autres, le résultat manquait de vie. J’ai appris à mieux naviguer entre l’élan de l’action et la patience du dialogue. Au Gabon, cet équilibre est tout aussi crucial. Oligui Nguema a une chance historique, mais son succès dépendra de sa capacité à marier la force des réformes à l’attention portée aux besoins de tous. Les richesses du pays doivent irriguer les écoles, les villages, les espoirs de la jeunesse, et non se perdre dans les circuits d’une élite.

Ce qui me marque, c’est que cet équilibre n’est jamais acquis. C’est un mouvement, une danse entre deux forces qui se répondent. Pour le Gabon, comme pour chacun de nous, il s’agit d’apprendre à avancer avec audace tout en restant ancré dans l’écoute, de bâtir avec force tout en prenant soin des liens qui nous unissent. C’est peut-être dans cette tension, dans cet art de l’ajustement, que se dessine un avenir qui ne sacrifie ni l’ambition ni l’humanité.

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L’humain a-t-il perdu son humanité ?

Il y a un jour ou deux, je suis tombée sur un post qui disait que l’une des voitures transportant des membres de l’équipe de campagne d’un des candidats à la présidentielle avait fait un accident. La voiture avait l’air tellement amochée…

Face à cela, je me suis rendue dans les commentaires pour en savoir plus, savoir si les personnes impliquées s’en étaient sorties.

À ma grande surprise, les gens en commentaires se réjouissaient de cette situation. Ils étaient contents, pour la plupart, tout simplement parce qu’ils comptent voter pour un autre candidat que celui à qui appartient cette équipe.

Je ne suis pas très politique — j’en parle d’ailleurs très peu — mais j’ai du mal à comprendre comment des humains peuvent se réjouir du malheur d’autres êtres humains par pure divergence d’opinion. C’est juste… incroyable !

Quand je croyais avoir tout vu, hier soir, je tombe sur un autre post. Celui-ci montrait un jeune artiste gabonais avec de graves brûlures provoquées par de l’eau bouillante. Je me suis demandé : « A-t-il braqué ? Tué ? Violé ? » — bien que, soyons clairs, aucune de ces raisons ne justifie qu’on fasse du mal à quelqu’un.

J’ai ensuite lu qu’il serait instable mentalement, et qu’il aurait simplement dormi sur la terrasse d’une voisine. Cette dame, en le voyant au réveil, a jugé bon de lui verser de l’eau bouillante… pour le “réveiller”.

Plus choquant encore : en partageant ce post, beaucoup de personnes se moquaient ou trouvaient que la dame avait bien fait.

Alors je pose cette question : à quel moment allons-nous retrouver un minimum d’empathie ?

J’ai l’impression que depuis l’arrivée des réseaux sociaux — et encore plus avec la génération Z — ce qui compte désormais, ce sont les likes, les partages, les commentaires. Peu importe ce que l’autre peut ressentir, peu importe les conséquences… tant que ça fait du buzz, ça passe.

On ne peut pas éduquer tout le monde à avoir de l’empathie ou à respecter la vie d’autrui, mais on peut continuer à jouer aux gendarmes. Recadrer quand c’est nécessaire, sensibiliser, et surtout, ne pas participer au cyberharcèlement.

Parce qu’au final, notre silence ou notre inaction peuvent nous rendre complices.

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La gentillesse du voleur

Il existe une phrase qu’on entend souvent dans les milieux professionnels au Gabon : « Il était gentil. »
On parle ici d’un supérieur, d’un chef de service, d’un directeur… quelqu’un dont tout le monde sait qu’il détourne des fonds ou abuse de son pouvoir. Pourtant, on choisit de le défendre sur la base de ce qu’il “partageait” avec ses collaborateurs. Il donnait un peu, donc il était “gentil”.

Ce genre de remarque illustre un problème plus large : la normalisation de la corruption dans la société gabonaise. Au lieu d’être dénoncée, elle est parfois valorisée, tant qu’elle profite à ceux qui en parlent. C’est un symptôme d’un mal plus profond : la corruption n’est plus perçue comme un vol, mais comme une forme de générosité quand elle est redistribuée.

Une réalité présente, mais jamais confrontée

La corruption est omniprésente dans la vie quotidienne au Gabon. Mais elle est aussi profondément enfouie dans le silence collectif.
C’est l’éléphant dans la pièce : tout le monde la voit, tout le monde en souffre ou en profite, mais personne ne veut en parler. C’est devenu un fait acquis. Un rouage du quotidien.

Quand on évoque la corruption, on pense souvent aux responsables politiques, aux ministres ou aux directeurs d’administrations. Mais cela ne s’arrête pas là. Ce serait une erreur de croire qu’elle ne concerne que les élites. Au contraire, elle est aussi horizontale. Elle traverse toutes les couches sociales.

Des petits arrangements entre collègues, des dessous-de-table pour débloquer un dossier, un billet glissé pour accélérer une procédure, un étudiant qui paie pour obtenir une note : ce sont des pratiques courantes. Elles impliquent des citoyens ordinaires, qui, à leur niveau, participent au maintien du système.

Une culture du contournement

La corruption ne choque plus. Elle est intégrée.
Elle a même ses propres codes et son langage. On ne parle jamais de pot-de-vin ou de corruption. On dit plutôt qu’il faut “motiver quelqu’un”, “faire un geste”, “donner le coca”. Ce sont des expressions qui adoucissent la réalité, qui permettent de continuer sans trop se poser de questions.

Ce n’est pas seulement une façon de parler : c’est une manière de rendre acceptable l’inacceptable. En évitant les vrais mots, on évite de confronter la gravité des actes.

Et ce système devient vite la norme. On s’adapte, on apprend à faire “comme tout le monde”, et très vite, la corruption n’est plus une exception : c’est la condition nécessaire pour obtenir ce qui, en principe, devrait être un droit.

La banalisation du mal

Ce qui est encore plus préoccupant, c’est que cette réalité est justifiée au quotidien.
Par exemple, lorsqu’on apprend qu’un fonctionnaire s’est enrichi de manière suspecte, on entend souvent :
« Oui, mais au moins il a construit chez lui. »

Autrement dit, tant que l’argent volé a servi à bâtir une maison dans le quartier ou à organiser des funérailles pour les parents, cela rend le détournement plus acceptable. Comme si le fait de “partager” une partie des gains illicites suffisait à effacer la faute.
Ce renversement des valeurs est dangereux, car il installe l’idée que le vol peut être excusé, à condition qu’il soit “utile”.

Pire encore : les personnes enrichies par la corruption deviennent des modèles.
Elles sont respectées, valorisées, parfois même enviées. On ne regarde plus les moyens, on ne juge que le résultat.

Un système sans visages… mais avec des victimes

L’un des éléments qui expliquent la tolérance vis-à-vis de la corruption, c’est l’absence apparente de victimes.
Lorsqu’un billet est donné pour débloquer une situation, cela paraît anodin.
Mais les conséquences sont bien réelles.

Quand une retraite n’est pas versée, c’est un ancien qui souffre dans l’ombre.
Quand un hôpital ne dispose pas du matériel nécessaire, ce sont des vies qui sont perdues.
Quand un enseignant n’est pas payé, l’école se vide et l’avenir des enfants s’assombrit.
Quand un jeune ne trouve pas de travail faute de réseau, c’est toute une génération qu’on bloque.

Ces victimes ne sont pas toujours visibles, mais elles sont nombreuses.
Et chaque petit “coca”, chaque faveur échangée, participe à une mécanique qui produit ces injustices.

Une société guidée par l’argent

L’amour de l’argent, au Gabon, est tel qu’il devient une boussole sociale.
On pardonne tout à ceux qui en ont. On les admire. Même si cet argent est mal acquis.

Les gens veulent réussir, et la réussite est définie par le confort matériel.
Pas par l’intégrité, pas par la compétence.
Simplement par ce que l’on possède et ce que l’on peut afficher.

Ce glissement est lourd de conséquences : il empêche l’émergence de nouveaux modèles. Il décourage ceux qui veulent faire les choses correctement. Il alimente un climat de cynisme où l’idée de justice devient une blague.

La vraie question

Face à tout cela, une question s’impose :
Quel type de société voulons-nous construire ?

Une société où l’on s’en sort mieux en trichant ?
Une société où l’on protège les voleurs s’ils partagent un peu ?
Une société où la loi est secondaire, tant que l’on peut “arranger” ?

La corruption ne détruit pas seulement les institutions.
Elle détruit le lien de confiance entre les citoyens, et donc les fondations mêmes du vivre ensemble.
Elle rend les règles injustes. Elle pousse les gens à penser qu’il faut tricher pour survivre.

Tant que ce système sera toléré, encouragé, ou simplement ignoré, nous ne pourrons pas avancer.
Et ce ne sont pas les dirigeants seulement qu’il faudra pointer du doigt.
Ce sera chacun d’entre nous, dans nos choix, nos silences, nos petits arrangements.

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À 28 ans, moi…

À 28 ans, je bossais depuis deux ans. Et comme tout bon Gabonais avec une culture bien marquée, j’avais une idée en tête : profiter de la vie. Après toutes ces années d’études, de stress, de galères, il était temps de vivre. Enfin.

Tu sais, cette vie qu’on s’imagine ado ? Celle des rêves un peu flous, des clips de l’époque, des plans entre potes… Ouais, cette vie-là. Bon, revue à la baisse à cause des ligaments croisés et des réalités de l’âge adulte — mais le cœur y était.

Je n’étais pas riche. Mais clairement, j’étais plus riche qu’à 17 ans. Sans enfant, sans charge, rien. Juste moi, un salaire, et la liberté de choisir comment passer mon week-end et avec qui.
L’indépendance financière ? À l’époque, je pensais l’avoir atteinte. Aujourd’hui, je cherche une sugar mommy… comme quoi.

La vie était belle.

Et puis, des années plus tard, j’apprends le décès d’Aaron Boupendza. Ce jeune joueur pour lequel j’avais de la sympathie. Et je réalise un truc : les « bêtises » pour lesquelles il était si souvent pointé du doigt… ce n’était que son âge. Lui aussi, quelque part, essayait juste de profiter de la vie. Simplement.

Parce qu’à cet âge, après les nombreux sacrifices auxquels on est tous contraints, se relâcher un peu, kiffer, se laisser porter… c’est souvent nécessaire.
C’est mon avis, hein. Les plus sages ne comprendront pas. Et c’est pas grave.

Bref. La tristesse se fait ressentir en écrivant. Je vais m’arrêter là.

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