La Fière Trentenaire

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Le Gabon, notre pis-aller.

Il n’y a pas à dire, le Gabonais aime son pays. D’un amour sincère et plein d’entrain. Il a beau s’en plaindre à longueur de journées, mais le patriotisme, au fond de lui, ne lui permettra jamais de s’en détourner trop longtemps.

Je me suis toujours dit ça parce que la plupart des gens que je connais reviennent offrir au pays le meilleur de ce qu’ils ont trouvé ou appris après s’être exilés à l’étranger. Il n’y a qu’à voir comment beaucoup d’anciens de la diaspora, de retour au pays, tentent de participer activement à la vie politique et économique du pays. Pas toujours avec beaucoup de sagesse, mais la plupart créent des business, lancent des initiatives novatrices au bénéfice des Gabonais restés au pays, « à ne rien faire d’autre que sortir tard le soir et dormir toute la journée ».

Parce que oui, c’est comme ça que beaucoup de gens de la diaspora nous voient souvent. Pour eux, on ne sait que groover, se chercher des sugar daddies et s’afficher avec les perruques les plus chères du marché, en gros entretenir une vie de paraître dépourvue de but réel. De la même façon, beaucoup d’entre nous, résidents, les voient comme des arrivistes que le rang social des parents propulse presque toujours au-devant des opportunités, facilitant ainsi leur accès au rêve américain gabonais. Il faut les voir les premiers mois, pleins d’idées, pleins de ressources, mais surtout pleins de hargne. Ils sont partout, partagés entre plusieurs business : locations meublées, restos, salles de pilates, instituts de beauté, e-médias, magazines de bons plans, et j’en passe… Ils ont à peine le temps pour leurs proches qu’ils jugent parfois dangereux pour leur « réussite »… « Au pays, on empoisonne », donc on fait attention… Et plus le temps passe, moins ils sont hargneux. L’envie de réussir n’a pas disparu, mais, au vu des difficultés, le rêve gabonais devient de plus en plus abstrait… Comme beaucoup de rêves, il est souvent de courte durée.

Après avoir connu la discrimination, la solitude, le manque de repères culturels, et parfois même le sentiment d’échec à l’étranger, ils se refusent à le revivre chez eux. Après avoir tenté et réessayé sans que ça marche comme ils l’imaginaient. Après avoir tenté de revendre à 100 000 FCFA un sac de citrons acheté à 100 000 FCFA, pour un bénéfice de 100 %, ils s’ouvrent aux réalités actuelles, à ce qu’ils considéraient comme des facilités à l’époque. Leur enthousiasme initial se transforme en déception. Certains finissent par quitter à nouveau le Gabon, déçus et frustrés. Mais d’autres restent, résignés comme nous tous, parce que de toute façon, le Gabon est un pis-aller, le nôtre.

Vous savez que j’aime bien vous faire découvrir des trucs, non ? Eh bien, pour enrichir votre vocabulaire aujourd’hui, sachez que « pis-aller » est un terme que l’on utilise pour définir ce à quoi l’on se résout, faute de mieux. C’est le haut niveau de la résignation, plus connu au pays comme « on va encore faire comment ? ». On est là, autant rester. On ne va pas retourner à l’étranger et de nouveau subir le racisme ou l’exclusion, payer les impôts… Donc on se laisse aller à ce qu’il y a : corruption, retournement de veste, enchaînement de « petites », grooves, plus de Régab que d’eau, délestages, chômage… On garde un sourire apparent. Mais derrière le sourire et la bonne humeur, on ressent souvent une frustration profonde face aux promesses non tenues, aux opportunités manquées, à la corruption endémique qui ralentit le développement du pays. Puisqu’on ne peut porter haut nos voix (en dehors des périodes électorales), on devient décrypteur d’actualité. On critique tout par tous les moyens dont on dispose : Facebook, Twitter, un Gabonais normal… En attendant de voir le soleil et de finir comme ceux qu’on critiquait jadis, parce que c’est quoi le rêve gabonais, sinon une place à l’ombre des billets ? On attend, on se résigne.

Pourtant, malgré cette résignation apparente, il y a quelque chose de fascinant dans la manière dont les Gabonais continuent de croire en leur pays (n’en déplaise à la Chronique d’un Pessimiste). Peut-être est-ce cette espérance tenace, cette croyance que demain sera meilleur. Ou peut-être est-ce simplement la force de l’habitude, cette routine qui fait que l’on finit par accepter les choses telles qu’elles sont. Survivre plus que vivre.

Les Gabonais sont des survivants. Ils ont appris à tirer le meilleur de ce qui leur est offert, à faire preuve d’ingéniosité et de créativité pour surmonter les obstacles, même si ça revient à vendre de la friperie, devenir vineur/tiktokeur, « dealer du mbaki », retourner chez les darons ou se poser en tchiza. Les marchés animés, les lives plus drôles les uns que les autres, les petits commerces familiaux, les initiatives communautaires sont autant de preuves de cette résilience.

Le Gabon possède pourtant tous les atouts pour briller : des ressources naturelles abondantes, une situation géographique stratégique, un peuple talentueux et passionné. Pourtant, malgré ces atouts, le pays peine à décoller véritablement, à sortir de cette spirale de la médiocrité dans laquelle il semble coincé. Pourquoi donc ?

À mon avis (et c’est bien le mien, celui d’une Gabonaise résidente qui se sert de ce dont elle dispose pour dénoncer), c’est parce que ces « richesses » sont gérées en petits groupes, toujours les mêmes noms… Mais on nous jure que le pays change, qu’il évolue, qu’il vit une « transition »… Alors, le Gabonais Normal continue de rêver d’un pays meilleur

Et peut-être, un jour, ce rêve se réalisera.

La Fière Trentenaire 😘

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La culture gabonaise (du viol).

Vous saviez qu’une fois sur trois (1/3) le « méta » vous obligera à supprimer votre post si vous employez dedans le mot VIOL sans caractère spécial du genre « * », « 0 », un espace ou l’épellation à l’oral ? Si vous n’étiez pas au courant, maintenant vous savez. Le mot « viol » (à force de le répéter aussi souvent, c’est moi qu’on va censurer au final) est quasi interdit sur les réseaux sociaux et d’autres plateformes d’internet.

Selon leurs promoteurs, « le mot « viol » est parfois censuré sur Internet en raison de plusieurs raisons liées à la sensibilité du sujet et aux politiques de modération des plateformes numériques. » Sachant que le viol est un sujet extrêmement sensible et traumatisant, les plateformes en ligne (en particulier les réseaux sociaux) censurent certains termes ou les modèrent de manière stricte pour protéger les utilisateurs, notamment les victimes de violences sexuelles, et éviter de provoquer des réactions négatives ou de la souffrance inutile.

Vu qu’internet en général et les réseaux sociaux en particulier, sont désormais les canaux d’information les plus utilisés chez les moins de 16 ans, il ne faudra pas qu’on s’étonne si d’ici quelques années, plus aucun adulte n’est apte à définir ce terme ou même à nommer l’acte qu’il définit. Cette censure excessive risque de banaliser le problème en le rendant presque invisible dans le discours public, tout en privant les jeunes d’une compréhension adéquate et nécessaire de ce fléau social.

Mais là n’est pas le sujet du jour, même si je pense qu’il était important de rappeler ce fait, aujourd’hui j’ai envie de parler des réactions des familles gabonaises face à ce que j’appellerai « viols internes » tout au long de mon article.

Les « viols internes » désignent ici les cas de violences sexuelles commises au sein même des familles, souvent par des proches tels que des pères, des oncles ou des frères. Ces situations sont particulièrement complexes et délicates à aborder, tant sur le plan émotionnel que social.

Dans de nombreuses familles gabonaises, la culture de la honte et du silence entoure encore trop souvent ce type de violences. Les victimes, souvent des femmes ou des enfants, peuvent se sentir isolées et craintives à l’idée de dénoncer les agresseurs, redoutant les répercussions sur leur réputation et sur celle de leur famille. Cette omerta renforce l’impunité des auteurs et empêche les victimes d’accéder à l’aide et au soutien dont elles ont besoin.

Les réactions des familles face aux viols internes varient considérablement, généralement selon l’importance du membre victime ou même de son bourreau. Selon qu’il s’agisse d’une cousine éloignée ou d’un riche oncle, certaines tentent de minimiser les faits, de les justifier ou de les ignorer, blâmer la victime ou la forcer à se taire espérant que le problème disparaîtra de lui-même.

Combien de fois a-t-on entendu des « vous voulez accuser quelqu’un de viol, or ils ont sans doute juste fait l’amour ensemble » ou des « n’est-ce pas mieux qu’il fasse le désordre dans sa famille plutôt qu’il aille le faire ailleurs où on va l’envoyer en prison ? Vous savez ce que la prison peut faire à un homme ? » sortir de la bouche des chefs de familles censés résoudre des problèmes du genre ?

Récemment, on a tous entendu parler de l’histoire que beaucoup soupçonnaient déjà d’exister dans la famille d’un célèbre homme d’affaires et politique déchu. En regardant l’interview de son ex-femme, j’ai eu froid dans le dos. J’étais partagée entre l’empathie que j’éprouvais pour elle quant aux menaces qu’elle recevait de lui et le dégout que j’avais de l’entendre dire qu’elle a tenté de raisonner sa fille de 13ans en lui disant qu’elle devait arrêter de faire ce qu’elle faisait avec son père.

Comme si l’enfant était selon elle partie prenante volontaire des abus qu’elle subissait de son mari. Je ne vous raconte pas comment ça a été dur d’entendre qu’elle a pris la fuite à l’étranger en laissant sa fille seule à la merci d’un homme aussi violent que puissant… Bref !

Quand certains choisissent la fuite ou le silence, d’autres au contraire, prennent conscience de lagravité de la situation et s’efforcent de soutenir la victime, en l’encourageant à porter plainte et à chercher de l’aide professionnelle. Ceux qui ont le courage de dénoncer sont accusés de vouloir diviser ou jeter l’opprobre sur la famille. Mais, même dans les cas où les familles sont prêtes à agir, elles peuvent se heurter à de nombreux obstacles. La « culture gabonaise » (du viol) en est un.

Cette même culture qui veut que « le linge sale se lave en famille », plus celui qui l’a sali est puissant et plus le linge est sale, moins on doit l’exposer au voisinage. Les traditions et les croyances peuvent perpétuer des attitudes protectrices envers les agresseurs, en invoquant des notions de devoir familial ou de réconciliation… « On est chrétien, on doit pardonner. »
Celui donc, qui se risquera quand-même à dénoncer se frottera souvent à un autre obstacle, le système judiciaire gabonais. Bien que progressant, la justice gabonaise reste encore confrontée à des défis en matière de traitement des affaires de violences sexuelles. On est peu préparés, peu empathiques, les délais de procédure peuvent être longs, les preuves difficiles à rassembler, les pot-de-vin, et les risques de stigmatisation pour les victimes persistent.

On connait tous d’avance les répliques des forces de police « elle était habillée comment aussi ? elle faisait quoi si tard dehors ? » quand une femme tente de déposer une plainte, ou les phrases du style « la faute aux parents, comment on peut laisser un enfant de 2 ans se balader en slip dans la maison sachant qu’il y a un homme adulte là ? » quand il s’agit d’un enfant qu’un malade est venu agressé chez lui…

A force de normaliser le fait qu’un vêtement peut justifier un viol, le silence et les dissimulations, on se rend tous coupables. La génération que nous sommes doit comprendre que la culture du viol passe aussi par le silence à cause de la peur… C’est sans doute dur de le dire ainsi, mais c’est vrai. Je me souviens encore de la vague de haine et toutes les menaces de mort (et de viol, tiens) que j’ai reçues via twitter parce qu’un jour j’ai osé dire qu’une personne adulte qui a été victime d’un pédophile dans son enfance et n’ose pas aujourd’hui dénoncer (même anonymement) cette personne, la laissant poursuivre son travail quotidien avec d’autres enfants se rendait d’une certaine façon coupable de complicité.

C’est aujourd’hui encore mon point de vue. Si plus jeune un oncle avait abusé de moi par exemple, que j’apprenais qu’un jeune membre de ma famille venait à l’accuser et qu’il ne pouvait pas porter sa voix assez haut, pourquoi, maintenant que je suis devenue adulte et que je sais qu’il ne pourra plus me toucher, choisirais-je de garder le silence sur ce que j’ai vécu ? Surtout si je sais que ça peut l’empêcher de le refaire ? Parce que, la culture du viol, c’est bien simple. Bref…

Comme sur le méta, les viols internes sont un sujet tabou dans les familles gabonaises. Ils ont lieu, beaucoup le savent mais très peu osent en parler, très peu osent mettre un nom sur ce que sont les oncles qui dépucellent les enfants de leurs proches, de peur d’être la risée des membres de sa famille. Le bourreau bien connu de beaucoup d’entre nous est souvent malheureusement plus protégé que ses victimes. On ne le punit même pas par une mise à l’écart, obligeant les victimes de violences sexuelles à le côtoyer, pendant les rassemblements familiaux ou d’autres.

Il est bon de noter que les victimes de viols internes peuvent souffrir de traumatismes psychologiques et mêmes physiques à long terme, ce qui nécessite un soutien psychologique et émotionnel adéquat. Si elles ne peuvent trouver ce soutient au sein de leurs familles, vers qui vont-elles se tourner ? Parce qu’on est incapable de répondre correctement à cette question, beaucoup se retrouvent à répéter le schéma. Et ainsi se perpétue la culture gabonaise du viol.

La Fière Trentenaire 😘

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1404, Allo !!!? 

Je commence presque toujours mes formations sur le risque industriel en posant une question aux stagiaires « quels sont les numéros d’urgence que vous connaissez ? ». Parmi ceux qui reviennent le plus souvent, il y a le 911 et le 18. Avant de commencer j’ai envie de rappeler que ces deux numéros, souvent apparentés à la police et aux pompiers, ne sont pas valides au Gabon.

Je crois qu’à force de les voir et les entendre dans les shows télévisés occidentaux que nous regardons au quotidien, nous nous sommes laissés avoir par l’idée qu’ils sont actifs ici aussi, mais ce n’est pas le cas.
Cette question, on pourrait la poser dans la rue, à n’importe quel Gabonais normal, et très peu sauront répondre en donnant au moins deux numéros d’urgence valides. Encore moins de personnes sauront vous dire qui appeler pour déclarer quel type d’urgence. Pourtant, on a tous déjà été confrontés à une situation qui nécessitait les forces d’intervention, la police, les pompiers, le SAMU… et j’en passe. Mais très peu d’entre nous (je m’appuie sur un panel d’au moins 90 personnes formées au cours de l’année dernière) connaissent les numéros d’urgence valides dans leur ville.

Si en salle de formation, en situation totale d’accalmie, personne ne se souvient du contact de la police, je peux dire sans m’avancer qu’en cas d’urgence, même doté d’un sang-froid à toute épreuve ou formé à réagir, il nous sera encore moins évident de se rappeler des procédures importantes et surtout, des numéros d’urgence. D’autant que dans notre pays, chaque ville a un numéro d’urgence différent et qu’en plus, selon le quartier d’où tu appelles, il est probable que ton interlocuteur ne fasse que t’orienter vers un autre commissariat, qui n’interviendra que si tu leur fournis le carburant pour… C’est à se demander pourquoi on paie des impôts. Bref !

À l’aube de la Journée internationale des droits des femmes, quelques semaines seulement après que nous nous soyons tous indignés devant les conditions du décès de Béatrice ZANG, j’ai envie de poser la questionQui connaît le numéro vert (gratuit) pour dénoncer les violences faites aux femmes au Gabon ? … Maintenant que vous êtes allés relire le titre de l’article, dites-moi en toute sincérité, si vous le connaissiez avant aujourd’hui ? Parce qu’après tout, qui en parle ?

En ce qui me concerne, je le connais, et à chaque fois que j’en ai l’occasion, je le partage autour de moi. Mais heureusement pour moi et pour les femmes de mon entourage, je n’ai jamais eu à m’en servir. Par contre, je me suis toujours posé la question de savoir comment il fonctionne. J’aurais pu appeler, mais j’ai évité de faire le test pour ne pas éventuellement bloquer la ligne à une victime tentant d’obtenir de l’aide. J’ai donc fait quelques recherches, lu des articles sur le sujet, et j’ai appris que le centre d’appel orienterait les victimes et/ou témoins sur la conduite à tenir en cas de violenceQui, d’autre qu’eux, appeler ; les structures médicales de prise en charge, le commissariat le plus proche, etc. Il peut recevoir jusqu’à 30 appels par seconde, c’est énorme !!!

Quand on sait que selon les chiffres sortis en novembre 2024 par le Ministère des Affaires Sociales, 90% des femmes gabonaises ont déjà été victimes de violences sexuelles et que 64% sont victimes de violences physiques (dont 46% de leur conjoint), il est révoltant de constater que très peu d’entre nous sont familiers au 1404. Mais ce n’est pas entièrement de notre faute. Une part des responsabilités revient aux autorités qui l’ont mis en place et se sont contentées d’en parler deux à trois fois sans plus. Si on nous bassinait chaque jour de ces numéros comme les Américains et les Français le font quotidiennement avec les leurs, si on centralisait les appels d’urgence sur des numéros courts gratuits et faciles à joindre, et si on améliorait le rapport au plaignant des personnes au bout du fil, je crois qu’on n’aurait pas trop de mal à les retenir et surtout à les appeler au besoin.

Parfois, même quand on connaît le contact de la police, on a peur de les appeler, parce qu’au Gabon, la procédure ne se limite malheureusement pas toujours à l’appel. Les témoins sont très souvent exposés quand les autorités se présentent après leur appel. Combien se sont vus devenir des victimes après que des acteurs de violences les aient pris pour cible parce qu’ils avaient osé dénoncer des violences subies par une voisine, une sœur, une amie ? Tu appelles la police, et puisque tu ne peux pas leur donner une adresse précise (tu connais les indications au bled non ? derrière la flaque d’eau…), tu es forcé de les recevoir et parfois de leur indiquer la porte de la maison ciblée. Gare à toi si quelqu’un t’a vu faire.

À une période, j’étais très à cheval avec le règlement des conflits par les forces de l’ordreDes déchets devant ma maison, police. Des jeunes fumant à la fenêtre de ma chambre, police. Tapage nocturne, police… Je me souviens d’ailleurs qu’une fois, j’ai contacté la police parce qu’un de mes voisins policiers frappait sa conjointe. Quelle ne fut pas ma frayeur de jeune fille vivant seule avec ses enfants quand, le lendemain, le type se pointa à ma porte en caleçon-débardeur avec son arme serrée dans une ceinture qui n’était posée là que pour me montrer le fusil. « Je suis venu te saluer voisine ! C’est toi qui as appelé mes collègues hier non ? » m’avait-il sorti d’un air nerveux. Je n’abuse pas quand je dis que j’ai vu ma vie défiler devant moi. Après ça, je n’ai plus jamais contacté la police que parce qu’on m’avait cambriolée, deux à trois ans plus tard. Imaginez que le monsieur s’était vengé ?

La plupart du temps, dénoncer des violences peut nous coûter notre tranquillité, des blessures, voire pire, la mort. Certains se font harceler après avoir dénoncé le « ravisseur », sous le regard impuissant de sa victime. D’autres qui, par vaillance, tentent de s’interposer, se font agresser par le couple une fois que la victime constate que son défenseur prend le dessus sur son bourreauBref, tout est « mélOngé mélOngé » !

En gros, il y a encore beaucoup de choses à revoir dans la gestion des violences faites aux femmesLa communication sur les numéros à joindre, l’aide aux victimes, la protection des témoins, la condamnation rapide du ravisseur… On n’oublie pas le traitement des plaintes et le deux poids, deux mesures quand le ravisseur est un proche.

On est encore loin, mais bon, on va y arriver « un peu un peu »

La Fière Trentenaire 😘

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Les Délestages, Quels impacts sur la vie professionnelle et scolaire ?

« A mon époque, j’allais à l’école à la nage, je sortais de chez moi avant même que le coq n’ait chanté, pour traverser l’Ogooué tranquillement avant que les pirogues des pécheurs ne troublent l’eau… Quand nous n’avions pas de pétrole pour la seule lampe de la maison, j’allais réviser mes cours dans la plaine, pour bien profiter du claire de lune. Ça ne m’a pas empêché d’être le meilleur de ma classe, toutes mes années d’école, au contraire. »

Je crois qu’on a tous déjà entendu au moins une fois une histoire comme celle-là. Bon, j’avoue que j’ai un peu abusé, mais vu qu’on est tous plus ou moins de la même génération, nos parents le sont sûrement aussi. La génération dont toutes les âmes étaient premières de leur classe, bien qu’elles révisassent à la lueur d’une lampe-tempête et allassent à l’école en courant.

Entre-temps, nous sommes nous-mêmes devenus parents, et deux générations plus tard, bien que le monde se soit beaucoup modernisé, la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) ne veut pas faire évoluer les choses, obligeant nos enfants à réviser à la bougie ou aux torches rechargeables, qu’on ne peut que rarement recharger, finalement.

En tant que parent moderne, je me refuse à obliger mes enfants à se contenter de peu alors que je travaille justement pour leur éviter de le faire. Aller à l’école en courant ou s’éclairer au lampadaire du carrefour le plus proche ? Pas question !!! Je m’assure donc qu’il y ait des unités EDAN à n’en plus finir, pour que mon jeune écolier fasse ses coloriages en distinguant le jaune du vert et que ma lycéenne puisse réviser ses cours jusqu’à ce qu’elle s’épuise et apprêter son uniforme pour être propre sur elle-même le lendemain. Pourtant, « Depuis mardi, ça fait depuis des années », ça ne sert pas à grand-chose.

Depuis près d’une année, les délestages font rage dans notre pays. Toutes les unités EDAN du monde n’y changent rien : ma fille lit tous les soirs, je dis bien TOUS LES SOIRS, à la lampe de son téléphone ou à l’une de nos lampes rechargeables.

D’aussi loin que je me souvienne, on n’a jamais autant subi de coupures de courant que maintenant. C’est si fréquent qu’on en vient à s’étonner quand il n’y en a pas eu de la journée. C’est incroyable. On compte désormais les ménages où il n’y a pas au moins une lampe rechargeable ou un ventilateur de la même trempe. Les plus aisés d’entre nous se sont munis de groupes électrogènes, dont le bruit perturbe le Gabonais normal dès que la SEEG reprend « son courant ».

Les manœuvres de l’État pour « aider » la célèbre société dans son rôle de fournisseur en énergie ne semblent pas arranger les choses. Des entreprises privées ont « offert » au Gabon plus d’une dizaine de groupes électrogènes (ceux que le Général jure qu’il a « achetés » là, voilà, ces groupes-là !). Une centrale flottante a été dépêchée d’un pays dont une certaine relation économique avec le Gabon a fait couler énormément d’encre il y a plusieurs semaines. On a remanié le management de l’entreprise, renforcé les équipes, menacé ses agents… Rien n’y fait, on a même l’impression que c’est pire.

Personnellement, chaque jour, je subis au moins deux coupures. Au travail, j’y ai droit entre 10 h et 14 h, puis à partir de 16 h, ce qui me laisse à peine trois heures sur les huit heures de travail par jour prévues par mon contrat. Même si mon poste de travail est muni d’un ordinateur portable, son autonomie ne me permet pas de travailler toute la journée, d’autant qu’il faut envoyer des mails, faire des recherches, imprimer des documents en Wi-Fi, etc. Et dites-vous qu’il m’est impossible de me « rattraper » à la maison, d’abord parce que j’ai une vie familiale à entretenir, mais aussi parce qu’en rentrant, j’ai encore droit à des délestages de 18 h à 21 h, puis de 23 h à 3 h du matin. Vous en avez compté combien ???

Toutes mes journées sont ainsi rythmées par la SEEG. Résultat des courses : je suis incapable d’avoir la même productivité qu’il y a quelques mois, impossible d’atteindre mes objectifs professionnels. Je suis épuisée : dès que mon ventilateur s’éteint, je deviens automatiquement celui de mon fils, et il m’est ainsi impossible de dormir. La journée, je suis à 10 %. J’essaie de maximiser le temps que j’ai, mais quoi que je fasse, le travail s’accumule, le mental est touché…

Une amie entrepreneure dans l’alimentaire m’expliquait récemment qu’elle avait « de nouveau » perdu un congélateur et qu’en plus, elle ne pouvait plus se permettre d’acheter ses matières premières en gros, de peur que tout se gâte au vu des multiples délestages et des pannes de ses équipements. L’impact sur son activité est réel, les coûts au détail lui reviennent plus cher et, après avoir perdu deux congélateurs, elle est au bout du rouleau.

« Je suis forcée de tout débrancher le soir avant d’aller me coucher, mais je ne te cache pas le travail que c’est de nettoyer l’eau du dégivrage tous les jours, avant de commencer à cuisiner… Du travail supplémentaire dont je pourrais me passer, surtout que je dors très mal. »

Débrancher des appareils tels que les réfrigérateurs et les congélateurs ne les endommage-t-il pas plus vite ? Je me suis posé la question. Je ne suis pas ingénieure en électroménager, mais je suis presque sûre que si. Quel autre choix a-t-elle, elle qui n’a pas encore les moyens de s’acheter un groupe électrogène ?

D’un autre côté, j’essaie de me mettre à la place de ma fille lycéenne en série scientifique, qui travaille de jour comme de nuit et qui est forcée de se tuer la vue le soir. Qui, une fois qu’elle a fini ses révisions, ne peut pas dormir paisiblement parce qu’elle devient le festin des moustiques sous cette chaleur de saison des pluies.

« Même en classe, c’est difficile, puisque les brasseurs d’air ne tournent pas. Il y a des profs qui ne veulent même pas bouger de leur chaise. Il fait tellement chaud que beaucoup de camarades s’endorment en plein cours… »

Mais est-ce la fatigue due au sommeil perturbé la veille ou la chaleur du moment qui empêche ces élèves de rester éveillés en classe ? Qui pour répondre ?

À l’heure où j’écris, on est dimanche, il est 10 h 35, et le courant vient de nous lâcher. Jusqu’à quelle heure ? Qui sait ???

Une chose est sûre : les résultats scolaires et professionnels de beaucoup en seront impactés.

Il est urgent que les autorités gabonaises prennent des mesures efficaces pour résoudre ce problème de délestage. Il est temps d’en finir avec le quasi-monopole de la SEEG et d’ouvrir ce marché à plus de structures, pourtant déjà existantes.

En attendant, mes chers compatriotes, il est important de continuer à se mobiliser et à faire entendre nos voix.

La Fière Trentenaire

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