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SEEG : Quand la lumière au bout du tunnel reste un mirage

Libreville, le 26 novembre 2024, 21 heures. JE SUIS DANS LE NOIR. Pourtant, selon le communiqué de la SEEG publié hier, tout devait être rentré dans l’ordre à 15 heures. Mais non, nous voilà encore plongés dans l’obscurité, une situation devenue tristement familière pour les habitants du Grand Libreville.

Reprenons ce fameux communiqué. La SEEG nous annonçait des travaux d’urgence sur ses installations de production d’électricité à Kinguélé. Des travaux censés se terminer aujourd’hui à 15 heures, après un arrêt de la centrale entre 1 heure du matin et cet horaire indiqué. Mais, visiblement, la réalité dépasse l’annonce. Une fois encore, les engagements pris restent de belles paroles sans effet.

C’est exaspérant. Les coupures de courant à répétition et les communiqués approximatifs qui ne reflètent jamais la réalité sur le terrain sont plus qu’une gêne. Ces interruptions prolongées détruisent le tissu économique : commerces paralysés, entrepreneurs dans l’impossibilité de travailler, produits stockés qui pourrissent, artisans et freelances qui voient leurs revenus fondre comme neige au soleil. Cette situation est tout simplement intenable.Et si on parlait des habitants ? Ceux des quartiers populaires, où “la galère” est devenue une seconde nature. Nous avons déjà suffisamment de problèmes pour ne pas avoir à subir en plus le chaos énergétique. Les coupures d’électricité et d’eau deviennent un fléau quotidien, rendant la vie insupportable.

Le soir, les familles s’organisent autour de lampes-tempête ou de bougies, quand elles ne doivent pas dormir dans des maisons étouffantes faute de ventilateurs. Alors, que fait la SEEG ? Où sont passées les solutions durables ? Si les ingénieux ingénieurs de la société ne trouvent pas le moyen d’assurer un service stable pour un pays de 2,5 millions d’habitants, qu’ils aient l’humilité de demander de l’aide. Nous, dans le mapane, nous en avons marre de subir. Nous en avons marre de voir nos vies rythmées par des coupures sans fin et des promesses creuses.

Il est temps d’arrêter les excuses automatiques et les solutions temporaires. La continuité de service, ce n’est pas une faveur : c’est une obligation. INOF IZ INOF !

D’ailleurs, posons une question sérieuse : la SEEG connaît-elle l’impact psychologique de ses échecs répétés sur la population ? Chaque communiqué suscite un mince espoir, et chaque retard plonge un peu plus les gens dans la frustration et le désespoir. Ce ne sont pas que des coupures, ce sont des vies qu’on fragilise un peu plus à chaque interruption.

Alors, pour une fois, que la SEEG prenne ses responsabilités et mette un terme à ce calvaire. Nous ne demandons pas la lune, juste ce qu’il y a de plus basique : la lumière et l’eau. Est-ce trop demander ?

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ÉducationGabonOpinion

Style/Hygiene ou stigmate de l’esclavage ?

Imaginez un instant : on est en Afrique, à Libreville ou au Sénégal, et dans une école de la république, un Noir — oui, vous avez bien lu, un Noir — se voit interdire l’entrée parce qu’il arbore un afro soigneusement peigné ou une barbe bien taillée. Oui, sur LE continent des Noirs, l’Afro est suspect… Vous avez ri ? Attendez la suite.

À chaque rentrée scolaire, les circulaires fleurissent : « Tenue correcte exigée. Élèves propres et présentables. » Jusque-là, rien de bien méchant. Mais très vite, ces consignes se transforment en chasse à l’Afro, à la barbe et à tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, réclame un peigne ou un rasoir. Un noir au naturel ? Apparemment trop sauvage pour la cour de l’école.

Et pourtant, quand vient le carnaval, les perruques blondes, les barbes comme le père noël et les chapeaux à plumes deviennent subitement acceptables. Donc, on ne refuse pas le style… on refuse juste le nôtre ! Un Afro bien fourni, symbole de fierté culturelle et d’affirmation identitaire, est perçu comme un caprice. Une barbe entretenue ? Un manque d’hygiène. Mais les cheveux défrisés et les teintures peuvent parfois passer crème… Cherchez l’erreur.

La vraie question, c’est quoi ? Est-ce que la taille des cheveux ou le tracé d’une barbe affectent directement la capacité d’un élève à comprendre les maths ? A-t-on déjà établi que les mémoires les plus brillantes étaient livrées avec un crâne rasé ? Spoiler alert : non.En réalité, ces interdictions cachent une déconnexion plus profonde. Nous avons hérité d’un système de normes qui rejette ce qui est authentiquement africain et valorise ce qui semble européen. Quand nos enseignants et dirigeants cautionnent ces règles absurdes, ils perpétuent un stigmate historique : celui de l’esclavage et de la colonisation, où l’africain était contraint de renier son apparence pour paraître « civilisé ».

À qui profite cette obsession du conformisme capillaire ? Certainement pas à l’élève. Parce que pendant qu’on perd du temps à lui faire la morale sur la longueur de ses cheveux, on n’améliore ni la qualité des infrastructures scolaires ni celle de l’enseignement. Rappelons que dans certains établissements, les livres datent de l’époque où Omar Bongo était encore jeune… mais les coupes de cheveux, ça, c’est la priorité !

Alors, chers décideurs à la créativité capillaire limitée, permettez-nous de poser une question : quand allez-vous comprendre que ce n’est pas la coiffure qui fait la compétence ? Les réglementations sur le style devraient viser à inculquer des valeurs de propreté et de discipline, pas à rejeter nos identités. L’Afro, la barbe ou même les locks ne sont ni des obstacles à l’intelligence ni des indicateurs de mauvaise conduite. Ils sont, au contraire, des marques de diversité et de richesse culturelle.

En attendant, continuez donc à chasser les Afros. Nous, on continuera à rire (jaune) en regardant vos incohérences.

Pendant ce temps, devinez quoi ? Les pays occidentaux, eux, font un moonwalk spectaculaire sur ces questions. Aux États-Unis, par exemple, des lois comme le CROWN Act interdisent désormais la discrimination capillaire, reconnaissant enfin que les coiffures afro-descendantes n’ont rien de répréhensible. Pendant qu’eux, ils font le moonwalk, nous, nous avançons à contre-courant… vers des règles absurdes. Ironique, n’est-ce pas ?

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DigitalGabonOpinion

Les pages gabonaises et la promotion du cyberharcèlement

Au Gabon, qui veut peut. Une personne lambda, fatiguée par la routine imposée par le chômage et la SEEG, entre coupures de courant et recherche de 1 000 FCFA pour une formule de bières, peut facilement se lever et créer une page.

Nous sommes heureux pour eux : au moins, ils ont un passe-temps en attendant qu’on réponde à leurs « J’ai l’honneur… ». Mais le problème, c’est que ces pages, qui à la base se présentent comme des plateformes destinées à promouvoir la culture gabonaise, la femme gabonaise, ou à mettre en avant les entrepreneurs et organismes locaux, dévient de leur objectif. Un matin, on y trouve la photo d’une influenceuse ou d’un influenceur « dans la sauce », ou encore celle d’un artiste en situation compliquée.

Récemment, le cas de l’influenceuse congolaise Dachi, victime de revenge porn (et qui n’est même pas gabonaise), a fait le tour de ces pages. Une page censée promouvoir la beauté et la culture du pays a relayé son histoire, poussant les internautes à participer à un lynchage déjà en cours sur TikTok. Dans ce genre de cas, la victime finit très souvent dénigrée ou ridiculisée.

Le pire, c’est que parfois, les personnes ciblées n’ont absolument rien fait. La danseuse Laumonie en est un parfait exemple. Cette jeune femme n’a rien fait, si ce n’est danser, comme elle le fait depuis longtemps sur TikTok. Mais son succès a déplu à certains internautes, et elle a fini par subir un cyberharcèlement injustifié.

Le cyberharcèlement tue. Ce n’est pas une blague, ce n’est pas « juste un post drôle ». C’est mille personnes qui publient des contenus « drôles » pour dénigrer quelqu’un. C’est de l’acharnement, et cela pousse au suicide.

Les gossips et les moqueries ont toujours existé. C’est même la niche de certains créateurs de contenus ou blogueurs. Mais il est temps d’arrêter de normaliser le cyberharcèlement, simplement pour récolter des likes, des partages et des commentaires. Ces pages exposent des personnes, puis jouent les étonnées lorsque celles-ci sont insultées et oppressées.

Le harcèlement n’est pas normal, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire. C’est cruel, et il faut en être conscient. Un jour, une personne fragile mettra fin à ses jours, et vous en porterez une part de responsabilité.

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GabonOpinion

À toi, mon grand frère que j’admirais

Je t’écris aujourd’hui avec un poids sur le cœur et une brûlure dans l’âme. Toi, mon grand frère, ma grande sœur, toi qui étais un modèle d’intégrité, un phare pour ceux qui se noyaient dans les ténèbres de l’injustice, toi qui combattais avec la rage des justes, où es-tu ? Que reste-t-il de la flamme qui illuminait nos espoirs communs ?  

Je t’écris parce que je ne te reconnais plus. Parce que depuis que tu as goûté au pouvoir, tu es devenu ce que tu combattais avec tant de ferveur. Toi qui dénonçais les compromissions, les dérives, les silences complices, te voilà à ton tour complice par ton mutisme, par tes actes, par ton indifférence.  

Dis-moi, grand frère, comment dors-tu la nuit, quand ton VPM clame avec aplomb que “Dieu veut qu’on vote oui au référendum” ? Depuis quand invoque-t-on Dieu pour couvrir les jeux de dupes et justifier l’injustifiable ? Est-ce le même Dieu qui t’a donné cette colère sacrée pour défendre les opprimés ? Est-ce le même Dieu qui t’a enseigné que le pouvoir n’est pas un privilège mais un service ?  

Et toi, avec ton large sourire et ta danse si légère, célébrant un “oui” que tu aurais jadis combattu avec la même ferveur que celle qui faisait briller tes yeux autrefois. Te souviens-tu de ces jours où tu allais au Trocadéro, non pas pour applaudir, mais pour dénoncer les abus, pour réclamer le respect des libertés individuelles et la fin de pratiques injustes ? Te souviens-tu de tes discours, de tes engagements, de ce feu qui t’animait ?

Aujourd’hui, tu danses. Tu chantes. Tu appelles les gens à voter “oui”, scandant que ceux qui osent s’y opposer sont contre les militaires, contre leur pays. Mais dis-moi, pourquoi avez-vous fait de ce référendum une guerre d’hommes, une guerre de clans ? Pourquoi avoir réduit un débat national à une bataille entre “pour” et “contre”, entre loyauté aveugle et trahison supposée ?

Regarde-toi, grand frère. Prends une seconde pour te contempler dans le miroir de tes propres combats. Que dirais-tu à celui ou celle que tu es devenu si tu te rencontrais ? Quelle parole trouverais-tu pour justifier ce virage, cette trahison de ce que tu portais autrefois ?  

Je ne t’écris pas pour te haïr. Je ne t’écris pas pour te détester. Mais je t’écris pour te réveiller. Pour que tu te souviennes d’où tu viens, de ceux qui ont cru en toi, de ce que tu représentais. Parce que moi, je me souviens. Et si aujourd’hui je t’écris avec tant de violence, c’est parce que la déception d’un admirateur blessé fait plus mal que toutes les injures du monde.  

Reviens, grand frère. Rappelle-toi que le pouvoir est un manteau éphémère, et qu’il finit toujours par glisser. Rappelle-toi que l’Histoire ne ment pas, et qu’elle te jugera. Reviens avant que tu ne deviennes un monument de contradictions, un exemple de tout ce que tu combattais. Reviens, non pas pour moi, mais pour toi.  

Parce que si tu continues sur cette voie, il ne restera de toi que des mots creux et des danses hypocrites sur le Trocadéro de l’oubli. Et ça, je sais que tu ne le veux pas.  

Avec toute la douleur de celle qui croyait encore.  

Ta petite soeur déçue.

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ConstitutionGabonOpinion

Réfléchir c’est déjà s’engager

Dimanche 17 novembre 2024, les chiffres du référendum sur la nouvelle Constitution gabonaise sont tombés : 53,54 % de participation, avec 91,80 % pour le oui. Le reste ? Silence radio ou 46 % d’abstention, une majorité assise confortablement sur son droit à… ne pas choisir. Et si l’on parlait un peu de cela ?

Ce chiffre, ce n’est pas juste un pourcentage. Ce sont des voix étouffées, des esprits anesthésiés par des décennies d’une politique où l’on préfère penser et décider à leur place. Ces 46 % ne sont pas simplement “fainéants” ou “indifférents” comme certains aiment le croire.

Ces citoyens sont les victimes silencieuses d’un système qui leur a longtemps appris à se taire, à obéir et surtout à ne pas s’imaginer capables d’un changement. Pendant des décennies, on leur a dit :

“On décide pour vous.” Traduction : Restez tranquilles, le pouvoir ne vous appartient pas.

“Vous n’avez pas le niveau.” Traduction : Vous n’êtes pas assez intelligents pour comprendre ce qui est bon pour vous.

“Si vous parlez trop, vous pourriez perdre votre travail, votre tranquillité, ou même votre vie.” Traduction : Votre silence est plus sûr que vos idées.

Le résultat ? Une méfiance viscérale envers la politique, mais aussi une fatalité qui pousse à l’inaction. “À quoi bon voter, de toute façon ? Rien ne changera.” Cette phrase n’est pas un simple constat : c’est le symptôme d’un peuple qui a longtemps été dépossédé de son pouvoir.

Mais ce qui est alarmant, ce n’est pas seulement l’abstention. C’est l’absence de débat, de discussions ouvertes, et surtout de questions posées.

S’engager, c’est poser des questions

L’engagement citoyen commence par une chose très simple : poser des questions. Pourquoi ce référendum ? Pourquoi cette nouvelle Constitution ? Quels impacts sur nos vies quotidiennes ? Ce ne sont pas des questions réservées à une “élite”. Elles appartiennent à chaque Gabonais, qu’il soit étudiant, commerçant, fonctionnaire ou retraité.

Et s’engager, ce n’est pas obligatoirement rejoindre un parti politique ou monter une association. Cela commence par des discussions autour de vous, avec vos proches, vos collègues, vos voisins. Ce sont ces moments de partage qui créent une conscience citoyenne, celle qui pousse à réfléchir, à agir, et surtout à croire que chaque voix compte.

Pourquoi votre voix compte ?

Ce référendum n’était pas pour un candidat ou un parti, mais pour poser les fondations d’un système nouveau. Une Constitution, c’est la base. C’est elle qui définit nos droits, nos devoirs, et l’organisation de la société. Ne pas voter, c’est laisser à d’autres le soin de décider pour vous.

Alors pourquoi se lever ? Parce que le silence ne change rien. Parce que voter, même pour dire “non”, c’est une façon de reprendre la place qui vous revient. Parce que vous avez le droit de ne pas être d’accord, mais vous avez aussi le devoir de vous faire entendre.

Engagez-vous, même depuis votre canapé

Aujourd’hui, nous avons un outil puissant : les réseaux sociaux. Ces plateformes ne servent pas qu’à partager des photos ou des vidéos amusantes. Elles sont une arme pour diffuser vos idées, poser des questions, et interpeller ceux qui nous gouvernent.

Imaginez si chaque Gabonais prenait quelques minutes pour écrire un post, partager un article ou même commenter une publication liée à ce référendum. Le débat public serait plus riche, plus vivant. Même depuis votre salon, allongé sur votre lit, vous pouvez vous engager.

Avec seulement 53,54 % de participation, on ne peut pas parler de véritable adhésion populaire. Cela montre que près de la moitié des Gabonais n’a pas saisi l’importance de ce vote. Mais ce n’est pas entièrement leur faute.

Pendant trop longtemps, on leur a arraché le droit de croire en leur pouvoir. On leur a appris que s’exprimer, c’était dangereux. Il est temps de briser cette chaîne. Le Gabon n’avancera que si chaque citoyen comprend qu’il a un rôle à jouer, aussi petit soit-il.

L’engagement, ce n’est pas un luxe réservé à une minorité. C’est une nécessité. Ne laissez pas votre voix s’éteindre, car c’est par elle que le changement commence.

Alors, à tous ceux qui se posent encore la question : “Pourquoi s’engager ?”, dites-leur ceci :

  • Parce que rester silencieux, c’est accepter.
  • Parce que critiquer sans agir, c’est inutile.
  • Parce que votre opinion a du poids, mais seulement si vous l’exprimez.

Le Gabon a besoin de vous. Pas demain, pas après-demain, mais maintenant. Engagez-vous. Même en pyjama. Engagez-vous.

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CommunicationGabonOpinion

“Salons feutrés” et “mapane” : l’art de se tromper de cible

« Quand vous allez sortir de vos salons feutrés et climatisés de privilégiés, je suis certain que vous allez vous rendre compte que le fossé intellectuel entre vous et le Gabonais Lambda est très grand… commencez à descendre un peu dans le mapane derrière chez vous. ».

Face à une telle déclaration, on ne peut s’empêcher de lever un sourcil, puis de réfléchir. Derrière cette phrase se cachent deux choses : un mépris condescendant envers ceux qui osent s’exprimer et une ignorance des dynamiques sociales actuelles.

Les salons feutrés : le cliché paresseux

Selon cette rhétorique, quiconque s’exprime sur les réseaux sociaux ou réfléchit à des questions politiques vient forcément d’un “salon feutré” climatisé. Sérieusement ? Depuis quand les idées ont-elles besoin de décorations intérieures pour exister ?

Les réseaux sociaux ne sont pas réservés à une élite. Ce sont des espaces où toutes les couches sociales se croisent et s’expriment. Vous y trouverez le jeune étudiant qui galère à payer ses frais de scolarité. Le commerçant du coin qui jongle entre les taxes et les coupures d’électricité. Le chauffeur de taxi qui partage ses réflexions entre deux courses. Et, oui, parfois, des cadres ou des professionnels qui réfléchissent aussi à l’avenir de leur pays.

Réduire le débat à une question de classe sociale, c’est passer à côté de l’essentiel. Non, tout le monde sur les réseaux ne vit pas dans une villa climatisée. Et non, ce n’est pas parce qu’on réfléchit ou qu’on critique qu’on est forcément “déconnecté”.

Le fossé intellectuel : la fausse barrière

Venons-en à cette fameuse “grande différence intellectuelle” entre “vous” (ceux qui réfléchissent) et le “Gabonais Lambda” (le reste du peuple). Qui décide de ce fossé ? Sur quelle base mesure-t-on cette prétendue supériorité intellectuelle ?

Cette vision paternaliste repose sur un préjugé dangereux : l’idée que certaines personnes sont trop “simples” ou “désinformées” pour comprendre les enjeux politiques. C’est non seulement faux, mais profondément insultant.

Si une partie du peuple ne participe pas ou s’abstient, ce n’est pas par bêtise. C’est souvent par manque d’information, fatigue face au système ou désillusion. Ceux qui vivent dans les quartiers populaires, les fameux “mapanes”, débattent aussi, s’informent, et réfléchissent. Ne pas voter ou ne pas être actif en ligne ne signifie pas qu’ils n’ont pas d’opinion. Cela signifie qu’ils ne voient peut-être pas l’intérêt de s’exprimer dans un système qui les a souvent ignorés.

Le véritable fossé, ce n’est pas intellectuel. C’est un fossé de confiance entre les citoyens et leurs dirigeants.

“Descendre dans le mapane” : une formule creuse

Et que dire de cette injonction à “descendre dans le mapane” ? Comme si le simple fait de visiter un quartier populaire donnait une légitimité instantanée. Mais les habitants des mapanes ne sont pas des singes que l’on irait observer dans un zoo. Ce ne sont pas des “études de cas”.

Ceux qui vivent dans le mapane n’ont pas besoin qu’on “descende” chez eux pour leur expliquer leurs propres réalités. Ce dont ils ont besoin, c’est d’être écoutés, pris en compte, et respectés dans leurs idées.

L’authenticité ne se mesure pas au nombre de pas que vous avez faits dans une ruelle poussiéreuse. Comprendre les problèmes d’un pays ne nécessite pas toujours une immersion géographique. Les inégalités et les injustices, on les vit, on les voit, on les entend, où qu’on soit.

Un débat qui se trompe de cible

Le plus triste dans cette phrase, c’est qu’elle attaque des citoyens qui, justement, essaient de réfléchir et de s’exprimer. Au lieu d’encourager le dialogue, elle divise :

  • Elle oppose les “privilégiés” à ceux qui ne le seraient pas.
  • Elle discrédite les opinions sous prétexte qu’elles viendraient d’une “élite”.
  • Elle insinue que pour parler de changement, il faudrait remplir des critères d’authenticité sociale.

Ce genre de discours rappelle étrangement celui de l’ancien système, où l’on disait aux citoyens : “Vous ne comprenez pas, laissez-nous réfléchir pour vous.” Ceux qui aujourd’hui prônent ce genre de rhétorique oublient qu’ils reproduisent les mécanismes qu’ils critiquaient hier.

Arrêtons de parler des salons climatisés ou du mapane. Le véritable problème, c’est :

1. Pourquoi une partie du peuple reste désengagée politiquement ?

2. Comment rétablir la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants ?

3. Comment inclure toutes les voix dans les discussions, sans discrimination ?

Ces questions ne se résolvent pas avec des jugements condescendants. Elles nécessitent du respect mutuel, des échanges honnêtes, et un espace où chaque citoyen se sent écouté, qu’il vienne du mapane ou d’ailleurs.

À celui ou celle qui pense que les idées viennent uniquement de “salons feutrés”, voici un conseil : les grandes révolutions ne commencent pas dans un endroit particulier. Elles commencent dans l’esprit des gens.

Et cet esprit, qu’il soit nourri dans un mapane ou dans un appartement climatisé, a la même valeur. Ce dont le Gabon a besoin aujourd’hui, ce n’est pas de plus de divisions, mais de dialogues. Des vrais. Parce que ce n’est qu’en construisant des ponts, et non des murs, que nous avancerons ensemble.

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GabonOpinionPort-Gentil

Le Référendum : Un Droit pour Tous, sauf pour ceux de l’Intérieur du pays ?

À l’approche du référendum, le Ministère de l’Intérieur a bien déployé les moyens pour garantir aux citoyens la possibilité de voter. En effet, à Libreville, l’effervescence est au rendez-vous. Des numéros de téléphone, des équipes

À l’approche du référendum, le Ministère de l’Intérieur a bien déployé les moyens pour garantir aux citoyens la possibilité de voter. En effet, à Libreville, l’effervescence est au rendez-vous. Des numéros de téléphone, des équipes dédiées, et même le stade d’Angondjé mis à disposition pour faciliter le changement de bureau de vote.

Une organisation presque digne du grand événement que nous allons vivre. Mais alors, pourquoi ce déploiement impressionnant de moyens semble-t-il s’arrêter aux frontières de la capitale ?

Pourtant, le discours officiel est clair : Hermann Immongault, Ministre de l’Intérieur, invite les électeurs éloignés, en particulier ceux enregistrés dans des zones difficiles d’accès, à « se faire connaître aux équipes du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité sur le site du Stade d’Angondjé. » Alors quoi ? Le Ministère de l’Intérieur n’a-t-il d’yeux que pour Libreville ? Serait-il le “Ministère de l’Estuaire” ? Il semble que les Gabonais des autres villes et provinces, de Port-Gentil à Bitam, n’aient pas le même accès aux solutions pratiques pour pouvoir voter sereinement.

En effet, comme l’a relevé une twitto, « J’ai regardé les communications du ministère de l’intérieur, ils ont fait une opération spéciale à Libreville pour ceux qui ont voté en province en 2023. Mais pas dans le sens inverse, sauf si j’ai raté l’info. » Une remarque qui révèle le paradoxe de la situation : le ministère aurait donc pensé aux électeurs originaires des provinces qui résident dans la capitale, mais pas à l’inverse. Que doivent faire ces citoyens déplacés dans d’autres régions et sans moyens de rejoindre Libreville ? Accomplir leur devoir civique semble relever d’une épreuve de force, là où d’autres n’ont qu’à tendre la main.

La démocratie se construit sur un principe d’équité : chaque voix compte, indépendamment de l’endroit où elle se trouve. Mettre les moyens à disposition d’une seule ville et négliger les autres, c’est ignorer le sens même du mot “république”. Que vaut un référendum si certains citoyens sont indirectement empêchés d’y participer ? À quoi bon ce battage médiatique si, au final, on ne donne pas à chacun la possibilité de se faire entendre ?

Il est encore temps que les responsables prennent conscience que le Gabon ne se limite pas à Libreville et que le devoir citoyen s’accompagne d’un droit citoyen.

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GabonOpinion

L’opacité : une institution bien rodée ?

Le Gabon est-il devenu un terrain où les affaires, qu’elles soient économiques, judiciaires ou politiques, se dissolvent dans l’ombre ? Que ce soit des scandales financiers, des enquêtes sur des abus de pouvoir ou des dossiers de corruption, une chose est certaine : beaucoup de ces dossiers finissent par disparaître comme par magie. Les citoyens, quant à eux, se demandent où sont passés les milliards et, surtout, où est passée la justice.

Dans un pays où les scandales financiers et les détournements de fonds se chiffrent en milliards, on pourrait s’attendre à des enquêtes rigoureuses et des suivis réguliers. Pourtant, il semble qu’au Gabon, l’opacité soit devenue une institution à part entière, bien rodée et parfaitement huilée. Les affaires sont souvent annoncées avec grand bruit dans les médias, quelques arrestations ou perquisitions créent un spectacle ponctuel, puis plus rien. Silence radio. Les dossiers disparaissent, les enquêtes s’éternisent et l’on se retrouve, encore et toujours, sans réponses. 

Prenons l’exemple de certains scandales financiers. Des montants faramineux sont évoqués, des fonds publics détournés, des budgets évaporés… mais, une fois les projecteurs éteints, plus personne n’en parle. Qu’en est-il des personnes impliquées ? Ont-elles rendu des comptes ? Existe-t-il un mécanisme de restitution pour ces sommes ? À voir le manque de suivi, on pourrait croire que l’argent s’est littéralement volatilisé, et avec lui la responsabilité des acteurs concernés. Même son de cloche pour les affaires d’abus de pouvoir par des agents des Forces de police. Que deviennent les accusés ? Sont-ils condamnés ? Acquittés ? 

Le manque de transparence ne fait que renforcer la méfiance du public envers les institutions censées défendre l’intégrité et la justice dans le pays. Que penser d’un État qui ne publie jamais les conclusions de ses enquêtes, qui ne communique que rarement sur les mesures prises pour redresser les torts causés ? Qui fait durer les détentions préventives ?

Dans cette culture de l’opacité, il est légitime de se demander : qui protège-t-on vraiment ? Est-ce que l’omerta sert l’intérêt général ou bien n’est-elle qu’un moyen de dissimuler des réseaux d’influence et des jeux de pouvoir qui échappent à tout contrôle ? En effet, de nombreux cas qui concernent des personnalités influentes ou des fonds importants finissent dans un oubli institutionnalisé. Mais ce silence a un coût, et ce coût, c’est la crédibilité de l’État et la confiance des citoyens.

L’une des pierres angulaires d’un État démocratique, c’est la transparence. La justice ne peut être crédible si elle opère dans le noir, à l’abri des regards, sans rendre de comptes. Dans ce climat d’incertitude, il est normal que le peuple finisse par douter des institutions et de la justice, se demandant même si certains ont des passe-droits en raison de leur position ou de leurs relations. A force d’étouffer des dossiers et de dissimuler la vérité, les institutions ne font que creuser le fossé entre elles et la population. Laissant planer le doute et parfois la certitude d’une justice à double vitesse !

Il est peut-être temps de changer d’approche. L’opacité peut temporairement protéger des intérêts privés, mais elle nuit durablement à l’intérêt public. Si le Gabon veut renforcer la cohésion et la confiance de son peuple, il est impératif de rendre des comptes de façon régulière et transparente sur les dossiers en cours et ce dans tous les ministères et les administrations. La démocratie ne peut pas s’épanouir dans le secret. Il ne s’agit pas seulement de rendre justice, mais de le faire de manière visible, traçable et crédible pour que chacun ait confiance en l’équité de notre État.

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ConstitutionGabonOpinion

27 Milliards pour le Référendum : subvention ou subterfuge ?

C’est donc ça, 27 milliards, le prix de la démocratie pour un référendum qui nous fait rêver… ou pas. Ça coûte cher, très cher. On aurait pu imaginer qu’une telle somme s’accompagnerait d’une mise en scène où chaque camp, Oui comme Non, aurait ses moyens pour s’exprimer. Mais non, il semble qu’il n’y ait qu’un côté qui chante, danse et parade.

Le Oui, côté de la majorité et bien sûr du pouvoir, est partout. T-shirts, casquettes, concerts, bus, il ne leur manque que les feux d’artifice. Un festival d’unité et de slogans. En face ? Le camp du Non semble chercher son micro, son porte-voix, son T-shirt. Pire, on se demande même s’ils ont reçu un centime pour leur permettre d’aligner trois mots et faire valoir leurs idées. Peut-être que le Non, c’est bien pratique justement parce qu’il ne fait pas de bruit ?

Mais, sérieusement, où est passé l’argent pour le camp du Non ? Car c’est ça, la démocratie. Un débat, avec des armes égales pour chaque camp. Un jeu de questions et de réponses, sans silence imposé. Si le Oui a des bus, le Non devrait avoir le droit de louer quelques scooters, au moins ! S’ils n’ont rien, alors on nous vend la démocratie comme une loterie truquée : à la fin, toujours le même ticket gagnant.

Au Sénégal, il y a quelques années, un référendum n’a coûté « que » 2 milliards pour une population de 13 millions d’habitants. Mais ici, pour un pays d’à peine 2 millions, la note est de 27 milliards. Il va falloir nous expliquer comment un référendum peut valoir si cher et à quoi sert réellement tout cet argent.

Et si on avait imaginé autrement ces 27 milliards ? On parle d’un pays où des agents attendent toujours leurs soldes, où des fonctionnaires s’accrochent à des promesses de salaires, où les routes urbaines se transforment en casse-tête quotidien entre nids-de-poule et chaussées dégradées. Sans parler de nos bâtiments administratifs, usés par le temps, qui tiennent plus de la ruine que de l’institution. Combien de ces problèmes aurait-on pu résoudre avec cette enveloppe ?

Mais non, la priorité est ailleurs, nous dit-on, et cet argent doit servir le référendum. Si encore il servait à assurer un débat équitable, où chaque camp aurait les mêmes moyens pour s’exprimer… Mais ce qu’on voit est une démocratie qui penche dangereusement d’un côté.

Alors, ce n’est plus seulement un enjeu de référendum mais bien de transparence et d’égalité. Comment, après tant d’années à dénoncer ces pratiques, on en est toujours là ? Peut-être que c’est une question de nostalgie pour certains, une envie de retrouver les bonnes vieilles méthodes qui garantissent un certain confort, un silence complice.

Si on veut être franc, cet argent aurait dû servir à garantir un espace de débat où chacun pourrait s’exprimer avec des moyens équitables. Un référendum, c’est deux camps qui s’affrontent, avec des arguments, pas une mascarade où l’un danse et l’autre se tait. Parce que dans une vraie démocratie, 27 milliards ne sont pas faits pour embellir le Oui et étouffer le Non.

Au final, à ceux qui gèrent cette somme et décident de son partage, la question n’est plus : “Où est l’argent pour le Non ?”. Elle devient plutôt : “Voulez-vous vraiment que ce soit un référendum ou juste un spectacle de propagande déguisé ?”

Alors oui, 27 milliards, c’est beaucoup d’argent. Mais visiblement, ce n’est pas suffisant pour garantir un semblant d’équité. Et ça, ça ne coûte rien de le dire.

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ConstitutionGabonOpinion

Dysfonctionnements politiques en période de référendum au Gabon

« Qui côtoie les chiens, se lève avec des puces ». Alors que le Gabon s’apprête à franchir une nouvelle étape démocratique avec la campagne référendaire en cours, les jeux de pouvoir et les comportements douteux de certains acteurs politiques viennent jeter une ombre sur cette période décisive.

Une cohabitation imposée, fruit des héritages de l’ancien régime et du manque de renouvellement des pratiques, maintient le Parti Démocratique Gabonais (PDG) au cœur de plusieurs institutions publiques, suscitant une certaine frustration chez les Gabonais.

Depuis la prise de pouvoir par le CTRI (Comité de Transition pour la Restauration de l’Intégrité), nombreux étaient ceux qui espéraient un profond renouvellement des structures étatiques et une rupture avec les pratiques passées. Cependant, le choix de maintenir certains membres du PDG dans des postes stratégiques laisse perplexe. Cette situation ne résulte pas seulement d’un choix politique, mais semble davantage traduire une réticence à démanteler un réseau établi. Aujourd’hui, ce qui aurait pu être un tournant pour le pays s’apparente plus à une continuité teintée de familiarité pour les citoyens, qui observent une transition inachevée et une stagnation des institutions.

Une campagne référendaire au goût de déjà-vu

Avec le référendum en vue, la campagne du « Oui » orchestrée par le CTRI rappelle étrangement les anciennes méthodes. Les stratégies employées, telles que la distribution de t-shirts, les concerts de rue improvisés et la désinformation auprès des électeurs, semblent issues des livres de stratégie de l’ancien régime. L’esprit de manipulation, qui sous-entend que voter « Non » serait un acte d’opposition envers le CTRI ou qu’un vote favorable garantirait des projets d’infrastructures, alimente les doutes sur les intentions réelles des dirigeants. Plutôt qu’une campagne transparente, les citoyens sont confrontés à un jeu d’ombre et de confusion, où la politique de l’ambiguïté semble triompher.

Ces pratiques, que l’on croyait révolues, sont révélatrices d’un certain immobilisme politique. L’utilisation des ressources publiques pour mobiliser un soutien populaire au profit d’une campagne révèle une approche qui n’a que peu évolué. Cette scène politique opaque donne l’impression d’un retour en arrière, une résurgence d’un passé politique qui refuse de céder la place.

Un conflit d’intérêt au cœur du CTRI ?

Pourquoi le CTRI, censé être l’organe de transition, tolère-t-il ces pratiques de l’ancien régime ? Les décisions de laisser certains vétérans du PDG occuper des postes de coordination ne semblent pas être dues au hasard. Ces figures, bien connues des Gabonais, sont souvent associées à des réseaux financiers solides, un levier d’influence non négligeable en période électorale. Ce maintien, voire cette intégration de membres aux finances avantageuses, ouvre la voie à des soupçons : le CTRI serait-il réellement intéressé à promouvoir la transparence, ou joue-t-il lui aussi le jeu des alliances tacites ?

Cette période référendaire, au lieu d’unifier le pays vers un avenir démocratique, semble plutôt révéler un Gabon tiraillé entre des influences passées et une transition politique aux airs de continuité. Les Gabonais aspirent à une véritable rupture, une gouvernance intègre et une administration au service des citoyens, sans arrière-pensée électorale.

Un défi perdu pour la restauration de l’intégrité ?

Le CTRI a aujourd’hui l’opportunité de redresser la barre et de faire de ce référendum un modèle de probité et de transparence. Cela nécessiterait toutefois un abandon des comportements du passé, en écartant les pratiques de manipulation et en engageant une réelle réorganisation des structures politiques. Le Gabon a besoin d’un message clair : la période de transition ne doit pas être un simple remaniement de façade, mais un véritable tournant vers un renouveau politique.

Pourtant, certains alliés du 30 août 2023, qui devaient incarner ce changement, tiennent aujourd’hui plus du boulet que de l’envol libérateur, empêchant le pays de s’élever vers une vision partagée de prospérité et de stabilité. Cette transition, qui aurait pu être un envol vers une gouvernance exemplaire, semble davantage alourdie par les vestiges d’un système ancien.

Ce référendum aurait pu être l’occasion pour le CTRI de prouver son engagement en faveur de la transparence et de l’intégrité, en instaurant une campagne authentique, respectueuse de l’intelligence et de la liberté des électeurs. Mais, à ce stade, il est difficile de ne pas penser qu’il est déjà trop tard pour espérer un changement en profondeur.

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