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Ces jeunes qui font bouger les lignes, souvent dans l’ombre

Il y a, au Gabon, une génération qui refuse d’attendre que les choses tombent du ciel. Des jeunes qui, au lieu de se résigner, décident de créer.

Dans la culture, le divertissement, l’événementiel, la mode, la communication, ou encore le numérique, ils se retroussent les manches pour bâtir quelque chose à partir de ce qu’ils connaissent et de ce qu’ils aiment. Ils transforment leurs passions en initiatives, leurs idées en projets, leurs projets en petites entreprises.

Je ne prendrai pas le risque de citer des noms ici. Non pas par manque de reconnaissance, mais parce que la liste est longue, et que l’oublier ne serait-ce qu’une personne, par inadvertance, pourrait en frustrer d’autres. Et ce texte se veut une célébration de tous, sans exception.

Ces jeunes n’attendent pas que le pays leur offre un chemin tout tracé. Ils organisent des festivals, lancent des plateformes, créent des concepts, fédèrent des communautés. Ils testent, échouent parfois, recommencent souvent. Et même si le soutien institutionnel ou financier reste limité, ils persistent. Ils savent qu’ils n’ont pas le luxe d’attendre “les bonnes conditions” pour agir.

Les plus ambitieux iront sûrement plus loin : ils décrocheront des partenariats, séduiront des investisseurs, s’exporteront au-delà des frontières. Mais même ceux qui ne franchiront pas toutes les étapes ont déjà gagné quelque chose : la preuve qu’ils ne manquent pas d’idées et qu’ils refusent l’inaction.

C’est là que les plus âgés, ceux qui ont l’expérience, les moyens ou le réseau, ont un rôle à jouer. Soutenir ces initiatives, c’est investir dans l’avenir. C’est comprendre qu’une économie ne se développe pas uniquement avec des matières premières, mais aussi avec des idées, du savoir-faire, de la créativité. C’est ainsi qu’on construit une véritable économie de la connaissance.

Et il faut le rappeler : nous ne sommes pas nombreux. On ne peut pas tous espérer percer dans les mêmes secteurs. L’agriculture, par exemple, demande un capital conséquent et, sur le marché gabonais, la production pourrait rapidement dépasser la demande. Mais dans l’économie de la connaissance, les barrières sont plus faibles et les opportunités plus vastes : on peut créer ici et vendre au monde entier.

Ces jeunes n’attendent pas que tout soit parfait. Ils essaient. Ils prennent des risques. Ils travaillent souvent dans l’ombre, parfois sans reconnaissance, mais avec la conviction que, même à petite échelle, ils peuvent faire bouger les choses. Et c’est peut-être ça, la plus belle leçon : dans un pays où l’on entend souvent dire “il n’y a rien”, eux prouvent qu’il y a toujours quelque chose… à condition de vouloir le bâtir… Ensemble.

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MST : quand l’école rebaptise le viol

Derrière le terme de « Moyenne Sexuellement Transmissible », il y a des filles, des silences, des drames. Cette chronique dénonce le langage qui maquille les agressions sexuelles en milieu scolaire, la lâcheté des institutions, et la complicité passive de ceux qui voient sans parler.

1. La fille dont on parle

On nous parle de MST, ces fameuses Moyennes Sexuellement Transmissibles. On en rigole parfois dans les couloirs.On cite des noms. On désigne.Toujours les mêmes filles.

Toujours les mêmes silences.

Et il y a cette fille-là. Celle qui ne parle presque pas avec les autres. Celle dont la réputation est toute faite. Celle qu’on a jugée sans lui demander quoi que ce soit. Elle “sort avec les profs”, paraît-il. Elle “gratte des notes”. Elle “joue de ses charmes”.

Voilà ce qu’on dit. Voilà ce qu’on répète.

Mais on ne dit jamais ce qu’elle vit. On ne dit pas que ce n’est pas une histoire d’amour, ni un jeu, encore moins une stratégie. On ne dit pas qu’elle subit. Qu’elle n’a pas choisi. On ne dit pas que c’est du harcèlement, parfois des agressions sexuelles. Elle ne parle pas. Elle ne veut pas. Elle ne peut pas. À qui ? Ses parents ? Ils penseraient peut-être que c’est de sa faute.Ses amis ? Ils riraient. Ils douteraient. Ils la regarderaient autrement.

Alors elle garde tout pour elle. Elle survit.Et elle continue de bosser. Parce que ses notes, parfois, elle les mérite vraiment. Et même si elle ne les méritait pas, le problème n’est pas là.

Le problème, c’est qu’on a construit un langage qui transforme des viols en rumeurs. Un mot qui devrait faire hurler, agression, abus, viol, devient une plaisanterie de cour d’école : MST.

Trois lettres qui effacent la douleur, la honte, la solitude.

2. Le professeur sans vergogne

Et que dire de ces professeurs sans vergogne, ceux qui n’hésitent pas à détourner des mineures, à abuser de leur pouvoir,à profiter de leur statut pour satisfaire des désirs qui n’ont rien à faire dans une salle de classe ?

On pourrait leur dire ceci : Vous êtes des traîtres. Des traîtres à votre fonction. Des traîtres à l’enfance. Des traîtres à la confiance qu’une société vous accorde en vous confiant ses enfants.

Car oui, enseigner, c’est un pacte. Un pacte sacré. On ne vous confie pas simplement des copies à corriger. On vous confie des esprits à éveiller, des cœurs à rassurer, des chemins à accompagner. Et vous, vous en avez fait un terrain de chasse. Vous avez pris le pouvoir qu’on vous donne pour éduquer, et vous l’avez utilisé pour manipuler, soumettre, abuser.

Vous avez fait croire à une élève qu’elle était spéciale, qu’elle était grande, qu’elle était aimée.

Mais en réalité, vous ne l’avez pas aimée : vous l’avez utilisée. Et lorsque l’élève résiste ou parle, que faites-vous ? Vous niez. Vous riez. Vous accusez. Ou pire encore, vous laissez la rumeur s’installer, comme un rideau de fumée qui la couvrira elle, et vous protègera, vous.

À ceux-là, je dis : Vous n’avez pas un problème de désir. Vous avez un problème de moralité. Vous n’êtes pas des amants. Vous êtes des prédateurs. Et ce que vous faites n’est pas une liaison, c’est une violence. Pas une relation, mais une trahison. Et si la justice ne vous atteint pas, la vérité, elle, finira par vous nommer.

Et dans cette vérité, il y aura toutes les voix que vous avez réduites au silence. Un jour, elles parleront. Et elles ne diront plus : MST. Elles diront : viol. Elles diront : abus. Elles diront : vous.

3. Le silence complice

Et que dire de leurs collègues ? Ceux qui savent. Ceux qui voient. Ceux qui entendent. Mais ne disent rien. Pas un traître mot. Parfois, ils rient avec eux. Ils laissent passer les blagues salaces. Ils répètent des ragots.

Mais jamais un signal d’alerte. Jamais un mot à la hiérarchie. Jamais une main tendue à la victime.

Ces collègues-là sont peut-être les plus insidieux. Parce qu’ils entretiennent l’impunité en silence. Ils protègent le monstre, par confort, par lâcheté, par peur de salir leur institution. On ne leur demande pas d’être des héros. Mais on leur demande de ne pas être des lâches.

On leur demande de ne pas détourner les yeux quand un collègue traque au lieu d’enseigner. On leur demande de comprendre qu’un abus, même toléré en silence, n’est pas moins un crime. Rire avec celui qui agresse, c’est cracher sur la douleur de la victime. Se taire, c’est lui infliger un second châtiment. Et quand tout éclate, ils diront :Je ne savais pas. Je ne voulais pas de problèmes. Ce n’était pas mon rôle. Mais ce jour-là, les élèves se souviendront que vous avez su, et que vous n’avez rien fait.

Alors non. Ce ne sont pas des MST. Ce sont des actes criminels. Ce sont des vies brisées. Et tant qu’on continuera de rire, de taire, de détourner, on sera tous un peu coupables.

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Voter pour quoi, pour qui, et surtout pourquoi ?

On nous demande de voter. Mieux : on nous demande de voter pour la rupture. De choisir un nouveau chemin. D’éviter les caméléons en costume-cravate, de refuser les « tee-shirts politiques » fraîchement changés. On nous parle de mémoire collective, de lucidité. Et on a raison.

Mais moi j’ai une question. Simple. Crue.

Qui, au Gabon, vote vraiment par conviction ?

Pas dans les discours. Pas sur Facebook. Dans les urnes. Quand le moment vient.

Le vote de la famille, le vote de la peur, le vote de la faim

Tu crois qu’on vote parce qu’on a été convaincus par un programme, une vision, une cohérence politique ? Il faut aller à Nkembo, à Cocotiers, à Kinguélé, à PK12, à Bitam ou à Mitzic, et poser la question.

On vote parce que c’est la famille.
Parce que tonton a dit. Parce que le cousin menace.
Regarde Guy Nzouba Ndama. Il ne s’en cache même pas : « Si vous ne rejoignez pas mon parti, vous serez exclus. » On en rit jaune. C’est grotesque, c’est tragique, et c’est notre quotidien politique.

On vote aussi pour ne pas perdre.
Pas perdre les petits privilèges. Pas perdre la fête.
On vote pour le favori. Celui qui gagne. Celui qui fera couler la régab et la musique après les résultats.

Et surtout…

On vote pour manger.
Pour ce sac de riz. Pour ces 10.000 francs. Pour le t-shirt. Pour le transport payé.
On vote pour celui qui soulage maintenant, même s’il écrase demain.

Parce que quand on a faim, on n’a pas le temps pour les concepts.

Et l’opposition ?

Pendant ce temps, que fait l’opposition ?
Elle moralise. Elle dénonce. Elle promet la lumière. Mais elle ne rassure pas.

Comment veux-tu que le peuple donne sa voix à des gens dont il a vu les collègues se précipiter vers la soupe sitôt le pouvoir tombé ?
Comment veux-tu qu’il y croie encore, alors que les anciens combattants de la liberté sont aujourd’hui les bras armés des déguerpissements ?
Oui, parlons-en. Parce qu’un gouvernement de la Ve République a jeté des pauvres dehors.
Pas des trafiquants. Pas des mafieux. Des familles. Des enfants.
Et ce jour-là, beaucoup ont compris que le pouvoir, même avec une autre étiquette, reste le pouvoir.

Alors on fait quoi ?

On ne peut pas demander à un peuple de voter « bien », si on ne répond pas à ses besoins ici et maintenant.
On ne peut pas lui demander de voter contre le riz, s’il ne sait pas comment il va manger demain.
On ne peut pas lui dire « la rupture », sans lui expliquer comment il va traverser cette rupture.

Si on veut qu’il vote autrement, il faut d’abord l’écouter autrement.
Il faut lui parler vrai. Il faut lui montrer, pas seulement promettre.

Parce que la vérité est là : plus le peuple a faim, plus il est achetable.
Pas parce qu’il est bête. Mais parce qu’il est vivant. Parce qu’il a des enfants à nourrir. Parce qu’il souffre.

La dignité ne se mange pas, mais elle s’apprend

Ce texte n’est pas une excuse pour vendre son vote. Ce n’est pas une justification.
C’est une alerte.

Si vous voulez des votes sincères, construisez une politique sincère.
Montrez la cohérence. Montrez la constance. Montrez l’intégrité.
Et surtout, répondez aux besoins du peuple, même modestement, mais réellement.

Parce qu’à force de dire « votez pour la vision », pendant qu’un autre dit « votez pour 10.000 francs et un sac de riz », on sait déjà qui repartira avec la victoire.

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ÉlectionsGabonOpinion

Changer de tee-shirt ne fait pas de vous un homme nouveau

À chaque élection, c’est la même rengaine. Les visages changent peu, les slogans se recyclent, et les bourreaux d’hier se réinventent en sauveurs d’aujourd’hui. Le plus troublant ? Ils comptent sur notre amnésie pour réussir leur tour de passe-passe.

« Ils n’ont pas changé. Ils ont juste changé de tee-shirt politique. »
— Harold Leckat

À chaque élection, c’est la même rengaine. Les visages changent peu, les slogans se recyclent, et les bourreaux d’hier se réinventent en sauveurs d’aujourd’hui. Le plus troublant ? Ils comptent sur notre amnésie pour réussir leur tour de passe-passe.

Harold Leckat, avec une lucidité qu’on aimerait contagieuse, refuse de laisser ce manège tourner en rond. Dans une tribune puissante publiée sur Facebook, il sonne l’alarme : l’inclusivité ne doit pas servir de blanchisserie politique. On ne reconstruit pas un pays avec ceux qui l’ont démoli. On ne bâtit pas la rupture avec ceux qui ont chanté l’ancien refrain jusqu’à la dernière note.

La mémoire est une arme

Depuis le 30 août 2023, date du putsch qui a renversé Ali Bongo, les espoirs étaient permis. Le peuple s’est levé, le peuple a cru. Mais à moins de deux ans de ce sursaut collectif, les caméléons de la République reprennent place sur l’échiquier. Les anciens ministres, députés et flatteurs du régime déchu s’offrent une nouvelle virginité politique grâce à une transition trop clémente.

Ils s’affichent désormais dans les meetings du changement, parfois même en tête de cortège, comme s’ils n’avaient jamais trempé dans l’injustice, le clientélisme ou la confiscation de la démocratie.

« Ce jour-là, nous avons cru en un essor vers la félicité.
Mais si nous laissons les néo-bâtisseurs repeindre en blanc leur passé,
ce jour ne sera plus qu’une illusion d’optique. »

Le bulletin est une arme. Servez-vous-en.

Ce n’est pas une parole en l’air. Ce n’est pas une menace. C’est un rappel simple : le pouvoir change de mains quand les citoyens prennent leurs responsabilités. Voter n’est pas une formalité. C’est un acte de mémoire.

  • Se souvenir de ceux qui ont défendu les urnes trafiquées.
  • Se souvenir de ceux qui applaudissaient la restriction des libertés.
  • Se souvenir de ceux qui festoyaient pendant que le peuple avait faim.

Le bulletin de vote n’est pas qu’un choix : c’est une vengeance douce, légale, démocratique.

Pas de pardon sans vérité. Pas d’unité sans justice.

Personne ne nie la nécessité de reconstruire ensemble. Mais ensemble ne signifie pas indistinctement. L’unité nationale n’a jamais été synonyme d’impunité nationale.

On ne peut pas confondre l’opportunisme et la vision.
On ne peut pas décorer ceux qui ont trahi sans demander réparation.

Les vrais bâtisseurs ne sont pas ceux qui se repositionnent à la veille d’un changement. Ce sont ceux qui ont tenu bon quand c’était dangereux. Qui ont dénoncé quand c’était impopulaire. Qui ont résisté quand c’était plus simple de courber l’échine.

Et maintenant, on fait quoi ?

La réponse d’Harold Leckat est claire : on reste éveillés. On refuse le recyclage politique. On se bat pour la mémoire collective.

Le 30 août 2023 ne doit pas devenir un mythe flou. C’était un cri, une claque, une ouverture. Si on laisse les mêmes revenir en douce, alors cette rupture ne sera qu’un mirage.

Nous n’avons pas fait tout ça pour remplacer un tee-shirt vert par un tee-shirt bleu.
Nous n’avons pas crié pour qu’on réécrive l’histoire à notre place.
Nous avons le droit d’espérer mieux, mais surtout le devoir de choisir mieux.

En 2025, on vote pour le changement. Le vrai. Pas celui qui s’achète en boutique politique.
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OpinionSanté

Et si les contraires coexistaient ?

Je suis en plein chantier intérieur. Je ne sais pas si on peut appeler ça une déconstruction, un réalignement ou juste une crise existentielle à peine déguisée — mais voilà, j’ai remarqué que j’ai cette fâcheuse tendance à opposer les choses. Comme si certaines notions ne pouvaient pas cohabiter. Comme si le monde entier était une série de cases bien séparées, et qu’il fallait choisir son camp.

C’est en parlant avec ma psy que la première faille est apparue. Elle m’a posé une question toute bête :
“Pourquoi tu mets toujours émotion et raison en opposition ? Pourquoi tu vois la raison comme une force et l’émotion comme une faiblesse ?”

Je n’ai pas su répondre. J’ai rigolé, j’ai botté en touche, comme souvent quand on touche trop juste.
Et pourtant, cette question m’a poursuivie bien après nos séances — qui, soyons honnêtes, devenaient de moins en moins productives parce que j’avais remis mon masque, mon armure, ce truc que je porte dès que je sens qu’on s’approche trop.

Mais le plus fou, c’est que ce schéma ne s’arrête pas là. En fait, je fais pareil dans plein d’aspects de ma vie.

Prenons un exemple que beaucoup trouveront superficiel mais qui ne l’est pas du tout pour moi : mes vêtements.
J’ai toujours eu l’impression qu’il fallait choisir entre être “giga fraîche” ou être confortable. Comme si être élégante, féminine, stylée… devait automatiquement rimer avec souffrance. Talons, tissus rigides, corsets invisibles pour l’ego.

Du coup, je disais toujours : “moi, je choisis le confort.”
Mais récemment, j’ai compris que c’était encore une opposition que j’avais créée de toutes pièces. Un mensonge que je me racontais.
Pourquoi je ne pourrais pas être les deux ? Pourquoi je ne pourrais pas être fraîche, élégante, féminine et confortable ?

Pourquoi l’équilibre ne pourrait pas être fluide ? Sans qu’un pôle prenne le dessus. Sans qu’il y ait un dominant, un dominé.

C’est peut-être ça, grandir : arrêter de faire des guerres inutiles à l’intérieur de soi.

Allez. Je retourne à la réunion dans mon casque (oui, je n’écoutais plus vraiment). Mais j’y retourne avec mes deux pieds bien posés, dans des baskets confortables. Et le vernis bien posé aussi.

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Rêves brisés, talents exilés : quand le Gabon oublie ses enfants

Il y a des histoires qu’on n’écrit pas dans les livres, mais qu’on porte en silence dans les regards fatigués. Celle d’un juriste devenu journaliste, d’un étudiant devenu vigile. D’un ingénieur devenu livreur. D’un médecin devenu vendeur ambulant. Pas par manque de compétence. Mais parce qu’un jour, le pays qu’ils aimaient leur a gentiment demandé de rentrer… sans jamais vraiment les accueillir.

On les appelle la “diaspora”, comme si ce mot suffisait à justifier l’exil. Des jeunes, brillants, formés dans les meilleures universités, qui rentrent chez eux pleins d’espoir, les bras chargés de projets, le cœur gonflé de patriotisme. Et qui trouvent… des portes closes. Pas de postes. Pas de soutien. Pas même une chaise où s’asseoir pour expliquer ce qu’ils peuvent apporter.

Alors ils font ce que beaucoup font dans le silence : ils se “cherchent“. Ils acceptent ce qu’ils trouvent. Ils deviennent multitâches dans un pays où la survie est un sport de haut niveau. Parce qu’au-delà du diplôme, il faut affronter les coupures d’électricité qui paralysent les idées, les délestages d’eau qui sapent la dignité, les routes défoncées qui cassent les reins et les espoirs. Et puis il y a les taxes… imposées même aux rêves en gestation.

Il y a une violence invisible dans tout cela. Une violence qui fait qu’un pharmacien gère aujourd’hui une buvette. Qu’un enseignant brillant conduit un taxi pour nourrir sa famille. Et pendant qu’il fait ça, il prend peut-être la place d’un autre, quelqu’un qui aurait pu faire ce métier avec fierté, mais qui lui non plus, n’a pas eu le choix.

Il faut en parler. Parce que derrière chaque reconversion imposée, il y a un sacrifice. Derrière chaque talent parti, un vide. Derrière chaque retour manqué, un pays qui perd une chance de se reconstruire.

On ne généralise pas. Il y a des réussites, oui. Des jeunes qui entreprennent, qui innovent, qui changent les choses à leur échelle. Mais même eux, ils rament. Ils rament à contre-courant dans un pays qui ne leur tend pas la rame.

Ce n’est pas une plainte, c’est un cri. Un cri de ceux qui aiment ce pays, mais qui se sentent étrangers chez eux. Un cri de ceux qui veulent juste exister sans s’excuser d’avoir rêvé.

Il est temps de remettre l’église au centre du village. De cesser de demander aux jeunes de rentrer si c’est pour les laisser s’écraser contre les murs de la réalité. Il ne suffit pas d’aimer le Gabon. Il faut aussi que le Gabon aime ses enfants.

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On ne guérit jamais vraiment de certains départs

Il y a des silences qui crient plus fort que des hurlements. Des absences qui te serrent la gorge, même des années plus tard. On croit qu’on s’habitue. On se dit que le temps fera le travail. Mais la vérité, c’est qu’on apprend juste à avancer avec un poids dans la poitrine.

Quand la mort arrache quelqu’un qu’on aime, elle ne prend pas que la personne. Elle emporte un morceau de nous. Et parfois, on ne le récupère jamais.

Il y a des matins où on se réveille, le cœur lourd, sans vraiment comprendre pourquoi. Jusqu’à ce qu’un souvenir vienne nous frapper de plein fouet. Une voix qu’on n’entendra plus. Un rire qui ne reviendra pas. Un message qu’on relit encore et encore, même s’il ne répondra plus jamais.

Et puis, il y a ces numéros qu’on garde dans le téléphone. Ces noms qui s’affichent encore, comme une présence qu’on ne veut pas effacer. Certains n’ont jamais eu la force de les supprimer. Parce que supprimer, ce serait comme trahir. Comme admettre que c’est vraiment fini. Alors on laisse le numéro. On écrit parfois, même si on sait qu’il n’y aura jamais de réponse. On envoie un “tu me manques”, un “je pense à toi”, un simple emoji… juste pour se sentir un peu moins seul, juste pour tenir debout. Parce que ça fait du bien, même si ça fait mal.

Certains s’en remettent. D’autres non. Et il faut qu’on arrête de faire semblant que c’est pareil pour tout le monde. Il y en a que la douleur a brisés à vie. Qui n’ont plus jamais souri comme avant. Qui vivent, mais qui ne respirent plus vraiment. Parce que ce vide-là, il n’y a rien qui le comble.

« Je plie quand tu plies, je pleure quand tu pleures Je prie quand tu pries alors, ton deuil, c’est mon deuil Je vibre quand tu vis, un cœur pour un cœur Puisque je brille quand tu brilles, alors je meurs quand tu meurs »— Youssoupha, Mourir mille fois

Ces derniers temps, on dirait que la mort a pris goût à la jeunesse. Elle arrache des frères, des sœurs, des amis, trop tôt, trop vite. Et on est là, choqués, sidérés, à se demander pourquoi. Pourquoi eux ? Pourquoi maintenant ? Et pendant qu’on enterre nos repères, on se rend compte à quel point tout est fragile.

Alors qu’est-ce qu’on attend pour vivre vraiment ? Qu’est-ce qu’on attend pour se libérer de ce qui nous ronge ? Pour dire “je t’aime” sans honte, pour demander pardon sans orgueil, pour quitter ce qui nous détruit, pour faire ce qui nous ressemble ?

On perd trop de temps à fuir nos rêves, à nourrir des rancunes, à courir après l’approbation des autres. Mais à la fin, qu’est-ce qui restera ? Ce que tu as ressenti. Ce que tu as donné. Ce que tu as vécu sincèrement.

Le deuil nous rappelle que rien n’est éternel. Mais aussi que chaque instant peut devenir un souvenir précieux. Alors ne laisse pas la mort te voler la vie. Sois en paix avec toi-même. Ne reste pas coincé dans le passé ou dans la peur du futur. Avance, même à petits pas. Même les larmes aux yeux. Parce que chaque pas que tu fais, c’est une victoire sur l’oubli.

On ne guérit pas de tout, c’est vrai. Mais on peut choisir de vivre, malgré tout.

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Good Kounabelisme / Bad Kounabelisme

Aujourd’hui, l’un des plus grands fléaux sociaux de ce pays, qui il n’y a pas si longtemps encore exacerbait certains, tend à se normaliser.

Aujourd’hui, c’est maintenant pathétique de pointer cela du doigt ?

Le “harcèlement” toléré ou justifié pour les uns à une époque encore pas si lointaine, est désormais pathétique et inapproprié pour les autres.

Il fut un temps où toutes les formes de Kounabelisme étaient pointées du doigt, exposées sur la place publique, et les Kounabelistes étaient affichés pour que nul n’oublie.

Désormais, ceux qui jadis dénonçaient cela en sont les porte-étendards, ceux qui s’en offusquaient hier, le pratiquent désormais fièrement.

Certains se taisent maintenant sur le sujet car leurs proches le pratiquent sans gêne, certains le justifient ou le normalisent.

Comprenons que dans la 5ᵉ République, si tu pratiques le Kounabelisme et qu’on ne t’apprécie pas, c’est mauvais, mais si tu es apprécié, ça va, parce que tu ne dois rien à personne.

Les convictions, valeurs et principes au gré du vent mènent souvent à une chute silencieuse et longue.


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Ce gouvernement n’a aucune empathie.

« On ne gouverne pas avec les émotions »… Je pense qu’ils ont pris cette phrase au pied de la lettre. Ça me rappelle un échange lu sur Twitter d’ailleurs.

Si l’émotion ne doit pas être dans le débat (ne pas s’énerver, mesurer ses propos, etc.), tenir compte de la situation déjà précaire du peuple est le minimum pour le servir.
Car oui, le gouvernement sert le peuple.

Mais aujourd’hui, on a l’impression que les gouvernants sont devenus des exécutants froids, déconnectés, sans regard humain.
Juste des procédures. Des arrêtés. Des communiqués. Des bulldozers.
Et si vous osez parler de l’impact des décisions sur les gens – les vrais gens, pas les statistiques – on vous renvoie à la loi, au pragmatisme, à l’ordre.

On déguerpit des familles sans relogement.
On coupe l’électricité à des quartiers entiers.
On suspend des aides. On ferme des services.
Et aujourd’hui, on veut suspendre les bourses dans certains pays.

Pourquoi ? Parce que – nous dit-on – « les gens ne rentrent pas » ou « ne respectent pas leurs engagements décennaux ».
C’est vrai. C’est un fait.
Mais est-ce que couper les bourses dans trois pays va régler le problème, alors que près de 40% des jeunes diplômés sont au chômage au Gabon ?

La justification ne tient pas. Elle ne repose sur aucune vraie réflexion.

Disons les choses clairement : si on nous avait dit que c’est pour des raisons budgétaires, la décision aurait été plus audible.
Encore qu’on ne la conteste même pas, cette décision. C’est la raison invoquée qui dérange.

Proposer une solution sans comprendre les causes, c’est fuir. C’est bâcler.
C’est aussi révéler une paresse intellectuelle profonde.

Au lieu de se demander pourquoi les diplômés ne rentrent pas, on choisit la voie la plus simple : supprimer les bourses en France, aux États-Unis et au Canada.
Très bien.

Mais ils rentreraient pour quoi ?
Combien sont rentrés pour se faire balayer par le chômage, malgré leurs diplômes ?
Je pense à un ami, diplômé au Canada, qui a passé trois ans à courir partout, sans rien trouver.
Pas de bon nom. Pas de réseau. Pas d’oncle.
Il a juste rejoint les rangs silencieux des sacrifiés, pendant qu’on affichait ailleurs des sourires de façade.

Et pourtant, quand les autorités croisent la diaspora à l’étranger, elles se félicitent.
Ces jeunes qui brillent à l’international deviennent soudain des « ambassadeurs » du pays.
Mais dès qu’ils refusent de rentrer dans le vide, on les traite d’ingrats.

Oui mais… l’engagement décennal ?

Un argument pertinent, oui.
Mais alors, comment l’État mesure-t-il aujourd’hui le retour sur investissement ?
silence radio
Il n’y a aucun vrai mécanisme de suivi, en dehors de la sempiternelle demande de documents pour renouveler la bourse.

Si l’État veut que les diplômés reviennent, qu’il crée les conditions pour qu’ils s’intègrent.
Des conventions claires. Des incitations. Des passerelles. Des plans d’accueil.
Si l’on veut un retour sur investissement, il faut penser une politique publique.

Mais ça, ça suppose de réfléchir. De penser. D’anticiper.
Et dans ce gouvernement qui a vidé toute humanité de ses décisions, penser semble devenu accessoire.


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Mays Mouissi, la déception de trop

On n’a plus besoin de tourner autour du pot. La vidéo — floue mais claire — a été vue, commentée, disséquée. On y voit Mays Mouissi, aujourd’hui cadre politique et ex-ministre de l’Économie, inviter le Peuple à accueillir le Président élu à l’aéroport, “comme il se doit”, à son retour des États-Unis.

Un appel qui aurait pu passer inaperçu… s’il n’était pas venu de l’un des visages les plus emblématiques de l’opposition numérique gabonaise.
Oui, lui. L’ancien activiste. Celui qui nous représentait.

On ne se fait pas seul.

(suite…)
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