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Chroniques d’un optimiste en voie d’extinction

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai essayé pourtant. Je me suis installé, carnet en main, prêt à chanter les louanges de mon beau pays. J’ai commencé par l’électricité, mais au moment où j’écrivais “nous avançons vers une stabilité énergétique“, le courant a sauté. Silence total. J’ai attendu, le ventilo s’est arrêté, la chaleur s’est installée. Trois heures plus tard, toujours rien. Un voisin a crié “Mettez nous même les groupes, allumez !” et j’ai compris qu’il fallait abandonner l’idée d’un pays électrifié en continu. J’ai griffonné dans mon carnet : Nous sommes passés de l’énergie renouvelable à l’énergie intermittente. C’est une transition écologique… forcée.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler des opportunités pour les jeunes. À la télé, on nous dit que le chômage baisse, que l’économie se porte mieux, que les entreprises recrutent. Puis, j’ai croisé mon cousin, master en poche, qui fait des livraisons à moto. “Faut bien manger, hein !” m’a-t-il lancé avant de repartir sous la pluie, casque à moitié cassé. J’ai aussi pensé à mon ami qui a envoyé 100 CV et n’a reçu que des refus polis, ou pire, un silence radio. Alors j’ai noté : Les jeunes ont des diplômes, des compétences et de l’ambition. Il ne leur manque plus qu’une chose : un pays qui leur donne leur chance.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler de la santé. Je suis allé à l’hôpital. À l’entrée, des files d’attente interminables. J’ai vu une femme enceinte attendre des heures, un vieil homme allongé sur un banc, faute de lit disponible. La pharmacie n’avait plus les médicaments nécessaires, mais “on peut vous aider si vous avez quelqu’un en ville pour les acheter en pharmacie privée“. Et si t’es fauché, que tu crèves en silence ? J’ai noté : On dit que la santé n’a pas de prix… Mais ici, elle a un coût, et tout le monde ne peut pas se l’offrir.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler de l’amour. Mais le goumin m’a rattrapé. Elle est partie. Pourquoi ? “Tu n’as pas de projet”, “Les temps sont durs”, “Un homme doit être stable“. J’ai repensé aux loyers exorbitants des faux agents immobiliers qui réclament leur fameux “100% de commission” avant même que tu signes un bail. J’ai aussi pensé à l’inflation, au prix du poisson qui a triplé, aux légumes qui coûtent une fortune, et aux “commérages financiers” dans les couples. J’ai écrit : L’amour, c’est beau. Mais sans argent, c’est juste une relation d’amitié avec des obligations.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler des routes. Puis j’ai pris un taxi et me suis retrouvé coincé dans un embouteillage monstre. Pourquoi ? Parce qu’une autorité a décidé de bloquer une route pour son passage. On voit arriver des motards sifflant comme des policiers en plein marathon, des agents de sécurité nerveux, et une file de voitures climatisées roulant à toute vitesse pendant que nous, pauvres mortels, transpirons sous un soleil impitoyable. J’ai noté : Ici, les routes sont à tout le monde. Mais certains sont plus “tout le monde” que d’autres.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler de la liberté d’expression. Puis j’ai vu un gars critiquer une situation sur Facebook. Deux jours plus tard, il était porté disparu. On apprend plus tard qu’il “collabore avec la justice“. En clair, il est au ngata. J’ai effacé ce que je voulais écrire et noté : Ici, la liberté d’expression est un mythe. Si tu veux parler, assure-toi d’avoir un bon avocat.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

Alors, peut-être qu’un jour, je pourrai enfin écrire un article joyeux. Peut-être qu’un jour, mon stylo tracera des lignes où l’espoir ne sera pas une blague. Peut-être qu’un jour, je cesserai d’avoir l’impression d’écrire un recueil de plaintes.

Mais pour l’instant, la lumière vient de s’éteindre. Le réservoir d’eau est vide. Mon cousin cherche un autre boulot. Une femme a encore été tuée.

Et moi, je me demande si l’optimisme n’est pas un sport extrême réservé aux inconscients.

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GabonOpinionPrésidentielles2025

Oligui, le bâtisseur ! Mais pas que…

Si vous vous attendez ici à un article qui encense le Président de la Transition, vous lisez le mauvais texte. Loin des médias nationaux qui donnent dans la propagande, il serait de bon ton aussi de rappeler que le Général n’a pas toujours tenu sa parole…

Pour ceux qui n’iront pas beaucoup plus loin dans cet article, je tiens à rappeler que je ne cite que des faits vérifiables à travers les déclarations faites ici et là. Ça ne sert à rien de me tenir la jambe. Je n’ai rien inventé.

Ceci dit, pour ceux qui ont un peu fait attention, on a tous constaté une gymnastique particulière des différentes institutions, qui auraient dû être restaurées, pour répondre aux besoins du Président de la Transition. De la première version de la Charte qui l’empêchait de se présenter à la nouvelle version de la Constitution, tout est mis en place pour paver le chemin du Général de Brigade.

Autour de lui, d’anciens opposants et des PDGistes mis de côté par l’ancien régime : une cour de partisans uniquement là pour atteindre ses desseins. Rappelons-le, BCON a lu Machiavel… qui défend dans Le Prince l’idée qu’un dirigeant peut utiliser la ruse et la perception pour maintenir son pouvoir, affirmant même que l’apparence de la vertu peut être plus importante que la vertu elle-même et que les dirigeants doivent parfois user de tromperie. Dès lors, on peut clairement se dire qu’il n’a jamais été question de partir après la transition.

Modification de la Charte de la Transition
Initialement, la Charte de la Transition stipulait clairement que le Président de la Transition ne pouvait pas se présenter aux futures élections. Un gage de bonne foi censé rassurer les populations sur la sincérité du coup de libération. Mais comme par enchantement, la révision de cette charte a progressivement ouvert la porte à une candidature du Général. Une stratégie bien ficelée où l’on change les règles du jeu au fil du temps pour s’assurer un avenir politique.

Loi pour la polygamie
En pleine période de transition, une loi est adoptée permettant aux membres de l’armée d’être polygames. Coïncidence ? Pas vraiment. Cette loi semble taillée sur mesure pour le Président, dont la situation matrimoniale était déjà connue de tous. Par exemple, il était de notoriété publique qu’il entretenait plusieurs relations avant même cette loi, ce qui rend cette réforme pour le moins suspecte. Pendant ce temps, d’autres réformes essentielles attendent encore, comme la modernisation du système judiciaire ou l’amélioration des services publics.

Main tremblante devant les actions de certains
D’un côté, Oligui prône une politique de tolérance zéro contre la corruption et les abus de l’ancien régime. De l’autre, il ferme les yeux sur les dérives de son entourage. Son propre frère, surnommé l’enfant, a été épinglé pour des faits de malversation, mais cela n’a en rien affecté son influence politique. On pourrait aussi citer des figures du PDG aujourd’hui en poste, malgré leur implication passée dans la mauvaise gestion des affaires publiques. Cette indulgence sélective interroge sur la sincérité de la lutte contre les abus.

Responsable de rien
« Tu me les enlèves », disait-il en parlant des incompétents. Mais qui, au Gabon, donne réellement les directives concernant l’utilisation du budget ? La gestion des priorités budgétaires semble erratique : certains projets purement populistes reçoivent des financements immédiats, pendant que des secteurs clés comme la santé et l’éducation restent sous-financés. L’augmentation de la dette devient inévitable pour répondre à ces choix discutables, qui ne servent souvent qu’à soigner l’image du pouvoir en place.

Retour du tribalisme et de la xénophobie
Lorsqu’un gouvernement manque de propositions concrètes, il lui faut un bouc émissaire. Ces derniers mois, les discours tribalistes et xénophobes sont utilisés comme un outil de diversion politique. Des figures publiques, y compris certains ministres, ont tenu des propos ouvertement discriminatoires sans jamais être rappelés à l’ordre. Ce climat contribue à diviser les Gabonais et détourne l’attention des véritables problèmes économiques et sociaux du pays.

Oligui, le bâtisseur ? Peut-être. Mais gouverner, ce n’est pas que construire des routes et poser des premières pierres. C’est aussi assumer ses engagements, faire preuve de cohérence et ne pas instrumentaliser les institutions à des fins personnelles.

On est encore loin du compte. Mais bon… on va y arriver, « un peu un peu ».

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Faire autrement c’est d’abord un choix

« Faire du neuf avec du vieux », modifier les apparences sans rénover. C’est un peu ça au final la transition au Gabon. En reprenant les mêmes joueurs, on obtient les mêmes résultats car la volonté n’est pas de changer les règles du jeu mais bien de s’enrichir.

La sortie du Ministre des Mines m’a littéralement bondir. Koh « enlevez vos enfants du tertiaire »… M’enfin ! C’est exactement la raison pour laquelle on en est là. Là oú ? À 1 Gabonais, 1 Taxi. Dès le départ, on a expliqué au Gabonais, qui n’avait alors pas de problème pour se baisser et planter, qu’il n’aurait plus à le faire : le sol est riche en ressources pourquoi developper une economie autour d’autre chose ? Plus d’un demi-siècle plus tard, on voit les résultats. Aujourd’hui alors qu’on court après un élargissement du marché du travail et une diversification de l’offre, une Autorité vient nous expliquer qu’il faudrait reculer. Non, Monsieur !

Et même si tout cela part d’une bonne intention, je suppose la formation puis le recrutement de spécialistes du domaine, la forme du message est problématique. Sous d’autres cieux, pour marquer une préférence vers une formation, on n’essaie pas de déshabiller Paul. On propose des incitatifs :

  • Des bourses
  • Des contrats courts
  • Des formations courtes
  • Des salaires attractifs
  • Des emplois.
    Le dernier point est assez interessant car un Gabonais normal a répondu au Ministre qui prétendait que les ressources humaines locales n’existaient pas. Documents à l’appui, il a montré toute la difficulté de l’intégration au Gabon dans la fonction publique dont PERSONNE ne connait les besoins réels. Ou peut-être qu’ils connaissent mais ils ne veulent pas les dire au public… Notre pays n’est pas réputé pour la transparence de ses institutions.

Et là, vous vous demandez pourquoi je parlais de faire du neuf avec du vieux… Parce que cette sortie du Ministre, aussi maladroite soit-elle, n’est que le reflet d’un mode de gouvernance bien connu au Gabon : on ne règle pas les problèmes, on les déplace. Plutôt que de bâtir une stratégie cohérente et durable, on lance des déclarations à l’emporte-pièce, sans fond ni vision. C’est le règne du coup de com’, du symbole creux, du « faire semblant ». Et surtout, du recyclage permanent des mêmes pratiques et des mêmes discours.

Or, si nous voulons réellement avancer, il faut arrêter de bricoler et poser les bases d’un modèle économique qui fonctionne pour nous. Ce n’est pas en pointant du doigt un secteur ou un autre que nous trouverons des solutions. C’est en nous demandant : comment créer un environnement où chaque Gabonais peut s’épanouir et contribuer au développement du pays ?

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GabonOpinion

Bienvenue en Larbinie, le paradis des ambitieux !

Dans ce pays béni des dieux, les opportunités de réussite sont à la portée de tous. Il n’y a qu’une seule règle, un secret bien gardé que nous allons te révéler : si tu veux avancer, sois un larbin !

Envie d’un poste bien placé ? Sois un larbin.

Tu veux que tes compétences soient reconnues ? Sois un larbin.

Tu rêves de pouvoir ? D’influence ? De prestige ? Lèche plus, et encore plus.

C’est devenu un sport national et une religion

Autrefois, certains osaient encore parler de mérite, d’effort et de compétence. Aujourd’hui, ces dinosaures ont disparu, terrassés par les champions de la flagornerie. Le larbinisme est devenu un art, une discipline olympique, une religion d’État.

Tout bon citoyen sait qu’il faut honorer, glorifier et aduler le Chef. Le matin, on se réveille en chantant ses louanges. À midi, on rédige des hommages dithyrambiques. Le soir, on rêve de lui, en espérant qu’il nous remarque dans la foule de serviteurs prosternés.

Comment devient-on larbin certifié ?

C’est très simple. Il suffit d’observer et d’imiter certains modèles de réussite. Ceux qui, par une flexion bien placée de l’échine et une maîtrise impeccable du cirage de pompes, sont passés du statut d’anonyme à celui d’intouchable.

Quelques règles de base :

1. Ne jamais contredire le pouvoir en place – même quand il se contredit lui-même.

2. Applaudir tout et n’importe quoi – un discours vide ? Ovation ! Une décision absurde ? Standing ovation !

3. Dénoncer ceux qui doutent – un collègue trouve que le Chef exagère ? Signalement immédiat !

4. Faire preuve de créativité dans l’adulation – si tout le monde dit que le Chef est un visionnaire, sois celui qui affirme qu’il est un prophète descendu sur terre.

Derrière le décor festif de la Larbinie, il y a quelques effets secondaires mineurs.

Les vrais talents s’exilent ou dépérissent dans l’ombre. Les décisions absurdes deviennent monnaie courante, car personne n’ose dire “Chef, c’est peut-être une mauvaise idée…”.

Le pays s’enfonce, mais qu’importe ! Tant que les élites ont leur cour de flatteurs, tout va bien. Jusqu’au jour où le Chef tombe… et où tous ses larbins se cherchent un nouveau maître à servir.

Pourquoi ça continue ? Parce que les puissants adorent ça. Le culte de la personnalité, c’est leur carburant.

Ils aiment voir des foules chanter leur nom, lire des articles dithyrambiques, voir des statues érigées en leur honneur. Ils veulent être adorés, vénérés, et entourés de gens qui les confirment dans leur illusion de grandeur.

Et tant qu’il y aura des gens prêts à tout pour plaire au sommet, la Larbinie prospérera. Alors, tu veux réussir ? Tu connais la recette. Mais si un jour, la Larbinie décide de se libérer, elle devra apprendre un mot magique : dignité.

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L’hypocrisie des femmes : Le corps, le physique, la morphologie

Avant de commencer cet article, je tiens à remercier un rédacteur pour la réponse à mon précédent article. Il a apporté des éclaircissements sur des éléments que j’avais omis de toucher et, d’un autre côté, que j’avais peur d’aborder.

Maintenant, on peut attaquer notre sujet.
Avant, je vais vous raconter une anecdote.

Un jour, alors que je me promenais dans un quartier de Libreville, je me suis retrouvée au milieu de plusieurs “conseils” mal placés venant de femmes beaucoup plus âgées. Elles me rappelaient que mon corps flétrira, que ça ne sert à rien de “faire le malin” parce que tout ça, c’est rien. L’une d’entre elles a même rétorqué : « Moi aussi, j’avais un corps comme ça avant, mais j’ai donné la vie, tu verras, là y’a rien. »

Je me suis demandé si je devais me sentir coupable d’avoir un beau corps, une belle taille ou une poitrine encore “debout”. Cette situation, je l’ai vécue plusieurs fois. Et je ne suis pas la seule à l’avoir vécue.

Je me demande du coup : c’est de la jalousie ? De l’envie ? De la bienveillance ?
Je pense que la poule ne devrait pas en vouloir au paon d’être magnifique.

Parmi les paroles que ces femmes âgées sortent très souvent, il y a le poids de la vie et l’enfantement, mais selon moi, c’est trop facile.

Le poids de la vie ? La vie ne détruit pas, la vie ne dégrade pas, la mauvaise hygiène de vie le fait. Beaucoup de personnes pensent que coucher avec plusieurs hommes “fane” une femme, mais c’est faux, c’est coucher avec n’importe qui qui fait faner. Tout comme la vie ne détruit pas, c’est vivre une mauvaise vie qui détruit.

Vous ne pouvez pas passer votre jeunesse à consommer de l’alcool à outrance, à fumer, à mal vous nourrir, à vous dépigmenter, etc., et espérer être de belles femmes âgées. Tout acte a des conséquences.

Tout comme l’argument sur le poids de la vie, le fait de sortir la carte de l’enfantement à tout bout de champ rend les femmes africaines paresseuses. Oui, je n’ai pas d’enfants, donc je ne sais pas à quel point c’est difficile. Mais je sais aussi que nous avons des techniques traditionnelles pour retrouver un corps de rêve après avoir enfanté.

Il y a des techniques pour avoir un ventre plat, etc., mais comme beaucoup ne veulent pas le faire, elles se retrouvent avec de gros ventres. De plus, on n’a pas la culture du sport. C’est important de faire du sport, ça rebooste la confiance en soi, surtout dans ces périodes-là.

Par contre, je comprends parfaitement le fait que ces femmes soient des personnes souvent délaissées. Elles doivent s’occuper du ménage, des enfants, de leurs maris. Elles doivent parfois également chercher de l’argent pour aider leurs hommes, ce qui fait qu’elles n’ont vraiment plus de temps pour elles et qu’elles se dégradent avec le temps.
Comment trouver du temps pour la salle ou les repas sains avec tout ça ?

En conclusion, il y a plein de raisons qui pourraient vous permettre de garder un corps agréable à la vue et en bonne santé. Laissez les jeunes filles tranquilles, elles ne sont pas la cause de la façon dont vous vous percevez aujourd’hui ou de la manière dont votre corps a évolué. Prenez soin de vous et aimez-vous !

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GabonOpinion

Quand l’armée devient un parti politique

Le spectacle aurait pu être une scène coupée d’une dystopie mal ficelée. Mais non, c’était bien réel : un meeting politique organisé par des militaires, au vu et au su de tous, sans le moindre scrupule.

D’ordinaire, l’armée est censée être une institution républicaine, neutre, au service de la nation et non d’un camp. Mais au Gabon, l’histoire récente nous apprend qu’elle a toujours été à la solde de celui qui détient le pouvoir. La différence, c’est que jadis, on faisait semblant. Aujourd’hui, même le vernis de la neutralité a disparu.

Désormais, l’armée ne se cache plus. Elle organise des meetings, tient des discours qui ressemblent davantage à des prêches de campagne qu’à des paroles de défenseurs de la souveraineté nationale. Et ceux qui s’offusquaient hier du poids de l’armée dans la vie politique gabonaise ? Ils sont curieusement muets.

Où sont passés les intellectuels d’hier ?

Rappelez-vous, il n’y a pas si longtemps, des figures respectables faisaient le tour des plateaux de TV5 et RFI, la mine grave, dénonçant un régime aux méthodes douteuses. Ils nous expliquaient doctement que l’armée ne devait pas être impliquée dans les jeux politiques, que le Gabon devait évoluer vers une démocratie exemplaire.

Où sont-ils aujourd’hui ? Perdus dans les couloirs feutrés du pouvoir, ils découvrent soudainement que le silence est d’or. Ils n’ont plus rien à dire, plus rien à analyser. Mieux, certains applaudissent ! Hier pourfendeurs de la militarisation du politique, ils trouvent aujourd’hui des justifications quand des hommes en treillis se transforment en militants de parti.

La propagande à ciel ouvert

Pendant que l’armée fait sa tournée de meetings, une autre campagne, plus insidieuse, bat son plein à l’intérieur du pays. Officiellement, il s’agit de “sensibilisation“, de “prise de contact avec les populations”. Officieusement, c’est une machine de propagande bien huilée.

On déploie des convois, on mobilise des foules, on promet des lendemains meilleurs. La recette est vieille comme le monde : marteler un discours jusqu’à ce qu’il devienne une vérité aux oreilles de ceux qui n’ont d’autre choix que d’y croire. On leur explique que la rupture est en marche, que l’espoir est permis, que cette fois-ci, tout est différent.

Mais le décor est familier, les méthodes aussi. Et derrière ces rassemblements aux allures de croisade, c’est bien la même logique qui prévaut : celle d’un pouvoir qui cherche à verrouiller les esprits plutôt qu’à convaincre par l’exemple.

Attention à l’effet boomerang

L’histoire regorge de régimes qui ont voulu s’assurer un soutien total en instrumentalisant les institutions censées rester neutres. L’armée, la presse, l’administration : toutes ont été tour à tour mises au service de la propagande, jusqu’à ce que le système s’effondre sous son propre poids.

Ce qui est en train de se passer au Gabon est dangereux. Car une fois qu’on a mis en marche ce genre de machine, il est difficile de l’arrêter. Un pouvoir qui commence à militariser son discours finit souvent par militariser son action. Et quand l’uniforme remplace le débat, c’est que la démocratie a déjà reculé.

Chaque système porte en lui le germe de sa propre destruction. L’erreur serait de croire que celui-ci fait exception.

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OpinionSociété

Les faux révolutionnaires et la tentation de l’enveloppe : quand la morale a un prix

La trahison a une saveur particulière lorsqu’elle vient de ceux qui s’érigent en donneurs de leçons. On les voit partout, ces soi-disant “activistes”, autoproclamés défenseurs du peuple, des justiciers numériques armés de lives Facebook et de vidéos TikTok.


« Ne faites pas ce qu’ils font, car ils disent et ne font pas. » – Matthieu 23:3

Ils se posent en gardiens de l’intégrité, dénoncent la corruption, crient au scandale… jusqu’au jour où une enveloppe glisse entre leurs mains tremblantes d’hypocrisie.

Et puis, patatras ! La vérité éclate. Le chevalier blanc qui tonnait contre “le système” est pris en flagrant délit, filmé en train d’accepter ce qu’il a toujours condamné : l’argent de ceux qu’il traitait de corrompus. Un pur moment de comédie tragique où l’indignation feint et laisse place à un balbutiement gêné, une explication confuse, un silence pesant.

Ce type de personnage pullule sur les réseaux sociaux. Le jour, ils font vibrer les foules en promettant l’exemplarité. La nuit, ils comptent leurs billets en priant pour que personne ne les ait vus. Ils dénoncent ceux qui se vendent, tout en négociant leur propre prix dans l’ombre.

Et lorsqu’ils sont pris la main dans le sac, le spectacle devient encore plus grotesque. D’abord, ils crient au complot, accusent leurs détracteurs d’être jaloux. Ensuite, ils invoquent des justifications absurdes : « Ce n’était pas un pot-de-vin, c’était un don. » Ou encore, « C’était l’argent du taxi comme cela se fait dans nos coutumes bantous ! » Oui, bien sûr… Comme si le piège n’était pas leur propre cupidité.

Il faut dire que ce n’est pas un phénomène nouveau. L’histoire est jonchée de faux révolutionnaires qui, une fois arrivés à proximité du gâteau, oublient leurs discours enflammés. Les valeurs ? Elles fondent au contact des liasses de billets comme du beurre sous le soleil équatorial.

Derrière l’indignation populaire se cache une vérité amère : ces pseudo-activistes ne sont pas des exceptions, mais des symptômes. Ils incarnent une société où la morale s’affiche bruyamment en public, mais s’efface discrètement en coulisses.

Ils sont le reflet d’un système qu’ils prétendent combattre, mais dont ils rêvent secrètement de faire partie.

Car au fond, leur combat n’a jamais été pour le peuple. Leur combat, c’était pour attirer l’attention, se donner une posture, et surtout, se faire une place à la table des puissants. Une fois assis, le festin commence et les beaux discours s’évanouissent

La colère du peuple, qui les voyait comme des héros, devient alors une nuisance à étouffer. Ceux qui hier dénonçaient la censure finissent par bloquer leurs anciens partisans, ceux-là mêmes qui leur rappellent leurs promesses trahies.

Alors, à tous ces donneurs de leçons qui finissent par s’asseoir à la table du pouvoir après avoir juré de la renverser : épargnez-nous votre théâtre. Si votre conscience a un prix, au moins, ayez la décence de ne plus venir nous parler d’intégrité. Et surtout, ayez la dignité de ne pas vous étonner lorsque le peuple, lui, vous tourne le dos.

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GabonOpinionSociété

Polygamie : Une question de rivalité ou de choix de société ?

A la rédactrice de l’article intitulé « L’hypocrisie des Femmes : La polygamie. ». Je trouve ton analyse intéressante dans la mesure où elle met en lumière un point souvent soulevé : l’importance du statut social dans les relations amoureuses et la manière dont certaines femmes perçoivent leur place dans un couple. Toutefois, plusieurs aspects de ton raisonnement méritent d’être nuancés, car la question de la polygamie et de l’infidélité dépasse largement la simple rivalité entre femmes.  

Tout d’abord, je pense qu’il est essentiel de préciser que le fait d’être une femme ou un homme ne confère pas une compréhension absolue des problématiques liées à son genre. Nos expériences personnelles, nos observations et même notre ressenti peuvent influencer notre vision des choses, mais ils ne constituent pas une vérité universelle

Par exemple, toutes les femmes ne vivent pas leur relation amoureuse de la même manière, et toutes ne placent pas la même importance sur des éléments comme l’exclusivité ou la fidélité. C’est pourquoi un regard plus large, qui intègre différents points de vue et contextes, est toujours nécessaire avant de tirer une conclusion généralisée.  

Ensuite, tu sembles attribuer le rejet de la polygamie à une sorte de compétition mal assumée entre les femmes. Pourtant, ce rejet ne repose pas uniquement sur une question d’ego ou de rivalité, mais sur des valeurs, des émotions et des choix de vie bien plus profonds. L’exclusivité dans un couple, qu’elle soit choisie ou imposée par une norme sociale, repose sur un besoin d’engagement mutuel qui n’a rien à voir avec une simple peur de la concurrence. La jalousie et l’exclusivité affective ne sont pas des caprices ou des preuves d’insécurité, mais des réalités humaines qui existent autant chez les hommes que chez les femmes.  

Tu évoques aussi la fameuse phrase « C’est toi qui as la bague », souvent utilisée pour consoler une femme trompée. Certes, ce type de raisonnement existe, et il reflète une manière biaisée de percevoir la valeur d’un engagement. Mais faut-il pour autant en conclure que le problème vient uniquement du fait qu’une femme veut être « au-dessus » de l’autre ? Ce serait oublier que, dans beaucoup de cultures, le mariage est une institution qui apporte une forme de sécurité et de reconnaissance sociale, en particulier pour les femmes. 

Dans certaines sociétés, être mariée signifie avoir une certaine stabilité économique, des droits juridiques, et une place reconnue au sein de la famille. C’est peut-être moins une question de domination qu’un besoin de préserver un statut social qui, historiquement, a longtemps été essentiel à la survie des femmes dans des structures patriarcales.  

Par ailleurs, il me semble important de différencier infidélité et polygamie. L’infidélité repose sur la tromperie, la dissimulation, la rupture d’un accord implicite ou explicite entre deux partenaires. La polygamie, en revanche, lorsqu’elle est consentie par toutes les parties, repose sur un cadre établi et assumé. Ces deux réalités ne sont pas comparables. 

Dire que les femmes acceptent l’infidélité tant qu’elles ont « la bague » revient à réduire un phénomène complexe à un simple enjeu de fierté. En réalité, les réactions des femmes face à l’infidélité varient énormément : certaines quittent leur conjoint, d’autres pardonnent par amour, par dépendance affective ou financière, d’autres encore l’acceptent mais le vivent douloureusement. On ne peut donc pas en faire une généralité.  

Enfin, si l’on parle d’hypocrisie, on pourrait aussi évoquer celle des hommes qui prônent la polygamie lorsqu’elle les avantage, mais qui supportent difficilement l’idée d’une femme ayant plusieurs partenaires. Ce double standard est omniprésent dans beaucoup de sociétés où la polygamie est acceptée pour les hommes mais interdite pour les femmes. Il est donc légitime de se demander si l’argument du « rejet de la concurrence » ne serait pas, en réalité, un discours entretenu pour justifier une inégalité de traitement entre hommes et femmes.  

En conclusion, je pense que le rejet de la polygamie ne repose pas uniquement sur une peur de la concurrence, mais sur une multitude de facteurs : des normes culturelles, des croyances personnelles, des émotions profondes et une certaine vision de l’engagement. Ce n’est pas un simple jeu de domination entre femmes, mais une question plus large qui touche à la liberté de choix et à la conception que chacun se fait de l’amour et du couple.  

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Gabon : travailler sans salaire, la lente agonie d’un peuple

La vie en terre gabonaise, pour beaucoup, ressemble à une boucle infernale. Étudier dans des conditions précaires, décrocher un diplôme souvent sans garantie d’insertion professionnelle, attendre des années un hypothétique emploi, puis se retrouver à travailler sans salaire régulier. C’est une succession de luttes où l’endurance devient la seule monnaie d’échange.

Certains pourraient penser que ces situations sont des cas isolés. Malheureusement, elles sont la norme. Dans le privé comme dans le public, les employeurs semblent s’être passés le mot : les salaires ne sont pas une nécessité immédiate. Les fonctionnaires attendent des mois, parfois des années, pour percevoir leur dû. Dans certaines entreprises privées, c’est la même rengaine : tu travailles, mais rien ne garantit que tu seras payé. Alors, comment payer le loyer ? Comment nourrir sa famille ? Comment assurer la scolarité des enfants ?

Le pire dans cette situation, c’est le silence qui l’entoure. Une omerta nationale. Les victimes s’épuisent à protester, à revendiquer leurs droits, mais les promesses creuses et les échéances non tenues sont tout ce qu’elles reçoivent en retour. Pire, certaines entreprises, lorsqu’elles sont interpellées, réagissent par la menace ou le licenciement.

Travailler pour ne rien gagner : une tragédie banalisée

Au Gabon, de nombreux travailleurs en sont réduits à survivre sur le dos de leurs familles, de leurs amis ou de crédits qu’ils ne peuvent pas rembourser. On voit des pères de famille qui doivent emprunter de l’argent pour aller travailler. Des enseignants, des agents de santé, des ouvriers du BTP, des employés de l’administration qui peinent à s’acheter un repas pendant que d’autres accumulent des fortunes sur des comptes bancaires à l’étranger.

La situation touche tout le monde, mais certains secteurs sont plus durement impactés. Les médias ont rapporté le cas de cet employé de la SOGATRA retrouvé dans les locaux de l’entreprise qui a perdu la vie faute d’avoir pu acheter ses médicaments. Une scène qui aurait pu être évitée, mais qui, faute de volonté politique, se répète encore et encore.

Et que dire des retraités ? Après avoir servi l’État toute leur vie, ils sont abandonnés à leur sort, livrés à la mendicité. Il n’est pas rare de voir des vieux, dossiers sous le bras, errer de ministère en ministère à la recherche d’un paiement qui n’arrivera peut-être jamais. Des vieillards, anciens professeurs, anciens médecins, anciens fonctionnaires, réduits à dormir devant la CNSS dans l’espoir d’un miracle.

Un mépris institutionnalisé

L’indifférence des autorités face à cette crise est glaçante. Le silence du gouvernement est un message en soi : le bien-être des citoyens n’est pas une priorité. Les ministres, eux, sont bien payés, leurs salaires tombent à temps, ils roulent dans des voitures de luxe et s’envolent en première classe pour des conférences internationales. Ils vivent dans une bulle dorée, complètement déconnectés de la réalité du peuple.

Et pourtant, la solution est simple : payer les salaires à temps, garantir les droits des travailleurs, renforcer les contrôles sur les entreprises qui exploitent leurs employés. Mais encore faudrait-il que ceux qui détiennent le pouvoir aient une volonté politique réelle de changer les choses.

Au lieu de cela, les mêmes discours vides sont servis à chaque crise : “Nous allons régler la situation”, “Nous comprenons la souffrance des travailleurs”, “Des mesures sont en cours”. Mais au final, rien ne change.

Combien de temps encore cette situation pourra-t-elle durer ? Pendant combien d’années encore les travailleurs gabonais devront-ils mendier ce qui leur revient de droit ? Le danger de ce mépris généralisé, c’est la colère qu’il alimente. Car un peuple qui souffre en silence finit toujours par exploser.

Le Gabon mérite mieux. Son peuple mérite mieux. Il est temps que les choses changent.

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Le calvaire d’un gabonais lambda

6h30. Réveil. Enfin, pas vraiment. C’est mon téléphone qui vibre parce qu’il me reste à peine 10 % de batterie. Coupure d’électricité cette nuit, encore. J’ai dormi comme dans un sauna, avec un ventilateur qui n’a servi qu’à la déco et des moustiques qui ont organisé un festin sur mes jambes. Je me lève, direction la douche. L’eau sort en mode filet d’espoir, mais bon, faut faire avec.

7h15. Départ pour le boulot. Premier dilemme de la journée : clando ou taxi ? Le taxi veut 700, je proteste, il me répond : « Tu veux ou tu veux pas ? ». Bon. Clando, alors. Sauf qu’il est plein et me regarde comme si j’étais une valise en trop. J’insiste, le chauffeur soupire et me fait signe de monter.

7h35. On roule enfin. Cinq minutes plus tard, premier barrage de police. Contrôle de routine, qu’ils disent. Le chauffeur descend, palabre, revient. « C’est à cause de ça que je n’aime pas venir ici, tu prends quelqu’un à 500 tu vas donner 1 000f aux gens là ». Hein ?! Donc en fait, moi aussi, je paie l’amende du clando ? On proteste un peu, mais bon, il faut arriver au boulot.

8h10. Embouteillage. Et pas un petit. On avance à la vitesse d’une tortue fatiguée. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a que deux vraies routes dans cette ville et que tout le monde est dessus. Taxis, camions, 4×4 climatisés de ceux qui ne vivent pas « en bas ». Et moi, en costume, collé à la fenêtre, une goutte de sueur traçant son chemin sur ma tempe. Je regarde le chauffeur. Il met la radio. Un discours qui parle du développement du pays. Ironie du sort.

Et c’est là qu’on nous parle d’élections. Encore une fois, on va nous promettre monts et merveilles, des routes dignes de Dubaï, des universités aux équipements high-tech, et bien sûr, “un avenir radieux pour notre jeunesse”. On connaît la chanson, on l’a écoutée en boucle depuis trop longtemps. Mais moi, ce que j’attends du prochain président, c’est pas qu’il me promette 2035.

Moi, je veux savoir comment je vais faire demain matin. Est-ce que je vais encore galérer pour trouver du manioc à un prix raisonnable ? Est-ce que le pain va encore prendre 50 francs d’augmentation pendant qu’on nous parle de “plan de développement durable” ? Est-ce que je pourrai enfin rentrer chez moi sans craindre que mon quartier soit dans le noir ? Je ne veux plus entendre parler de projets “long-termistes” qui ne concernent que mes arrière-petits-enfants. Non, dites-moi plutôt comment, dès demain, mon quotidien peut redevenir vivable.

12h30. Pause déjeuner. Je vais acheter du pain. Hier encore, c’était 150. Aujourd’hui, c’est 200. Je regarde le vendeur, il me regarde, je le regarde encore. Finalement, je paie sans rien dire. Pas le courage.

17h00. Fin du boulot. Retour au combat. Cette fois, pas de clando. Je prends un taxi. 800 francs. Arrêt surprise de la police. Encore. Contrôle, palabres. Je paie et descends avant de me faire ruiner.

19h00. À la maison. Enfin. Pas de lumière. Toujours pas d’eau. Mais demain, on va encore nous dire qu’on est sur la bonne voie, que le pays avance. Moi, je veux juste que mon pain revienne à 125 et que mon quartier ne ressemble plus à une scène post-apocalyptique chaque soir.

Alors oui, les élections arrivent. Oui, on va encore nous vendre du rêve, des projets futuristes et des phrases pleines d’espoir. Mais moi, ce que je veux savoir, c’est comment on fait pour vivre maintenant, aujourd’hui, demain matin. Parce que 2035, c’est bien joli, mais j’ai encore une longue route à faire demain et je ne suis même pas sûr que mon téléphone aura assez de batterie pour me réveiller.

Alors voilà, je vais lire les programmes de campagne. Un par un. Et celui qui me dira, avec des arguments concrets, qu’il mettra le peuple et son bien-être au centre de tout, c’est lui que je suivrai. 

Je te dis tout