Opinion

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Quand on confond Dieu et les hommes

Je ne suis pas toujours d’accord avec les propos tenus par le Chocolat Des Filles. Sa manière de parler dérange, c’est vrai. Elle dérange surtout certaines élites, habituées à des codes plus feutrés. Mais sur les réseaux, cette forme populaire plaît. Elle parle au Gabonais lambda, celui qui vit les contradictions de notre société au quotidien, sans filtre, sans détour.

Mais ici, je veux surtout parler du fond.
Parce que sur le fond, il n’a pas tort.

Son message est clair : revenons à notre culture, à nos traditions, à nos valeurs.
Arrêtons de courir derrière des religions importées dont les représentants, chez nous, sont souvent des manipulateurs sans scrupules.

J’ai vu passer un post où un monsieur s’offusquait de ses vidéos.

« Il blasphème ! Comment ose-t-il parler ainsi de Dieu ? »

Mais vous êtes complètement à côté de la plaque, Monsieur.

Il ne parle pas de Dieu. Il parle des hommes.
Plus précisément de ces hommes d’Église qui pullulent dans nos quartiers, nos campagnes, nos écrans — et qui utilisent la foi comme outil de domination.
Ceux qui abusent de leur position pour extorquer, séduire, violer, mentir, tout en se drapant dans le silence des fidèles et la complicité passive des autorités.

Vos pasteurs, qui couchent avec des femmes mariées en détresse.
Vos prêtres, qui profitent de jeunes filles sans repères.
Parfois même, ce sont des garçons.
Et tout le monde sait. Et tout le monde se tait.

On a parfois l’impression que certains pasteurs et prêtres (je ne parle pas ici de l’islam, je ne connais pas assez) n’ont eu cette vocation que pour manipuler leurs ouailles. Rien d’autre.

Comment expliquer qu’une personne partie de rien devienne riche uniquement grâce à l’Église ?
Désolé, mais en bon catholique élevé dans l’idée qu’on doit souffrir pour mériter le Royaume, il y a quelque chose qui cloche.
On se croirait revenus au Moyen Âge, quand l’Église vendait des indulgences.
J’arrête là pour ne pas faire le parallèle de trop… Mais vous voyez bien où je veux en venir.

Miracle par ci, miracle par là.
Et ce sont toujours les mêmes “miraculés” d’une ville à l’autre. Un cirque bien rodé.
Et l’État dans tout ça ? Il regarde. Il laisse faire.

C’est précisément pour cela qu’on a besoin de voix comme celle du Chocolat des Filles.
Pour bousculer ces écosystèmes clos, devenus de véritables sectes, où l’on abrutit nos frères et nos sœurs sous couvert de foi.

Alors non, ce n’est pas de Dieu qu’il se moque.
C’est de ceux qui s’en servent pour se faire passer pour Lui.

Je te dis tout

GabonOpinionSociété

Partout et nulle part à la fois…C’est en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui.

Cette envie d’être partout et nulle part à la fois du président le dessert plus qu’autre chose. À force de vouloir apparaître sur tous les fronts, il finit par ne plus incarner aucun.

Comment voulez-vous qu’on prenne au sérieux des responsables qui se déplacent en grande pompe pour l’ouverture… d’une épicerie ?
Oui, une épicerie.
Pas un centre hospitalier, pas une école, pas même une usine.
Une franchise commerciale, “Prix Import Ntoum”.
Et ce, sous couvert d’un “apport économique certain”.

Pas moins de trois autorités nationalespas locales hein, nationales — étaient présentes.
Tout ça pour couper un ruban.
Franchement.

Et pourtant, à Ntoum, ce n’est pas comme s’il n’y avait pas déjà des représentants de l’État.
Il y a un maire, un gouverneur, un préfet, un député
Ces gens-là auraient pu faire le job, non ?
Mais non.
On préfère dépêcher des figures nationales pour une action symbolique sans réelle portée stratégique.

La première question à se poser, c’est : pourquoi ?
Et là, comme d’habitude, on nous sert les éléments de langage :
“création d’emplois”, “insertion des jeunes”, “renforcement du tissu économique local”…

Mais soyons lucides.
Même en étant généreux, ce type d’enseigne ne crée pas plus de 100 emplois.
Or, quand on connaît l’ampleur du chômage structurel, surtout chez les jeunes,
est-ce que c’est vraiment là qu’il faut parader ?
Est-ce que c’est là que doivent aller les efforts de représentation ?

Désolé, mais je ne comprends pas.
Je ne comprends pas la présence de ces autorités à cette cérémonie.
À moins que l’objectif ne soit pas le développement… mais simplement la communication.

Je te dis tout

EmploiGabonOpinionSociété

Pourquoi sommes-nous si négligents entre nous ?

Pourquoi, lorsque nous devons faire un travail avec d’autres Gabonais, devenons-nous subitement mous, laxistes, négligents ? J’abuse peut-être. Ou peut-être pas. C’est en tout cas le constat que je fais. Et j’essaie de comprendre.

Peut-être que nous ne nous aimons pas assez. Je ne sais pas…

Dans ma vie professionnelle, j’ai croisé beaucoup de profils. Autant au Gabon qu’à l’international.
Je vais volontairement passer sur la partie internationale – ce n’est pas le sujet.
Ce qui m’intéresse ici, c’est cette dynamique étrange qui s’installe lorsqu’on travaille entre Gabonais.

Et je pèse mes mots : nous sommes capables de rigueur, tant que nous ne sommes pas entre nous.

Prenons un exemple banal. Une procédure à suivre pour une demande de visa :
Aucune ambiguïté. Aucun passe-droit. Aucun retard.
On réunit les documents, on prend rendez-vous en ligne, on respecte le protocole.
Sérieux. Efficacité. Respect des règles.

Mais dans une administration locale ?
Tout change.
Même pour l’opération la plus basique, on cherche un contact ou un “piston”.
Pourquoi ? Parce que bien souvent :
les procédures sont mal définies, mal communiquées, ou inexistantes,
les agents censés nous orienter sont absents, injoignables ou occupés à faire tout sauf leur travail,
la norme devient l’arrangement, l’exception devient la règle.

Et ici, on ne peut pas parler seulement des agents.
Les managers aussi ont une lourde part de responsabilité.
Ceux qui sont payés pour organiser le travail, mais qui ne sont jamais disponibles.
Ceux qui n’expliquent rien mais attendent tout.
Ceux qui t’accueillent dans une entreprise sans même prendre cinq minutes pour te former ou t’orienter.
Leur seule attente : “que tu fasses le travail” – comme par magie, sans outil, sans cadre.

Peut-être que tout cela tient à une chose plus profonde.
Peut-être que nous ne nous aimons pas assez.
Ou, dit autrement : peut-être que nous ne nous respectons pas assez.

J’ai souvent entendu cette phrase glaçante lors de mes échanges avec des prospects :
“Je ne savais pas que des Gabonais pouvaient faire ça.”

Ce n’est pas seulement blessant. C’est révélateur.
On ne croit pas en nous-mêmes.
On valorise davantage ce qui vient de l’étranger, non pas parce que c’est forcément mieux, mais parce que ça nous semble plus crédible. Plus sérieux. Plus contractuel.
Et pourtant, dès qu’un Gabonais ose appliquer cette même rigueur, on le taxe de “compliqué”.
On le met à l’écart.
Parce que la médiocrité est devenue la norme attendue.
Parce que trop bien faire dérange.

Alors non, je ne pense pas exagérer.

Ce n’est pas une affaire de compétence.
C’est une affaire de mentalité collective, de respect mutuel, de structures absentes et de confiance trahie.
C’est ce que nous devons combattre.
Pas demain. Maintenant.

Je te dis tout

GabonOpinionSociété

Perdre son âme d’enfant, ça donne quoi ?

On m’a souvent répété que j’étais dans le mauvais pays, pour faire référence à mes aspirations, mes ambitions, mes hobbies, etc. Parce que le continent dans lequel nous sommes, le pays dans lequel nous sommes, ne favorise pas l’entretien de nos passions et de notre âme d’enfant.

Une “âme d’enfant” désigne un état d’esprit caractérisé par la joie, la curiosité, l’émerveillement et une certaine insouciance, souvent associées à l’enfance. C’est la capacité de voir le monde avec un regard neuf, de s’émerveiller des petites choses et de profiter de l’instant présent.

Avoir une âme d’enfant, ce n’est pas simplement être immature, mais plutôt entretenir des qualités positives comme la spontanéité, la créativité et une certaine légèreté, même à l’âge adulte.

On voit beaucoup d’adultes frustrés, aigris — parfois ce n’est pas le manque de sexe, c’est juste que leur vie se résume à bosser, prendre un verre vite fait après le travail, et rentrer retrouver la famille.

Ils n’ont plus de passions, plus de rêves, plus de plaisirs à faire certaines choses qui rechargent le mental.

Plus jeunes, beaucoup de personnes étaient passionnées par le foot, les jeux vidéo, les mangas, le sport, le dessin, la mode, etc. Mais où sont passées ces passions ?

N’y a-t-il pas un moyen de matcher vie professionnelle, familiale et passions ? Je vous conseille vraiment de lire Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, qui parle très justement de ce phénomène.

Vivre sans passion détruit l’âme, et pas que l’âme d’enfant.

Ça rend aigri, ça rend triste, déprimé, épuisé, pessimiste !

Je peux concevoir qu’avec le temps, il y a des passions difficiles à entretenir, mais franchement je pense qu’on devrait apprendre à se faire plaisir en continuant à jouer…

Restons enfants, parce qu’être adulte, ça donne les maux de tête.

Je te dis tout

GabonOpinionSociété

« Vieillir reste un privilège. »

Il m’est revenu en tête un extrait d’interview vu récemment. Un de ces instants qui ravivent des vérités qu’on porte depuis longtemps. Je me suis rappelé à quel point, chez nous, la mort fait partie du paysage trop tôt.

Dans d’autres pays, mourir avant 30 ans, c’est un drame rare, presque inconcevable.
Chez nous, c’est devenu une expérience familière, parfois même attendue.
Pas parce que nos vies valent moins, mais parce que tout autour semble conspirer pour les raccourcir.

Ce n’est pas une fatalité. Ce n’est pas une affaire de destin.
C’est le poids du sous-développement.
Ce sont ces soins qui arrivent tard, ces maladies qu’on laisse s’installer, ces routes qui éloignent encore plus les secours, ces médicaments inaccessibles.
C’est cette résilience qu’on ne choisit pas, cette force qu’on mobilise toujours, faute de mieux.
Et ces phrases qu’on répète pour tenir : « On va encore faire comment… »

Et je me demande souvent : pourquoi ce n’est pas le premier sujet des politiques publiques ?
Pourquoi le simple fait de vivre plus longtemps, en bonne santé, dans la dignité, n’est-il pas l’objectif premier ?

Parce que la vérité, c’est que beaucoup de nos morts ne sont pas naturelles.
Elles sont la conséquence directe d’un système qui ne prévient pas, qui n’écoute pas, qui réagit tard.
On meurt de fatigue chronique, de stress permanent, de conditions de vie indignes.
On meurt de trop s’adapter, tout le temps, à tout.

Il y a quelques années, j’ai commencé à compter les personnes que j’avais connues, croisées, aimées — mortes avant 60 ans.
Je me suis arrêté à 15.
J’avais à peine 30 ans.

Et à chaque retour au pays, c’est ce décalage qui me frappe en plein cœur.
Ce constat dur : vieillir reste un privilège.

Alors quand on parle de jeunesse en Afrique, j’aimerais qu’on parle aussi de ce qui l’empêche de vieillir.
Qu’on réfléchisse à ce que cela signifie, concrètement, de la mettre « au cœur de l’action politique ».

Parce que prendre soin de sa jeunesse, ce n’est pas seulement l’écouter ou la divertir.
C’est lui garantir un accès aux soins, un emploi digne, un logement salubre, une éducation solide, un environnement sûr.
C’est lui permettre de vivre, et de vivre longtemps.

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FemmesGabonOpinionSociété

Loi anti-IVG au Gabon : pro‑vie… ou anti‑femmes ?

Article 377 du Code pénal gabonais : Sera punie d’un emprisonnement de deux ans au plus et d’une amende de 1 000 000 F CFA au plus, ou de l’une de ces peines seulement, la femme qui s’est procuré un avortement, a tenté de le faire ou a consenti à l’usage des moyens indiqués ou administrés à cet effet.

Depuis juillet 2019, une nuance légale permet l’interruption thérapeutique de grossesse (ITG) — mais seulement dans ces cas limités, et jusqu’à 10 semaines de grossesse :

– malformations physiques graves ou incurables du fœtus ;

– danger grave pour la vie de la mère ;

– grossesse résultant de viol, d’inceste, ou si la mineure est en état de détresse grave.

Des limites médicalement absurdes

Dix semaines d’aménorrhée (soit 3 mois après les dernières règles) est une limite trop courte pour diagnostiquer les anomalies fœtales.

À ce stade, la première échographie n’a souvent pas encore eu lieu — ou ne sert qu’à dater la grossesse, pas à détecter les malformations.

Les tests spécifiques comme l’amniocentèse ne sont possibles qu’à partir de 15–18 semaines. Résultat : la majorité des cas ne seraient ni détectés ni pris en charge dans les temps.

Et pour les victimes de viol ?

Les séquelles psychologiques d’un viol sont souvent profondes, parfois déniées ou découvertes tardivement. Se limiter à 10 semaines, c’est ignorer la réalité traumatique : les législateurs n’ont jamais été en contact réel avec ces victimes, et ça se sent dans la loi.

Politique nataliste vs réalité sociale

Le Gabon affiche un attachement fort à une politique nataliste : repeupler un pays de 2 millions d’habitants. Pourtant :

– 1 femme sur 2 entre 15 et 19 ans est concernée par une grossesse précoce.

– 28,8 % des décès maternels en 2001 étaient liés à des avortements clandestins.

– 40 % des filles de moins de 25 ans rapportent avoir déjà eu recours à un avortement clandestin.

Statistiquement, cela montre qu’une loi restrictive n’empêche pas l’avortement – elle le rend dangereux.

Parallèlement, la gratuité de l’accouchement est limitée (jeunes femmes assurées de plus de 18 ans). En matière d’éducation, les infrastructures sont saturées, les enseignants absents, et la violence scolaire fréquente. Pour les enfants abandonnés ou handicapés, les structures d’accueil sont rares ou inadaptées.

Une loi inégalitaire

Les femmes aisées pourront contourner la loi (cliniques privées, déplacements).

Les plus pauvres seront exposées aux pilules de rue, à des méthodes artisanales dangereuses, voire mortelles – infections, infertilité, hémorragies, décès.

Conclusion : cette loi ne protège personne vraiment.

Elle punit, exclut et expose les femmes vulnérables — ce qui est contraire à tout principe de justice sociale.

Pourquoi légaliser ?

– Santé publique : réduire les décès maternels.

Égalité sociale : garantir un droit pour toutes, non seulement les riches.

Justice de genre : permettre aux femmes de disposer de leur corps comme les hommes.

Dignité psychologique : accompagner les victimes de viol ou détresse dans la durée, sans contrainte abusive.

Prochaines étapes possibles

Dépénaliser l’avortement jusqu’à 12–14 semaines, avec exceptions pour les cas graves tout au long de la grossesse.

– Renforcer l’accès aux contraceptifs et à l’éducation sexuelle.

Garantir un suivi médical et psychologique adapté pour les mineures, les victimes de viol et les jeunes mères.

Améliorer les services sociaux : orphelinats, écoles adaptées, accès aux soins, structures pour enfants handicapés.

En résumé, cette loi n’est pas neutre : elle est punitive, sexiste, inégalitaire.

Je te dis tout

DigitalGabonOpinionSociété

Gabon : Pourquoi nos administrations doivent passer à l’ère numérique (pour de vrai)

Un clic. Un dossier. Un suivi clair.
Ce n’est pas un rêve futuriste, c’est juste… normal, ailleurs.

Quand je travaillais à Dakar dans un centre d’appel pour une entreprise française, je n’avais jamais mis les pieds en France. Pourtant, je pouvais dire à n’importe quel client où en était son dossier, sa commande ou sa réclamation. Pourquoi ? Parce qu’il y avait une procédure numérique.
Un système clair, centralisé, consultable. Avec des étapes précises, des délais définis et surtout, un suivi transparent.

Et ça rassurait. Le client savait que sa plainte était entre de bonnes mains. Il pouvait voir l’évolution. Et de notre côté, on était formés, outillés, et efficaces.
Bref : tout le monde gagnait du temps… et de la confiance.

Maintenant, remettons les pieds à Libreville.
On te dit : « Vous serez contactés dans 3 jours ouvrés ».
Résultat ? Trois mois plus tard, toujours rien. Et parfois, on te dit, avec une sérénité olympique : « Ah, on a perdu votre dossier. Revenez déposer ça en physique ».

EN PHYSIQUE ?

En 2025. À l’ère des applications, des QR codes, du télétravail, du cloud et de l’intelligence artificielle.
Comme si la modernité était un privilège pour ceux qui vivent “ailleurs”. Comme si digitaliser les services publics, c’était encore considéré ici comme un “bonus” et non une nécessité de base.

Et le plus grave ? Ce ne sont pas juste des retards.
Ce sont des vies entières qu’on suspend :

  • Un remboursement attendu,
  • Une bourse qui n’arrive jamais,
  • Une aide sociale évaporée,
  • Une pension oubliée quelque part dans un tiroir fermé à clé.

ET AILLEURS ?

Mon grand frère vit au Canada. Il m’a raconté que quand il y a une coupure d’eau ou d’électricité, il peut suivre l’évolution en ligne :

  • Zone impactée,
  • Cause de la panne,
  • Temps estimé de retour à la normale.

Pas besoin d’appeler cinq numéros.
Pas besoin de supplier une standardiste.
Pas besoin de deviner si le problème vient de chez toi ou si c’est tout le quartier, pas besoin d’attendre le communiqué de la SEEG qui te dira quel animal a rongé le câble ou qu’une nouvelle enquête pour sabotage a été ouverte.
L’info est là, accessible, mise à jour.

Ici ? Même un simple communiqué de la SEEG, c’est devenu une épreuve.
Et quand il finit par sortir, c’est souvent un fichier PDF sec comme une coupure de 72h, sans véritables détails, avec des excuses toutes faites.

Ce n’est pas qu’un problème technique. C’est une question de mentalité.

Mais au fond, a-t-on seulement le souci de fournir un bon service dans certaines administrations ?
Le souci de voir un administré sortir satisfait, content d’avoir suivi une procédure fluide, sans stress, sans piston, sans avoir glissé un “petit quelque chose” à un agent pour “faire avancer le dossier” ?

Ici, on remercie rarement l’administration pour son efficacité.
On remercie plutôt “tonton au ministère” ou “la dame qui a accepté le Coca”.
Et comment veut-on améliorer ce qu’on ne mesure même pas ?
Sans indicateurs, sans suivi, sans envie de savoir si les gens sont bien servis ?
La vérité, c’est que dans bien des cas, les agents eux-mêmes ne connaissent pas les processus, ou bien chaque agent a “sa méthode maison”, transmise oralement comme une vieille recette de famille.
Résultat : tout repose sur l’humeur du jour… et la chance.

Tant qu’on continuera à improviser au lieu de formaliser, on restera bloqués dans des logiques d’un autre siècle.
Tant qu’on pensera que “digitaliser” c’est juste “ouvrir une page Facebook” ou faire un site qu’on ne met jamais à jour, on passera à côté de l’essentiel.

Alors qu’en vrai, pour commencer à faire mieux, il ne faut même pas des budgets gigantesques (je ne dis pas aussi que c’est 10.000 FCFA, la qualité a un prix).
Juste du sérieux et un peu de bon sens.

Cinq choses simples, faisables demain matin :

1. Un numéro de dossier unique
Donné automatiquement à chaque démarche, pour un suivi traçable.

2. Une plateforme ou un tableau de bord minimal
Même une page web ou une appli basique suffit pour informer les citoyens de l’état d’avancement de leurs demandes.

3. Des délais clairs, visibles et respectés
Si tu dis “7 jours ouvrés”, alors c’est 7. Pas 73.

4. Des notifications automatiques
SMS, e-mail, WhatsApp : peu importe.
Mais qu’on t’informe à chaque étape du traitement.
Parce que “pas de nouvelles” ne doit plus être une méthode.
(Ici c’est quand il y a les grands meetings que tu reçois des messages de numéros inconnus et tu te demandes comment ils ont eu ton numéro.)

5. Un manuel de procédures standardisé dans chaque service
Fini les “venez lundi voir Madame”, “revenez mercredi voir Monsieur”.
Ce n’est pas une chasse au trésor et en vrai on n’a pas que ça à foutre à courir derrière les gens. On a aussi des boulots.

Ce n’est pas une affaire de numérique. C’est une affaire de respect.

Digitaliser, c’est permettre à quelqu’un d’avoir des réponses sans supplier.
C’est prouver que son temps, son argent, ses efforts, ont de la valeur.
C’est envoyer le message que l’État est organisé, qu’il suit, qu’il écoute.

Parce qu’à force de maltraiter les citoyens par des procédures brumeuses, on crée du rejet, de la frustration, du désengagement.
Et pire : de la résignation.

Et si on veut vraiment parler d’émergence, de performance, d’innovation, de restauration des institutions et de redonner la dignité aux Gabonais…
Alors il faut commencer par ne plus perdre les dossiers.

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GabonOpinionSociété

12 avril, 22 juin. Et honnêtement, on souffle déjà fort.

Il aura suffi de deux dates. Deux. Le 12 avril, on votait pour notre futur. Le 22 juin, on regardait la composition de l’Assemblée. Et entre les deux, le doute s’est invité. La colère parfois. Et surtout, une fatigue.

La Cinquième République devait marquer une rupture. Elle en marque une, c’est vrai — mais pas forcément celle qu’on espérait.

On a voté à 95 % pour le président de la Transition, dans un élan massif, presque irréel. Et pourtant, à peine les résultats proclamés, l’énergie s’est dissipée. Les chantiers promis sont au ralenti, lorsqu’ils ne sont pas à l’arrêt. Les décisions structurantes, elles, ne tardent pas forcément, mais leur exécution est pénible, chaotique. L’urgence de plaire nuit à la bonne organisation. Les déguerpissements continuent. La justice à deux vitesses choque. La représentation de la diaspora questionne. Et les législatives, censées équilibrer les pouvoirs, donnent déjà le goût amer d’un Parlement acquis.

C’est comme si la 5e République était entrée par effraction. Brutalement. Sans prendre le temps.
Pas de débat public. Peu de pédagogie. Une gestion verticale, très verticale.
Deux années de transition… pour nous ramener tout droit dans les années 90.
Même logique de concentration du pouvoir. Même méfiance envers la parole citoyenne. Même culte de la stabilité, au détriment de la justice.

Et quand on ose interroger, critiquer, pointer du doigt… on nous dit « laissez-nous travailler », comme si notre rôle s’arrêtait au vote. Comme si demander des comptes était un manque de respect. Comme si le devoir de vigilance citoyenne devenait une nuisance.
Pourtant, les premières décisions frappent toujours plus fort ceux qui ont le moins. Les plus précaires, les plus fragiles financièrement. Ceux qui n’ont ni voix, ni relais. C’est vers plus d’inégalités qu’on se dirige, pas moins.

« Laissez-nous travailler » deviendra peut-être bientôt « On mange la paix ».
On se rappelle des PDGistes condescendants, marchant en blanc dans les rues pour demander « la paix ». Mais en réalité, ils demandaient le silence.
Le silence de l’opposition. Le silence des indignés. Et ce silence a tué : des tirs ont pris des vies en 2016.
La paix au prix du sang. Le calme pour mieux abuser. C’est ce que le PDG nous a montré. Et on ne veut pas retomber aussi bas.

On veut de la justice, pas juste du calme.
On veut de la construction, pas des incantations.
On veut une République qui n’étouffe pas ceux qu’elle prétend servir.

Alors oui, 12 avril – 22 juin, c’est court. Mais parfois, il ne faut pas beaucoup de temps pour sentir que les fondations craquent déjà.

Et si on n’apprend pas à écouter, à expliquer, à construire avec, pas contre… alors ce sera long. Très long. Trop long.

Je te dis tout

GabonOpinionSociété

Ce n’est pas parce que vous n’auriez pas fait comme ça que l’autre fait mal

Il existe une violence douce, sourde, quotidienne, qu’on ne reconnaît pas toujours : celle des jugements déguisés en conseils, des critiques masquées en « bienveillance », des regards qui pèsent sur les choix des autres,

Il existe une violence douce, sourde, quotidienne, qu’on ne reconnaît pas toujours : celle des jugements déguisés en conseils, des critiques masquées en « bienveillance », des regards qui pèsent sur les choix des autres, simplement parce qu’ils ne ressemblent pas aux vôtres.

Cette violence, on l’inflige au nom de la norme, du bon sens, de la « logique ». Mais en réalité, ce n’est souvent que de l’intolérance molle, de l’orgueil moral, et parfois même, de la jalousie mal camouflée.

Parce que oui, parfois, c’est juste votre ego qui parle

Quand vous critiquez un homme qui ne veut pas dépenser pour une femme, est-ce vraiment de la morale… ou une frustration de ne pas être l’objet de sa dépense ?
Quand vous regardez une femme vivre seule, libre, sans enfants, sans compromis, ce qui vous dérange… c’est son choix ? Ou votre incapacité à vous l’autoriser ?

Dans bien des cas, vous ne défendez pas une valeur, vous défendez votre inconfort personnel. Vous appelez ça « bon sens », mais c’est de la projection.

Non, la différence n’est pas une faute

Une femme décide d’être soumise. Un homme fait passer sa copine avant tout. Ce sont des adultes, consentants, engagés. Mais non : certains se croient légitimes pour venir les « réveiller », comme s’ils dormaient dans l’erreur.
Pourquoi ? Parce que dans votre monde, aimer, c’est se protéger, se méfier, se contrôler. Et donc, vous jugez ceux qui aiment autrement.

Mais ce que vous oubliez, c’est que la différence de choix n’est pas une erreur à corriger. C’est une liberté à respecter.

Ce que vous appelez « donner trop » ou « faire la victime », c’est souvent juste de l’humanité

Ces hommes qui aiment fort, que vous traitez de « maboule », de « chien fidèle »…
Ces femmes qui pleurent encore un proche perdu il y a cinq ans, que vous accusez de se complaire dans le drame…

Et si c’était vous qui étiez émotionnellement limités ?
Et si c’était votre incapacité à supporter la vulnérabilité de l’autre qui posait problème, pas leur manière d’aimer ou de souffrir ?

Afficher son couple, c’est encore interdit ?

C’est fascinant comme l’amour assumé dérange.
Un couple affiche son bonheur ? Il est forcément faux. Il se sépare ? Vous exultez.
Vous appelez ça du réalisme, mais c’est de l’aigreur pure, une jouissance malsaine devant la chute présumée des autres.

C’est de la sorcellerie émotionnelle. De l’envie déguisée en scepticisme.

Ce n’est pas votre vie. Ce n’est pas votre cadre. Ce n’est pas votre combat.

Tant que ces choix n’enfreignent aucune loi, ne vous privent d’aucun droit, ne vous coûtent rien
Pourquoi voulez-vous à tout prix corriger, redresser, convertir ?

Ce besoin de commenter les choix des autres, c’est une forme de colonisation mentale.
Vous vous érigez en référence. Vous vous placez en hauteur, convaincus que votre manière de vivre est supérieure.
Mais vous n’êtes pas un modèle. Vous êtes juste un produit de votre culture, de vos peurs, de vos limites.

Et si vous vous occupiez de vous ?

Et si, au lieu de vous indigner de voir quelqu’un vivre différemment, vous vous demandiez pourquoi ça vous dérange autant ?
Et si, au lieu de traquer la « mauvaise décision » chez l’autre, vous faisiez le ménage dans vos propres contradictions ?
Et si, au lieu de juger la liberté des autres, vous essayiez d’élargir la vôtre ?

Conclusion : Le respect, ce n’est pas de tolérer ce qui vous ressemble. C’est d’accepter ce qui vous échappe.

La maturité ne consiste pas à corriger les autres, mais à comprendre que le monde n’est pas fait à votre image.

Vous n’auriez pas fait comme lui ? Comme elle ? Très bien. Mais cela ne veut pas dire qu’il ou elle a tort.

Le vrai progrès, ce n’est pas l’uniformité.
C’est la coexistence paisible des choix différents.

Je te dis tout

GabonOpinionSociété

Refuser la capote et fuir la paternité : le combo gagnant des hommes irresponsables.

Il y a encore beaucoup trop d’adultes qui fuient leurs responsabilités. Beaucoup trop d’hommes qui affirment ne pas vouloir d’enfant, mais qui laissent à d’autres le soin de penser, d’agir et même de gérer les conséquences de leurs actes à leur place.

Prenons un exemple tristement banal : un homme va engrosser une jeune dame et refuser de s’occuper de la grossesse et de l’enfant.
Lorsqu’on va lui demander pourquoi, il va répondre qu’il a été « piégé ».
Demandez-lui maintenant s’il a utilisé un préservatif, il dira NON.
Dès lors, en quoi c’était un piège ?

« Ce n’est pas un cas isolé. »

Ils sont nombreux à affirmer ne pas encore vouloir d’enfant, tout en refusant de se protéger, rejetant la vasectomie qu’ils jugent « trop extrême », ignorant les méthodes contraceptives masculines, et, en cas de grossesse, suggérant à leur partenaire d’avorter comme si c’était une solution automatique.

« Un double standard profondément ancré »

C’est à croire que la contraception est une responsabilité unilatéralement féminine.
Comme si la femme seule devait penser à éviter une grossesse.
Comme si elle seule devait porter le poids physique, mental et financier d’un « accident » que les deux ont pourtant causé.

Ce double standard est non seulement injuste mais symptomatique de l’irresponsabilité de beaucoup d’hommes.
Celui qui ne veut pas d’enfant doit faire en sorte de ne pas en avoir.
C’est aussi simple que cela.

On ne peut pas dire « je ne suis pas prêt à être père » tout en refusant les moyens de contraception disponibles.
On ne peut pas clamer « je ne veux pas de responsabilité » tout en prenant le risque d’une grossesse, et ensuite accuser l’autre de n’avoir pas « fait le nécessaire ».

« La contraception est une responsabilité partagée »

Il est temps de faire évoluer les mentalités.
La contraception ne peut plus reposer uniquement sur les épaules des femmes.
Il existe aujourd’hui des moyens pour tous :

  • préservatifs,
  • vasectomie (réversible dans de nombreux cas),
  • pilules pour hommes en phase de développement avancé…

L’absence de choix n’est plus une excuse.

Un préservatif coûte 100 FCFA.
Et pour ceux qui n’ont même pas cela, il est possible d’en obtenir gratuitement dans les centres de santé publique.
Encore une fois : Zéro excuse.

« Choisir, c’est aussi assumer »

Ce débat dépasse la simple question des moyens de contraception.
Il s’agit aussi de cohérence et de maturité.
On ne peut pas vouloir une chose et son contraire.
On ne peut pas dire « je ne veux pas d’enfant » et agir comme si cela ne dépendait pas de nous.

Choisir, c’est prendre position.
C’est être clair avec soi-même et avec les autres.
Choisir de ne pas avoir d’enfant, c’est prendre les mesures pour que cela ne se produise pas.
Et si, malgré tout, une grossesse survient, il faut avoir le courage d’en assumer les conséquences, quelles qu’elles soient, sans rejeter la faute sur l’autre.

En matière de contraception, il est temps que les hommes prennent leur part.
Il est temps d’arrêter de déléguer leur propre responsabilité reproductive.
Il est temps de choisir et surtout, de s’y tenir.

Pick a choice & stick to it.
— Solomoni

Je te dis tout