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Projet Oligui Nguéma : Des promesses, en veux-tu ? En voilà !

Alors que le Gabon s’apprête à vivre une élection présidentielle historique, le projet de société du Général Brice Clotaire Oligui Nguema, porté par la transition post-coup d’État, se veut celui d’une renaissance nationale. Entre volonté de rupture avec l’ancien régime, réformes ambitieuses et réaffirmation de la souveraineté, que peut-on retenir de ce programme ?

Une volonté de refondation politique assumée

Les atouts d’un projet de rupture

Le projet s’inscrit dans une dynamique de refonte institutionnelle profonde. S’appuyant sur une transition militaire présentée comme un « coup de la libération », le candidat mise sur une refondation politique complète. Parmi les propositions phares figurent :

  • Une nouvelle Constitution, soumise à référendum, pour garantir des institutions renouvelées.
  • Un Code électoral repensé afin d’assurer la transparence des scrutins.
  • L’organisation d’un Dialogue national inclusif (DNI) pour reconstruire le contrat social et restaurer la confiance citoyenne.
  • Une décentralisation affirmée, avec un transfert de compétences vers les collectivités locales et un renforcement de la gouvernance territoriale.

Les limites d’un pouvoir toujours centralisé

Cependant, derrière cette volonté de réforme, le programme maintient une centralisation forte autour de l’exécutif. La conduite des réformes et les grands chantiers restent dans les mains de l’État central, soulevant des inquiétudes sur une possible dérive autoritaire, accentuée par le passé militaire du candidat. Par ailleurs, l’indépendance de la justice, bien que mentionnée, reste peu détaillée dans sa concrétisation institutionnelle.

Un projet économique ambitieux, mais à clarifier

Des initiatives fortes pour la souveraineté économique

Sur le plan financier, le projet affiche une volonté de maîtriser la dette publique, avec notamment le remboursement anticipé d’un eurobond. Il prévoit également le rachat d’actifs stratégiques, comme Assala Energy et la SNBG, pour renforcer la souveraineté sur les ressources naturelles. Parmi les mesures marquantes :

  • Création d’une Banque publique pour l’entrepreneuriat (BCEG) dotée d’un fonds de 20 milliards FCFA à destination des jeunes.
  • Recours accru aux Partenariats Public-Privé (PPP) pour financer les infrastructures (ports, routes, hôpitaux…).

Des flous budgétaires persistants

Malgré ces orientations, le coût global du programme n’est pas chiffré de manière détaillée. Les investissements annoncés – dans les infrastructures, l’agriculture, la digitalisation ou la défense – sont ambitieux, mais aucune projection pluriannuelle n’est fournie. Le risque d’une dépendance persistante aux recettes extractives (pétrole, mines) reste également élevé, malgré les intentions affichées de diversification économique.

Une vision sociale inclusive mais perfectible

Une ambition d’inclusion à large spectre

Sur le plan social, le projet affirme une orientation fortement inclusive, ciblant la jeunesse, les femmes, les personnes en situation de handicap, les retraités ou encore les populations marginalisées. Il prévoit :

  • Des investissements dans l’éducation et la santé (pôles hospitaliers, réhabilitation des écoles, retour des bourses).
  • Un soutien renforcé à l’emploi des jeunes (formation, alternance, soutien aux startups).
  • Une réforme des systèmes de protection sociale (CNSS, CNAMGS, CPPF).

Des objectifs sociaux encore flous

Cependant, plusieurs mesures phares manquent de précisions techniques : la promesse « Un Gabonais, un titre foncier » ou la réforme du logement social souffrent d’un manque de cadrage opérationnel. En outre, aucun indicateur d’impact social chiffré n’est présenté pour mesurer les progrès en matière de pauvreté, chômage ou inégalités. Enfin, le rôle très central de l’État dans tous les domaines laisse peu de place aux initiatives citoyennes ou privées.

Le projet d’Oligui Nguema se présente comme celui d’un changement en profondeur, porté par une transition exceptionnelle. Si les ambitions sont grandes et les chantiers multiples, la réussite dépendra de la capacité à concrétiser, chiffrer et équilibrer les pouvoirs, tout en impliquant durablement la société civile et les acteurs non étatiques.

Cependant, cette vision soulève aussi une interrogation de fond : le respect effectif des engagements. Depuis sa prise de pouvoir, plusieurs promesses formulées par le Général – notamment en matière de transparence, de réformes urgentes ou de calendrier de transition – ont été partiellement tenues ou repoussées. Cette tendance à l’ajustement en cours de route appelle à la vigilance et au suivi rigoureux de l’exécution de son programme. Au-delà des intentions affichées, c’est la cohérence entre le discours et l’action qui permettra de juger de la portée réelle de ce projet de société.

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Dr Iloko : un projet plein de rêves…

Faute de mécanismes concrets, de chiffrages précis et de stratégies réalistes, ce projet ressemble davantage à un rêve inspirant qu’à un véritable plan d’action gouvernemental.

1. Une ambition infrastructurelle impressionnante, mais irréaliste ?

Le projet du Dr Iloko prévoit la construction de 2000 salles de classes par an à l’échelle nationale. Cette ambition, bien qu’indéniablement louable dans l’optique de désengorger les établissements scolaires, soulève d’importantes interrogations quant à sa faisabilité. À titre de comparaison, le Complexe Scolaire d’Alibandeng, avec ses 45 classes pour 2000 élèves, servirait d’unité de mesure. Répliquer 45 fois ce modèle chaque année équivaudrait à une capacité annuelle supplémentaire de 90 000 places.
Cela représente une charge financière colossale. En prenant en compte qu’un établissement complet (pré-primaire, primaire, secondaire) peut coûter entre 2,5 et 5 milliards FCFA, le budget annuel pour atteindre cet objectif serait compris entre 112,5 et 225 milliards FCFA. À cela s’ajoutent les coûts de fonctionnement, de maintenance, de recrutement du personnel et de fourniture de matériel pédagogique. Peu d’éléments concrets dans le projet permettent de savoir comment ce financement serait sécurisé et soutenable dans la durée.

2. « Redonner la dignité aux enseignants » : un slogan vide de mesures concrètes

La promesse de « redonner la dignité aux enseignants » est répétée à plusieurs reprises dans le projet du Dr Iloko. Pourtant, aucune mesure précise n’est proposée pour traduire cette déclaration d’intention en actions concrètes. Le projet n’évoque ni revalorisation salariale, ni plan de formation continue, ni amélioration des conditions de travail, ni perspectives de développement professionnel.
Il en résulte une lacune flagrante dans la compréhension des défis que rencontrent les enseignants gabonais. Restaurer leur dignité ne peut se résumer à une proclamation : cela nécessite un engagement fort, structuré et mesurable, tant sur le plan matériel (traitement, équipements, sécurité) que symbolique (statut, reconnaissance sociale, perspectives d’évolution).

3. L’enseignement supérieur : entre grands chantiers et précipitation

La construction annoncée de 9 universités et 9 bibliothèques universitaires modernes, ainsi que de 2000 logements universitaires, montre une volonté claire d’expansion. Cependant, cette vision ne prend pas en compte les ressources humaines qualifiées nécessaires, la planification urbaine, ou encore les besoins logistiques d’un tel programme.
De plus, le système d’échanges internationaux soutenu par des allocations de 150 000 à 200 000 FCFA est séduisant, mais peu détaillé : Quels critères ? Quelle durée ? Quelle prise en charge réelle ? Ce volet semble davantage refléter une volonté d’attractivité qu’une stratégie pérenne pour améliorer la qualité globale de l’enseignement supérieur gabonais.

4. Un projet éducatif globalement déséquilibré

En somme, le volet éducatif du programme du Dr Iloko met l’accent sur la quantité plutôt que sur la qualité. Il propose un bond en avant en matière d’infrastructures, mais sans vision cohérente sur les moyens humains, pédagogiques et budgétaires nécessaires à leur mise en œuvre et à leur fonctionnement.


L’absence de priorisation, de phasage des projets, et de budget détaillé laisse planer le doute sur la viabilité de ces engagements. Or, un système éducatif performant repose avant tout sur la qualité de son encadrement, la formation des enseignants, la stabilité des ressources et la pertinence des programmes.

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Journaliste ou animateur ? Une profession prise en otage au Gabon

Il est temps de regarder en face la crise profonde que traverse le journalisme gabonais. Alors que l’on croyait tourner une page après ce que certains ont appelé le « coup de libération », la réalité du paysage médiatique semble nous ramener aux pires travers d’avant.

Une profession instrumentalisée

Loin d’être un contre-pouvoir, le journalisme gabonais semble aujourd’hui instrumentalisé au service d’un narratif unique. Les médias ne sont plus que des relais d’informations officielles : ils publient ce que les institutions leur transmettent, sans analyse, sans explication, sans vérification. Le travail journalistique est réduit à une simple reproduction mécanique de communiqués.

Pire encore, on assiste à une diffusion à sens unique. Certains médias, avec la bienveillance silencieuse de la HAC, accordent une visibilité quasi exclusive à un seul candidat, à un seul discours. Le reste est mis sous silence, ou attaqué avec une virulence qu’on ne retrouve jamais lorsqu’il s’agit de commenter les actions du pouvoir.

Les soi-disant débats politiques deviennent alors de véritables mises en scène : plusieurs intervenants d’un même bord politique face à un seul contradicteur, souvent isolé, parfois même piégé. Peut-on encore parler d’équité de temps ou de pluralité d’opinion dans ces conditions ?

Cette complaisance envers le pouvoir, cette agressivité parfois gratuite envers l’opposition, décrédibilisent le métier. Le journalisme devient un outil, un prolongement des luttes politiques, et non un espace de compréhension, de nuance, d’investigation.

Quand le manque de compétence rencontre l’absence de volonté

À ce déséquilibre s’ajoute un problème tout aussi fondamental : le manque de préparation des journalistes. Face à des interlocuteurs rompus aux codes de la communication politique, les journalistes semblent souvent démunis. Ils ne maîtrisent pas les sujets, n’identifient pas les angles, n’imposent aucune rigueur dans les échanges.

L’interview récente de Billie Bi Nze en est l’exemple criant. Il a contrôlé l’entretien de bout en bout, répondant à sa guise, évitant sans difficulté les rares questions embarrassantes. Non pas grâce à un talent hors norme, mais surtout parce qu’en face, il n’y avait tout simplement pas de contradiction sérieuse.

Pour progresser, il faudra avoir l’honnêteté de reconnaître une forme d’incompétence, structurelle et installée. Ce n’est pas une attaque personnelle : c’est un constat nécessaire. Car ce n’est qu’en acceptant ses lacunes qu’on peut espérer les combler.

Mais là encore, la responsabilité ne repose pas uniquement sur les individus. Quel est le niveau de formation réel des journalistes ? Quels moyens leur donne-t-on pour enquêter, se documenter, se former ? Quel modèle économique leur permettrait d’être indépendants, au lieu d’être soumis aux logiques partisanes ?

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Quand le pouvoir rabote l’expertise : compromis, économies et désastre pour les citoyens

L’expertise, lorsqu’elle est authentique, est censée garantir la qualité et la viabilité des décisions prises. Un ingénieur conçoit une route en intégrant des caniveaux pour éviter les inondations et l’érosion. Un économiste élabore un budget en tenant compte des réalités financières pour assurer la pérennité d’un projet.

Un expert en urbanisme propose des infrastructures adaptées aux besoins de la population. Mais dans un système où le pouvoir prime sur la compétence, ces considérations sont souvent sacrifiées sur l’autel des économies, des intérêts personnels et du désir de plaire.

Un phénomène récurrent dans la gestion publique est le rabotage des projets par les décideurs politiques. Un plan technique est validé, mais au moment de son exécution, des coupes budgétaires sont imposées sous prétexte de rationalisation des coûts. Là où l’expert aurait dû défendre l’intégrité de son travail, il se tait, ferme les yeux et accepte les compromis imposés par le sommet.

Le cas de la route sans caniveaux est un exemple parlant. L’ingénieur sait qu’en l’absence d’un système d’évacuation des eaux, les pluies finiront par endommager l’ouvrage. Mais le politique, soucieux d’économiser – et parfois d’empocher une part du budget –, décide que cette dépense est superflue. L’expert, au lieu d’expliquer que ce choix compromet la durabilité de l’infrastructure et mettra en danger les riverains, acquiesce. Il exécute, sachant pertinemment que quelques mois plus tard, les habitants subiront les conséquences de cette décision absurde.

Le même schéma se répète dans d’autres secteurs. Un économiste pourrait dénoncer une réforme budgétaire incohérente, mais il choisira de justifier l’impossible. Un expert en santé publique pourrait alerter sur des choix dangereux pour la population, mais il préfèrera éviter de contrarier le sommet. Le résultat est toujours le même : des décisions prises à l’aveugle, un travail bâclé, et un impact direct sur la vie des citoyens.

L’ironie de cette corruption de l’expertise, c’est que ceux qui acceptent ces compromissions en paient aussi le prix. L’ingénieur qui a validé une route mal conçue sera le premier pointé du doigt lorsque l’ouvrage s’effondrera. L’économiste qui a cautionné une mesure désastreuse sera jugé incompétent lorsque les caisses se videront. Il pourrait passer de génie économique à génie de la forêt.

Mais entre-temps, les décideurs, eux, auront déjà avancé à un autre poste, laissant derrière eux un champ de ruines et des experts devenus les boucs émissaires d’un système qu’ils n’ont pas osé affronter.

Cette soumission de l’expertise au pouvoir a un coût humain. Lorsqu’un pont s’écroule, ce sont des vies qui sont en jeu. Lorsqu’un budget est mal géré, c’est la population qui subit les conséquences économiques. Lorsqu’un hôpital est construit sans équipement adéquat, ce sont des malades qui meurent faute de soins adaptés. Derrière chaque compromis, chaque coupure budgétaire arbitraire, chaque renoncement à la rigueur, il y a des conséquences bien réelles pour le quotidien des citoyens.

Un expert qui accepte d’être une simple courroie de transmission du pouvoir ne trahit pas seulement sa profession, il trahit son propre rôle dans la société. Car au final, lui aussi vit dans ce pays, utilise ces infrastructures, dépend de ces services publics. Fermer les yeux aujourd’hui, c’est condamner tout un pays – et soi-même – à subir les erreurs de demain.

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Le cercle du pouvoir : les chuchoteurs, les pions et les revenants

La politique gabonaise est un théâtre où se jouent des drames bien connus, mais souvent mal compris. Si l’on se focalise sur le chef, on oublie qu’il n’est pas seul à la barre. Autour de lui, il y a ceux qui murmurent, ceux qui exécutent et ceux qui, après avoir été mis de côté, reviennent avec un discours révolutionnaire.

Les chuchoteurs : maîtres du jeu dans l’ombre

Derrière chaque décision présidentielle, il y a un cercle restreint d’individus qui influencent les orientations du pouvoir. Ce ne sont pas forcément des ministres ou des figures publiques, mais ce sont eux qui, en coulisses, tirent les ficelles. Ce sont eux qui soufflent des idées à l’oreille du chef, qui orientent ses choix, qui déterminent qui reste et qui saute.

Et personne ne les aime !

Pourquoi ? Parce qu’ils ne se battent pas pour le bien du pays, mais pour la préservation de leur propre influence. Leur devise : la fin justifie les moyens. Ils n’ont pas d’idéologie propre, si ce n’est celle qui leur permet de rester au sommet. Ce sont eux qui dressent le chef contre certains de ses alliés, qui manipulent les conflits internes pour garder la main. Et souvent, le chef finit par préférer leurs chuchotements aux cris du peuple.

Les pions jetables : loyaux, mais remplaçables

Ceux qui sont en première ligne du pouvoir, les ministres, les directeurs, les cadres du parti, ne sont en réalité que des pions. Ils reçoivent des ordres qu’ils ne contestent pas toujours, mais ils savent qu’ils ne sont pas intouchables. Leur destin dépend de l’humeur du chef et, surtout, des intérêts des chuchoteurs.

Dans l’histoire politique récente du Gabon, on a vu ces jeux d’influence mener à des tensions internes. Des figures qui pensaient être solidement ancrées dans le système ont été écartées sans ménagement. Certains, piqués dans leur orgueil, se sont alors transformés en opposants acharnés.

Les revenants : la revanche des frustrés

Le phénomène est récurrent. Ceux qui ont longtemps profité du système, mais qui ont fini par en être exclus, découvrent soudainement les vertus de la démocratie, de la transparence et du bien-être du peuple. Avant, ils étaient muets sur les abus du régime. Mais dès qu’ils perdent leurs privilèges, ils dénoncent l’injustice, l’autoritarisme et le clientélisme.

Beaucoup d’opposants ces dernières années ne sont en réalité que des exilés du pouvoir, frustrés d’avoir été mis de côté. Leur combat n’est pas toujours idéologique, mais souvent personnel : ils veulent récupérer leur place. C’est à ce moment-là qu’ils deviennent de fervents défenseurs du peuple et qu’ils veulent rompre avec l’ancien régime… auquel ils ont pourtant appartenu.

La responsabilité du chef : entre populisme et argent

Il serait injuste de ne blâmer que l’entourage. Le chef, lui aussi, a sa part de responsabilité.Ce qui a affaibli les dirigeants gabonais, ce n’est pas leur manque d’idées. Certains avaient même des ambitions réelles pour le pays. Mais à force d’écouter les mauvaises personnes, à force d’aimer les chuchotements plus que la vérité, ils ont perdu pied.

Ensuite, il y a l’attrait du populisme et de l’argent. Gouverner, ce n’est pas seulement plaire à la population en lançant des promesses grandiloquentes. C’est aussi prendre des décisions impopulaires, mais nécessaires. Beaucoup de chefs ont préféré les discours flatteurs aux réformes courageuses. Et c’est ainsi qu’ils se sont enfermés dans un cercle vicieux où l’argent et le pouvoir ont pris le pas sur le bien commun.

Un cycle sans fin ?

La politique gabonaise fonctionne comme une boucle. Les mêmes dynamiques se répètent : un chef s’entoure de chuchoteurs, écarte certains pions, voit des frustrés rejoindre l’opposition, puis finit par tomber à son tour.

Ce qui devait être un combat d’idées se transforme alors en une lutte d’influences, où l’objectif principal n’est pas d’améliorer le quotidien des citoyens, mais de contrôler les leviers du pouvoir. Pendant ce temps, le peuple, lui, reste spectateur d’un jeu qui ne change jamais vraiment les règles.

Mais est-ce une fatalité ? Faut-il accepter que la politique gabonaise soit condamnée à ce schéma immuable ? Rien n’est écrit d’avance. Si un jour l’intérêt collectif prend réellement le dessus sur les jeux d’ego et de pouvoir, alors peut-être que cette boucle pourra enfin être brisée. Mais pour cela, encore faut-il que ceux qui dirigent, comme ceux qui aspirent à diriger, aient le courage de choisir le peuple plutôt que leur propre survie politique.

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Monsieur le Président, il va falloir conjuguer autrement…

Il y a des habitudes qu’on adopte sans trop y penser. Des tics de langage, des façons de s’exprimer qui, au fil du temps, finissent par dire plus sur nous que ce qu’on voudrait bien laisser transparaître. Vous, Monsieur le Président, avez un faible pour le « Je ». Un « Je » appuyé, omniprésent, indéboulonnable.

C’est « Je » qui a lancé ce projet. C’est « Je » qui a décidé d’augmenter les salaires. C’est « Je » qui a financé la réhabilitation de cet hôpital. C’est « Je » qui a offert cette enveloppe aux étudiants en difficulté.

Un « Je » qui s’infiltre partout, comme un refrain entêtant. Sauf qu’ici, ce n’est pas une chanson, c’est une gouvernance. Et il y a un problème.

L’État, ce n’est pas vous.

Que l’on s’entende bien : nul ne conteste votre rôle de chef d’orchestre de cette transition. Vous êtes celui qui donne le tempo, qui impulse les décisions. Mais derrière chaque mesure, chaque action, chaque avancée, il y a des ministres, des techniciens, des fonctionnaires, des forces vives qui œuvrent, qui exécutent, qui traduisent vos orientations en actes concrets.

Alors pourquoi les effacer ? Pourquoi donner cette impression que l’État se résume à votre personne ? Ce pays n’est pas une start-up où l’on glorifie le « self-made-man » aux décisions visionnaires. C’est une République, avec des institutions, une administration et des moyens qui appartiennent à tous.

Quand vous octroyez une aide financière, ce n’est pas une donation personnelle, c’est de l’argent public. Quand vous inaugurez un projet, ce n’est pas le fruit de votre seule générosité, c’est un processus collectif financé par l’impôt des citoyens.

Le « Je » confisque, le « Nous » rassemble.

Votre insistance à tout personnaliser finit par dessiner un portrait qui ne joue pas forcément en votre faveur.

Au sein de votre équipe, certains doivent commencer à ressentir un léger agacement. Travailler dans l’ombre, se démener, et voir, au final, toutes les réalisations estampillées d’un « Je » exclusif… Ça finit par créer du ressentiment. Et à long terme, cela peut miner la cohésion de votre entourage.

Quant aux citoyens, le message qu’ils reçoivent est biaisé. Ce culte du « Je » donne l’impression d’un chef solitaire, d’un pouvoir centralisé, d’une gouvernance où le collectif s’efface devant une seule figure.

À l’international aussi, l’image peut être mal perçue. Les partenaires étrangers, toujours attentifs aux signaux de personnalisation excessive du pouvoir, pourraient y voir un excès d’ego, une dérive vers un autoritarisme feutré. L’histoire africaine regorge de leaders qui, à force de tout ramener à eux, ont fini par confondre leur destin personnel avec celui de leur pays. Or, la transition a été portée sur la promesse d’un renouveau.

Médias training en urgence : insérer « Nous » dans le discours

Monsieur le Président, il est encore temps de corriger le tir. Vos collaborateurs doivent être mis en avant. Il faut valoriser le travail d’équipe, montrer que la transition est l’œuvre d’un ensemble et non d’un seul homme.

Un bon exercice serait de reprendre vos derniers discours et de remplacer chaque « Je » par un « Nous ». Vous verrez : c’est plus rassembleur, plus humble, plus efficace.

En politique, les mots ne sont pas anodins. Ils construisent une perception. Et si vous voulez que l’histoire retienne que cette transition a été une œuvre collective, il faut commencer dès maintenant à le dire.

Alors, Monsieur le Président, la prochaine fois que vous prendrez la parole, essayez : « Nous avons décidé », « Nous avons fait », « Nous avons œuvré ».

Vous verrez, ça sonne bien aussi.

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