Une volonté de refondation politique assumée
Les atouts d’un projet de rupture
Le projet s’inscrit dans une dynamique de refonte institutionnelle profonde. S’appuyant sur une transition militaire présentée comme un « coup de la libération », le candidat mise sur une refondation politique complète. Parmi les propositions phares figurent :
- Une nouvelle Constitution, soumise à référendum, pour garantir des institutions renouvelées.
- Un Code électoral repensé afin d’assurer la transparence des scrutins.
- L’organisation d’un Dialogue national inclusif (DNI) pour reconstruire le contrat social et restaurer la confiance citoyenne.
- Une décentralisation affirmée, avec un transfert de compétences vers les collectivités locales et un renforcement de la gouvernance territoriale.
Les limites d’un pouvoir toujours centralisé
Cependant, derrière cette volonté de réforme, le programme maintient une centralisation forte autour de l’exécutif. La conduite des réformes et les grands chantiers restent dans les mains de l’État central, soulevant des inquiétudes sur une possible dérive autoritaire, accentuée par le passé militaire du candidat. Par ailleurs, l’indépendance de la justice, bien que mentionnée, reste peu détaillée dans sa concrétisation institutionnelle.
Un projet économique ambitieux, mais à clarifier
Des initiatives fortes pour la souveraineté économique
Sur le plan financier, le projet affiche une volonté de maîtriser la dette publique, avec notamment le remboursement anticipé d’un eurobond. Il prévoit également le rachat d’actifs stratégiques, comme Assala Energy et la SNBG, pour renforcer la souveraineté sur les ressources naturelles. Parmi les mesures marquantes :
- Création d’une Banque publique pour l’entrepreneuriat (BCEG) dotée d’un fonds de 20 milliards FCFA à destination des jeunes.
- Recours accru aux Partenariats Public-Privé (PPP) pour financer les infrastructures (ports, routes, hôpitaux…).
Des flous budgétaires persistants
Malgré ces orientations, le coût global du programme n’est pas chiffré de manière détaillée. Les investissements annoncés – dans les infrastructures, l’agriculture, la digitalisation ou la défense – sont ambitieux, mais aucune projection pluriannuelle n’est fournie. Le risque d’une dépendance persistante aux recettes extractives (pétrole, mines) reste également élevé, malgré les intentions affichées de diversification économique.
Une vision sociale inclusive mais perfectible
Une ambition d’inclusion à large spectre
Sur le plan social, le projet affirme une orientation fortement inclusive, ciblant la jeunesse, les femmes, les personnes en situation de handicap, les retraités ou encore les populations marginalisées. Il prévoit :
- Des investissements dans l’éducation et la santé (pôles hospitaliers, réhabilitation des écoles, retour des bourses).
- Un soutien renforcé à l’emploi des jeunes (formation, alternance, soutien aux startups).
- Une réforme des systèmes de protection sociale (CNSS, CNAMGS, CPPF).
Des objectifs sociaux encore flous
Cependant, plusieurs mesures phares manquent de précisions techniques : la promesse « Un Gabonais, un titre foncier » ou la réforme du logement social souffrent d’un manque de cadrage opérationnel. En outre, aucun indicateur d’impact social chiffré n’est présenté pour mesurer les progrès en matière de pauvreté, chômage ou inégalités. Enfin, le rôle très central de l’État dans tous les domaines laisse peu de place aux initiatives citoyennes ou privées.
Le projet d’Oligui Nguema se présente comme celui d’un changement en profondeur, porté par une transition exceptionnelle. Si les ambitions sont grandes et les chantiers multiples, la réussite dépendra de la capacité à concrétiser, chiffrer et équilibrer les pouvoirs, tout en impliquant durablement la société civile et les acteurs non étatiques.
Cependant, cette vision soulève aussi une interrogation de fond : le respect effectif des engagements. Depuis sa prise de pouvoir, plusieurs promesses formulées par le Général – notamment en matière de transparence, de réformes urgentes ou de calendrier de transition – ont été partiellement tenues ou repoussées. Cette tendance à l’ajustement en cours de route appelle à la vigilance et au suivi rigoureux de l’exécution de son programme. Au-delà des intentions affichées, c’est la cohérence entre le discours et l’action qui permettra de juger de la portée réelle de ce projet de société.