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Les ministres caméléons : un jour ici, demain là-bas… mais jamais à leur place

Chez nous, au Gabon, y’a un phénomène qu’on connaît trop bien. C’est le “ministre multi-usage”. Un jour tu le vois ministre de l’Énergie, deux semaines après il est ministre de la Justice, et le mois suivant il atterrit à la Culture comme s’il avait fait théâtre au lycée. C’est comme s’il jouait à “pioche une carte, t’as gagné un ministère”. Sans diplôme adapté, sans formation, même sans boussole, il est là… ministre que douah.

Ces gens-là, c’est pas parce qu’ils sont experts dans quoi que ce soit qu’on les nomme. Non. C’est parce qu’ils sont fidèles, utiles politiquement ou juste disponibles, comme une chaise vide qu’on peut déplacer où on veut. Ils signent des décrets qu’ils ne comprennent même pas, posent la première pierre d’un projet qu’ils ne reverront jamais, et lancent des programmes qu’ils ne maîtrisent pas. Bref, ils sont là pour meubler.

Parfois même lors des interviews on pose une question à gauche, il répond à droite tu te demandes juste ce que la personne fout là en fait. Et nous on regarde ça depuis des années comme si c’était normal. Mais franchement, vous trouvez ça sérieux de faire passer quelqu’un de l’Économie à l’Éducation nationale sans même une petite formation accélérée ? Ou quelqu’un qui sort de nul part et BOUM direct ministre de l’industrie. Il comprend même d’abord quoi à ça ? Genre il découvre le secteur en même temps que nous. Il apprend sur le tas, pendant qu’il prend des décisions pour des millions de personnes. C’est grave !

Être ministre, c’est pas juste mettre la cravate et parler à la télé (encore que même les prises de parole sont souvent aval ezing). C’est prendre des décisions qui changent la vie des gens. C’est porter une vision, impulser des réformes. Mais comment tu réformes un truc que tu ne connais même pas ? On en arrive à des situations bizarres où ce sont les fonctionnaires du ministère qui doivent former le ministre fraîchement nommé. C’est eux qui expliquent, qui répètent, qui mâchent le travail pendant que monsieur ou madame apprend à faire la différence entre un budget d’investissement et un budget de fonctionnement. On dirait un stage d’intégration.

Résultat : les projets prennent du retard, les vraies priorités passent à la trappe, les réformes patinent. On dit que l’administration est continu hein mais il ya des dossiers qui doivent à chaque fois faire l’objet d’étude parce que la personne à la tête du ministère, NE CONNAÎT RIEN. Et pendant ce temps, les techniciens, les vrais, ceux qui connaissent le terrain, sont mis de côté. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas les bons contacts, ou qu’ils ne disent pas “oui chef” à tout.

En fait, tout ça montre un truc : ici, le pouvoir, c’est d’abord des calculs, des équilibres, des promesses entre amis. La compétence ? Elle arrive en dernier, quand il reste de la place. Et pourtant, gérer un pays, ce n’est pas comme organiser un anniversaire. Tu ne peux pas improviser avec la justice, la santé ou l’école des enfants. Ces trucs-là demandent des gens solides, qui savent ce qu’ils font. Pas des touristes institutionnels qui viennent faire coucou le temps d’un remaniement et qui plus tard mettront ça dans leur CV.

On doit vraiment changer cette manière de faire. Personne ne dit qu’il faut enlever toute la politique. Mais au moins, un peu de sérieux. Un pays qui veut avancer ne peut pas continuer à nommer des gens au hasard comme s’il tirait au sort. Les décisions prises impactent quand même tout le pays. Parce qu’à force de jouer avec les nominations, c’est nous, le peuple, qui payons l’addition. On en a marre de subir l’improvisation au sommet.

Maintenant, il faut choisir : soit on gère ce pays avec des gens compétents, soit on continue de le survoler comme un drone en panne.

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Bongo, libération surprise : pourquoi les Gabonais doivent-ils l’apprendre par l’Angola ?

Il aura donc fallu attendre… une page Facebook étrangère. Oui, c’est par le canal officiel de la présidence angolaise que les Gabonais ont appris ce vendredi matin que Ali Bongo Ondimba, Sylvia Bongo Ondimba et leur fils Noureddin Valentin se trouvent désormais en Angola. Pas par un communiqué de notre gouvernement. Pas par une allocution du ministre de la Justice ou du porte-parole. Mais par un post étranger, en portugais, à 9h du matin.

Avant cela, il y a quelques jours à peine, Gabonreview annonçait que Sylvia et Noureddin avaient quitté la prison pour une résidence surveillée. Une information qui a enflammé les réseaux, créé la polémique, et suscité l’indignation d’une partie de l’opinion publique. Le quotidien L’Union, rarement aussi prompt à réagir, s’était même fendu d’un démenti officiel. Mais aujourd’hui ? Silence radio. Pourtant, les faits sont là, et les images aussi.

Pendant que le monde découvre avec surprise cette triple “libération”, nos autorités regardent ailleurs. Aucune confirmation. Aucune explication. Aucun mot sur ce qu’il s’est passé. On aurait pourtant cru qu’un départ aussi sensible, concernant des figures centrales d’un dossier emblématique de la lutte contre la corruption, méritait un minimum de clarté. Mais non.

Doit-on comprendre que l’affaire est close ? Qu’ils ne seront plus jugés ? Et qu’en est-il des autres détenus, eux aussi interpellés dans la même affaire, qui croupissent encore en prison ? Pourquoi ce traitement différencié ? Pourquoi ce mutisme organisé ? Pourquoi cette impression d’un deal passé dans le dos des citoyens ?

L’indignation est totale. Non seulement parce que des personnes accusées de détournement massif de fonds publics ont été discrètement “réinsérées”, mais surtout parce que les Gabonais l’ont appris par une source étrangère. Il n’y a pas pire mépris, pas plus grand affront pour un peuple qui aspire à la vérité, à la justice, et à un peu de considération.

Ce silence est une faute. Une faute politique. Une faute morale. Une insulte à la transparence que cette transition prétendait incarner.

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Mais tu voulais le changement ou un poste ?

Avouons-le une bonne fois pour toutes : au Gabon, on ne milite pas. On n’est pas engagés, on est positionnés. On ne vote même pas, en réalité. On investit. Oui, comme à la Bourse. Sauf qu’ici, le CAC 40, ce sont les fauteuils ministériels, les DG, les PCA, les postes bien juteux ou bien décoratifs, mais toujours valorisants pour l’égo.

La carte de membre, c’est un ticket de loterie. Le slogan de campagne, un CV déguisé. Le militantisme, chez nous, c’est souvent une stratégie de placement. J’ai dit “souvent”, parce que oui, il y a une minorité de gens sincères. Très minoritaire. Infime. Une espèce en voie de disparition qu’on appelle “les convaincus”. Eux, ils y croient. Et pour être honnête, ce sont ceux qu’on entend le moins.

Mais la grande majorité, c’est autre chose. Toi par exemple. Tu t’es levé, tu as crié ton amour pour le changement, fait des lives, porté des t-shirts, harcelé ta famille pour voter. Mais dès que ton candidat a gagné, tu as commencé à faire des calculs comme un commerçant de PK8 : “Bon, il me doit quoi ?” Parce qu’en vrai, ton combat, ce n’était pas pour la justice, l’éducation, l’eau ou l’électricité. C’était pour avoir ton badge, ton chauffeur, ta photo avec le ministre et ton petit contrat. Tu t’es battu pour l’amour du pays… jusqu’à ce que tu réalises qu’on ne t’a pas mis dans la liste des bâtisseurs. Et là, d’un coup, ce n’est plus la patrie ou la République, c’est devenu “on a oublié les vrais soldats”. Tu faisais ça pour quoi, frère ? Pour la nation ou pour ta nomination ?

Et puis parlons franchement de ce complexe national : attendre que le favori gagne avant de s’afficher. Ce réflexe de supporter de foot qui change de club en fonction des scores. Chez nous, on ne vote pas par conviction, on vote par calcul. Tu entends : “Pourquoi tu votes pour lui ?” Réponse classique : “Parce qu’il va gagner.” Tu votes comme tu paries au PMUG. Ton bulletin, ce n’est pas une voix, c’est une mise. Et toi, tu veux juste être du bon côté quand le champagne coule.

C’est comme ça qu’on se retrouve avec des gens qui, après avoir voté, ne savent même pas ce qu’ils ont validé. Au référendum ? “On m’a dit que c’était bon, que c’est notre camp.” Voilà. Tu votes comme tu prends un taxi : tu montes sans demander la destination. Tu regardes les autres passagers, tu souris, tu descends, et ensuite tu dis que tu ne savais pas. Franchement, comment tu veux qu’un pays avance si son propre peuple ne prend même pas le temps de comprendre ce qu’il signe ?

Et maintenant ? Tu boudes. Tu grattes ton nom sur les listes, tu espionnes les nominations, tu comptes les “nous” et les “eux”. Tu croyais que le pays, c’était une tontine ? Tu pensais que “soutenir le changement”, ça allait te payer ton loyer et t’envoyer en mission à Kigali ou à Abu Dhabi ? Résultat : tu es aigri. Tu vois les autres nommés, tu dis “ils ne méritent pas”. Et pourtant, ce Président-là, il a choisi les gens qu’il estime compétents. Il ne t’a pas vu. Et tu le vis mal. Mais si le pays est entre de bonnes mains, ça ne devrait pas te réjouir ? Ah non, toi tu voulais “la victoire de ton camp”… pas celle de ta nation.

Tu voulais vraiment le changement ? Tu aurais dû commencer par changer ta mentalité. Parce qu’un pays ne se reconstruit pas avec des gens qui veulent juste se faire recruter.

Mais bon, je sais déjà ce que tu vas répondre : “Toi-même tu veux le poste.”

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Réforme des partis politiques : pluralisme ou verrouillage ?

Le gouvernement récemment élu au Gabon a adopté une réforme qui redéfinit en profondeur les conditions d’existence des partis politiques. Désormais, pour être reconnu légalement, un parti devra réunir 18 000 adhérents, 5 parlementaires, 30 élus locaux, posséder un siège officiel et un compte bancaire. Présentées comme des mesures d’assainissement de la vie politique, ces exigences soulèvent de nombreuses inquiétudes sur l’avenir du pluralisme démocratique dans le pays.

Un seuil d’adhésion excluant

Dans un pays de moins de trois millions d’habitants, le seuil de 18 000 adhérents constitue une barrière d’entrée massive. Il favorise de fait les grandes formations déjà installées et écarte les mouvements citoyens émergents, les partis d’opposition naissants ou les initiatives indépendantes qui n’ont ni les moyens financiers ni l’appareil logistique nécessaire pour atteindre une telle mobilisation.

Des élus pour exister, un paradoxe démocratique

Exiger de disposer de 5 parlementaires et 30 élus locaux avant d’exister légalement revient à imposer une condition impossible à remplir pour un parti qui ne peut pas encore se présenter aux élections. Ce mécanisme crée un cercle fermé, où seuls les partis déjà représentés peuvent continuer à exister — retardant voire verrouillant ainsi l’accès à la scène politique.

Une politique réservée aux puissants

L’obligation de disposer d’un siège et d’un compte bancaire, bien qu’elle puisse sembler administrative, renforce encore cette logique d’exclusion. Elle transforme l’engagement politique en un luxe réservé à ceux qui ont les ressources matérielles et l’accès aux institutions bancaires et immobilières.
Pour beaucoup de formations, notamment issues de la société civile, ces critères sont dissuadifs, voire inaccessibles.

Un risque de monopole politique

Si l’objectif officiel est de rationaliser un paysage politique fragmenté, cette réforme pourrait, en pratique, aboutir à une concentration du pouvoir entre les mains de quelques partis “autorisés”.
Le danger est clair :

  • affaiblissement du débat démocratique,
  • disparition de la diversité idéologique,
  • renforcement du contrôle étatique sur la vie politique.

Conclusion : un recul masqué ?

La démocratie gabonaise a besoin d’ouverture, pas de restrictions. Toute réforme visant à améliorer le fonctionnement des institutions doit se faire dans un esprit d’inclusion et de participation.
En l’état, ces nouvelles conditions risquent d’étouffer l’expression politique et de transformer le pluralisme en illusion.

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Chut… On communique

« Les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. »
Dans un pays où les discours s’éloignent trop souvent des actes, il est plus que jamais impératif que chaque acteur politique et chaque décideur procède à un véritable examen de conscience.

« Les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. »

Dans un pays où les discours s’éloignent trop souvent des actes, il est plus que jamais impératif que chaque acteur politique et chaque décideur procède à un véritable examen de conscience.

Il y a quelques mois déjà, l’affaire du visuel du Salon national de l’orientation avait soulevé une vive polémique : généré par intelligence artificielle, il avait suscité l’incompréhension, alors même que notre pays regorge de talents créatifs capables de produire des œuvres de qualité. Malheureusement, les mêmes erreurs se répètent. En empruntant la route des affaires étrangères vers le centre-ville, on découvre que le visuel annonçant la construction de la tour H est, lui aussi, issu de l’IA.

La communication, ce n’est pas seulement des textes joliment tournés ou un univers graphique flatteur. Elle repose sur des objectifs précis, un plan stratégique clair, et surtout une responsabilité partagée par chaque intervenant. Alors, que s’est-il passé au niveau de la communication visuelle de la cérémonie d’investiture ?

Entre les photos à la qualité inégale, les résolutions aléatoires, les prises de vue mal cadrées ou captées au mauvais moment, on s’interroge. Et ce constat devient encore plus amer lorsqu’on regarde du côté de la communication présidentielle des pays invités. Eux, ont su proposer des contenus riches, dynamiques, bien montés, capturant l’essence de l’événement avec justesse.

Essor vers la félicité ou envers des affinités ?
Que nous faut-il de plus pour comprendre que notre communication institutionnelle est en retard ?
Aujourd’hui, certaines entreprises privées communiquent cent fois mieux que des institutions dotées pourtant de cellules de communication officielles. Il est temps d’ouvrir les yeux.

S’il vous plaît : mettez les hommes qu’il faut à la place qu’il faut.

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Le pouvoir sans la charge : à quoi rêvent-ils vraiment ?

Le pouvoir fascine. Il attire, il séduit. Mais ce n’est pas la mission de service public qui séduit le plus grand nombre — c’est le confort qu’on lui associe. Voitures de luxe, voyages internationaux, résidences secondaires… Le fantasme du pouvoir éclipse trop souvent la notion même de responsabilité. Et c’est ainsi que l’on en arrive à gouverner sans aimer son pays.

Ils veulent le prestige, les titres, les salamalecs. Qu’on les appelle “Excellence”, “Honorable”, “Monsieur le Ministre”. Mais dès qu’il s’agit de se salir les mains avec des réformes douloureuses, de rendre des comptes, de faire face à la colère légitime d’un peuple en souffrance, il n’y a plus personne. Le pouvoir est vu comme un privilège, pas comme une charge. Ils en veulent les avantages. Les responsabilités ? Très peu pour eux. Et soyons honnêtes : ils n’ont d’ailleurs ni les épaules ni la volonté pour les assumer.

C’est simple. Quand on aime, on en prend soin. Or, à voir l’état de nos hôpitaux, de nos écoles, de nos routes, il est légitime de se demander si ceux qui nous dirigent aiment vraiment ce pays. Car on ne détruit pas ce que l’on chérit. Et dans les actes de ceux qui gouvernent — ou qui prétendent gouverner — on ne lit que mépris et désintérêt. Et ce désintérêt ne se limite pas au gouvernement. Que dire de l’Assemblée nationale et du Sénat ? Ces institutions qui devraient être des contre-pouvoirs ne sont devenues que des chambres d’enregistrement, plus préoccupées par leurs propres privilèges que par la défense de l’intérêt général.

Combien de députés ont véritablement proposé des lois utiles ? Combien de sénateurs ont élevé la voix face aux dérives, aux abus, à l’urgence sociale que vit une partie croissante de la population ? Trop peu. Ils sont là, souvent silencieux, parfois absents. Pour quoi faire ? Le rôle d’un parlement, ce n’est pas de faire de la figuration. C’est de défendre les citoyens. C’est de refuser l’inacceptable. C’est de dire non quand il le faut, pas de courir après des promotions et des décorations.

À force de confondre pouvoir et opportunité personnelle, on a oublié que diriger un pays est un engagement. Un vrai. Un sacerdoce. Le Gabon n’a pas besoin de nouveaux gestionnaires d’intérêts privés drapés dans des habits d’État. Il a besoin de gens sincères. De femmes et d’hommes qui aiment vraiment ce pays, et qui le prouvent dans leurs décisions, dans leurs renoncements, dans leurs sacrifices. Car le vrai prestige, c’est de servir.

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Projet Oligui Nguéma : Des promesses, en veux-tu ? En voilà !

Alors que le Gabon s’apprête à vivre une élection présidentielle historique, le projet de société du Général Brice Clotaire Oligui Nguema, porté par la transition post-coup d’État, se veut celui d’une renaissance nationale. Entre volonté de rupture avec l’ancien régime, réformes ambitieuses et réaffirmation de la souveraineté, que peut-on retenir de ce programme ?

Une volonté de refondation politique assumée

Les atouts d’un projet de rupture

Le projet s’inscrit dans une dynamique de refonte institutionnelle profonde. S’appuyant sur une transition militaire présentée comme un « coup de la libération », le candidat mise sur une refondation politique complète. Parmi les propositions phares figurent :

  • Une nouvelle Constitution, soumise à référendum, pour garantir des institutions renouvelées.
  • Un Code électoral repensé afin d’assurer la transparence des scrutins.
  • L’organisation d’un Dialogue national inclusif (DNI) pour reconstruire le contrat social et restaurer la confiance citoyenne.
  • Une décentralisation affirmée, avec un transfert de compétences vers les collectivités locales et un renforcement de la gouvernance territoriale.

Les limites d’un pouvoir toujours centralisé

Cependant, derrière cette volonté de réforme, le programme maintient une centralisation forte autour de l’exécutif. La conduite des réformes et les grands chantiers restent dans les mains de l’État central, soulevant des inquiétudes sur une possible dérive autoritaire, accentuée par le passé militaire du candidat. Par ailleurs, l’indépendance de la justice, bien que mentionnée, reste peu détaillée dans sa concrétisation institutionnelle.

Un projet économique ambitieux, mais à clarifier

Des initiatives fortes pour la souveraineté économique

Sur le plan financier, le projet affiche une volonté de maîtriser la dette publique, avec notamment le remboursement anticipé d’un eurobond. Il prévoit également le rachat d’actifs stratégiques, comme Assala Energy et la SNBG, pour renforcer la souveraineté sur les ressources naturelles. Parmi les mesures marquantes :

  • Création d’une Banque publique pour l’entrepreneuriat (BCEG) dotée d’un fonds de 20 milliards FCFA à destination des jeunes.
  • Recours accru aux Partenariats Public-Privé (PPP) pour financer les infrastructures (ports, routes, hôpitaux…).

Des flous budgétaires persistants

Malgré ces orientations, le coût global du programme n’est pas chiffré de manière détaillée. Les investissements annoncés – dans les infrastructures, l’agriculture, la digitalisation ou la défense – sont ambitieux, mais aucune projection pluriannuelle n’est fournie. Le risque d’une dépendance persistante aux recettes extractives (pétrole, mines) reste également élevé, malgré les intentions affichées de diversification économique.

Une vision sociale inclusive mais perfectible

Une ambition d’inclusion à large spectre

Sur le plan social, le projet affirme une orientation fortement inclusive, ciblant la jeunesse, les femmes, les personnes en situation de handicap, les retraités ou encore les populations marginalisées. Il prévoit :

  • Des investissements dans l’éducation et la santé (pôles hospitaliers, réhabilitation des écoles, retour des bourses).
  • Un soutien renforcé à l’emploi des jeunes (formation, alternance, soutien aux startups).
  • Une réforme des systèmes de protection sociale (CNSS, CNAMGS, CPPF).

Des objectifs sociaux encore flous

Cependant, plusieurs mesures phares manquent de précisions techniques : la promesse « Un Gabonais, un titre foncier » ou la réforme du logement social souffrent d’un manque de cadrage opérationnel. En outre, aucun indicateur d’impact social chiffré n’est présenté pour mesurer les progrès en matière de pauvreté, chômage ou inégalités. Enfin, le rôle très central de l’État dans tous les domaines laisse peu de place aux initiatives citoyennes ou privées.

Le projet d’Oligui Nguema se présente comme celui d’un changement en profondeur, porté par une transition exceptionnelle. Si les ambitions sont grandes et les chantiers multiples, la réussite dépendra de la capacité à concrétiser, chiffrer et équilibrer les pouvoirs, tout en impliquant durablement la société civile et les acteurs non étatiques.

Cependant, cette vision soulève aussi une interrogation de fond : le respect effectif des engagements. Depuis sa prise de pouvoir, plusieurs promesses formulées par le Général – notamment en matière de transparence, de réformes urgentes ou de calendrier de transition – ont été partiellement tenues ou repoussées. Cette tendance à l’ajustement en cours de route appelle à la vigilance et au suivi rigoureux de l’exécution de son programme. Au-delà des intentions affichées, c’est la cohérence entre le discours et l’action qui permettra de juger de la portée réelle de ce projet de société.

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Dr Iloko : un projet plein de rêves…

Faute de mécanismes concrets, de chiffrages précis et de stratégies réalistes, ce projet ressemble davantage à un rêve inspirant qu’à un véritable plan d’action gouvernemental.

1. Une ambition infrastructurelle impressionnante, mais irréaliste ?

Le projet du Dr Iloko prévoit la construction de 2000 salles de classes par an à l’échelle nationale. Cette ambition, bien qu’indéniablement louable dans l’optique de désengorger les établissements scolaires, soulève d’importantes interrogations quant à sa faisabilité. À titre de comparaison, le Complexe Scolaire d’Alibandeng, avec ses 45 classes pour 2000 élèves, servirait d’unité de mesure. Répliquer 45 fois ce modèle chaque année équivaudrait à une capacité annuelle supplémentaire de 90 000 places.
Cela représente une charge financière colossale. En prenant en compte qu’un établissement complet (pré-primaire, primaire, secondaire) peut coûter entre 2,5 et 5 milliards FCFA, le budget annuel pour atteindre cet objectif serait compris entre 112,5 et 225 milliards FCFA. À cela s’ajoutent les coûts de fonctionnement, de maintenance, de recrutement du personnel et de fourniture de matériel pédagogique. Peu d’éléments concrets dans le projet permettent de savoir comment ce financement serait sécurisé et soutenable dans la durée.

2. “Redonner la dignité aux enseignants” : un slogan vide de mesures concrètes

La promesse de « redonner la dignité aux enseignants » est répétée à plusieurs reprises dans le projet du Dr Iloko. Pourtant, aucune mesure précise n’est proposée pour traduire cette déclaration d’intention en actions concrètes. Le projet n’évoque ni revalorisation salariale, ni plan de formation continue, ni amélioration des conditions de travail, ni perspectives de développement professionnel.
Il en résulte une lacune flagrante dans la compréhension des défis que rencontrent les enseignants gabonais. Restaurer leur dignité ne peut se résumer à une proclamation : cela nécessite un engagement fort, structuré et mesurable, tant sur le plan matériel (traitement, équipements, sécurité) que symbolique (statut, reconnaissance sociale, perspectives d’évolution).

3. L’enseignement supérieur : entre grands chantiers et précipitation

La construction annoncée de 9 universités et 9 bibliothèques universitaires modernes, ainsi que de 2000 logements universitaires, montre une volonté claire d’expansion. Cependant, cette vision ne prend pas en compte les ressources humaines qualifiées nécessaires, la planification urbaine, ou encore les besoins logistiques d’un tel programme.
De plus, le système d’échanges internationaux soutenu par des allocations de 150 000 à 200 000 FCFA est séduisant, mais peu détaillé : Quels critères ? Quelle durée ? Quelle prise en charge réelle ? Ce volet semble davantage refléter une volonté d’attractivité qu’une stratégie pérenne pour améliorer la qualité globale de l’enseignement supérieur gabonais.

4. Un projet éducatif globalement déséquilibré

En somme, le volet éducatif du programme du Dr Iloko met l’accent sur la quantité plutôt que sur la qualité. Il propose un bond en avant en matière d’infrastructures, mais sans vision cohérente sur les moyens humains, pédagogiques et budgétaires nécessaires à leur mise en œuvre et à leur fonctionnement.


L’absence de priorisation, de phasage des projets, et de budget détaillé laisse planer le doute sur la viabilité de ces engagements. Or, un système éducatif performant repose avant tout sur la qualité de son encadrement, la formation des enseignants, la stabilité des ressources et la pertinence des programmes.

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Journaliste ou animateur ? Une profession prise en otage au Gabon

Il est temps de regarder en face la crise profonde que traverse le journalisme gabonais. Alors que l’on croyait tourner une page après ce que certains ont appelé le « coup de libération », la réalité du paysage médiatique semble nous ramener aux pires travers d’avant.

Une profession instrumentalisée

Loin d’être un contre-pouvoir, le journalisme gabonais semble aujourd’hui instrumentalisé au service d’un narratif unique. Les médias ne sont plus que des relais d’informations officielles : ils publient ce que les institutions leur transmettent, sans analyse, sans explication, sans vérification. Le travail journalistique est réduit à une simple reproduction mécanique de communiqués.

Pire encore, on assiste à une diffusion à sens unique. Certains médias, avec la bienveillance silencieuse de la HAC, accordent une visibilité quasi exclusive à un seul candidat, à un seul discours. Le reste est mis sous silence, ou attaqué avec une virulence qu’on ne retrouve jamais lorsqu’il s’agit de commenter les actions du pouvoir.

Les soi-disant débats politiques deviennent alors de véritables mises en scène : plusieurs intervenants d’un même bord politique face à un seul contradicteur, souvent isolé, parfois même piégé. Peut-on encore parler d’équité de temps ou de pluralité d’opinion dans ces conditions ?

Cette complaisance envers le pouvoir, cette agressivité parfois gratuite envers l’opposition, décrédibilisent le métier. Le journalisme devient un outil, un prolongement des luttes politiques, et non un espace de compréhension, de nuance, d’investigation.

Quand le manque de compétence rencontre l’absence de volonté

À ce déséquilibre s’ajoute un problème tout aussi fondamental : le manque de préparation des journalistes. Face à des interlocuteurs rompus aux codes de la communication politique, les journalistes semblent souvent démunis. Ils ne maîtrisent pas les sujets, n’identifient pas les angles, n’imposent aucune rigueur dans les échanges.

L’interview récente de Billie Bi Nze en est l’exemple criant. Il a contrôlé l’entretien de bout en bout, répondant à sa guise, évitant sans difficulté les rares questions embarrassantes. Non pas grâce à un talent hors norme, mais surtout parce qu’en face, il n’y avait tout simplement pas de contradiction sérieuse.

Pour progresser, il faudra avoir l’honnêteté de reconnaître une forme d’incompétence, structurelle et installée. Ce n’est pas une attaque personnelle : c’est un constat nécessaire. Car ce n’est qu’en acceptant ses lacunes qu’on peut espérer les combler.

Mais là encore, la responsabilité ne repose pas uniquement sur les individus. Quel est le niveau de formation réel des journalistes ? Quels moyens leur donne-t-on pour enquêter, se documenter, se former ? Quel modèle économique leur permettrait d’être indépendants, au lieu d’être soumis aux logiques partisanes ?

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GabonOpinionPolitiqueSociété

Quand le pouvoir rabote l’expertise : compromis, économies et désastre pour les citoyens

L’expertise, lorsqu’elle est authentique, est censée garantir la qualité et la viabilité des décisions prises. Un ingénieur conçoit une route en intégrant des caniveaux pour éviter les inondations et l’érosion. Un économiste élabore un budget en tenant compte des réalités financières pour assurer la pérennité d’un projet.

Un expert en urbanisme propose des infrastructures adaptées aux besoins de la population. Mais dans un système où le pouvoir prime sur la compétence, ces considérations sont souvent sacrifiées sur l’autel des économies, des intérêts personnels et du désir de plaire.

Un phénomène récurrent dans la gestion publique est le rabotage des projets par les décideurs politiques. Un plan technique est validé, mais au moment de son exécution, des coupes budgétaires sont imposées sous prétexte de rationalisation des coûts. Là où l’expert aurait dû défendre l’intégrité de son travail, il se tait, ferme les yeux et accepte les compromis imposés par le sommet.

Le cas de la route sans caniveaux est un exemple parlant. L’ingénieur sait qu’en l’absence d’un système d’évacuation des eaux, les pluies finiront par endommager l’ouvrage. Mais le politique, soucieux d’économiser – et parfois d’empocher une part du budget –, décide que cette dépense est superflue. L’expert, au lieu d’expliquer que ce choix compromet la durabilité de l’infrastructure et mettra en danger les riverains, acquiesce. Il exécute, sachant pertinemment que quelques mois plus tard, les habitants subiront les conséquences de cette décision absurde.

Le même schéma se répète dans d’autres secteurs. Un économiste pourrait dénoncer une réforme budgétaire incohérente, mais il choisira de justifier l’impossible. Un expert en santé publique pourrait alerter sur des choix dangereux pour la population, mais il préfèrera éviter de contrarier le sommet. Le résultat est toujours le même : des décisions prises à l’aveugle, un travail bâclé, et un impact direct sur la vie des citoyens.

L’ironie de cette corruption de l’expertise, c’est que ceux qui acceptent ces compromissions en paient aussi le prix. L’ingénieur qui a validé une route mal conçue sera le premier pointé du doigt lorsque l’ouvrage s’effondrera. L’économiste qui a cautionné une mesure désastreuse sera jugé incompétent lorsque les caisses se videront. Il pourrait passer de génie économique à génie de la forêt.

Mais entre-temps, les décideurs, eux, auront déjà avancé à un autre poste, laissant derrière eux un champ de ruines et des experts devenus les boucs émissaires d’un système qu’ils n’ont pas osé affronter.

Cette soumission de l’expertise au pouvoir a un coût humain. Lorsqu’un pont s’écroule, ce sont des vies qui sont en jeu. Lorsqu’un budget est mal géré, c’est la population qui subit les conséquences économiques. Lorsqu’un hôpital est construit sans équipement adéquat, ce sont des malades qui meurent faute de soins adaptés. Derrière chaque compromis, chaque coupure budgétaire arbitraire, chaque renoncement à la rigueur, il y a des conséquences bien réelles pour le quotidien des citoyens.

Un expert qui accepte d’être une simple courroie de transmission du pouvoir ne trahit pas seulement sa profession, il trahit son propre rôle dans la société. Car au final, lui aussi vit dans ce pays, utilise ces infrastructures, dépend de ces services publics. Fermer les yeux aujourd’hui, c’est condamner tout un pays – et soi-même – à subir les erreurs de demain.

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