Dans cette logique, une taxe comme la Contribution Spéciale de Solidarité (CSS) semble pertinente : son objectif affiché est de financer les soins de santé et de maternité pour les Gabonais économiquement faibles. L’idée est bonne.
Mais dans les faits, tout le monde la paie, y compris ceux qu’elle est censée soutenir. C’est là que la question se pose.
Certains diront : « Oui, mais ce n’est que 1 %… ».
C’est vrai, 1 % peut paraître peu. Mais il faut se rappeler que le prix du pain, du riz ou du paquet de cotis ne varie pas selon les revenus. Pour un même panier, celui qui gagne moins de 800 F par jour paiera exactement la même somme que celui qui touche 500 000 F nets par mois.
La différence, c’est que pour le premier, ce panier représente un effort énorme, parfois au détriment d’autres besoins essentiels, tandis que pour le second, la dépense est presque imperceptible.
On se retrouve donc avec une taxe unique, fondée sur une bonne intention, mais qui manque sa cible sociale. À mon avis, il faudrait repenser le dispositif : comment générer des recettes sans alourdir la charge des moins nantis, ceux qui ont réellement besoin d’aide ?
Dans bien des cas, il suffirait d’introduire des critères plus justes pour répartir les bénéfices et les efforts. Prenons l’exemple des bourses scolaires : aujourd’hui, elles sont souvent attribuées uniquement sur la base des notes. Pourquoi ne pas tenir compte aussi des revenus des parents ? Cela permettrait que l’aide aille en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, tout en limitant les avantages indus pour ceux qui bénéficient déjà de multiples privilèges.
Et notre ministère du Budget devrait se poser la question avant de taxer ou d’imposer : taxes pour quoi ?
Évidemment, pour avoir des recettes. Contributions pour quoi ? Pour aider les plus pauvres. C’est une bonne idée. Mais qui doit payer ? Car si l’on prend de l’argent à ceux qu’on devrait aider, on ne leur rend pas service.
Et surtout, une fois cet argent perçu… où va-t-il réellement ? Sans transparence et sans ciblage clair, la solidarité perd de sa force, et la confiance des citoyens avec.
La vraie solidarité ne consiste pas seulement à lever des fonds, mais à les prélever de manière équitable et à les utiliser de façon transparente.
Cela suppose deux engagements clairs :
- Cibler l’effort sur ceux qui peuvent le fournir sans se mettre en difficulté.
- Rendre compte de chaque franc collecté et de son impact réel sur la vie des bénéficiaires.
Repenser la CSS et, plus largement, notre système de contribution, ce n’est pas remettre en cause l’entraide nationale. C’est au contraire lui redonner tout son sens : un mécanisme où chacun contribue selon ses moyens, et où chacun peut voir concrètement le résultat de cet effort collectif.
Parce qu’une solidarité bien pensée ne divise pas. Elle rassemble, elle renforce la confiance, et elle donne à chaque citoyen la certitude que sa contribution, même modeste, construit un mieux-être partagé.