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Voter pour quoi, pour qui, et surtout pourquoi ?

On nous demande de voter. Mieux : on nous demande de voter pour la rupture. De choisir un nouveau chemin. D’éviter les caméléons en costume-cravate, de refuser les « tee-shirts politiques » fraîchement changés. On nous parle de mémoire collective, de lucidité. Et on a raison.

Mais moi j’ai une question. Simple. Crue.

Qui, au Gabon, vote vraiment par conviction ?

Pas dans les discours. Pas sur Facebook. Dans les urnes. Quand le moment vient.

Le vote de la famille, le vote de la peur, le vote de la faim

Tu crois qu’on vote parce qu’on a été convaincus par un programme, une vision, une cohérence politique ? Il faut aller à Nkembo, à Cocotiers, à Kinguélé, à PK12, à Bitam ou à Mitzic, et poser la question.

On vote parce que c’est la famille.
Parce que tonton a dit. Parce que le cousin menace.
Regarde Guy Nzouba Ndama. Il ne s’en cache même pas : « Si vous ne rejoignez pas mon parti, vous serez exclus. » On en rit jaune. C’est grotesque, c’est tragique, et c’est notre quotidien politique.

On vote aussi pour ne pas perdre.
Pas perdre les petits privilèges. Pas perdre la fête.
On vote pour le favori. Celui qui gagne. Celui qui fera couler la régab et la musique après les résultats.

Et surtout…

On vote pour manger.
Pour ce sac de riz. Pour ces 10.000 francs. Pour le t-shirt. Pour le transport payé.
On vote pour celui qui soulage maintenant, même s’il écrase demain.

Parce que quand on a faim, on n’a pas le temps pour les concepts.

Et l’opposition ?

Pendant ce temps, que fait l’opposition ?
Elle moralise. Elle dénonce. Elle promet la lumière. Mais elle ne rassure pas.

Comment veux-tu que le peuple donne sa voix à des gens dont il a vu les collègues se précipiter vers la soupe sitôt le pouvoir tombé ?
Comment veux-tu qu’il y croie encore, alors que les anciens combattants de la liberté sont aujourd’hui les bras armés des déguerpissements ?
Oui, parlons-en. Parce qu’un gouvernement de la Ve République a jeté des pauvres dehors.
Pas des trafiquants. Pas des mafieux. Des familles. Des enfants.
Et ce jour-là, beaucoup ont compris que le pouvoir, même avec une autre étiquette, reste le pouvoir.

Alors on fait quoi ?

On ne peut pas demander à un peuple de voter « bien », si on ne répond pas à ses besoins ici et maintenant.
On ne peut pas lui demander de voter contre le riz, s’il ne sait pas comment il va manger demain.
On ne peut pas lui dire « la rupture », sans lui expliquer comment il va traverser cette rupture.

Si on veut qu’il vote autrement, il faut d’abord l’écouter autrement.
Il faut lui parler vrai. Il faut lui montrer, pas seulement promettre.

Parce que la vérité est là : plus le peuple a faim, plus il est achetable.
Pas parce qu’il est bête. Mais parce qu’il est vivant. Parce qu’il a des enfants à nourrir. Parce qu’il souffre.

La dignité ne se mange pas, mais elle s’apprend

Ce texte n’est pas une excuse pour vendre son vote. Ce n’est pas une justification.
C’est une alerte.

Si vous voulez des votes sincères, construisez une politique sincère.
Montrez la cohérence. Montrez la constance. Montrez l’intégrité.
Et surtout, répondez aux besoins du peuple, même modestement, mais réellement.

Parce qu’à force de dire « votez pour la vision », pendant qu’un autre dit « votez pour 10.000 francs et un sac de riz », on sait déjà qui repartira avec la victoire.

Je te dis tout

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Médaille pour rien : bienvenue en République du piston

À force de distribuer des médailles comme des bonbons à la kermesse, on
finit par croire que l’excellence est une question de proximité, pas de mérite.
Et voilà qu’on épingle du ruban sur des vestes repassées pour l’occasion, sans
que le moindre pli de sueur n’y ait jamais laissé sa trace.

Avant tout, il faut respecter nos intelligences. Nous ne sommes pas vos enfants maboules qui acceptent tout.

À force de distribuer des médailles comme des bonbons à la kermesse, on
finit par croire que l’excellence est une question de proximité, pas de mérite.
Et voilà qu’on épingle du ruban sur des vestes repassées pour l’occasion, sans
que le moindre pli de sueur n’y ait jamais laissé sa trace.

Comment expliquer qu’en moins d’un an de service, certains ministres –
fraîchement sortis de l’œuf administratif – se retrouvent déjà décorés comme
s’ils avaient sauvé la République d’une guerre civile, redressé l’économie et
alphabétisé trois générations ? Ce n’est plus une République, c’est un jeu
concours.

Des médailles pour services… rendus à qui ?

On ne décore plus ceux qui transforment, réparent, bâtissent. Non. On
décore ceux qui plaisent, qui savent dire “oui monsieur”, “oui madame”, et
surtout “oui excellence” avec la juste intonation. L’efficacité n’est plus un
critère. La loyauté aveugle, si.

Le peuple, lui, regarde ça, médusé. Les vraies décorations, celles qui
devraient être données aux enseignants des zones enclavées, aux médecins
des dispensaires sans électricité, aux agriculteurs qui nourrissent le pays avec
rien… celles-là attendront. Elles ne sont pas dans le bon carnet d’adresses.

La République des copains et des coquins

On récompense l’inertie bien habillée. Le silence complice. L’incompétence
bien entourée. Le mérite est devenu ringard, l’engagement un gros mot, et le
peuple, un décor de fond qu’on ne consulte qu’en période électorale – ou
pour les photos.

Mais la médaille, en théorie, symbolise l’honneur. Dans notre cas, elle est en
train de devenir le marqueur du ridicule. Une insulte silencieuse au bon sens
et au vrai travail.

Alors non, nous ne sommes pas dupes.

Ce n’est pas parce que vous avez collé une épingle sur le revers d’un
costume que vous avez décoré une conscience. Ce n’est pas parce qu’on
vous a applaudi dans une salle climatisée que vous avez le respect de ceux
qui crèvent dehors. Et ce n’est certainement pas parce que vous avez votre
portrait dans un bureau que vous méritez d’être appelé serviteur de l’État.
Il serait peut-être temps de revoir les critères. Ou au moins d’assumer que
cette République aime ses enfants dociles, pas ses enfants brillants.

En attendant, pour beaucoup, la seule médaille qu’ils méritent vraiment…
c’est celle du silence.

Je te dis tout