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Le Gabon des Services : Trois piliers qui vacillent

Au Gabon, l’expérience des services est souvent une épreuve, une véritable odyssée où le client, loin d’être roi, se retrouve relégué au rang de simple figurant. Contraint de subir les caprices et les dysfonctionnements des prestataires, le gabonais normal ne sait jamais vraiment à qui rapporter les manquements qu’il subit.

Qu’il s’agisse d’entreprises privées, parapubliques ou d’entités étatiques, le constat est unanime : le non-respect de la clientèle est monnaie courante, et l’impunité semble régner en maître. Cette indifférence envers les usagers se manifeste à travers une panoplie de désagréments, allant de l’absence de ponctualité, à la négligence des consignes de sécurité les plus élémentaires, en passant par l’inexistence des « Services après-vente » ou « service client » et le comportement désagréable des opérateurs.

Pilier I : Le Client, l’éternel subissant.

On parle souvent du comportement des gens dans les Administrations (Ministères et Directions Générales), les Restaurants et les Compagnies Aériennes, mais je pense qu’on oublie trop souvent les « sauvageons » (si vous me le permettez) qui sont au Port-môle.

Je suis récemment partie en voyage professionnel à Port-Gentil. Mon assistante s’étant chargée de l’achat de mon billet de bateau, lorsque je l’ai reçu, j’ai remarqué l’heure de la convocation surlignée en jaune, 05h45. Soucieuse de ponctualité, parce que c’est une forme de respect envers moi-même et autrui, et surtout parce que j’espérais un enregistrement rapide et le choix d’une place stratégique, je me présente au port à 05h30, un dimanche matin. Je précise le jour de la semaine pour que vous mesuriez la rareté des moyens de transport à pareille heure.

Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que le départ n’était en réalité planifié que pour 11h40. En gros, le billet avait été mal renseigné, bien qu’il comportait toutes les informations du trajet Libreville – Port-Gentil, il tenait compte des horaires du trajet Port-Gentil – Libreville. J’ai tenté de le faire constater aux agents présents de la compagnie qui m’ont répondu sur un ton bien « qu’en a-t-on à foutre ??? » bien « tu gaz !!! » qu’en fait « vous auriez dû savoir qu’aucun bateau ne part de Libreville à l’heure-là. »… J’ai ravalé ma colère en attendant de pouvoir embarquer.

Mais l’absurdité ne s’arrête pas là. Non seulement l’heure du billet était erronée, mais le navire n’est arrivé au Port de Libreville qu’à 14h47. L’embarquement s’est fait une quinzaine de minutes plus tard. Ce sont donc des heures d’attente vaines, une journée sans rien manger pour éviter le mal de mer et une matinée entière sacrifiée pour un bateau qui, après un premier voyage, n’a visiblement subi aucun contrôle avant d’entamer le second.

Cette anecdote est un exemple criant du mépris pour le temps et le confort du client, transformant un simple déplacement facturé au prix d’une âme, en une épreuve de patience et d’incertitude.

En parlant du prix d’une âme, je veux comprendre… A l’époque on pouvait aller à Port-Gentil avec des billets allant de 17000 à 25000 FCFA, puis la COVID-19 a frappé et les prix ont flambé jusqu’à 40-50000 FCFA parce que les places étaient limitées, on a accepté. Mais depuis que le phénomène COVID-19 est fini là, les prix ne reviennent plus à 25000 ??? Sachant que les navires vieillissent, que les contrôles sont zappés et qu’on ne peut pour la plupart du temps jamais demander de remboursement ??? Bref !

Pilier II : L’Etat, le policier endormi.

Au-delà de la frustration engendrée par ces retards et ces informations erronées, mon expérience met en lumière une problématique bien plus grave : le survol des consignes de sécurité.

Je vous rassure, aucun incident n’a été répertorié, mon voyage a été long mais s’est bien achevé. Mais la « déformation professionnelle » m’oblige à m’interroger… Comment un bateau voué au transport de personnes peut-il effectuer un deuxième voyage sans subir de réels contrôles après le premier ? Le contrôle d’un navire consiste-t-il simplement à cocher les cases d’une checklist monotone ou peut-il être effectué correctement en moins d’une quinzaine de minutes ? Ou est-ce que ce contrôle n’est pas nécessaire vu qu’il n’est effectué qu’en interne et qu’aucune structure externe n’a de droit de regard dessus ? Mais, bon il fallait rattraper le retard, donc, on peut survoler la feuille de contrôle, mba ???

Cette négligence flagrante soulève de sérieuses interrogations quant à la maintenance des équipements, la vérification des normes de sécurité et la qualification du personnel, mais encore et surtout l’inactivité, l’impuissance ou le manque d’implication d’entités telles que l’OPRAG ou la Marine Marchande. Dans un contexte où les activités économiques priment souvent sur la sécurité des personnes, les conséquences peuvent être dramatiques.

Le scandale d’Esther Miracle résonne encore douloureusement dans les mémoires gabonaises. Ce drame, qui a coûté la vie à de nombreux passagers, est une illustration tragique des dangers inhérents à ce laxisme ambiant. Il a révélé au grand jour les défaillances systémiques en matière de sécurité maritime, de l’état des embarcations à la surcharge, en passant par l’absence de gilets de sauvetage ou leur obsolescence. L’indignation publique qui a suivi n’a malheureusement pas toujours suffi à instaurer des changements durables et radicaux dans les pratiques. L’Etat dort !

Pilier III : Le Fournisseur de Services, l’arrogant intouchable.

Les fournisseurs de Services jouent souvent sur l’état de somnolence des entités étatiques censées les superviser. Cette impunité encourage la médiocrité des services et perpétue un cycle de frustration et de mécontentement.

Les prestataires de tous bords, toutes activités confondues, semblent opérer dans une zone de non-droit où la responsabilité est diluée et les recours, quasi inexistants. Mais un facteur aggravant majeur dans le contexte gabonais est l’omniprésence du monopole, ou du quasi-monopole, dans des secteurs vitaux.

Cette absence de concurrence anesthésie toute incitation à l’amélioration de la qualité. Pourquoi s’efforcer d’offrir un service irréprochable quand le client n’a pas d’autre choix ? Prenons des exemples concrets qui parlent à tous les Gabonais :

  • Les coupures d’électricité et d’eau sont monnaie courante, parfois sans préavis ni explication. Les factures, elles, continuent d’arriver, souvent salées, même en cas de service défaillant. Le client, captif, ne peut pas se tourner vers un autre fournisseur, et les réclamations se heurtent souvent à un mur d’indifférence ou des procédures judiciaires longues et trop chères pour Un Gabonais Normal.
  • L’accès aux soins de qualité est un défi, Il n’y a qu’à se rendre dans les structures hospitalières publiques pour constater que quelque chose (si ce n’est plus) ne va pas. Manque de matériel, personnel insuffisant ou démotivé, délais d’attente interminables… La confiance du public est érodée, poussant ceux qui en ont les moyens vers les cliniques privées, tandis que d’autres subissent une offre de santé précaire.
  • Le transport ferroviaire, souvent le seul moyen de transport pour relier certaines régions le train (on pourrait dire l’avion aussi) est également sujet à des retards chroniques, des pannes inopinées, des déraillements et une qualité de service qui laisse à désirer. Là encore, l’absence d’alternative crédible confère une position de force au prestataire, sans que cela ne se traduise par un engagement envers l’usager.

Ce monopole crée une arrogance chez les fournisseurs de services. Ils savent que les clients dépendent d’eux, et cette certitude se traduit par une légèreté inacceptable quant à la qualité offerte.

Les services publics et privés du Gabon semblent fonctionner selon leur propre logique, sans véritable prise en compte des besoins et des attentes des usagers. Il est temps que les autorités gabonaises prennent des mesures concrètes pour améliorer la qualité des services et garantir la sécurité des usagers. Les citoyens méritent mieux que d’être traités comme des secondes catégories, subissant les caprices et les négligences de leurs prestataires.

Cela passe par une redéfinition des cahiers des charges, des mécanismes de contrôle efficaces et, si possible, l’encouragement d’une saine concurrence là où c’est envisageable. Une véritable révolution dans la gestion des services est nécessaire pour que le Gabon puisse enfin offrir à ses habitants et à ses visiteurs un niveau de service digne de ce nom.

A l’heure de « l’essor vers la félicité » il est temps pour le Gabon des services de passer d’un modèle où le client subit à un modèle où ses droits sont respectés et sa sécurité assurée.

Je te dis tout

DigitalGabon

Digitalisation de l’administration : et si, pour une fois, c’était sérieux ?

Depuis des années, on parle de numérique au Gabon. On en parle beaucoup. Et on gesticule pas mal aussi. Mais c’est la première fois qu’un ministre ose mettre les pieds dans le plat : digitaliser tous les services administratifs.

Et franchement, en tant qu’entrepreneur local, j’apprécie.

C’est peut-être un nouveau souffle pour notre économie. Peut-être. Mais au moins, on va enfin dans la bonne direction.

Je me souviens encore, à mon arrivée dans l’administration, de ce qu’on me disait quand je parlais de dématérialisation :
« Hum… Jamais tu ne pourras faire ça, c’est le mangement de quelqu’un. »
Traduction : le désordre profite à quelqu’un.

Car digitaliser, c’est aussi suivre le circuit de l’argent. Automatiser. Laisser des traces. En clair, ça court-circuite les pratiques bien rodées de la corruption ordinaire.

Et ça, c’est gênant pour certains.

Le Gabon, mouroir des talents.

Il faut le dire clairement : cette digitalisation agit aussi comme une bouffée d’oxygène pour la santé mentale de nos développeurs.

Pendant trop longtemps, les “informaticiens” — pourtant formés au développement — ont été cantonnés à des tâches absurdes :
Faire de la lecture fonctionnelle sur des solutions achetées à prix d’or.
Remplacer des cartouches d’encre.

Oui, cinq ans d’études pour devenir prestataire de photocopieur ou assistant d’éditeur étranger.

Résultat : les compétences s’érodent, les vocations meurent, et ceux qui arrivent à exercer leur métier le font souvent sur des outils obsolètes, imposés par des logiques d’achat sans vision technique.

Alors oui, cette dynamique actuelle, si elle est sincère et structurée, pourrait enfin redonner de la valeur à nos talents — et éviter qu’ils continuent de fuir ou de se faner à petit feu.

Mais ne nous emballons pas trop vite.

Comme mentionné plus tôt, cette transition ne pourra réussir sans un accompagnement solide et de vraies formations.
Nos équipes doivent être mises à niveau sur les technologies actuelles, non seulement pour produire des solutions de qualité, mais aussi pour en limiter les risques.

Imaginez une application censée gérer les cartes nationales d’identité, mais construite sans les bases minimales de sécurité…
Ce serait une catastrophe.

Il faudra aussi des moyens techniques, humains et financiers, sans quoi cette belle ambition restera une vitrine vide — une de plus.

Tout ce que j’espère, c’est que cette énergie soit utilisée à bon escient.
Que ce ne soit pas une énième flamme qu’on souffle avant qu’elle ne prenne.

D’autres ont essayé… On a vu.

Mais restons confiants. Parce que cette fois, il y a peut-être une vraie chance d’écrire une nouvelle page.

Je te dis tout

DigitalGabon

Quand les Gabonais ne sont pas assez bons pour l’État

Tu es tranquille pour toi dans ton coin en train de chercher les marchés à la loupe et là tu lis dans les médias que le gouvernement est en train de vouloir digitaliser les services publics. On ne peut que se réjouir d’une telle nouvelle quand on est une jeune entreprise locale qui opère dans le milieu. On se dit que c’est l’opportunité de faire un peu de chiffres et peut-être manger à sa faim désormais. Peut-être quitter chez les parents qui supportent nos projets depuis qu’on a décidé de se lancer… Mais niet ! Les Gabonais ne sont pas assez bons pour le Gabon.

Comment expliquez-vous qu’après avoir payé des bourses à des étudiants dans des domaines comme les technologies de l’information, par exemple, l’Etat lui même snobe ses propres rejetons pour aller chercher des expertises qui existent localement en dehors du pays ? C’est à n’y rien comprendre. Pourquoi payer pour la formation de personnes qu’on ne veut pas utiliser ? Nous avons plusieurs entreprises dans la digitalisation des services qui ont du mal à joindre les 2 bouts faute de contrats. Non pas qu’elles soient incompétentes mais le parcours du combattant qui leur est imposé n’a simplement pas de sens. 

Déjà, je me rappelle de l’appel d’offres pour la Banque pour le Commerce et l’Entrepreneuriat du Gabon (BCEG) qu’on a pu voir sur les réseaux sociaux :

  • L’offre n’a été disponible que pendant 1 jour au public… On dirait qu’elle a été supprimée après
  • Il fallait soumissionner dans le délai d’une semaine 
  • Aucun cahier de charges n’a été fourni
  • Ils n’ont même pas pris la peine de répondre aux emails envoyés

Voilà déjà les conditions de travail en partant. Ceux qui ont déjà répondu à un appel d’offres savent le travail que ça demande. Parfois il faut même régulariser sa situation en tant qu’entreprise (c’est faisable en 1 semaine en général). Et finalement, il faut constituer le dossier de candidature qui comporte en général : une solution technique, une solution financière ainsi qu’une description de votre entreprise. Le dernier est le plus simple. Toute entreprise sérieuse a forcément une description de ce qu’elle fait. Pour les 2 autres éléments, il faut TRAVAILLER. Et croyez-moi, 2 jours ce n’est pas suffisant DU TOUT

Une fois cela dit, lorsqu’il y a des appels d’offres, certains sont critères sont clairement discriminants pour nos jeunes entreprises.  « L’entreprise a déjà réalisé ce type de solution pour un gouvernement : 20 points » 🫠 En gros, on nous demande d’être des entreprises d’envergures internationales alors que la plupart d’entre nous est jeune et juste au niveau de startup nationale qui n’arrive pas à décoller à cause de carnets de commandes vides. Comme pour les BTP, et aussi pour des questions de sécurité évidente, le Gouvernement devrait privilégier les entreprises locales

L’utilisation d’une application développée à l’étranger, c’est un cas que l’on connait bien dans certains ministères :

  • L’application ne matche pas avec l’utilisation qu’on en fait localement
  • Elle nécessite des modifications coûteuses qu’il faudra maintenir
  • Elle est susceptible de diverger de sa version de base et de devenir ingérable par le fournisseur
  • On observe une augmentation des risques d’Anomalies + un temps de correction forcément plus grand car les ressources ne sont pas sur place
  • Le fournisseur n’est pas toujours transparent sur les processus. J’ai vu une fois une application mise à jour pendant qu’on travaillait dessus. Puis crasher parce que la mise à jour avait échoué.

L’impact sur le travail ? On se retrouve avec des usagers qui ne comprennent rien à l’application pour laquelle la formation (souvent chère) ne peut-être faite qu’avec des formateurs qui sont moins disponibles. La prise en main est donc longue et parfois déléguée aux Informaticiens alors qu’elle est réservée à des Administrateurs (problème de sécurité là aussi). Concernant les coûts, on ne va pas se mentir. J’ai vu des applications facturées des MILLIARDS où une entreprise gabonais ne demandait pas le 1/5e. Inquiétant. 

Tout ça pour dire, je ne sais pas si c’est un problème de compétences réellement ou un manque de confiance entre nous mais avec des entreprises comme CAPAY, POSI, et j’en passe, il y a moyen de confier certains projets aux Gabonais en toute confiance SI au lieu de donner les marchés aux petits copains incompétents, on essayait de voir qui réellement réalise ses projets de bout en bout. Donnez-nous notre chance, on n’est pas pire que les autres. 

Je te dis tout