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Fonctionnaires fantômes : le mal vient d’en haut

Dans cet article de Info241, on apprend surtout que, malgré les audits et toutes les stratégies mises en place pour endiguer le phénomène des fonctionnaires fantômes, l’État gabonais reste aveugle sur l’activité réelle de ses agents. Qui est en vacances ? Qui est en congé maladie ? Depuis combien de temps ? Aucune trace. Aucun suivi.

Le constat est brutal : il n’existe aucun système fiable permettant de vérifier la présence effective d’un agent public. Et pourtant, les salaires continuent d’être versés. Le problème n’est pas seulement administratif, il est managérial. Car la première ligne de responsabilité ne se situe pas au sommet, mais dans les directions, les inspections et les établissements eux-mêmes.

Les managers — directeurs, chefs de service, proviseurs — sont les premiers garants du suivi des carrières et de la présence des agents sous leur autorité. C’est à eux d’alerter, de contrôler, de documenter. Au lieu de cela, beaucoup se contentent de signer des états de service sans vérification, contribuant à nourrir une machine administrative où l’absentéisme devient invisible.

Mais il faut aller plus loin dans le diagnostic. Depuis des décennies, les gouvernements successifs pensent que l’audit est une solution.
Erreur.
Un audit n’est pas une solution, c’est un outil ponctuel, un instantané. Il permet de savoir qui est là ou qui ne l’est pas à un moment T, rien de plus. Dans notre cas, l’audit est annoncé à l’avance, ce qui le rend encore moins fiable : certains agents « reviennent » juste pour la période de contrôle, avec la complicité de leurs supérieurs hiérarchiques.
Certains managers vont même jusqu’à précipiter la production de documents officiels pour justifier a posteriori l’absence ou l’absentéisme de leurs N-1. Résultat : l’audit lui-même devient faussé, vidé de son sens.

Ce qu’il faut, ce n’est pas un énième audit, c’est une gestion continue, quotidienne, de la présence et de la performance.
Et pour cela, nul besoin de millions. Il suffit de mécanismes simples :

  • Une fiche de temps signée chaque semaine avec la description des tâches accomplies ;
  • Un pointage régulier (même manuel ou par application mobile) ;
  • Et surtout, des managers responsables, capables de rendre compte du travail réel de leurs équipes.

Ce n’est donc pas seulement un problème de « fonctionnaires fantômes », mais de management fantôme. Une administration qui se contrôle elle-même sans s’observer, et qui croit qu’un audit de temps en temps peut remplacer la rigueur au quotidien.
Or un État qui ne sait pas qui travaille pour lui ne peut pas prétendre réformer quoi que ce soit.

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DiasporaGabon

Notre avenir meurt de faim

On se croirait revenus au temps des Bongo, tellement la situation paraît incroyable : en 2025, les étudiants gabonais à l’étranger souffrent faute de bourses qui n’arrivent pas.

Il y a quelques mois encore, on pointait du doigt les boursiers gabonais des États-Unis, accusés d’être des privilégiés. Mais aujourd’hui, ce sont tous les étudiants, dans tous les pays, qui envoient désormais des signaux d’alarme à leurs parents, réclamant de l’aide pour ne pas mourir de faim et espérer étudier en paix.

L’ANBG, encore elle !
Pourtant, le rôle de cette agence est désormais censé être simple, clair, et sans équivoque : transférer à temps l’argent que l’État met à disposition pour nos enfants disséminés à travers le monde. Mais alors, où se trouve le problème ?
Est-ce un souci de priorisation des tâches ? Est-ce une absence de fonds ?

Trop souvent, l’ANBG se distingue par de graves manquements, sans jamais offrir de réponses sérieuses. On se contente de brandir des « raisons techniques » comme s’il s’agissait de secrets d’État, auxquels le Gabonais Normal n’aurait pas droit. Mais rappelons-le : ce sont nos impôts, nos taxes qui alimentent ce système.

Ce n’est pas une faveur qu’on fait aux étudiants, c’est un droit.
Et c’est pour nos enfants que nous payons.

Alors oui, et si nous demandions une enquête sur le circuit de l’argent dans cette entité ? J’imagine déjà la levée de boucliers : « Vous pensez qu’on est là pour voler ? » Non, mais nous pensons — et l’histoire nous l’a prouvé à raison — que certains éléments de cette agence n’ont jamais été des saints, mais plutôt des gestionnaires peu scrupuleux.

L’avenir meurt de faim. Et ce n’est pas faute de moyens, mais faute de volonté et de transparence.

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ÉducationGabonOpinion

Fin des coefficients « surpondérés » à l’école secondaire

C’est officiel : au Gabon, les maths et le français ne seront plus les « enfants gâtés » du bulletin scolaire. Le ministère de l’Éducation nationale, sous l’impulsion de Camélia Ntoutoume Leclercq, vient de décider que toutes les matières compteront enfin pareil.

Après plus de 50 ans, on met fin à ce système où certaines disciplines pesaient plus lourd que la vérité dans un débat politique.

Jusqu’ici, si tu étais nul en maths, peu importait que tu sois un futur Molière en théâtre ou un Usain Bolt en sport : tu étais catalogué comme « élève en échec ». Résultat ? Plus d’un tiers des élèves gabonais redoublaient chaque année. Oui, 35 %. Comme si redoubler était une tradition nationale au même titre que le ndolé au Cameroun ou le thiéboudiène au Sénégal (qui, eux, affichent des taux bien plus bas).

L’Inspection générale a fini par reconnaître que ce système « surpondéré » décourageait plus qu’il ne motivait. Forcément : si deux matières font la loi et écrasent toutes les autres, difficile de se sentir valorisé quand ton talent est ailleurs. « Avec des coefficients égaux, les enfants vont développer leur vraie nature », explique Joachim Ondjila, inspecteur général. Traduction : on arrête de transformer les élèves en mini-mathématiciens ou mini-linguistes malgré eux.

Désormais, chaque matière sera sur un pied d’égalité. L’initiative s’inscrit dans la nouvelle méthode de l’Approche par compétences (APC), censée révéler les forces de chacun. L’idée est simple : valoriser autant l’histoire que les sciences, autant la musique que la physique. Parce que oui, savoir jouer du tam-tam ou analyser un poème, c’est aussi une compétence.

Les bénéfices attendus ?

  • Moins d’élèves recalés à cause d’un seul « zéro en maths ».
  • Une école plus juste, où tout le monde a sa chance (même ceux qui considèrent que la racine carrée est une plante).
  • Et surtout, plus d’excuse pour zapper les matières dites « secondaires ».

Évidemment, certains râlent déjà : « Ça va rendre les enfants paresseux ! » Faux. Si toutes les matières comptent, toutes doivent être travaillées. C’est la fin du calcul malin : « je mise tout sur les maths et je dors en histoire ».

Le gouvernement vise une baisse de 15 % des redoublements dès cette année, et veut diviser par deux le taux d’ici 2026. Mais au-delà des chiffres, c’est tout un état d’esprit qui change : l’école gabonaise veut passer du mode « sélection par l’échec » au mode « accompagnement des talents ».

En clair, après 55 ans de « deux poids, deux mesures », le Gabon dit enfin : toutes les matières sont importantes. Même l’éducation artistique. Oui, même ça.

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DiasporaGabonPolitique

‎Analyse critique du discours présidentiel relatif à la suspension des bourses d’études

La récente décision du chef de l’État de suspendre l’attribution des bourses d’études, justifiée officiellement par le poids financier que cela représente et par le phénomène de fuite des cerveaux, soulève un certain nombre d’interrogations qui méritent une analyse approfondie.

En effet, cette décision semble partielle dans la mesure où elle cible exclusivement les étudiants bénéficiaires, sans rétablir une lecture équilibrée des responsabilités respectives de l’État et des étudiants dans la problématique soulevée.

La fuite des cerveaux : une dynamique aux causes structurelles

Le phénomène de fuite des cerveaux est légitimement invoqué comme un argument majeur, mais il traduit en réalité une défaillance systémique. L’insuffisance d’opportunités d’emploi, le non-respect des engagements étatiques, ainsi que le climat socio-économique délétère, participent à la désaffection des diplômés vis-à-vis de leur pays d’origine. Cette réalité se manifeste par un environnement professionnel qui étouffe les ambitions et fragilise la relation compétence-mérite. Le diplômé, jadis porteur d’espoir pour sa famille, est désormais marginalisé, voire moqué. Dans ces conditions, il semble rationnel, voire inévitable, que ces talents choisissent de ne pas revenir.

Les motifs étatiques : une justification partielle et contestable

Sur le plan de l’État, les pertes invoquées concernent à la fois l’investissement financier et le capital humain formé à l’étranger. Toutefois, dans la pratique, la perte réelle se limite souvent aux seuls coûts financiers, dans la mesure où l’État peine à intégrer effectivement ce capital humain sur le marché du travail national. Le paradoxe est que les diplômés, pourtant formés selon des orientations définies par l’État, se retrouvent fréquemment au chômage, la principale cause étant l’inadéquation entre leur formation et les besoins réels du marché local. Par conséquent, plutôt que de cibler les conséquences, il serait pertinent que l’État assume pleinement ses responsabilités en s’attaquant aux causes profondes du dysfonctionnement.

La fuite des cerveaux : un mal nécessaire ?

Loin d’être uniquement préjudiciable, la fuite des cerveaux peut également être perçue comme un mécanisme d’ajustement social et économique. Elle contribue à atténuer les tensions liées au chômage, participe à la stabilité politique, et peut favoriser la création de réseaux de coopération internationale entre la diaspora et le pays d’origine. Dès lors, la fuite des cerveaux pourrait constituer un levier stratégique plutôt qu’un simple mal à éradiquer.

Perspectives et propositions pour une gestion efficiente du capital humain

Pour remédier à cette problématique complexe, plusieurs pistes peuvent être envisagées :

  • Amélioration des conditions d’accès à l’emploi et création d’opportunités stables pour tous les diplômés.
  • Garantie d’une insertion professionnelle sécurisée dans des secteurs économiques stratégiques, notamment pour les boursiers formés à l’étranger.
  • Acceptation, à court terme, d’une certaine perte des compétences formées dans des domaines non encore développés localement, tout en anticipant une future demande liée à l’évolution socio-économique.
  • Identification et mobilisation des profils diplômés à l’étranger dans le cadre de projets nationaux de développement.
  • Valorisation accrue de la diaspora en tant qu’acteur clé du développement, assortie de mesures incitatives ou contraignantes (telles qu’une contribution financière au développement national).

Réformes institutionnelles pour une meilleure efficience

Enfin, pour optimiser la gestion des bourses et des compétences associées, il serait opportun d’adopter des réformes structurantes telles que :

  • La limitation des bourses à l’étranger aux seuls secteurs stratégiques non disponibles localement.
  • L’octroi des bourses à l’étranger, pour les filières existantes sur le territoire, uniquement après validation du premier cycle universitaire, afin de mieux anticiper les profils et rationaliser les coûts.
  • La mise en place d’un suivi rigoureux des formations financées, en veillant à ce qu’elles correspondent aux besoins spécifiques identifiés par l’État.
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CultureGabon

« Je la donne, je la parle, je lui trahis » — Et alors ?

« Je la donne, je la parle, je lui trahis. » Ce genre de phrases, on les entend partout : dans les rues de Libreville, dans les taxis, dans les salles d’attente, et même à la télé. Elles font partie de notre quotidien. Mais bizarrement, dès qu’on les relève, c’est souvent pour s’en moquer.

Moi-même, je l’avoue : j’ai longtemps été de ceux qui corrigeaient, qui levaient les yeux au ciel, qui soupiraient à chaque « je vais au Gabon demain matin là ». Jusqu’à ce qu’on me fasse remarquer que ce que je croyais être de « l’éducation » était en fait souvent du mépris.

Parce que oui : ces phrases, ces tournures, ces fameux barbarismes qu’on stigmatise tant — je lui trahis, elle m’a donné la faim, il m’a insulté à moi là — sont peut-être fautives selon la grammaire académique française, mais elles sont surtout vivantes, populaires, et identitaires. Elles disent qui nous sommes, d’où l’on parle. Elles disent notre rapport au français, langue héritée, langue imposée, mais aussi langue réappropriée.

Et ce phénomène n’est pas propre au Gabon. Au Québec par exemple, on parle fièrement de chemises carreautées (et non carrelées), et on dit « je m’en va chez nous » plutôt que « je vais chez moi » — ou, mieux encore, « je rentre chez moi ». Ce n’est pas une faute pour eux, c’est leur français, leur manière de parler, de se situer dans le monde. Et personne ne remet leur intelligence en question à cause de ça.

Alors pourquoi nous, chaque fois que nos particularismes linguistiques s’expriment, on s’empresse de les cacher ? Pourquoi ce besoin quasi pavlovien de corriger ceux qui disent « il m’a insulté à moi là » ? Pourquoi ne pas reconnaître qu’il existe un français gabonais, comme il existe un français québécois, ivoirien, ou sénégalais ?

Bien sûr, il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut pas apprendre le français académique. Il faut le maîtriser, surtout dans un monde où il reste encore (hélas) une clé d’accès à l’emploi, à la reconnaissance. Mais il faut pouvoir le faire sans mépriser nos façons de parler, sans renier nos rythmes, nos structures, nos expressions. Le bilinguisme, c’est aussi ça : parler plusieurs registres, plusieurs langues, sans avoir honte de l’une pour valoriser l’autre.

Alors oui, peut-être que je la donne, je la parle, je lui trahis, ce n’est pas académique. Mais c’est nous. Et ça mérite d’être compris, exploré, transmis — pas effacé.

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GabonOpinionSociété

L’offre éducative au Gabon : un pays, plusieurs vitesses

Les chiffres datent de 2021, mais ils parlent encore très fort aujourd’hui. Ils dessinent une carte déséquilibrée, où l’accès à l’éducation varie selon la province. Et dans cette répartition inégale, un constat s’impose : le Grand Libreville concentre l’essentiel.

De la crèche au lycée, tout est centralisé

  • Sur les 320 crèches/garderies recensées au Gabon, 193 sont situées dans le Grand Libreville (G1). Soit plus de 60 %.
  • Même déséquilibre au pré-primaire : sur 1488 établissements, 726 sont à G1.
  • Au primaire, même logique : sur 1915 écoles, 745 sont encore dans G1.

Et ce n’est pas mieux au secondaire :

  • Sur les 349 établissements d’enseignement général, 158 sont concentrés à G1.
  • À lui seul, ce chiffre dépasse la somme des établissements du Haut-Ogooué (44), de l’Ogooué-Maritime (38) et du Woleu-Ntem (33) réunis.

En secondaire technique, même tableau :

  • 9 sur les 25 établissements sont dans G1,
  • 6 autres dans G2.
    Ce qui laisse les autres provinces dans une quasi-absence d’offre technique publique.

Et ailleurs ?

Certaines provinces accusent un retard flagrant :

  • Ogooué-Ivindo : 10 lycées d’enseignement général
  • Ogooué-Lolo et Nyanga : 12 chacun

Cela signifie que dans certaines zones du pays, un enfant a plus de chances de ne pas pouvoir poursuivre une scolarité normale, faute d’infrastructures.
Moins d’écoles = plus de distances à parcourir, plus de découragements, plus d’abandons.

Un déséquilibre qui se creuse dès le départ

Autre observation importante : l’essentiel des établissements est privé. Exemple :

  • Sur les 320 crèches, seules 33 sont publiques
  • Au pré-primaire, à peine 30 % des établissements sont publics
  • Au secondaire général, 106 sur 349 sont publics, soit moins d’un tiers

Ce qui pose une vraie question d’équité : que devient un enfant dont la famille ne peut pas payer une école privée ?

Conclusion ?

Parler d’égalité des chances au Gabon sans parler de répartition de l’offre éducative, c’est de la poudre aux yeux.
Tant que l’on concentrera les infrastructures dans une seule zone géographique, tant que certaines provinces resteront les oubliées de la République, les inégalités resteront structurelles, profondes, durables.

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ÉducationGabonOpinion

Pourquoi tant de redoublements en 6e ?

Esdras est prof. Et pas de ceux qui survolent. Elle voit, elle vit, elle constate. Et elle a fini par dresser un constat simple, froid, mais lucide : en 6e, beaucoup redoublent. Beaucoup trop. Et les raisons sont souvent les mêmes. Pas les notes, pas le bulletin. Non, des causes plus profondes. Plus structurelles.

1. Parce qu’ils sont trop jeunes.
Dans ce pays, on confond précocité et performance. Il faut sauter des classes pour briller. Résultat : des enfants de 9, parfois 8 ans, atterrissent en 6e. Une classe censée être celle du passage, du changement, de l’entrée dans un autre monde scolaire. Mais ils n’ont ni l’âge, ni la maturité pour ce saut.

2. Parce qu’ils ne s’adaptent pas.
Le passage du primaire au secondaire, c’est brutal. Fini le maître ou la maîtresse unique qui guide et accompagne. Bonjour les dix profs différents, chacun avec sa méthode, ses exigences, ses évaluations. Bonjour la prise de notes, les cahiers à tenir à jour, les devoirs à noter soi-même, les stylos perdus toutes les deux heures. C’est trop. Trop pour des gamins de 10 ans balancés dans une jungle scolaire sans boussole.

3. Parce que les conditions sont déplorables.
Des salles bondées, des effectifs ingérables. Comment espérer une attention individualisée quand on parque 100 enfants dans une même classe ? Même un enseignant motivé ne peut pas faire de miracles avec une telle surcharge.

4. Parce que les parents lâchent trop vite.
Déposer l’enfant le matin à l’école ne suffit pas. Il faut vérifier les devoirs, relire les leçons, écouter ses doutes, l’aider à s’organiser. Le collège, surtout en 6e, demande un accompagnement rapproché. Beaucoup trop d’enfants sont livrés à eux-mêmes dans ce saut périlleux.

5. Parce qu’ils n’ont pas le niveau.
Triste à dire, mais certains n’ont pas les bases. Ils arrivent avec un “bon dossier”, sautent les classes au primaire, mais une fois en face des exigences du secondaire, tout s’effondre. Esdras raconte que certains ne savent même pas écrire leur nom en entier. Ce n’est plus un problème de pédagogie. C’est un mensonge institutionnalisé.

Alors oui, ils redoublent.
Mais ils ne redoublent pas parce qu’ils sont “nuls”.
Ils redoublent parce qu’on a failli. Collectivement. Famille, système, politiques publiques.
Et eux, ils paient.

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GabonPolitiquePrésidentielles2025

Dr Iloko : un projet plein de rêves…

Faute de mécanismes concrets, de chiffrages précis et de stratégies réalistes, ce projet ressemble davantage à un rêve inspirant qu’à un véritable plan d’action gouvernemental.

1. Une ambition infrastructurelle impressionnante, mais irréaliste ?

Le projet du Dr Iloko prévoit la construction de 2000 salles de classes par an à l’échelle nationale. Cette ambition, bien qu’indéniablement louable dans l’optique de désengorger les établissements scolaires, soulève d’importantes interrogations quant à sa faisabilité. À titre de comparaison, le Complexe Scolaire d’Alibandeng, avec ses 45 classes pour 2000 élèves, servirait d’unité de mesure. Répliquer 45 fois ce modèle chaque année équivaudrait à une capacité annuelle supplémentaire de 90 000 places.
Cela représente une charge financière colossale. En prenant en compte qu’un établissement complet (pré-primaire, primaire, secondaire) peut coûter entre 2,5 et 5 milliards FCFA, le budget annuel pour atteindre cet objectif serait compris entre 112,5 et 225 milliards FCFA. À cela s’ajoutent les coûts de fonctionnement, de maintenance, de recrutement du personnel et de fourniture de matériel pédagogique. Peu d’éléments concrets dans le projet permettent de savoir comment ce financement serait sécurisé et soutenable dans la durée.

2. “Redonner la dignité aux enseignants” : un slogan vide de mesures concrètes

La promesse de « redonner la dignité aux enseignants » est répétée à plusieurs reprises dans le projet du Dr Iloko. Pourtant, aucune mesure précise n’est proposée pour traduire cette déclaration d’intention en actions concrètes. Le projet n’évoque ni revalorisation salariale, ni plan de formation continue, ni amélioration des conditions de travail, ni perspectives de développement professionnel.
Il en résulte une lacune flagrante dans la compréhension des défis que rencontrent les enseignants gabonais. Restaurer leur dignité ne peut se résumer à une proclamation : cela nécessite un engagement fort, structuré et mesurable, tant sur le plan matériel (traitement, équipements, sécurité) que symbolique (statut, reconnaissance sociale, perspectives d’évolution).

3. L’enseignement supérieur : entre grands chantiers et précipitation

La construction annoncée de 9 universités et 9 bibliothèques universitaires modernes, ainsi que de 2000 logements universitaires, montre une volonté claire d’expansion. Cependant, cette vision ne prend pas en compte les ressources humaines qualifiées nécessaires, la planification urbaine, ou encore les besoins logistiques d’un tel programme.
De plus, le système d’échanges internationaux soutenu par des allocations de 150 000 à 200 000 FCFA est séduisant, mais peu détaillé : Quels critères ? Quelle durée ? Quelle prise en charge réelle ? Ce volet semble davantage refléter une volonté d’attractivité qu’une stratégie pérenne pour améliorer la qualité globale de l’enseignement supérieur gabonais.

4. Un projet éducatif globalement déséquilibré

En somme, le volet éducatif du programme du Dr Iloko met l’accent sur la quantité plutôt que sur la qualité. Il propose un bond en avant en matière d’infrastructures, mais sans vision cohérente sur les moyens humains, pédagogiques et budgétaires nécessaires à leur mise en œuvre et à leur fonctionnement.


L’absence de priorisation, de phasage des projets, et de budget détaillé laisse planer le doute sur la viabilité de ces engagements. Or, un système éducatif performant repose avant tout sur la qualité de son encadrement, la formation des enseignants, la stabilité des ressources et la pertinence des programmes.

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CommunicationEmploiGabonOpinionSociété

Les heures supplémentaires au Gabon : un esclavage moderne déguisé ?

Au Gabon, travailler au-delà des horaires officiels est rarement une exception. C’est une habitude, une norme tacite, une attente déguisée en “engagement professionnel”. Pire encore, ces heures supplémentaires ne sont ni payées ni reconnues. Mais elles sont exigées, imposées et parfois même brandies comme un critère de loyauté envers l’entreprise.

Si vous osez rappeler vos horaires contractuels, on vous qualifiera d’individualiste, de fainéant, voire de mauvais élément. Pourtant, travailler gratuitement en dehors de ses heures n’est pas un acte de bravoure, mais une exploitation subtilement maquillée. C’est le paradoxe de la ponctualité à géométrie variable.

Il y a une ironie cruelle dans cette culture du travail extensible à l’infini. Ceux qui vous appellent à pas d’heure pour exiger un rapport, un fichier ou une intervention d’urgence sont les mêmes qui exigeront de vous une ponctualité militaire à l’arrivée au bureau.

Votre manager peut vous solliciter à 22h, un dimanche, pour “un petit truc rapide” qui prendra finalement deux heures. Mais si vous arrivez cinq minutes en retard le lundi matin, il vous fera un sermon sur la rigueur et la discipline. Où est la logique ?

La réalité, c’est que le respect des horaires ne fonctionne que dans un seul sens : en faveur de l’employeur. Le salarié, lui, est censé être disponible à toute heure, mais doit éviter à tout prix d’être en retard ou de quitter le bureau à l’heure pile.

Un climat de stress permanent

Ce genre de pratiques crée un environnement anxiogène, où le salarié n’a jamais vraiment de temps pour lui. Impossible de se détendre après le travail, car son téléphone peut sonner à tout moment avec une “petite urgence”. Ce harcèlement déguisé en exigence professionnelle a des conséquences graves :

  • Fatigue mentale et physique
  • Manque de sommeil dû aux sollicitations nocturnes
  • Anxiété chronique liée à la pression permanente
  • Perte de motivation et burn-out

Et pourtant, personne ne voit ça comme un problème. On préfère se convaincre que c’est “normal” ou “partie du jeu”. Mais quel jeu ? Celui où seul l’employeur gagne, pendant que l’employé perd en qualité de vie et en santé mentale ?

ET C’EST PIRE DANS LES STARTUPS ET ENTREPRISES TOXIQUES où l’abus devient un modèle économique

Certaines entreprises et startups, notamment dans le digital, la communication et les médias, sont les pires dans ce domaine. Elles vendent une image “cool” avec des bureaux modernes et une ambiance “start-up nation”, mais leurs pratiques sont dignes du servage.

Les horaires flous : “On commence à 8h, mais on ne sait jamais à quelle heure on termine.”

Les obligations déguisées : “C’est pas obligatoire, mais si tu refuses, on va le noter.”

Les week-ends sacrifiés : “On a un événement samedi, donc tout le monde est mobilisé.”

Les WhatsApp nocturnes : “On va faire un point rapide, il est juste 23h.”

Dans ces structures, le droit à la déconnexion n’existe pas, et revendiquer une limite est vu comme un manque d’implication. Pourtant, ailleurs dans le monde, ces pratiques sont sanctionnées.

Il est temps de dire non

Travailler, oui. Se faire exploiter, non. Il est grand temps que les employés gabonais prennent conscience de leurs droits et arrêtent de normaliser ces abus. APPRENEZ VOS DROITS.

Les employeurs doivent comprendre que le respect du temps de travail est une obligation légale et morale. Et si les salariés continuent de subir en silence, alors rien ne changera.

La question est simple : jusqu’à quand allons-nous accepter d’être des employés corvéables à merci surtout quand le salaire ne suit pas ?

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CommunicationDigitalGabonOpinion

Chroniques d’un optimiste en voie d’extinction

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai essayé pourtant. Je me suis installé, carnet en main, prêt à chanter les louanges de mon beau pays. J’ai commencé par l’électricité, mais au moment où j’écrivais “nous avançons vers une stabilité énergétique“, le courant a sauté. Silence total. J’ai attendu, le ventilo s’est arrêté, la chaleur s’est installée. Trois heures plus tard, toujours rien. Un voisin a crié “Mettez nous même les groupes, allumez !” et j’ai compris qu’il fallait abandonner l’idée d’un pays électrifié en continu. J’ai griffonné dans mon carnet : Nous sommes passés de l’énergie renouvelable à l’énergie intermittente. C’est une transition écologique… forcée.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler des opportunités pour les jeunes. À la télé, on nous dit que le chômage baisse, que l’économie se porte mieux, que les entreprises recrutent. Puis, j’ai croisé mon cousin, master en poche, qui fait des livraisons à moto. “Faut bien manger, hein !” m’a-t-il lancé avant de repartir sous la pluie, casque à moitié cassé. J’ai aussi pensé à mon ami qui a envoyé 100 CV et n’a reçu que des refus polis, ou pire, un silence radio. Alors j’ai noté : Les jeunes ont des diplômes, des compétences et de l’ambition. Il ne leur manque plus qu’une chose : un pays qui leur donne leur chance.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler de la santé. Je suis allé à l’hôpital. À l’entrée, des files d’attente interminables. J’ai vu une femme enceinte attendre des heures, un vieil homme allongé sur un banc, faute de lit disponible. La pharmacie n’avait plus les médicaments nécessaires, mais “on peut vous aider si vous avez quelqu’un en ville pour les acheter en pharmacie privée“. Et si t’es fauché, que tu crèves en silence ? J’ai noté : On dit que la santé n’a pas de prix… Mais ici, elle a un coût, et tout le monde ne peut pas se l’offrir.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler de l’amour. Mais le goumin m’a rattrapé. Elle est partie. Pourquoi ? “Tu n’as pas de projet”, “Les temps sont durs”, “Un homme doit être stable“. J’ai repensé aux loyers exorbitants des faux agents immobiliers qui réclament leur fameux “100% de commission” avant même que tu signes un bail. J’ai aussi pensé à l’inflation, au prix du poisson qui a triplé, aux légumes qui coûtent une fortune, et aux “commérages financiers” dans les couples. J’ai écrit : L’amour, c’est beau. Mais sans argent, c’est juste une relation d’amitié avec des obligations.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler des routes. Puis j’ai pris un taxi et me suis retrouvé coincé dans un embouteillage monstre. Pourquoi ? Parce qu’une autorité a décidé de bloquer une route pour son passage. On voit arriver des motards sifflant comme des policiers en plein marathon, des agents de sécurité nerveux, et une file de voitures climatisées roulant à toute vitesse pendant que nous, pauvres mortels, transpirons sous un soleil impitoyable. J’ai noté : Ici, les routes sont à tout le monde. Mais certains sont plus “tout le monde” que d’autres.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

J’ai voulu parler de la liberté d’expression. Puis j’ai vu un gars critiquer une situation sur Facebook. Deux jours plus tard, il était porté disparu. On apprend plus tard qu’il “collabore avec la justice“. En clair, il est au ngata. J’ai effacé ce que je voulais écrire et noté : Ici, la liberté d’expression est un mythe. Si tu veux parler, assure-toi d’avoir un bon avocat.

J’aimerais bien écrire des choses positives, mais je ne peux pas écrire ce que je ne vis pas.

Alors, peut-être qu’un jour, je pourrai enfin écrire un article joyeux. Peut-être qu’un jour, mon stylo tracera des lignes où l’espoir ne sera pas une blague. Peut-être qu’un jour, je cesserai d’avoir l’impression d’écrire un recueil de plaintes.

Mais pour l’instant, la lumière vient de s’éteindre. Le réservoir d’eau est vide. Mon cousin cherche un autre boulot. Une femme a encore été tuée.

Et moi, je me demande si l’optimisme n’est pas un sport extrême réservé aux inconscients.

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