Étiquette : entrepreneuriat

GabonOpinionSociété

Réserver certains métiers aux Gabonais : entre ambition et réalités du terrain

La décision du Conseil de réserver certains métiers aux nationaux, y compris dans des secteurs émergents comme le commerce numérique et l’entrepreneuriat moderne, s’inscrit dans une volonté de renforcer la souveraineté économique et de donner plus de place aux jeunes Gabonais. Sur le papier, cette mesure vise à créer de nouvelles opportunités et à protéger l’économie locale.

Cependant, sa réussite dépendra de plusieurs facteurs souvent négligés.

D’abord, exercer ces métiers implique une organisation quotidienne exigeante : ouverture tôt le matin, tenue d’une comptabilité rigoureuse, gestion des charges, etc. Ce sont des compétences qui nécessitent un véritable accompagnement et parfois même une rééducation aux réalités de la gestion d’entreprise, loin de l’idée de « compter sur un soutien extérieur » à la fin du mois.

Ensuite, il faut anticiper les risques de contournement. Sans un encadrement précis, certains pourraient se limiter à prêter leur nom ou leur statut de national pour qu’un étranger gère l’activité, contre une rétribution.

Cela pourrait transformer la mesure en un simple business parallèle, où le propriétaire officiel ne serait qu’un garant rémunéré.

La question du contrôle est également centrale. Faut-il exiger que le gérant soit Gabonais ? Comment vérifier que la loi est respectée sans tomber dans des pratiques abusives ou du harcèlement administratif ? Une surveillance mal pensée pourrait décourager les entrepreneurs au lieu de les soutenir.

Pour que cette réforme produise les effets escomptés, il faudra donc :

Préciser les critères légaux (propriétaire, gérant, actionnaire majoritaire, etc.) • Mettre en place des contrôles clairs et proportionnés

Former et accompagner les entrepreneurs pour qu’ils soient réellement opérationnels

Prévoir des dispositifs de financement et d’appui technique pour favoriser la pérennité des entreprises

Réserver des métiers aux Gabonais peut être une avancée, mais seulement si l’application est pensée pour éviter les dérives et maximiser l’impact positif sur l’autonomie économique du pays.

Je te dis tout

EntrepreneuriatGabon

« Demande-toi ce que tu fais pour ton pays », Puis quoi encore ?

C’est souvent ce qu’on nous balance dès qu’on ose rappeler à l’État ses responsabilités. Comme si les impôts et les taxes collectés ne servaient qu’à nourrir une oligarchie, pendant que le reste du peuple peine à respirer.

Cette phrase est tellement ancrée dans notre culture que beaucoup, aujourd’hui, ne réclament plus rien à l’État. Pire : ils reprochent à ceux qui connaissent leurs droits et osent les revendiquer, d’en demander trop.

On nous répète que si ce que l’État propose ne nous satisfait pas, alors on n’a qu’à le créer nous-mêmes, avec les miettes qu’il nous reste. Et pourtant, certains continuent d’essayer, avec presque rien, de bâtir quelque chose pour leurs compatriotes — que ce soit des emplois, des espaces culturels ou de simples moments de respiration collective.

Mais au lieu de reconnaître les échecs et de corriger le tir, l’État persiste dans la gabegie : il offre des véhicules hors de prix à certains, pendant qu’il supprime les bourses, en invoquant un prétendu manque de moyens.

Et lorsque certains arrivent à s’en sortir malgré tout, l’État revient les taxer, comme s’il avait été là au départ. Beaucoup finissent par abandonner, lessivés par un système qui ne leur donne rien mais leur prend tout.

Et puis il y a ce paradoxe : on te dit de « faire pour ton pays ». Très bien. Mais quand tu t’y essaies, l’État devrait t’encourager. Au lieu de ça, ce sont parfois les mêmes hauts cadres, gonflés de salaires et d’avantages, qui se transforment en concurrents directs, en utilisant les moyens publics pour tuer dans l’œuf ce que d’autres essaient de construire à la sueur de leur front.

C’est ça, aussi, le découragement.

Je te dis tout

GabonOpinion

Entrepreneuriat au Gabon : cette folie qu’on appelle rêve

Depuis des années, on nous vend l’entrepreneuriat comme la solution miracle. L’outil d’autonomie ultime. Le raccourci vers la liberté, la clé du développement. Et on ne va pas se mentir, certains sont effectivement devenus “CEO” du jour au lendemain, dès qu’ils ont commencé à vendre des babouches, des crèmes éclaircissantes ou des jus detox sur Instagram.

Mais au-delà de cette vitrine marketing, il y a une vérité moins glamour qu’on cache trop souvent : l’entrepreneuriat demande du cardio. Du vrai. Du lourd. Et parfois, ça te rend fou.

Parce qu’entreprendre au Gabon, ce n’est pas juste avoir une idée et foncer. C’est jongler entre mille obstacles pendant que tout le monde s’attend à ce que tu réussisses vite, bien, sans faillir.

Pendant que dans d’autres pays on accorde des exonérations, des aides, du répit pour te laisser le temps de comprendre ton marché, de stabiliser ta trésorerie et de construire quelque chose de viable, ici, dès que l’ANPI t’a remis ta fiche circuit, tu deviens une vache à traire. Et tout le monde veut son seau de lait.

La mairie te taxe, la DGCCRF te visite comme si tu cachais des armes, les impôts t’alignent comme si tu gérais une multinationale. Même si tu n’as encore rien vendu, on t’explique que “c’est la procédure”. Et comme beaucoup ne connaissent pas leurs droits, ou n’ont pas de piston pour se défendre, tu peux te retrouver à fermer boutique ou à encaisser des amendes qui dépassent ton chiffre d’affaires.

Mais l’administration, ce n’est que le premier boss du jeu.
Viennent ensuite les clients.
Certains impolis, d’autres condescendants. Beaucoup pensent que consommer chez toi, c’est te faire une faveur. Que tu leur es redevable, et que tu dois presque t’excuser d’oser leur vendre un service. Parce que oui, ici, on a mal interprété l’expression “le client est roi”. On pense qu’elle donne droit au mépris, à la familiarité, au rabais systématique. Sauf que non. Un entrepreneur n’est pas ton larbin. Beaucoup sont diplômés, formés, passionnés. Ils ont fait un choix de cœur ou de raison. Ils méritent le respect, pas la condescendance.

Et puis il y a les saboteurs.
Ceux qui te mettent des bâtons dans les roues non pas parce que tu fais mal, mais parce que tu fais bien. Parce que tu proposes une solution simple, accessible, innovante. Et comme eux ont prospéré en embrouillant les gens, ta clarté les dérange. Alors on cherche un vice de forme, un manquement administratif, une faille dans ton parcours pour te faire tomber. Ici, réussir proprement, c’est presque suspect.

Tu proposes une application pour faciliter un service ? Tu deviens l’ennemi. Tu rends un processus transparent ? On crie au scandale. Parce que si tout devient fluide, les “mange-mille” ne peuvent plus mystifier les autres. Et plutôt que de s’adapter, ils préfèrent t’éliminer.

Et si tu as le malheur d’avoir du succès, prépare-toi à l’autre poison de notre époque : les rumeurs.
Il suffit qu’un inconnu sur Internet ne t’aime pas pour que ton nom devienne une cible. Faux avis, insinuations, calomnies… Et si ton entreprise en prend un coup ? Tant pis. Quand tu fermeras, ce seront les premiers à te dire : “Force à toi 🙏”. Hypocrisie 2.0.

Dans tout ça, tu continues.
Tu tiens ton salon de prothésie ongulaire, où tu sculptes des ongles pendant dix heures d’affilée. Tu tiens ton petit resto, où tu cuisines à feu doux tout en gérant les livraisons, les commandes, les pannes d’électricité et les clients qui veulent le menu à crédit. Tu vends tes habits, tu gères ton spa, tu proposes des services digitaux, tu formes d’autres jeunes. Bref, tu tiens la baraque. Même quand elle brûle.

Et oui, tout n’est pas parfait du côté des entrepreneurs non plus.
Certains ne sont pas professionnels. Certains livrent mal. D’autres ne respectent pas les horaires, ou confondent leadership et tyrannie. Il y a des managers toxiques, des abus internes, des caisses mal gérées. Mais ça, c’est un autre sujet. Et surtout, ce n’est pas une excuse pour écraser ceux qui, chaque jour, essaient de construire quelque chose à la sueur de leur front.

Entreprendre au Gabon, c’est un choix courageux.
C’est poser une brique là où tout le monde te dit que le mur va tomber.
C’est croire en ton rêve même quand tout pousse à l’abandon.
C’est créer de l’emploi, résoudre des problèmes, participer à l’économie locale avec les moyens du bord.
Et parfois, juste survivre, c’est déjà un exploit.

Alors, si on veut que les choses changent vraiment :
L’État doit accompagner au lieu d’étrangler.
Les clients doivent respecter au lieu de mépriser.
Les proches doivent soutenir au lieu de décourager.
Et nous tous, devons comprendre une chose simple :
Derrière chaque petite entreprise, il y a un rêve, un combat, un gagne-pain.

Et si on n’a rien de constructif à dire, qu’on apprenne simplement à se taire.

Je te dis tout

EntrepreneuriatGabonOpinion

Une mallette pleine de papiers

Je me suis récemment surpris à essayer de me souvenir des entrepreneurs que j’ai connus dans mon enfance. À vrai dire, il y en avait très peu. Très, très peu. Autour de moi, les modèles de réussite étaient clairs : obtenir un bon diplôme, intégrer la fonction publique ou une grande entreprise, et y faire carrière jusqu’à la retraite.

L’entrepreneuriat ? C’était un mot flou. Une idée un peu farfelue. Parfois même un synonyme d’échec.

Il faut comprendre le contexte. Le Gabon des années 80-90 baignait encore dans une relative opulence, soutenue par la manne pétrolière. Le pays offrait alors à une minorité des emplois stables, bien rémunérés, et surtout perçus comme des ascenseurs sociaux sûrs. Travailler à la SEEG, à la CNSS, ou au Trésor Public, c’était “réussir”. Dans l’imaginaire collectif, ce n’était pas seulement respectable, c’était rassurant. Quitter ces postes-là pour “se mettre à son compte”, c’était incompréhensible.

Je me souviens d’un ami de la famille. Il avait quitté un poste confortable à la SEEG – il était chef de service, ingénieur, cadre. Autant dire une valeur sûre. Il voulait “monter sa boîte”. Personne ne comprenait. À voix basse, certains le prenaient pour un fou, d’autres pour un flemmard qui ne voulait plus “se lever tôt pour aller bosser”.

Dans la famille, quelques oncles et tantes étaient “dans les affaires”. Mais on ne comprenait jamais vraiment ce qu’ils faisaient. Ils parlaient d’investissements, de “projets à venir”, de “rentrées d’argent” hypothétiques. Il y en avait un en particulier qui traînait toujours une mallette pleine de papiers. Il faisait le tour de la famille pour proposer d’investir dans son idée, sans que personne ne sache trop dans quoi il voulait vraiment se lancer. Pour les anciens, ce genre de profil n’était pas un entrepreneur, mais un rêveur, voire un parasite.

Et pourtant, derrière ces regards moqueurs ou méfiants, il y avait une autre réalité, beaucoup plus rude. Ces “entrepreneurs” tentaient d’exister dans un pays où le système ne leur laissait presque aucune chance. Il n’y avait ni structure d’accompagnement digne de ce nom, ni écosystème solide, encore moins de culture du risque ou de l’innovation. Il fallait se battre contre l’administration, la lenteur des processus, le manque de financements, et l’absence totale de reconnaissance sociale.

Aujourd’hui encore, malgré les discours sur “l’auto-emploi” et “la jeunesse entreprenante”, cette perception persiste. Être entrepreneur au Gabon, c’est souvent être regardé avec suspicion, comme si c’était un plan B pour ceux qui n’ont pas trouvé de “vrai travail”.

Mais peut-être que notre génération peut changer cette image. En racontant nos histoires. En valorisant nos parcours, nos réussites comme nos échecs. En montrant que ce qu’on appelle “l’entrepreneuriat” n’est pas une fuite, mais une construction – parfois chaotique, souvent solitaire, mais profondément nécessaire.

Je te dis tout

DigitalGabon

Quand les Gabonais ne sont pas assez bons pour l’État

Tu es tranquille pour toi dans ton coin en train de chercher les marchés à la loupe et là tu lis dans les médias que le gouvernement est en train de vouloir digitaliser les services publics. On ne peut que se réjouir d’une telle nouvelle quand on est une jeune entreprise locale qui opère dans le milieu. On se dit que c’est l’opportunité de faire un peu de chiffres et peut-être manger à sa faim désormais. Peut-être quitter chez les parents qui supportent nos projets depuis qu’on a décidé de se lancer… Mais niet ! Les Gabonais ne sont pas assez bons pour le Gabon.

Comment expliquez-vous qu’après avoir payé des bourses à des étudiants dans des domaines comme les technologies de l’information, par exemple, l’Etat lui même snobe ses propres rejetons pour aller chercher des expertises qui existent localement en dehors du pays ? C’est à n’y rien comprendre. Pourquoi payer pour la formation de personnes qu’on ne veut pas utiliser ? Nous avons plusieurs entreprises dans la digitalisation des services qui ont du mal à joindre les 2 bouts faute de contrats. Non pas qu’elles soient incompétentes mais le parcours du combattant qui leur est imposé n’a simplement pas de sens. 

Déjà, je me rappelle de l’appel d’offres pour la Banque pour le Commerce et l’Entrepreneuriat du Gabon (BCEG) qu’on a pu voir sur les réseaux sociaux :

  • L’offre n’a été disponible que pendant 1 jour au public… On dirait qu’elle a été supprimée après
  • Il fallait soumissionner dans le délai d’une semaine 
  • Aucun cahier de charges n’a été fourni
  • Ils n’ont même pas pris la peine de répondre aux emails envoyés

Voilà déjà les conditions de travail en partant. Ceux qui ont déjà répondu à un appel d’offres savent le travail que ça demande. Parfois il faut même régulariser sa situation en tant qu’entreprise (c’est faisable en 1 semaine en général). Et finalement, il faut constituer le dossier de candidature qui comporte en général : une solution technique, une solution financière ainsi qu’une description de votre entreprise. Le dernier est le plus simple. Toute entreprise sérieuse a forcément une description de ce qu’elle fait. Pour les 2 autres éléments, il faut TRAVAILLER. Et croyez-moi, 2 jours ce n’est pas suffisant DU TOUT

Une fois cela dit, lorsqu’il y a des appels d’offres, certains sont critères sont clairement discriminants pour nos jeunes entreprises.  « L’entreprise a déjà réalisé ce type de solution pour un gouvernement : 20 points » 🫠 En gros, on nous demande d’être des entreprises d’envergures internationales alors que la plupart d’entre nous est jeune et juste au niveau de startup nationale qui n’arrive pas à décoller à cause de carnets de commandes vides. Comme pour les BTP, et aussi pour des questions de sécurité évidente, le Gouvernement devrait privilégier les entreprises locales

L’utilisation d’une application développée à l’étranger, c’est un cas que l’on connait bien dans certains ministères :

  • L’application ne matche pas avec l’utilisation qu’on en fait localement
  • Elle nécessite des modifications coûteuses qu’il faudra maintenir
  • Elle est susceptible de diverger de sa version de base et de devenir ingérable par le fournisseur
  • On observe une augmentation des risques d’Anomalies + un temps de correction forcément plus grand car les ressources ne sont pas sur place
  • Le fournisseur n’est pas toujours transparent sur les processus. J’ai vu une fois une application mise à jour pendant qu’on travaillait dessus. Puis crasher parce que la mise à jour avait échoué.

L’impact sur le travail ? On se retrouve avec des usagers qui ne comprennent rien à l’application pour laquelle la formation (souvent chère) ne peut-être faite qu’avec des formateurs qui sont moins disponibles. La prise en main est donc longue et parfois déléguée aux Informaticiens alors qu’elle est réservée à des Administrateurs (problème de sécurité là aussi). Concernant les coûts, on ne va pas se mentir. J’ai vu des applications facturées des MILLIARDS où une entreprise gabonais ne demandait pas le 1/5e. Inquiétant. 

Tout ça pour dire, je ne sais pas si c’est un problème de compétences réellement ou un manque de confiance entre nous mais avec des entreprises comme CAPAY, POSI, et j’en passe, il y a moyen de confier certains projets aux Gabonais en toute confiance SI au lieu de donner les marchés aux petits copains incompétents, on essayait de voir qui réellement réalise ses projets de bout en bout. Donnez-nous notre chance, on n’est pas pire que les autres. 

Je te dis tout