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Inclusion, oui ! Mais pas avec tout le monde ! Ça, non !

Jonathan Ignoumba. Hier dans l’ombre d’Ali Bongo, aujourd’hui assis confortablement dans le bureau du pouvoir de transition. Député bien casé, promu Haut-commissaire après une démission digne d’un soap télé, et maintenant Haut Représentant Personnel du Président.

Nouveau Président… mais c’est toujours les mêmes têtes. On dirait que le tiroir politique du pays ne contient que dix noms qu’on ressort à tour de rôle.

Et nous, on regarde. On regarde, impuissants, ce cirque qui tourne depuis trop longtemps. On nous avait vendu la rupture, mais le vieux disque a juste changé de pochette. Pendant que les braquages se multiplient, que les familles dorment la peur au ventre, que le panier de provisions devient un luxe… eux se passent les fauteuils comme on se passe un verre au comptoir.

Ignoumba, c’est l’école de l’opportunisme. Un jour au PDG, le lendemain ailleurs, puis de retour au PDG, et aujourd’hui collé à la chaise du pouvoir de la transition. Rien à voir avec les compétences, tout à voir avec le carnet d’adresses. Comme le disait Harold Leckat, ce sont ces alliances contre-nature qui maintiennent le pays « au bord du gouffre ».

Et bientôt, on va nous dire : “Allez voter !” Choisir ? Choisir entre qui ? Entre ceux qui se partagent le gâteau depuis des années ? Entre ceux qui changent de camp comme on change de chemise pour rester près du buffet ? Entre ceux qui hier défendaient le système et qui aujourd’hui se font passer pour des saints ?

Et puis on va nous parler “d’inclusion”. Inclure qui ? Pourquoi ? Quand on invite le bourreau à sa table alors qu’il vient de pendre notre chef de famille, c’est peut-être juste pour apprendre ses techniques de nœuds… ceux qu’il utilisera demain sur d’autres. Il n’a pas sa place à notre table, point. Voilà le problème : on ne veut pas inclure de nouvelles têtes, pas par manque de choix, mais parce que l’entre-soi protège les mêmes poches. Pourtant, les nouvelles têtes, si elles sont bienveillantes, devraient vouloir contenter le peuple. Et si elles se mettent à se servir, on peut les virer.

C’est ça qu’il faut comprendre pour la suite. À l’approche des législatives, voter pour quelqu’un dont on sait qu’il a spolié le peuple, qui n’a été que l’écho du gouvernement au lieu d’en être le contrepoids, c’est un problème. On doit changer notre logiciel. Sinon, peu importe le discours, peu importe la couleur du bulletin… on restera toujours enchaînés à la même corde.

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CultureGabon

« Je la donne, je la parle, je lui trahis » — Et alors ?

« Je la donne, je la parle, je lui trahis. » Ce genre de phrases, on les entend partout : dans les rues de Libreville, dans les taxis, dans les salles d’attente, et même à la télé. Elles font partie de notre quotidien. Mais bizarrement, dès qu’on les relève, c’est souvent pour s’en moquer.

Moi-même, je l’avoue : j’ai longtemps été de ceux qui corrigeaient, qui levaient les yeux au ciel, qui soupiraient à chaque « je vais au Gabon demain matin là ». Jusqu’à ce qu’on me fasse remarquer que ce que je croyais être de « l’éducation » était en fait souvent du mépris.

Parce que oui : ces phrases, ces tournures, ces fameux barbarismes qu’on stigmatise tant — je lui trahis, elle m’a donné la faim, il m’a insulté à moi là — sont peut-être fautives selon la grammaire académique française, mais elles sont surtout vivantes, populaires, et identitaires. Elles disent qui nous sommes, d’où l’on parle. Elles disent notre rapport au français, langue héritée, langue imposée, mais aussi langue réappropriée.

Et ce phénomène n’est pas propre au Gabon. Au Québec par exemple, on parle fièrement de chemises carreautées (et non carrelées), et on dit « je m’en va chez nous » plutôt que « je vais chez moi » — ou, mieux encore, « je rentre chez moi ». Ce n’est pas une faute pour eux, c’est leur français, leur manière de parler, de se situer dans le monde. Et personne ne remet leur intelligence en question à cause de ça.

Alors pourquoi nous, chaque fois que nos particularismes linguistiques s’expriment, on s’empresse de les cacher ? Pourquoi ce besoin quasi pavlovien de corriger ceux qui disent « il m’a insulté à moi là » ? Pourquoi ne pas reconnaître qu’il existe un français gabonais, comme il existe un français québécois, ivoirien, ou sénégalais ?

Bien sûr, il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut pas apprendre le français académique. Il faut le maîtriser, surtout dans un monde où il reste encore (hélas) une clé d’accès à l’emploi, à la reconnaissance. Mais il faut pouvoir le faire sans mépriser nos façons de parler, sans renier nos rythmes, nos structures, nos expressions. Le bilinguisme, c’est aussi ça : parler plusieurs registres, plusieurs langues, sans avoir honte de l’une pour valoriser l’autre.

Alors oui, peut-être que je la donne, je la parle, je lui trahis, ce n’est pas académique. Mais c’est nous. Et ça mérite d’être compris, exploré, transmis — pas effacé.

Je te dis tout

DroitsFemmesGabon

C’est le 8 mars, offrez nous des fleurs

Je crois qu’il est grand temps d’aller au-delà de la sacro-sainte phrase « ce n’est pas la fête des mères mais la journée internationale des DROITS des femmes » .

Le 8 mars, Journée internationale des droits de la femme, comme d’habitude, a été le temps pour celles qui travaillent de se faire un restaurant entre femmes de l’entreprise, écouter d’autres femmes parler de leurs problèmes de couple, des challenges qu’elles rencontrent en tant que femmes actives, remercier les dames (1ères et ex æquo ?) et autres femmes qui gravitent dans la sphère politique pour leur digne représentation de la femme gabonaise.

On a dit qu’on ne critique pas, alors, oui, ce n’est déjà pas mal. Il faut reconnaître que la femme gabonaise s’exprime, « elle a la bouche » comme on dit chez nous. Il faut reconnaître qu’il existe des textes, des textes qui depuis peu condamnent le harcèlement sexuel au travail (Messieurs, oui, nous savons que les chacalas existent aussi, mais ce n’est pas le sujet), des textes qui favorisent l’inclusion de la femme en société, des textes, décriés de toutes et tous, qui donnent à la femme, le statut de chef de famille au même titre que son conjoint.

Les textes existent, les marches et autres types de soutien aussi. Mais après, quel en est le bilan ?

J’ai envie de m’étendre sur le sujet, mais je ne suis même pas sûre que cela intéresse qui que ce soit. Je vais donc me contenter de jeter un pavé dans la mare et poser quelques questions :
Est-ce qu’on sait si les femmes, lorsqu’elles sont victimes d’agression sexuelle, connaissent leur droit et se sentent libres de porter plainte ? Lorsqu’elles le font, est-ce qu’on parle de la manière dont ces plaintes sont accueillies et de leur issue ?
Est-ce qu’on sait si les femmes souhaitent que l’on retouche, de manière plus approfondie (parce que cela a déjà été fait) le texte sur l’avortement ? Ne devrait-on pas lancer un débat de société quand on connaît la pratique récurrente du sac poubelle où l’on balance neuf mois de souffrance ? Est-ce qu’on évoque le jeu hypocrite des autorités qui savent bien qu’on pratique des avortements clandestins, à tout coin de rue et même dans les cliniques les plus honorables de la capitale ?
Est-ce qu’on se demande comment une femme salariée du privé vit durant ses trois mois de congé maternité, privée de son salaire parce que la CNSS doit prendre le relais ? Cette même CNSS dont le remboursement pourrait contribuer aux frais d’université de l’enfant, tant il arrive tard.
Est-ce qu’on se demande si la tradition du père qui fait épouser ses enfants et les enterre n’est pas un peu déplacée (le mot est doux) dans un monde où la femme battante (qui se débrouille seule face à son ex-amant démissionnaire) a été érigée en norme ?
Enfin, de manière générale, est-ce qu’il ne serait pas judicieux de se dire que notre société matriarcale sur fond d’empreinte coloniale est souffrante, en perte de repères, et que peut-être, en écoutant les maux de Vénus, nous parviendrons à créer une meilleure Terre gabonaise pour tous ?

Le 8 mars n’est pas une journée de fête, c’est un jour qui, dans un pays en construction, doit faire mal, doit réveiller les souffrances endormies, bousculer les hypocrisies entendues et chercher des solutions réelles.

Pensons-y en offrant et en acceptant les fleurs.

Je te dis tout