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Le marché de l’emploi au Gabon : Que de Rêves Brisés

Au Gabon, la quête d’un emploi est souvent une véritable épopée semée d’embûches. Pour nombre de jeunes professionnels, elle se solde par des rêves brisés. Derrière chaque curriculum vitae se cachent des aspirations profondes, des sacrifices, des années d’études et de travail acharné, ainsi que l’espoir sincère d’une carrière épanouissante. Malheureusement, la réalité du marché du travail gabonais peut rapidement transformer ces rêves en de profondes désillusions.

Il y a de fortes chances que beaucoup d’entre vous se souviennent d’une vidéo devenue virale. Celle que j’ai postée sur tous mes réseaux sociaux le 22 septembre 2023 – une date que je garde gravée en tête, haha – alors que je venais de démissionner. Je criais de toutes mes forces : « Je suis au chômage !!! », alors que j’étais encore sur le pas du portail de mon ancien employeur. Si beaucoup m’ont félicitée, d’autres se sont étonnés de me voir célébrer ce nouveau statut avec autant d’entrain. Pourtant, près de deux ans plus tard, et bien que je n’avais ni projets ni solution de rechange à l’époque, je ne regrette absolument pas mon choix.

Comme moi, beaucoup de jeunes ont commencé leur parcours professionnel avec l’excitation de rejoindre une entreprise de renom, un idéal longuement nourri. Je ne citerai aucun nom aujourd’hui – je n’ai pas d’argent pour me prendre un avocat – mais quand j’ai commencé dans le monde du transport d’hydrocarbures, l’entreprise que j’ai quittée en 2023 était mon rêve. Je voulais tellement l’intégrer pour y apprendre et la faire profiter de ma petite expérience. Quand après avoir entendu mes échos, ils ont fini par me proposer un emploi, le rêve est devenu réalité… Mais il a très vite viré au cauchemar. Environnement de travail toxique, harcèlement moral, propos dégradants et racistes, pression excessive, manque de reconnaissance. Ai-je encore besoin de vous dire que les conséquences sur ma santé mentale ont été lourdes ??? Si lourdes que j’ai fini par développer une véritable phobie du travail.

Pendant les six mois que j’ai fait au chômage, je ne parvenais ni à postuler spontanément, ni même à répondre à des appels à candidature sans en avoir l’esprit retourné. Le travail, cette activité censée apporter sécurité et épanouissement était devenue une source d’angoisse profonde.

Après de telles épreuves, se reconstruire est un défi. On cherche un nouveau départ, une entreprise qui semble « raisonnable » à première vue. On espère y trouver un refuge, un lieu où l’on pourra enfin s’épanouir, mettre de l’argent de côté, se projeter. Pourtant, même dans ces contextes, les difficultés organisationnelles quotidiennes peuvent étouffer toute tentative d’épanouissement. Un manque de clarté dans les rôles, une surcharge de travail, une communication interne défaillante, ou encore une absence de perspectives d’évolution peuvent transformer un environnement de travail a priori sain en un lieu de stagnation, voire de régression.

À ces défis s’ajoute une problématique encore plus insidieuse : celle de la rémunération. Dans de nombreuses entreprises gabonaises, le versement des salaires est loin d’être une certitude à la fin du mois. Les retards sont monnaie courante, plongeant les employés dans une précarité financière constante. Pire encore, le salaire est parfois utilisé comme un véritable moyen de pression par les employeurs, brandi comme une épée de Damoclès pour exiger une obéissance aveugle, une disponibilité sans limite, ou pour dissuader toute contestation des conditions de travail. Cette instrumentalisation du revenu essentiel à la survie de chacun est non seulement inacceptable, mais elle accentue la vulnérabilité des travailleurs, les privant de toute marge de manœuvre et de dignité.

À un moment, je me suis dit que c’était peut-être moi le problème, outrée par ce que je vis depuis bientôt une dizaine d’années que je suis diplômée. Les entreprises que j’ai fréquentées se trouvent être pires les unes que les autres, et ce n’est pas faute d’avoir cherché mieux, c’est juste qu’il ne semble avoir que ça… Mais je suis certaine que si tu vis au Gabon, que tu y travailles depuis quelques années, tu peux toi aussi raconter ton histoire en utilisant mes mots. Beaucoup n’osent pas, ils se taisent de peur de perdre leur bout de pain, de n’avoir plus rien, parce que de toute façon, « On va encore faire comment ? »… Face à ces abus et ces injustices, les recours sont rares et souvent inefficaces. L’Inspection du Travail, censée être le garant du respect du Code du Travail, se révèle bien souvent impuissante ou partiale. La Fonction Publique ne recrute pas, enfin, si… mais il faut être bien né. Avoir un parent, un oncle par alliance ou un bon grand des bons petits pour se voir octroyer un poste au sein d’une administration publique.

Et c’est dans ces conditions que parallèlement, un discours récurrent émane de l’État : celui qui reproche aux jeunes Gabonais de s’expatrier ou ceux partis étudier à l’étranger, particulièrement en Occident, de ne pas revenir au pays. On les exhorte à mettre leurs compétences au service de la nation. Cependant, ce reproche sonne creux lorsque l’on constate qu’aucune mesure concrète n’est mise en place pour les accueillir et les intégrer dignement à leur retour. Qu’il s’agisse de l’accès à l’emploi, de la valorisation de leurs diplômes ou de la création d’un environnement propice à l’innovation, le vide est flagrant. Taxis, tricycles et box de commerce semblent être la solution ultime pour nos dirigeants… Et détrompez-vous, pour avoir fait plein de petits boulots pendant toutes les années où je recherchais du travail, je sais qu’il n’y a pas de sots métiers. Mais je suis aussi persuadée que peu de ceux qui, après avoir investi des années et des ressources considérables dans leur formation, se retrouvent face à ces seules propositions peuvent s’en satisfaire.

Comment peut-on blâmer quelqu’un de ne pas revenir quand le pays ne lui offre ni perspectives ni sécurité ?

Ces expériences répétées forgent une réalité où l’emploi n’est plus synonyme de croissance personnelle et professionnelle, mais plutôt de survie. Les compétences acquises se fanent, l’enthousiasme initial s’éteint, et la passion pour le métier s’effrite. Les rêves de contribution significative, d’innovation et de progression se heurtent à un mur de contraintes structurelles, de gestions parfois archaïques, et d’un environnement légal qui ne protège pas toujours les plus vulnérables.

On nous taxe de paresseux ; il semble qu’aucun de nous ne veuille travailler ou n’aime le faire. Mais comment parvenir à aimer travailler quand on subit du harcèlement, quand le salaire n’arrive pas, ou quand ledit travail ne permet pas de maintenir sa santé, celle des personnes à sa charge, ou sa dignité ? Il est temps de se poser les bonnes questions et de chercher à redonner espoir à cette jeunesse gabonaise pleine de potentiel. Comment transformer ce tableau sombre en une opportunité de croissance et d’épanouissement pour tous ? La réforme des pratiques de gestion, l’investissement dans des environnements de travail sains, la mise en place de mécanismes efficaces pour le paiement des salaires, un réel plan d’intégration pour les diplômés de la diaspora, et une Inspection du Travail impartiale et accessible à tous sont des étapes cruciales pour panser ces rêves brisés et en forger de nouveaux, plus solides et plus prometteurs.

La Fière Trentenaire 😘

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EntrepreneuriatGabon

« Demande-toi ce que tu fais pour ton pays », Puis quoi encore ?

C’est souvent ce qu’on nous balance dès qu’on ose rappeler à l’État ses responsabilités. Comme si les impôts et les taxes collectés ne servaient qu’à nourrir une oligarchie, pendant que le reste du peuple peine à respirer.

Cette phrase est tellement ancrée dans notre culture que beaucoup, aujourd’hui, ne réclament plus rien à l’État. Pire : ils reprochent à ceux qui connaissent leurs droits et osent les revendiquer, d’en demander trop.

On nous répète que si ce que l’État propose ne nous satisfait pas, alors on n’a qu’à le créer nous-mêmes, avec les miettes qu’il nous reste. Et pourtant, certains continuent d’essayer, avec presque rien, de bâtir quelque chose pour leurs compatriotes — que ce soit des emplois, des espaces culturels ou de simples moments de respiration collective.

Mais au lieu de reconnaître les échecs et de corriger le tir, l’État persiste dans la gabegie : il offre des véhicules hors de prix à certains, pendant qu’il supprime les bourses, en invoquant un prétendu manque de moyens.

Et lorsque certains arrivent à s’en sortir malgré tout, l’État revient les taxer, comme s’il avait été là au départ. Beaucoup finissent par abandonner, lessivés par un système qui ne leur donne rien mais leur prend tout.

Et puis il y a ce paradoxe : on te dit de « faire pour ton pays ». Très bien. Mais quand tu t’y essaies, l’État devrait t’encourager. Au lieu de ça, ce sont parfois les mêmes hauts cadres, gonflés de salaires et d’avantages, qui se transforment en concurrents directs, en utilisant les moyens publics pour tuer dans l’œuf ce que d’autres essaient de construire à la sueur de leur front.

C’est ça, aussi, le découragement.

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GabonPolitiqueSociété

Médaille pour rien : bienvenue en République du piston

À force de distribuer des médailles comme des bonbons à la kermesse, on
finit par croire que l’excellence est une question de proximité, pas de mérite.
Et voilà qu’on épingle du ruban sur des vestes repassées pour l’occasion, sans
que le moindre pli de sueur n’y ait jamais laissé sa trace.

Avant tout, il faut respecter nos intelligences. Nous ne sommes pas vos enfants maboules qui acceptent tout.

À force de distribuer des médailles comme des bonbons à la kermesse, on
finit par croire que l’excellence est une question de proximité, pas de mérite.
Et voilà qu’on épingle du ruban sur des vestes repassées pour l’occasion, sans
que le moindre pli de sueur n’y ait jamais laissé sa trace.

Comment expliquer qu’en moins d’un an de service, certains ministres –
fraîchement sortis de l’œuf administratif – se retrouvent déjà décorés comme
s’ils avaient sauvé la République d’une guerre civile, redressé l’économie et
alphabétisé trois générations ? Ce n’est plus une République, c’est un jeu
concours.

Des médailles pour services… rendus à qui ?

On ne décore plus ceux qui transforment, réparent, bâtissent. Non. On
décore ceux qui plaisent, qui savent dire “oui monsieur”, “oui madame”, et
surtout “oui excellence” avec la juste intonation. L’efficacité n’est plus un
critère. La loyauté aveugle, si.

Le peuple, lui, regarde ça, médusé. Les vraies décorations, celles qui
devraient être données aux enseignants des zones enclavées, aux médecins
des dispensaires sans électricité, aux agriculteurs qui nourrissent le pays avec
rien… celles-là attendront. Elles ne sont pas dans le bon carnet d’adresses.

La République des copains et des coquins

On récompense l’inertie bien habillée. Le silence complice. L’incompétence
bien entourée. Le mérite est devenu ringard, l’engagement un gros mot, et le
peuple, un décor de fond qu’on ne consulte qu’en période électorale – ou
pour les photos.

Mais la médaille, en théorie, symbolise l’honneur. Dans notre cas, elle est en
train de devenir le marqueur du ridicule. Une insulte silencieuse au bon sens
et au vrai travail.

Alors non, nous ne sommes pas dupes.

Ce n’est pas parce que vous avez collé une épingle sur le revers d’un
costume que vous avez décoré une conscience. Ce n’est pas parce qu’on
vous a applaudi dans une salle climatisée que vous avez le respect de ceux
qui crèvent dehors. Et ce n’est certainement pas parce que vous avez votre
portrait dans un bureau que vous méritez d’être appelé serviteur de l’État.
Il serait peut-être temps de revoir les critères. Ou au moins d’assumer que
cette République aime ses enfants dociles, pas ses enfants brillants.

En attendant, pour beaucoup, la seule médaille qu’ils méritent vraiment…
c’est celle du silence.

Je te dis tout

ConteGabon

La Savane en Ordre

Dans le royaume de la Grande Savane, on venait tout juste de festoyer. L’intonisation du nouveau roi avait été un moment grandiose. On avait dansé, chanté, mangé jusqu’à plus soif. Tout le monde semblait heureux. Ou du moins, tout le monde faisait semblant.

Mais à peine les tambours rangés, le roi convoqua ses hyènes. “Il est temps de faire le ménage.” Les hyènes, toujours promptes à bien se faire voir, hochèrent la tête avec un zèle peu rassurant. Sans demander plus de précisions, ou peut-être en ayant très bien compris les sous-entendus, elles se mirent à quadriller la savane.

Leur mission ? Ranger. Leur méthode ? Chasser.

Ce sont d’abord les antilopes qu’on somma de déguerpir. Trop nombreuses, pas assez utiles, pas dans le bon coin. Certaines avaient pourtant grandi là. D’autres avaient même reçu autrefois l’autorisation des anciens rois de bâtir leur terrier près des baobabs. Mais l’époque avait changé.

Tu vis ici ? Et à quoi sers-tu exactement ?” lança une hyène en déchirant une paillote. Être antilope ne suffisait plus. Il fallait maintenant justifier son utilité dans la savane. Les plus lentes furent délogées sans autre forme de procès. Les plus rapides coururent, non pas pour survivre, mais pour sauver leur case, leur marmite, leur souvenir.

Pendant ce temps, les hyènes se servaient. Elles arrachaient les toitures, transportaient les pierres, prenaient le peu qu’il restait aux antilopes — tout en répétant que *“le roi l’a demandé”*. Et puisque le roi, du haut de sa termitière dorée, ne disait mot, chacun comprit qu’il consentait.

Le peuple se taisait.

Ou murmurait seulement.

Et dans le silence, une nouvelle règle s’imposa : ici, désormais, seuls les forts restent. Les autres, qu’ils déguerpissent.

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GabonLibrevilleLogementOpinion

Le premier rôle de l’État est de protéger les citoyens.

Il serait peut-être temps que notre gouvernement revienne à cette évidence. On ne peut pas maltraiter le peuple en exerçant le pouvoir « pour son bien ». Diriger, ce n’est pas improviser dans l’urgence. C’est prévoir, anticiper, organiser. C’est surtout éviter que des milliers de citoyens se retrouvent, du jour au lendemain, dans la précarité la plus totale.

Le sujet brûlant du moment, c’est le déguerpissement de certaines zones urbaines. On parle de plus de 1 000 familles qui se retrouvent sans toit.

Bien sûr, on peut rester sur le terrain administratif et discuter des modalités : ont-elles été prévenues ? Ont-elles été indemnisées ? Mais cette focalisation, en réalité, en arrange beaucoup. Elle permet de gagner du temps. De détourner l’attention de ce qui devient une urgence humanitaire vers une querelle bureaucratique sur des documents que personne ne retrouvera jamais.

Et on le sait : même si des erreurs sont reconnues, aucun fonctionnaire ne sera sanctionné. Le vrai problème — celui du relogement, celui de la planification, celui de la dignité humaine — restera sans réponse.

Pire : il est même susceptible de créer de nouveaux désastres. En l’absence d’une politique claire et ambitieuse en matière de logement social, ce genre d’opérations ne fait que repousser le problème ailleurs. On détruit d’un côté, et de l’autre, des bidonvilles se reforment. En silence. À la hâte. Par nécessité. Parce que depuis des années, la demande explose, et l’offre, elle, ne suit pas.

Alors, quelle est la réponse du gouvernement face à cette détresse humanitaire ?

Si vous l’avez entendue, n’hésitez pas à la partager. Pour ma part, je ne vois rien de bon pour ces personnes désormais en errance, poussées à la rue pour des raisons plus esthétiques qu’humaines.

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GabonSociété

La gentillesse du voleur

Il existe une phrase qu’on entend souvent dans les milieux professionnels au Gabon : « Il était gentil. »
On parle ici d’un supérieur, d’un chef de service, d’un directeur… quelqu’un dont tout le monde sait qu’il détourne des fonds ou abuse de son pouvoir. Pourtant, on choisit de le défendre sur la base de ce qu’il “partageait” avec ses collaborateurs. Il donnait un peu, donc il était “gentil”.

Ce genre de remarque illustre un problème plus large : la normalisation de la corruption dans la société gabonaise. Au lieu d’être dénoncée, elle est parfois valorisée, tant qu’elle profite à ceux qui en parlent. C’est un symptôme d’un mal plus profond : la corruption n’est plus perçue comme un vol, mais comme une forme de générosité quand elle est redistribuée.

Une réalité présente, mais jamais confrontée

La corruption est omniprésente dans la vie quotidienne au Gabon. Mais elle est aussi profondément enfouie dans le silence collectif.
C’est l’éléphant dans la pièce : tout le monde la voit, tout le monde en souffre ou en profite, mais personne ne veut en parler. C’est devenu un fait acquis. Un rouage du quotidien.

Quand on évoque la corruption, on pense souvent aux responsables politiques, aux ministres ou aux directeurs d’administrations. Mais cela ne s’arrête pas là. Ce serait une erreur de croire qu’elle ne concerne que les élites. Au contraire, elle est aussi horizontale. Elle traverse toutes les couches sociales.

Des petits arrangements entre collègues, des dessous-de-table pour débloquer un dossier, un billet glissé pour accélérer une procédure, un étudiant qui paie pour obtenir une note : ce sont des pratiques courantes. Elles impliquent des citoyens ordinaires, qui, à leur niveau, participent au maintien du système.

Une culture du contournement

La corruption ne choque plus. Elle est intégrée.
Elle a même ses propres codes et son langage. On ne parle jamais de pot-de-vin ou de corruption. On dit plutôt qu’il faut “motiver quelqu’un”, “faire un geste”, “donner le coca”. Ce sont des expressions qui adoucissent la réalité, qui permettent de continuer sans trop se poser de questions.

Ce n’est pas seulement une façon de parler : c’est une manière de rendre acceptable l’inacceptable. En évitant les vrais mots, on évite de confronter la gravité des actes.

Et ce système devient vite la norme. On s’adapte, on apprend à faire “comme tout le monde”, et très vite, la corruption n’est plus une exception : c’est la condition nécessaire pour obtenir ce qui, en principe, devrait être un droit.

La banalisation du mal

Ce qui est encore plus préoccupant, c’est que cette réalité est justifiée au quotidien.
Par exemple, lorsqu’on apprend qu’un fonctionnaire s’est enrichi de manière suspecte, on entend souvent :
« Oui, mais au moins il a construit chez lui. »

Autrement dit, tant que l’argent volé a servi à bâtir une maison dans le quartier ou à organiser des funérailles pour les parents, cela rend le détournement plus acceptable. Comme si le fait de “partager” une partie des gains illicites suffisait à effacer la faute.
Ce renversement des valeurs est dangereux, car il installe l’idée que le vol peut être excusé, à condition qu’il soit “utile”.

Pire encore : les personnes enrichies par la corruption deviennent des modèles.
Elles sont respectées, valorisées, parfois même enviées. On ne regarde plus les moyens, on ne juge que le résultat.

Un système sans visages… mais avec des victimes

L’un des éléments qui expliquent la tolérance vis-à-vis de la corruption, c’est l’absence apparente de victimes.
Lorsqu’un billet est donné pour débloquer une situation, cela paraît anodin.
Mais les conséquences sont bien réelles.

Quand une retraite n’est pas versée, c’est un ancien qui souffre dans l’ombre.
Quand un hôpital ne dispose pas du matériel nécessaire, ce sont des vies qui sont perdues.
Quand un enseignant n’est pas payé, l’école se vide et l’avenir des enfants s’assombrit.
Quand un jeune ne trouve pas de travail faute de réseau, c’est toute une génération qu’on bloque.

Ces victimes ne sont pas toujours visibles, mais elles sont nombreuses.
Et chaque petit “coca”, chaque faveur échangée, participe à une mécanique qui produit ces injustices.

Une société guidée par l’argent

L’amour de l’argent, au Gabon, est tel qu’il devient une boussole sociale.
On pardonne tout à ceux qui en ont. On les admire. Même si cet argent est mal acquis.

Les gens veulent réussir, et la réussite est définie par le confort matériel.
Pas par l’intégrité, pas par la compétence.
Simplement par ce que l’on possède et ce que l’on peut afficher.

Ce glissement est lourd de conséquences : il empêche l’émergence de nouveaux modèles. Il décourage ceux qui veulent faire les choses correctement. Il alimente un climat de cynisme où l’idée de justice devient une blague.

La vraie question

Face à tout cela, une question s’impose :
Quel type de société voulons-nous construire ?

Une société où l’on s’en sort mieux en trichant ?
Une société où l’on protège les voleurs s’ils partagent un peu ?
Une société où la loi est secondaire, tant que l’on peut “arranger” ?

La corruption ne détruit pas seulement les institutions.
Elle détruit le lien de confiance entre les citoyens, et donc les fondations mêmes du vivre ensemble.
Elle rend les règles injustes. Elle pousse les gens à penser qu’il faut tricher pour survivre.

Tant que ce système sera toléré, encouragé, ou simplement ignoré, nous ne pourrons pas avancer.
Et ce ne sont pas les dirigeants seulement qu’il faudra pointer du doigt.
Ce sera chacun d’entre nous, dans nos choix, nos silences, nos petits arrangements.

Je te dis tout

ConteGabonSociété

La Révolte des Antilopes

Dans la vaste savane où régnait depuis des générations le vieux Lion Bongoloss, les antilopes vivaient sous le joug d’un règne sans pitié. Traquées, affamées, elles espéraient un jour voir tomber ce trône où seuls les fauves du clan Bongoloss avaient droit de régner.

Un jour, parmi elles, se levèrent de jeunes antilopes, fougueuses et pleines d’espoir. Elles parlèrent haut et fort, dénoncèrent les injustices et promirent qu’une fois le Lion chassé, la savane ne serait plus un lieu de peur mais un royaume de justice.

Les autres antilopes crurent en elles. Elles leur donnèrent leur confiance, leur courage et même leur voix, les poussant au sommet du rocher des chefs.

Et le vieux Lion tomba.

Mais à peine installées sur les hauteurs, ces jeunes antilopes changèrent. Leurs regards devinrent fuyants, leurs discours plus distants. Elles qui hier encore marchaient parmi leurs sœurs, ne daignaient même plus les voir.

Pire encore, elles s’entourèrent des hyènes qui hier les effrayaient tant. Elles festoyaient à leurs côtés, riaient avec elles, partageaient leur gibier.

Et lorsqu’une antilope osa leur rappeler leurs promesses, on l’accusa d’être naïve, de ne rien comprendre aux lois de la savane. On la tourna en dérision.

Regardez ces folles, ricanaient-elles depuis leur trône. Elles croient encore à la loyauté en politique !

Mais dans l’ombre des hautes herbes, les antilopes observaient. Elles n’étaient ni folles ni aveugles.

Elles voyaient bien que celles qu’elles avaient portées au sommet n’étaient plus des leurs. Elles n’étaient plus que des roitelets assis sur un pouvoir prêt à dévorer les leurs au moindre mot de travers.

Alors, les antilopes murmurèrent entre elles :

Nous les combattrons, tout comme nous avons combattu le vieux Lion.

Mais à une différence près : nous ne nous laisserons pas corrompre. Nous ne nous perdrons pas comme elles l’ont fait. Nous ne trahirons pas notre combat.

Et tandis que les hyènes et les nouvelles reines de la savane festoyaient sous la lueur de la lune, dans l’ombre, les antilopes se préparaient déjà.

Car une chose était sûre : rien ne dure éternellement dans la savane.

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GabonOpinion

Je me sens doublement volé

J’aurais pu écrire cet article plus tôt mais il aurait fallu alors que j’ai une boule de cristal pour voir ce que je ne voulais pas. J’ai été optimiste le 30 août 2023 et je n’ai aucun regret de l’avoir été. Aujourd’hui pourtant, un peu plus d’un an plus tard, c’est le coeur lourd que je me réveille en pensant à ce pays.

Je ne sais pas si vous vous rappelez de la campagne pour les élections présidentielles 2023. Les plaies qui n’avaient jamais été refermées plus béantes que jamais. Le PDG tout puissant et ses alliés qui narguaient un peuple en colère. Des menaces, des injures et parfois même des emprisonnements… Pas de mort cette fois-ci grâce au « coup de Libération » du CTRI. Voilà l’issue heureuse de décennies de gabegies financières, mauvaise gestion (appelée plus couramment détournements) et injustices dont souffraient les Gabonais. Nous étions libérés… DU PDG !!! Du moins c’est ce que nous pensions…

Seulement, l’Histoire ne s’arrête pas là et c’est là tout le problème. Si on remercie le CTRI d’avoir empêché l’accession au pouvoir par la tricherie, bain de sang en supplément, du PDG, comment et surtout pourquoi nous impose-t-il la survie de ce parti ?! Les voir m’a profondément bouleversé. Comme l’impression de voir son violeur dans la rue en train de draguer quelqu’un… Un profond dégoût. Un sentiment d’injustice… de trahison même. Comment peut-on imaginer que ceux qui, pendant tant d’années, ont profité des ressources du pays, des vies brisées et des rêves réduits en poussière, continuent de rôder autour de la scène politique, comme si de rien n’était ? La « Libération » qui nous avait été promise semble n’être qu’une illusion, un leurre bien ficelé pour apaiser temporairement notre colère.

Je me sens piégé dans une boucle sans fin. Une même poignée de personnes revient sans cesse, changeant de visages, de discours, mais portant en eux les mêmes germes d’arrogance et de mépris pour ce peuple qui aspire à vivre dignement. Le masque du « changement » est tombé, et ce que nous voyons aujourd’hui n’est autre qu’une perpétuation du système, maquillé de belles paroles et de promesses en l’air.

Et nous, que faisons-nous ? Nous continuons à espérer, à attendre un vrai changement qui n’arrive pas. Peut-être parce qu’au fond, nous n’avons jamais réellement brisé nos chaînes. Peut-être que le vrai combat, celui qui nous permettrait de nous libérer de cette emprise, reste encore à mener.

Alors oui, je me sens doublement volé. Volé de mon espoir, de ma foi en un avenir meilleur, mais aussi de cette promesse non tenue de voir enfin émerger un Gabon libéré, purgé de ses démons, ses perfides trompeurs.

Je te dis tout