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« Vieillir reste un privilège. »

Il m’est revenu en tête un extrait d’interview vu récemment. Un de ces instants qui ravivent des vérités qu’on porte depuis longtemps. Je me suis rappelé à quel point, chez nous, la mort fait partie du paysage trop tôt.

Dans d’autres pays, mourir avant 30 ans, c’est un drame rare, presque inconcevable.
Chez nous, c’est devenu une expérience familière, parfois même attendue.
Pas parce que nos vies valent moins, mais parce que tout autour semble conspirer pour les raccourcir.

Ce n’est pas une fatalité. Ce n’est pas une affaire de destin.
C’est le poids du sous-développement.
Ce sont ces soins qui arrivent tard, ces maladies qu’on laisse s’installer, ces routes qui éloignent encore plus les secours, ces médicaments inaccessibles.
C’est cette résilience qu’on ne choisit pas, cette force qu’on mobilise toujours, faute de mieux.
Et ces phrases qu’on répète pour tenir : « On va encore faire comment… »

Et je me demande souvent : pourquoi ce n’est pas le premier sujet des politiques publiques ?
Pourquoi le simple fait de vivre plus longtemps, en bonne santé, dans la dignité, n’est-il pas l’objectif premier ?

Parce que la vérité, c’est que beaucoup de nos morts ne sont pas naturelles.
Elles sont la conséquence directe d’un système qui ne prévient pas, qui n’écoute pas, qui réagit tard.
On meurt de fatigue chronique, de stress permanent, de conditions de vie indignes.
On meurt de trop s’adapter, tout le temps, à tout.

Il y a quelques années, j’ai commencé à compter les personnes que j’avais connues, croisées, aimées — mortes avant 60 ans.
Je me suis arrêté à 15.
J’avais à peine 30 ans.

Et à chaque retour au pays, c’est ce décalage qui me frappe en plein cœur.
Ce constat dur : vieillir reste un privilège.

Alors quand on parle de jeunesse en Afrique, j’aimerais qu’on parle aussi de ce qui l’empêche de vieillir.
Qu’on réfléchisse à ce que cela signifie, concrètement, de la mettre « au cœur de l’action politique ».

Parce que prendre soin de sa jeunesse, ce n’est pas seulement l’écouter ou la divertir.
C’est lui garantir un accès aux soins, un emploi digne, un logement salubre, une éducation solide, un environnement sûr.
C’est lui permettre de vivre, et de vivre longtemps.

Je te dis tout

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« Je sais que tu es fauché mais fais un effort »

Tu connais, hein. Ce genre de phrase qui sonne comme un piège émotionnel déguisé en compassion. En vrai, ce n’est pas une demande. C’est un ordre social déguisé, une pression subtile mais bien huilée pour te faire sentir coupable de ne pas voler au secours des autres, alors que toi-même, tu vis avec ton overdraft comme colocataire.

Au Gabon, dire qu’on n’a pas d’argent, c’est comme avouer qu’on a trahi la patrie. On te regarde comme si tu venais de dire “je suis contre les piments dans les bouillons”. L’impensable. Et dans ce climat de suspicion financière permanente, certaines personnes ont développé un sixième sens de ton portefeuille.

Les urgentistes émotionnels

Ceux-là ont des urgences… dans ton argent. Oui, oui. Pas dans le leur. Leur mère doit se faire opérer. Leur cousin a raté le bus. Le chien du voisin a mangé leur dernier billet de 5.000. Tout est possible. Et TOI, tu deviens leur SAMU personnel. Et si jamais tu dis non, attention : ils basculent dans le mélodrame.
“Tu as changé, hein. Avant tu étais simple.”
Traduction : tu n’es plus rentable. Donc tu n’as plus d’utilité.

Et là, on te sort la phrase assassine :
“Je sais que tu es fauché mais fais un effort.”
Traduction libre : menteur, je sais que tu caches quelque chose.
Ils parlent comme si tu avais un compte secret dans une banque suisse, et qu’on était dans un épisode de “Inspecteur Mabounda.”

LES JAMAIS-LÀ

Tu les aides une fois, deux fois, quinze fois. Tu es là quand ils tombent. Tu es là quand ils pleurent. Tu es même là quand ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Mais le jour où toi-même tu tousses, silence radio. Le réseau coupe bizarrement. Ils deviennent invisibles, muets, occupés, en prière ou “en mode avion.”

Ce sont eux aussi qui envoient des statuts genre :
“La vraie amitié, c’est dans les moments difficiles.”
Sauf que dans leur film, les moments difficiles, c’est uniquement pour les autres. Eux, ils ont juste signé pour encaisser, jamais pour donner.

Les analystes de ta galère

Toi-même tu fais des calculs, tu bouffes sans jus, tu annules des sorties, tu compresses le budget à mort. Mais eux, au lieu de te demander “tu tiens comment ?”, ils demandent :
“Mais tu fais quoi de ton argent ?”
“Tu n’économises pas un peu aussi ?”
“Tu bois trop les sucreries là.”
Merci pour le conseil, coach financier, mais là je n’ai même pas de quoi acheter une banane.

Et attention, ces gens-là ne t’aident pas. Non non. Mais ils te jugent quand même.

Les ingrats à mémoire sélective

Là, on touche un point sensible. Ce sont les plus dangereux. Tu les aides quand ils sont dans la misère. Tu fais des efforts même quand tu n’as presque rien. Tu grattes pour eux, tu fais des sacrifices, tu fais des avances sur ton malheur. Mais le SEUL jour où tu dis non – pas parce que tu ne veux pas, mais parce que tu ne peux pas – c’est fini.

Tu deviens l’égoïste, le cœur sec, le faux gars.
Et comme si ça ne suffisait pas, ils disent même aux autres que tu n’aides jamais. Comme si tu étais une illusion.
Et là, tu restes là à te demander :
“Donc tout ce que j’ai fait là, c’était des rêves ?”

VOUS FATIGUEZ LES GENS !!!

La vérité, c’est que dans ce pays, beaucoup confondent générosité et obligation. Ils croient que parce que tu as donné une fois, tu as signé un contrat à vie. Or même les ONG ont des limites.

Alors oui, tu peux dire non.
Oui, tu as le droit d’être fauché.
Et non, tu n’es pas obligé de t’endetter pour entretenir des gens qui, de toutes façons, ne seront même pas là pour t’acheter un Doliprane si tu tombes malade.

Et la prochaine fois qu’on te dit :

« Je sais que tu es fauché, mais fais un effort…»
Réponds doucement :
“Je fais déjà un effort monumental en souriant avec 432 francs dans mon compte. On va s’en tenir là.”

Je te dis tout

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Gabon : médecins après la mort, ou bourreaux qui s’achètent une conscience ?

Dormir dehors, faire ses devoirs à la lumière d’un lampadaire, chercher l’intimité dans une bâche tendue entre deux espoirs… Voilà ce que vivent aujourd’hui des familles gabonaises, non pas à cause d’un cyclone ou d’un glissement de terrain, mais d’un bulldozer. Leur bulldozer. Envoyé par l’État. Applaudi en coulisses par ceux qui, aujourd’hui, font mine d’essuyer une larme.

Oui, il faut le dire clairement : ce sont les autorités elles-mêmes qui ont créé cette crise. Pas la pluie, pas le hasard, pas une quelconque urgence. Juste une politique sans âme, exécutée avec froideur. Des maisons rasées comme des châteaux de sable. Des vies piétinées sous prétexte d’aménagement. Et ensuite ? Rien. Pas une tente. Pas un toit. Pas même un mot.

Il aura fallu les vidéos sur les réseaux sociaux, les cris des sinistrés, la honte qui voyage plus vite que le mensonge, pour que le Palais Rénovation sorte de son sommeil. D’un coup, le président est sur le terrain. Il écoute. Il promet. Il joue l’humaniste en chef. Le 16 juin, réunion au sommet : ministres, sinistrés, technocrates. Tout ce beau monde se penche sur le cadavre social qu’il a lui-même tué.

Et nous voilà replongés dans le grand classique gabonais : la compassion après la claque.

On nous parle maintenant de « relogement », d’« indemnisation », d’« approche humaine ». C’est noble sur le papier. Mais dans la réalité, c’est un peu comme si un pyromane vous tendait une bouteille d’eau après avoir incendié votre maison. Avec le sourire.

« On ne nous a même pas dit de partir. On a juste vu arriver les machines. En quelques minutes, tout ce qu’on avait construit pendant 15 ans était à terre. Et aujourd’hui on vient nous demander de faire confiance ? », lâche Stéphanie, mère de trois enfants, encore choquée par la brutalité de l’opération.

Un comité de suivi a même été mis en place, dirigé par le vice-président Dr Séraphin Moundounga. Son rôle : s’assurer que les engagements soient respectés. Mais au Gabon, un comité, c’est souvent une salle climatisée, des per diem, et une très belle manière de laisser pourrir le dossier en paix.

Le vrai problème ici, ce n’est pas la communication tardive. C’est l’absence de planification. On agit d’abord, on pense ensuite. On détruit, puis on se demande où vont dormir les gens. On frappe, puis on se demande s’il fallait prévenir. Résultat : gestion de crise à l’envers, version rafistolage émotionnel et caméra bien cadrée.

Et pendant que le pouvoir essaie de rattraper sa propre faute, les familles, elles, attendent. Elles n’ont pas de comité. Pas de badge. Pas de micro. Juste leurs matelas posés à même le sol. Leur dignité empaquetée dans un sac plastique. Et leur colère, intacte.

Parce que les Gabonais ont compris une chose : ce n’est pas un oubli. C’est une négligence. Volontaire. Organisée. Injustifiable.

Alors non, ce n’est pas « mieux vaut tard que jamais ». C’est trop tard, et c’est votre faute.

Et cette fois, le peuple ne veut pas de promesses. Il veut des comptes.


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Un combat contre la douleur, un combat pour la vie : la drépanocytose.

Quand on parle de drépanocytose, on met en avant des personnes amaigries, au ventre ballonné et aux yeux jaunes. Oui c’est ça… mais pas que. Handicap visible mais bien mortel, la drépanocytose est une pathologie génétique et héréditaire très présente en Afrique subsaharienne.

La cause de ce handicap : une malformation au niveau des globules rouges dans le sang.
Elle se caractérise par des anémies sévères et des douleurs régulières, subites et constantes. Parfois à la tête, mais aussi aux membres inférieurs et supérieurs, ce qui fait que des fois tout le corps du malade n’est que douleur, une douleur INTENSE.

Au Gabon, 25 % de la population est porteuse du gène sans être malade, ce qui veut dire qu’une personne sur 4 est AS ; et la proportion des malades drépanocytaires est estimée à 2 % de la population.
Selon moi, ces chiffres montrent que la drépanocytose doit être reconnue comme une priorité de santé publique dans notre pays.

En tant que tante de 3 enfants drépanocytaires, j’ai côtoyé de très près les crises régulières, le quotidien difficile des parents et la douleur de ces enfants, et parfois l’inévitable. Et je peux affirmer que la prise en charge d’un enfant drépa n’est pas chose aisée en général, et encore moins ici au Gabon. Et ce sur plusieurs aspects :

Niveau scolarité

À chaque rentrée des classes, ma sœur se doit d’informer le maître ou la maîtresse de la maladie de l’enfant. Il/elle doit comprendre que l’enfant ne ment pas quand :

  • il va demander la permission toutes les 30 minutes pour aller uriner (un drépa boit énormément d’eau) ;
  • il pourra avoir des douleurs subites, parfois sans explication, en cours de journée, et qu’il faudra qu’il aille à l’infirmerie ou qu’on prévienne ses parents.

Malheureusement, très souvent, les écoles n’ont pas d’infirmerie compétente pour prendre en charge les premières minutes de crises.

Heureusement, nous avons souvent eu affaire à des maîtresses compréhensives qui prenaient au sérieux les besoins des enfants. Mais ce n’est pas tout le temps le cas.

Niveau économie

Les enfants malades vivent très souvent au rythme des crises, qui surviennent en moyenne une fois par mois, parfois un peu plus.
Ces épisodes, extrêmement douloureux, nécessitent régulièrement des hospitalisations.

Malheureusement, en raison des limites du système de santé public, nous n’avons d’autre choix que de nous tourner vers des cliniques privées pour offrir aux enfants une meilleure prise en charge.

Une fois sortis de l’hôpital, les ordonnances s’enchaînent : médicaments, examens complémentaires, suivis spécialisés…
Résultat : un bilan financier mensuel particulièrement lourd, et un endettement sans fin.

Niveau santé

Le protocole de prise en charge des patients drépanocytaires n’est malheureusement pas bien maîtrisé dans tous les établissements de santé.

Il arrive souvent, par exemple, qu’en cas d’hospitalisation de l’un des enfants, ma sœur ou mon beau-frère doive expliquer eux-mêmes aux infirmiers la conduite à tenir, tout en rappelant les spécificités médicales du dossier de leur enfant.

Une situation épuisante, qui souligne à quel point la connaissance de la maladie reste encore insuffisante au sein de notre système médical.

On a parfois le sentiment que certaines structures médicales ne réalisent pas à quel point chaque crise, même minime, peut avoir des conséquences graves chez un enfant drépanocytaire.
Un simple symptôme, bénin en apparence, peut rapidement conduire à l’inévitable.

Je me souviens d’une fois : l’une de mes nièces malade présentait les premiers signes d’un palu. Par précaution, ma sœur l’a immédiatement conduite aux urgences.
L’infirmière qui l’a reçue, visiblement peu préoccupée, s’est permis de dire sur un ton léger :
« Ce n’est qu’un début de palu, vous auriez pu aller en pharmacie. »

Même après qu’on lui ait précisé que l’enfant était drépanocytaire, elle n’a pas semblé saisir la gravité potentielle de la situation.
Ce jour-là, elle a été hospitalisée.

Heureusement, toutes les structures de santé ne réagissent pas de cette manière.
Mais cet exemple montre bien à quel point la sensibilisation à la drépanocytose reste encore insuffisante, même chez certains professionnels de santé.

Je sais que plusieurs viendront avec un discours moralisateur disant :
“Ils sont irresponsables, pourquoi n’ont-ils pas fait les tests avant de se mettre ensemble ? S’ils les avaient faits, ils auraient compris qu’ils ont le gène de la maladie et n’auraient pas fait d’enfants ensemble.”

Ce qui n’est pas faux en soi.
Mais on pourrait aussi dire :

« Et si on en parlait un peu plus dans les médias afin que tout le monde sache ce que c’est ? »
« Et si l’État lançait des campagnes de sensibilisation à grande échelle pour inciter les gens à se faire dépister ? »
« Et si l’électrophorèse devenait gratuite afin de rendre cet examen plus accessible à tous ? »

“Et si … Et si… ?” Avec des si, on pourrait s’asseoir et refaire le monde. Mais tel n’est pas l’objectif.

J’en parle aujourd’hui parce que les enfants sont là, et que cette réalité fait partie de notre quotidien.
Ce n’est peut-être pas la faute de l’État, mais ces enfants ne méritent-ils pas qu’il y ait une prise en charge adaptée à leur cas ?
Que ce soit au niveau de leur scolarité, des finances de leurs parents ou, plus important encore, de leur santé ?

Chaque 19 juin, on célèbre la Journée mondiale contre la drépanocytose.
Une journée pour s’arrêter un instant, réfléchir, et agir en conséquence.
Premier pas : connaître son statut. Cher lecteur, connais-tu ton statut ? Es-tu AA, AS ou SS ?

– MissKa

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« Non, souffrir en silence ne fait pas de vous un homme »

« Ce n’est pas parce que vous restez froid que vous êtes forts. Ce n’est pas parce que vous souffrez en silence que vous êtes plus dignes. »

Depuis trop longtemps, beaucoup d’hommes s’enferment dans une posture de douleur silencieuse érigée en preuve ultime de virilité.

C’est un fantasme collectif tenace, souvent entretenu dès l’enfance : « Un homme, un vrai, ne pleure pas. », « Un homme ne parle pas de ses états d’âme. »

Et pourtant, cette posture n’a rien d’héroïque. Elle est destructrice, pas logique, elle est absurde.

« Le piège du martyr masculin »

Souffrir en silence n’est ni une preuve de force, ni un acte noble. C’est un mécanisme d’évitement, une fuite. Et si certains hommes restent englués dans cette logique sacrificielle, ce n’est pas par manque de solutions c’est par attachement au rôle du martyr.

Parce que oui, certains hommes aiment souffrir. Pas consciemment, bien sûr mais ils s’attachent à leur douleur comme à une identité et lorsque quelqu’un leur tend la main, ils répondent, « Je vais gérer, t’inquiète. »

Mais la vérité, c’est que l’on ne « gère » pas.On s’enfonce. On devient émotionnellement indisponible, irritable, parfois violent envers soi-même ou les autres.

« L’éducation ne peut plus servir d’alibi » « Tu ne peux pas comprendre, j’ai grandi dans une famille où on ne parlait pas. » « Dans mon éducation africaine, un homme ne se plaint pas. ».

C’est vrai, c’est une réalité. Mais ce n’est pas une excuse. Une fois adulte, on a le droit et le devoir de questionner ce qu’on a reçu, de choisir ce qu’on garde, et ce qu’on rejette comme le chante d’ailleurs si bien Tita Nzebi dans sa chanson « Sôle Moyi A Wè ».

À l’ère où la connaissance, la thérapie sont plus accessible, se complaire dans sa douleur est un choix. Et c’est là que le bât blesse car de nombreux hommes admettent ne pas aller bien mais ne font rien pour aller mieux. Ils savent qu’ils sont émotionnellement coupés, vides, instables, mais n’agissent pas.

Ils rationalisent leur inertie, ils se persuadent que demander de l’aide serait une faiblesse. Alors que c’est précisément le contraire.

« La logique masculine n’est pas celle qu’on croit »

On entend souvent que les hommes seraient « plus logiques » que les femmes, moins « trop émotionnels ». Mais quelle logique y a-t-il à souffrir en silence ? À refuser de consulter un psychologue alors qu’on se sent mal depuis des mois ? À rester dans un environnement toxique, des amitiés vides, une relation mortifère juste pour ne pas avoir à faire face à soi-même ?

La vraie logique est pourtant simple : Si je ne vais pas bien, je cherche à comprendre pourquoi ensuite je cherche de l’aide et je vais mieux. Refuser cela relève à mon sens d’une certaine immaturité émotionnelle. « La virilité ne devrait plus être un obstacle au soin ».

Nous devons impérativement revoir la vision qu’on a de « être un homme ». De toutes évidences, un homme ne se résume pas à sa capacité à encaisser. Non, un homme ne se mesure pas à sa froideur. Un homme, un vrai, c’est quelqu’un qui a le courage de faire face à sa douleur. C’est quelqu’un qui accepte de ne pas aller bien, qui accepte d’être vulnérable et agit en conséquence.

Parce que la vulnérabilité n’est pas une faiblesse. Accepter sa vulnérabilité c’est être lucide.« Arrêtons de glorifier l’autodestruction ». Votre souffrance ne fait pas de vous des héros. Elle ne vous rend pas plus profonds, ni plus respectables. Elle vous détruit et elle détruit ceux qui vous entourent.

Et si vous continuez de confondre absence d’émotion avec logique… Alors vous n’êtes pas « stoïque » mais simplement déconnectés et cette déconnexion, c’est de la peur.

« Ce n’est pas parce que vous n’agissez pas avec émotion que vous êtes logiques. Parfois, vous êtes juste dans le déni. »

Solomoni

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ÉconomieGabonOpinionSociété

« Refuser d’avoir des enfants dans cette économie : un acte de résistance, pas un caprice de la Gen Z »

De plus en plus de personnes de ma génération, amis, collègues, anciens camarades de classe font le choix d’avoir des enfants. Naturellement, cette tendance m’amène à m’interroger : Est-ce que j’en ai envie ? La réponse à cette question n’est pas toujours évidente, mais elle penche davantage vers le non.

En discutant avec d’autres jeunes, je constate que cette incertitude est largement partagée.
Alors, peut-être que la vraie question à poser est la suivante : quelles bonnes raisons avons-nous de procréer dans le monde d’aujourd’hui ?

« To Break A System, You Need To Starve It »

Dans un monde en pleine décadence, refuser d’avoir des enfants n’est plus seulement une décision personnelle, c’est un acte politique, une révolte silencieuse contre un système qui nous a trahis, génération après génération.
C’est dire “non” à la reproduction d’un modèle injuste, toxique et voué à l’échec.

« Ce système est une arnaque »

L’économie mondiale, dominée par le capitalisme sauvage, a systématiquement échoué à garantir la dignité humaine.
On nous a vendu le rêve de la méritocratie, de la croissance, du progrès technologique censé améliorer nos vies mais dans les faits, ces promesses n’ont profité qu’à une poignée de privilégiés.

Les milléniaux croulent sous les dettes, l’instabilité financière et l’incertitude.
Nous, la Génération Z, héritons d’un monde brûlé, précarisé, hyperconnecté mais émotionnellement isolé.
Le climat s’effondre.
Le logement est hors de prix (clin d’œil aux Librevillois).
La santé devient un luxe.
Les salaires stagnent, pendant qu’Elon Musk s’envoie dans l’espace.
Et dans ce chaos, on nous demande de faire des enfants ? Dans quel but ? Les offrir comme nouveaux esclaves à un système destructeur ? Non merci.

« Refuser de procréer, c’est refuser de nourrir la machine »

On dit souvent que les enfants sont l’avenir, mais de quel avenir parle-t-on ?
Celui d’un monde écologiquement condamné, où l’individualisme règne et où l’humain n’est qu’une ressource exploitable ?

Avoir un enfant aujourd’hui, ce n’est plus seulement un projet de vie.
C’est un acte aux conséquences éthiques lourdes.
Il ne s’agit pas de juger ceux qui veulent fonder une famille, mais de poser une question essentielle :
Pourquoi perpétuer une structure qui nous asphyxie déjà nous-mêmes ?
Tenir un tel discours en tant qu’Africain, c’est s’exposer aux critiques.
Pourtant, soyons honnêtes : Êtes-vous sûr de vouloir votre vie pour votre enfant ?

« Le système ne tombera pas tant qu’on continuera à le nourrir »

Ce n’est pas une posture à la mode. Ce n’est pas un caprice générationnel.
C’est un cri de douleur pour ce que pourrait être un monde plus juste.

Solomoni

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EmploiEntrepreneuriatFemmesGabonOpinion

Femme au foyer ou pas, il faut travailler !

Travailler ce n’est pas seulement aller dans un bureau ou être directrice quelque part. Travailler c’est vendre, entreprendre, se débrouiller pour pouvoir s’en sortir.

Pourquoi le Féminisme encourage les femmes à travailler ? Ou même pourquoi moi je recommanderai toujours à mes sœurs, amies de travailler ?

1/ Un être humain a besoin de vie sociale, d’accomplir des choses, de mettre son énergie et sa passion dans quelque chose de rentable. Je ne doute pas du fait que pour certaines, être femme au foyer c’est un accomplissement pour elles, mais je dis juste que avoir une vie sociale, des collègues, des amis, prendre un verre avec des potes le soir, tout ça contribue à l’épanouissement d’un être humain.
Sauf que beaucoup de femmes en couple ou mariées ne sont plus des humains à part entière mais juste des épouses et mères.

2/ C’est dangereux de dépendre financièrement de quelqu’un. On a vu, on a entendu et même vécu ces histoires dans lesquelles les femmes ont choisi d’être femmes au foyer et, à la mort du mari, se sont retrouvées à pleurer car au final il fallait assumer toutes les charges seules sans travail.
Le travail sécurise la femme, il permet de lui garantir une porte de sortie également en cas de mariage abusif.
Si tu as 0f et que la personne qui te traumatise est aussi ta source de revenu, c’est très dur de sortir de là.

Bref, je vous vois venir avec vos « Arrêtez d’imposer, chacun fait ce qu’il veut. »
Je n’impose pas, je donne mon avis : cherchez l’argent, laissez d’abord les hommes, construisez-vous, soyez des femmes accomplies.
Vous passez votre temps à mettre votre énergie sur vos enfants, et quand ils grandissent vous attendez d’eux qu’ils mettent la même énergie sur vous.
Au final vous êtes déçues et les traitez d’égoïstes. Non, ils veulent juste faire le choix que vous n’avez pas su faire.

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Le patriarcat flingue tout le monde. Point final.

On croit souvent que le patriarcat ne nuit qu’aux femmes. Que ses chaînes ne ligotent que celles qu’il relègue à des rôles d’appoint, de silence ou de dévouement. Mais détrompez-vous : ce système pourri jusqu’à l’os est l’ennemi de tous. Et quand je dis “tous”, j’inclus les hommes.

Qui peut sincèrement être heureux à l’idée de porter toute une vie sur ses épaules simplement parce qu’il est né avec un pénis ? Qui peut se réjouir de devoir se montrer fort, stable, riche, protecteur, performant, sans avoir le droit à l’erreur ni à la faiblesse ? Qui a décrété qu’un homme sans argent n’est rien, qu’il n’a pas voix au chapitre, pas de valeur, pas même le droit à l’amour ou à l’écoute ?

Le patriarcat, ce n’est pas juste un système de domination : c’est aussi une prison émotionnelle et sociale.

Regardez les chiffres. On parle souvent des violences que subissent les femmes (et à raison), mais on oublie de dire que les hommes aussi souffrent. Et souvent en silence. Le taux de suicide des hommes dans la quarantaine est terrifiant. Pourquoi ? Parce qu’à cet âge, on est censé avoir “réussi”, être “installé”, avoir “construit quelque chose”. Et quand ce n’est pas le cas ? On est moqué, jugé, ignoré. Même par soi-même.

Le patriarcat pousse à la performance constante, à la virilité toxique, à l’effacement des émotions. Il étouffe. Il tue.

Et le pire, c’est que beaucoup d’hommes n’ont jamais voulu de ce système. Il a été bâti par d’autres, bien avant nous. Et les générations actuelles ? Elles subissent. Elles tentent de se débattre, parfois maladroitement, parfois courageusement, mais elles n’ont pas inventé la machine infernale.

Le patriarcat n’est pas une règle naturelle. C’est une construction sociale. Alors arrêtons de perpétuer ces injonctions absurdes. Être un homme ne devrait pas être synonyme de sacrifice silencieux. Être une femme ne devrait pas rimer avec soumission ou suradaptation. Chacun doit pouvoir choisir son chemin, sans être enfermé dans des rôles assignés à la naissance.

Ce n’est pas une guerre des sexes. C’est une lutte contre un système d’oppression qui se cache derrière des traditions, des proverbes, des “c’est comme ça”, et qui ne profite à personne.

Ce que nous avons entre les jambes ne devrait jamais définir ce que nous avons dans le cœur, ni ce que nous faisons de nos vies.

Il est temps de vivre autrement.

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Entrepreneuriat au Gabon : cette folie qu’on appelle rêve

Depuis des années, on nous vend l’entrepreneuriat comme la solution miracle. L’outil d’autonomie ultime. Le raccourci vers la liberté, la clé du développement. Et on ne va pas se mentir, certains sont effectivement devenus “CEO” du jour au lendemain, dès qu’ils ont commencé à vendre des babouches, des crèmes éclaircissantes ou des jus detox sur Instagram.

Mais au-delà de cette vitrine marketing, il y a une vérité moins glamour qu’on cache trop souvent : l’entrepreneuriat demande du cardio. Du vrai. Du lourd. Et parfois, ça te rend fou.

Parce qu’entreprendre au Gabon, ce n’est pas juste avoir une idée et foncer. C’est jongler entre mille obstacles pendant que tout le monde s’attend à ce que tu réussisses vite, bien, sans faillir.

Pendant que dans d’autres pays on accorde des exonérations, des aides, du répit pour te laisser le temps de comprendre ton marché, de stabiliser ta trésorerie et de construire quelque chose de viable, ici, dès que l’ANPI t’a remis ta fiche circuit, tu deviens une vache à traire. Et tout le monde veut son seau de lait.

La mairie te taxe, la DGCCRF te visite comme si tu cachais des armes, les impôts t’alignent comme si tu gérais une multinationale. Même si tu n’as encore rien vendu, on t’explique que “c’est la procédure”. Et comme beaucoup ne connaissent pas leurs droits, ou n’ont pas de piston pour se défendre, tu peux te retrouver à fermer boutique ou à encaisser des amendes qui dépassent ton chiffre d’affaires.

Mais l’administration, ce n’est que le premier boss du jeu.
Viennent ensuite les clients.
Certains impolis, d’autres condescendants. Beaucoup pensent que consommer chez toi, c’est te faire une faveur. Que tu leur es redevable, et que tu dois presque t’excuser d’oser leur vendre un service. Parce que oui, ici, on a mal interprété l’expression “le client est roi”. On pense qu’elle donne droit au mépris, à la familiarité, au rabais systématique. Sauf que non. Un entrepreneur n’est pas ton larbin. Beaucoup sont diplômés, formés, passionnés. Ils ont fait un choix de cœur ou de raison. Ils méritent le respect, pas la condescendance.

Et puis il y a les saboteurs.
Ceux qui te mettent des bâtons dans les roues non pas parce que tu fais mal, mais parce que tu fais bien. Parce que tu proposes une solution simple, accessible, innovante. Et comme eux ont prospéré en embrouillant les gens, ta clarté les dérange. Alors on cherche un vice de forme, un manquement administratif, une faille dans ton parcours pour te faire tomber. Ici, réussir proprement, c’est presque suspect.

Tu proposes une application pour faciliter un service ? Tu deviens l’ennemi. Tu rends un processus transparent ? On crie au scandale. Parce que si tout devient fluide, les “mange-mille” ne peuvent plus mystifier les autres. Et plutôt que de s’adapter, ils préfèrent t’éliminer.

Et si tu as le malheur d’avoir du succès, prépare-toi à l’autre poison de notre époque : les rumeurs.
Il suffit qu’un inconnu sur Internet ne t’aime pas pour que ton nom devienne une cible. Faux avis, insinuations, calomnies… Et si ton entreprise en prend un coup ? Tant pis. Quand tu fermeras, ce seront les premiers à te dire : “Force à toi 🙏”. Hypocrisie 2.0.

Dans tout ça, tu continues.
Tu tiens ton salon de prothésie ongulaire, où tu sculptes des ongles pendant dix heures d’affilée. Tu tiens ton petit resto, où tu cuisines à feu doux tout en gérant les livraisons, les commandes, les pannes d’électricité et les clients qui veulent le menu à crédit. Tu vends tes habits, tu gères ton spa, tu proposes des services digitaux, tu formes d’autres jeunes. Bref, tu tiens la baraque. Même quand elle brûle.

Et oui, tout n’est pas parfait du côté des entrepreneurs non plus.
Certains ne sont pas professionnels. Certains livrent mal. D’autres ne respectent pas les horaires, ou confondent leadership et tyrannie. Il y a des managers toxiques, des abus internes, des caisses mal gérées. Mais ça, c’est un autre sujet. Et surtout, ce n’est pas une excuse pour écraser ceux qui, chaque jour, essaient de construire quelque chose à la sueur de leur front.

Entreprendre au Gabon, c’est un choix courageux.
C’est poser une brique là où tout le monde te dit que le mur va tomber.
C’est croire en ton rêve même quand tout pousse à l’abandon.
C’est créer de l’emploi, résoudre des problèmes, participer à l’économie locale avec les moyens du bord.
Et parfois, juste survivre, c’est déjà un exploit.

Alors, si on veut que les choses changent vraiment :
L’État doit accompagner au lieu d’étrangler.
Les clients doivent respecter au lieu de mépriser.
Les proches doivent soutenir au lieu de décourager.
Et nous tous, devons comprendre une chose simple :
Derrière chaque petite entreprise, il y a un rêve, un combat, un gagne-pain.

Et si on n’a rien de constructif à dire, qu’on apprenne simplement à se taire.

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GabonOpinion

Des plateformes utiles mais invisibles : et si on croyait vraiment à la dématérialisation ?

Aujourd’hui, deux plateformes publiques méritent qu’on s’y attarde : cnamgs.ga et cnss.ga. La première permet aux assurés de consulter leurs droits, de s’inscrire et de suivre leur situation en ligne. La seconde facilite la vie des retraités et futurs retraités, avec un accès numérique à leurs relevés et à leurs démarches. Deux outils concrets, utiles, bien faits. Deux exemples de ce que pourrait devenir l’administration : un service.


Il faut le dire clairement : certaines choses avancent. Et parfois, dans le silence le plus total.

Mais voilà, ces plateformes existent dans un quasi-silence institutionnel. Pas de campagne de sensibilisation, pas de pédagogie, pas de mise en valeur. Comme si, une fois le chantier numérique lancé, il fallait surtout éviter que trop de gens l’utilisent. Et ce paradoxe, on le connaît : on parle de transformation digitale, mais on ne fait rien pour l’incarner.

La vérité, c’est que le numérique n’est pas une vitrine, c’est un outil. Et un outil, ça s’emploie. Dans un pays où les files d’attente sont encore la norme pour le moindre papier, dématérialiser, ce n’est pas faire moderne : c’est désengorger, simplifier, dignifier. C’est permettre à une veuve de province d’avoir accès à son dossier sans prendre le bus à 4 h du matin pour Libreville. C’est offrir à un jeune développeur la possibilité d’intégrer un service sans piston, juste avec son talent et un formulaire en ligne.

Et puis, il y a cette plateforme qu’on attend toujours : un portail national pour les examens et concours. Parce que soyons honnêtes, ceux qui ont déjà tenté de déposer un dossier savent ce que ça signifie : remplir un formulaire à la main, faire des photocopies en cascade, chercher des timbres fiscaux, puis faire la queue pendant des heures, parfois après avoir quitté une province entière pour venir à Libreville, avec l’espoir que le dossier ne sera pas refusé pour un détail.

Chaque année, ce sont des milliers de jeunes qui vivent ce parcours absurde, simplement pour déposer un dossier. On parle d’un pays où l’on prétend moderniser l’administration, mais où postuler à un concours relève encore d’un véritable parcours du combattant.

Une plateforme dédiée permettrait pourtant de :
 • centraliser les annonces de concours,
 • permettre le dépôt de dossier en ligne,
 • suivre l’évolution de son dossier ou la publication des résultats,
 • et surtout, rendre l’accès aux opportunités plus équitable, peu importe qu’on vive à Libreville ou à Makokou.

Et derrière cette absurdité, il ne faut pas oublier les fonctionnaires eux-mêmes. Ceux à qui l’on confie, bien souvent sans préparation ni moyens, la tâche de réceptionner, trier à la main des centaines voire des milliers de dossiers papier. En 2025. Pendant qu’ailleurs on parle d’intelligence artificielle, ici, un agent administratif doit passer ses journées à classer des photocopies, vérifier des dossiers incomplets, courir après des signatures.

Ce n’est plus seulement un manque d’efficacité. C’est une forme de maltraitance institutionnelle. On oublie que les premiers à souffrir de l’absence de numérisation, ce sont aussi les agents de l’État, coincés dans des tâches répétitives, chronophages, frustrantes – là où des outils simples pourraient les soulager, leur faire gagner du temps, et leur permettre de se concentrer sur des missions à plus forte valeur.

Automatiser le dépôt, le tri et la présélection des candidatures, ce n’est pas une utopie. C’est un standard ailleurs. Et ce n’est même pas une question d’argent. C’est une question de volonté.


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