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Grossesses précoces au Gabon : ce que les chiffres nous disent, et ce que nous ne voulons pas voir

En milieu scolaire, le constat est glaçant. Les grossesses précoces, loin d’être un fait isolé, traduisent une réalité sociale, éducative et économique complexe. Les chiffres, issus d’observations rigoureuses, ne laissent pas place au doute : nous faisons face à une urgence silencieuse.

Qui sont les auteurs ?
66 % des grossesses précoces en milieu scolaire impliquent des personnes issues du cadre scolaire lui-même : d’autres élèves, des enseignants, ou du personnel encadrant. Autrement dit, l’école, censée être un espace sûr, est aussi un lieu de vulnérabilité.

Qui sont les filles concernées ?
Certaines sont âgées de moins de 10 ans.
3 % d’entre elles n’ont même pas encore terminé le premier cycle du secondaire (jusqu’en classe de 3e).
Et ce n’est pas un phénomène isolé dans une seule région.

Provinces les plus touchées (taux de grossesses précoces avant 20 ans) :

  • Woleu-Ntem : 97 %
  • Nyanga : 93 %
  • Ogooué-Ivindo : 80 %
  • Estuaire : 79 %
  • Ngounié et Moyen-Ogooué : 77 %

Toutes les provinces sont concernées, mais certaines sont dans des situations critiques.

Pourquoi cela arrive ?

Les causes sont multiples, mais s’entrecroisent autour de plusieurs axes :

  • Un déficit criant d’éducation sexuelle : 42 % des filles ne connaissent pas ou utilisent mal les méthodes contraceptives.
  • Un encadrement familial fragilisé : à peine 24 % vivent avec leurs deux parents biologiques.
  • Des relations sexuelles dites “de compensation” (logement, transport, cadeaux…) touchent 30 % des filles.
  • Une influence croissante de l’environnement numérique et des NTIC, mal encadrée, qui banalise certaines pratiques dès le collège.
  • La pauvreté : 83 % des filles concernées vivent dans des quartiers populaires. 69 % dans des familles nombreuses (plus de 5 personnes).

Trois chiffres qui devraient suffire à sonner l’alarme :

  • 2 % des filles disent avoir eu leur premier rapport sexuel au primaire.
  • 12 % affirment que ce premier rapport était un viol.
  • 3 ans : c’est le délai moyen entre le premier rapport sexuel et la première grossesse.

Ce ne sont pas des chiffres à brandir pour créer la panique. Ce sont des faits à lire, à comprendre, à discuter. Car tant que le débat sur l’éducation sexuelle restera un tabou, tant que les mécanismes de signalement et de protection dans les établissements resteront défaillants, tant que la misère offrira son lot de rapports déséquilibrés, le phénomène continuera de croître.

Parler de sexualité à l’école n’est pas une provocation, c’est une nécessité.
Protéger les enfants, ce n’est pas les enfermer dans l’ignorance. C’est leur donner les outils pour comprendre, choisir, se défendre.

Je te dis tout

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Le pain, la route et le bon sens

Dans ma petite ville de province, j’ai ouvert une boulangerie. Petite, modeste, mais efficace. Tous les matins, je me lève aux aurores, je mouille le maillot, j’enfourne, je défourne… Et au final, je produis 200 pains par jour. Pas un de plus. C’est ma capacité actuelle.

Problème : la ville a besoin de 300 pains. Il en manque donc 100 pour satisfaire tout le monde. Là, n’importe quel technocrate ou décideur en cravate te dira : « Ah ben, faut augmenter la production ! Faut agrandir la boulangerie ! Faut acheter un deuxième four ! »

Mais c’est là que le bon sens entre en jeu.

Parce que sur les 200 pains que je produis, seuls 100 arrivent effectivement à la boulangerie en ville. Pourquoi ? Parce que le reste est perdu pendant le transport. Les routes sont dans un état lamentable. Le livreur esquive les nids-de-poule plus gros que sa moto, les caisses tombent, les pains se gâtent. Résultat : j’ai beau suer pour 200 pains, je ne vends que la moitié. Et on me dit que la solution c’est… produire plus ? Sérieusement ?

Ce n’est pas ton four qui pose problème.
Ce n’est pas le manque de farine.
Ce n’est même pas la demande.

Le vrai problème, c’est la route.

C’est elle qui fait perdre la moitié de ta production.
C’est elle qui fait chuter ton chiffre d’affaires.
C’est elle qui transforme ton effort en échec apparent.
Et c’est pourtant elle qu’on refuse de voir.

Alors on tourne en rond. On veut multiplier les boulangeries, augmenter la cadence, faire des inaugurations à la télé. Mais on laisse les routes pourrir. On produit toujours plus… pour jeter toujours plus.

C’est valable pour le pain. Mais c’est aussi valable pour l’électricité, pour la santé, pour l’éducation.
On injecte des milliards, on brandit les chiffres… mais la moitié se perd en chemin.
Et personne ne s’attaque à la route.

Si tu veux vraiment nourrir ton peuple, commence par assurer la livraison.

Sinon, tu cuisineras pour des trous.

Je te dis tout

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« Expulsez-les d’abord, on verra après »

Entre urgence et mépris de classe, le gouvernement gabonais n’a jamais pris le temps de faire les choses correctement. L’opération « Retour de la dignité » ? Un échec, mon Général.

S’il y a bien une constante au Gabon, ce sont les méthodes. Gouverner en brutalisant, mépriser les plus précaires, les frapper sans prévenir… On connaît. Et après le PDG, rien n’a changé : les hommes sont restés les mêmes, seule la chorégraphie est différente.

Depuis quelques jours, c’est un spectacle accablant qui se joue dans certains quartiers de Libreville. Des centaines de familles, leurs affaires entassées dehors, attendent de pouvoir rejoindre un parent compatissant — pour les plus chanceux. Les autres ? Rien. Pas d’aide. Pas de solution. Parce qu’une fois de plus, l’État a agi dans l’urgence, en niant les besoins les plus élémentaires de ses citoyens. Se loger, c’est quand même la base.

Ce déguerpissement, censé « assainir » la capitale, aurait pu être défendable si les méthodes ne rappelaient pas celles d’un État profondément irrespectueux du bien-être de ses propres administrés. On aurait pu commencer par indemniser, reloger, dialoguer. Ça a été fait pour certains. Mais pour d’autres, rien. Le néant.

Soyons justes : il y a eu des tentatives de respecter les procédures. Des courriers, des réunions, des délais. Mais la réalité, c’est que de nombreux bailleurs — qui devraient être poursuivis — n’ont pas pris la peine d’en informer leurs locataires. Pourtant, en tant que propriétaires, ils ont l’obligation d’annoncer ce genre de contrainte. Quand on vit dans un État de droit…

Entre ces bailleurs indélicats et les oubliés du Ministère, on compte aujourd’hui plusieurs vies littéralement en danger. Disons les termes : c’est de la précarisation programmée à ce stade. Où iront donc toutes ces familles ? Même celles qui ont été indemnisées doivent aujourd’hui se reloger dans un Libreville où les prix de location explosent. Où sont les logements sociaux tant attendus ? N’aurait-on pas pu, justement, attendre encore un peu que ces infrastructures voient le jour avant de vider des quartiers entiers ?

Cette stratégie qui consiste à faire sans réfléchir, sans prévoir, doit cesser. Le mandat du président actuel est de sept ans. Sept ans, c’est peu. Mais c’est assez pour changer de méthode. C’est assez pour prendre le temps. Pour mener des études sérieuses. Pour anticiper les besoins. Et parfois, ces études sont déjà des actions, car elles posent les bases concrètes d’un développement durable. L’épanouissement du Gabonais passe aussi par là : par la planification, la rigueur, et le respect.

Mais voilà : on préfère faire semblant. Expulser d’abord. Voir après. Et tant pis si, entre deux camions de déménagement, des familles s’effondrent.

Je te dis tout