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Fonctionnaires fantômes : le mal vient d’en haut

Dans cet article de Info241, on apprend surtout que, malgré les audits et toutes les stratégies mises en place pour endiguer le phénomène des fonctionnaires fantômes, l’État gabonais reste aveugle sur l’activité réelle de ses agents. Qui est en vacances ? Qui est en congé maladie ? Depuis combien de temps ? Aucune trace. Aucun suivi.

Le constat est brutal : il n’existe aucun système fiable permettant de vérifier la présence effective d’un agent public. Et pourtant, les salaires continuent d’être versés. Le problème n’est pas seulement administratif, il est managérial. Car la première ligne de responsabilité ne se situe pas au sommet, mais dans les directions, les inspections et les établissements eux-mêmes.

Les managers — directeurs, chefs de service, proviseurs — sont les premiers garants du suivi des carrières et de la présence des agents sous leur autorité. C’est à eux d’alerter, de contrôler, de documenter. Au lieu de cela, beaucoup se contentent de signer des états de service sans vérification, contribuant à nourrir une machine administrative où l’absentéisme devient invisible.

Mais il faut aller plus loin dans le diagnostic. Depuis des décennies, les gouvernements successifs pensent que l’audit est une solution.
Erreur.
Un audit n’est pas une solution, c’est un outil ponctuel, un instantané. Il permet de savoir qui est là ou qui ne l’est pas à un moment T, rien de plus. Dans notre cas, l’audit est annoncé à l’avance, ce qui le rend encore moins fiable : certains agents « reviennent » juste pour la période de contrôle, avec la complicité de leurs supérieurs hiérarchiques.
Certains managers vont même jusqu’à précipiter la production de documents officiels pour justifier a posteriori l’absence ou l’absentéisme de leurs N-1. Résultat : l’audit lui-même devient faussé, vidé de son sens.

Ce qu’il faut, ce n’est pas un énième audit, c’est une gestion continue, quotidienne, de la présence et de la performance.
Et pour cela, nul besoin de millions. Il suffit de mécanismes simples :

  • Une fiche de temps signée chaque semaine avec la description des tâches accomplies ;
  • Un pointage régulier (même manuel ou par application mobile) ;
  • Et surtout, des managers responsables, capables de rendre compte du travail réel de leurs équipes.

Ce n’est donc pas seulement un problème de « fonctionnaires fantômes », mais de management fantôme. Une administration qui se contrôle elle-même sans s’observer, et qui croit qu’un audit de temps en temps peut remplacer la rigueur au quotidien.
Or un État qui ne sait pas qui travaille pour lui ne peut pas prétendre réformer quoi que ce soit.

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GabonOpinionSociété

Réserver certains métiers aux Gabonais : entre ambition et réalités du terrain

La décision du Conseil de réserver certains métiers aux nationaux, y compris dans des secteurs émergents comme le commerce numérique et l’entrepreneuriat moderne, s’inscrit dans une volonté de renforcer la souveraineté économique et de donner plus de place aux jeunes Gabonais. Sur le papier, cette mesure vise à créer de nouvelles opportunités et à protéger l’économie locale.

Cependant, sa réussite dépendra de plusieurs facteurs souvent négligés.

D’abord, exercer ces métiers implique une organisation quotidienne exigeante : ouverture tôt le matin, tenue d’une comptabilité rigoureuse, gestion des charges, etc. Ce sont des compétences qui nécessitent un véritable accompagnement et parfois même une rééducation aux réalités de la gestion d’entreprise, loin de l’idée de « compter sur un soutien extérieur » à la fin du mois.

Ensuite, il faut anticiper les risques de contournement. Sans un encadrement précis, certains pourraient se limiter à prêter leur nom ou leur statut de national pour qu’un étranger gère l’activité, contre une rétribution.

Cela pourrait transformer la mesure en un simple business parallèle, où le propriétaire officiel ne serait qu’un garant rémunéré.

La question du contrôle est également centrale. Faut-il exiger que le gérant soit Gabonais ? Comment vérifier que la loi est respectée sans tomber dans des pratiques abusives ou du harcèlement administratif ? Une surveillance mal pensée pourrait décourager les entrepreneurs au lieu de les soutenir.

Pour que cette réforme produise les effets escomptés, il faudra donc :

Préciser les critères légaux (propriétaire, gérant, actionnaire majoritaire, etc.) • Mettre en place des contrôles clairs et proportionnés

Former et accompagner les entrepreneurs pour qu’ils soient réellement opérationnels

Prévoir des dispositifs de financement et d’appui technique pour favoriser la pérennité des entreprises

Réserver des métiers aux Gabonais peut être une avancée, mais seulement si l’application est pensée pour éviter les dérives et maximiser l’impact positif sur l’autonomie économique du pays.

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EmploiGabon

Le marché de l’emploi au Gabon : Que de Rêves Brisés

Au Gabon, la quête d’un emploi est souvent une véritable épopée semée d’embûches. Pour nombre de jeunes professionnels, elle se solde par des rêves brisés. Derrière chaque curriculum vitae se cachent des aspirations profondes, des sacrifices, des années d’études et de travail acharné, ainsi que l’espoir sincère d’une carrière épanouissante. Malheureusement, la réalité du marché du travail gabonais peut rapidement transformer ces rêves en de profondes désillusions.

Il y a de fortes chances que beaucoup d’entre vous se souviennent d’une vidéo devenue virale. Celle que j’ai postée sur tous mes réseaux sociaux le 22 septembre 2023 – une date que je garde gravée en tête, haha – alors que je venais de démissionner. Je criais de toutes mes forces : « Je suis au chômage !!! », alors que j’étais encore sur le pas du portail de mon ancien employeur. Si beaucoup m’ont félicitée, d’autres se sont étonnés de me voir célébrer ce nouveau statut avec autant d’entrain. Pourtant, près de deux ans plus tard, et bien que je n’avais ni projets ni solution de rechange à l’époque, je ne regrette absolument pas mon choix.

Comme moi, beaucoup de jeunes ont commencé leur parcours professionnel avec l’excitation de rejoindre une entreprise de renom, un idéal longuement nourri. Je ne citerai aucun nom aujourd’hui – je n’ai pas d’argent pour me prendre un avocat – mais quand j’ai commencé dans le monde du transport d’hydrocarbures, l’entreprise que j’ai quittée en 2023 était mon rêve. Je voulais tellement l’intégrer pour y apprendre et la faire profiter de ma petite expérience. Quand après avoir entendu mes échos, ils ont fini par me proposer un emploi, le rêve est devenu réalité… Mais il a très vite viré au cauchemar. Environnement de travail toxique, harcèlement moral, propos dégradants et racistes, pression excessive, manque de reconnaissance. Ai-je encore besoin de vous dire que les conséquences sur ma santé mentale ont été lourdes ??? Si lourdes que j’ai fini par développer une véritable phobie du travail.

Pendant les six mois que j’ai fait au chômage, je ne parvenais ni à postuler spontanément, ni même à répondre à des appels à candidature sans en avoir l’esprit retourné. Le travail, cette activité censée apporter sécurité et épanouissement était devenue une source d’angoisse profonde.

Après de telles épreuves, se reconstruire est un défi. On cherche un nouveau départ, une entreprise qui semble « raisonnable » à première vue. On espère y trouver un refuge, un lieu où l’on pourra enfin s’épanouir, mettre de l’argent de côté, se projeter. Pourtant, même dans ces contextes, les difficultés organisationnelles quotidiennes peuvent étouffer toute tentative d’épanouissement. Un manque de clarté dans les rôles, une surcharge de travail, une communication interne défaillante, ou encore une absence de perspectives d’évolution peuvent transformer un environnement de travail a priori sain en un lieu de stagnation, voire de régression.

À ces défis s’ajoute une problématique encore plus insidieuse : celle de la rémunération. Dans de nombreuses entreprises gabonaises, le versement des salaires est loin d’être une certitude à la fin du mois. Les retards sont monnaie courante, plongeant les employés dans une précarité financière constante. Pire encore, le salaire est parfois utilisé comme un véritable moyen de pression par les employeurs, brandi comme une épée de Damoclès pour exiger une obéissance aveugle, une disponibilité sans limite, ou pour dissuader toute contestation des conditions de travail. Cette instrumentalisation du revenu essentiel à la survie de chacun est non seulement inacceptable, mais elle accentue la vulnérabilité des travailleurs, les privant de toute marge de manœuvre et de dignité.

À un moment, je me suis dit que c’était peut-être moi le problème, outrée par ce que je vis depuis bientôt une dizaine d’années que je suis diplômée. Les entreprises que j’ai fréquentées se trouvent être pires les unes que les autres, et ce n’est pas faute d’avoir cherché mieux, c’est juste qu’il ne semble avoir que ça… Mais je suis certaine que si tu vis au Gabon, que tu y travailles depuis quelques années, tu peux toi aussi raconter ton histoire en utilisant mes mots. Beaucoup n’osent pas, ils se taisent de peur de perdre leur bout de pain, de n’avoir plus rien, parce que de toute façon, « On va encore faire comment ? »… Face à ces abus et ces injustices, les recours sont rares et souvent inefficaces. L’Inspection du Travail, censée être le garant du respect du Code du Travail, se révèle bien souvent impuissante ou partiale. La Fonction Publique ne recrute pas, enfin, si… mais il faut être bien né. Avoir un parent, un oncle par alliance ou un bon grand des bons petits pour se voir octroyer un poste au sein d’une administration publique.

Et c’est dans ces conditions que parallèlement, un discours récurrent émane de l’État : celui qui reproche aux jeunes Gabonais de s’expatrier ou ceux partis étudier à l’étranger, particulièrement en Occident, de ne pas revenir au pays. On les exhorte à mettre leurs compétences au service de la nation. Cependant, ce reproche sonne creux lorsque l’on constate qu’aucune mesure concrète n’est mise en place pour les accueillir et les intégrer dignement à leur retour. Qu’il s’agisse de l’accès à l’emploi, de la valorisation de leurs diplômes ou de la création d’un environnement propice à l’innovation, le vide est flagrant. Taxis, tricycles et box de commerce semblent être la solution ultime pour nos dirigeants… Et détrompez-vous, pour avoir fait plein de petits boulots pendant toutes les années où je recherchais du travail, je sais qu’il n’y a pas de sots métiers. Mais je suis aussi persuadée que peu de ceux qui, après avoir investi des années et des ressources considérables dans leur formation, se retrouvent face à ces seules propositions peuvent s’en satisfaire.

Comment peut-on blâmer quelqu’un de ne pas revenir quand le pays ne lui offre ni perspectives ni sécurité ?

Ces expériences répétées forgent une réalité où l’emploi n’est plus synonyme de croissance personnelle et professionnelle, mais plutôt de survie. Les compétences acquises se fanent, l’enthousiasme initial s’éteint, et la passion pour le métier s’effrite. Les rêves de contribution significative, d’innovation et de progression se heurtent à un mur de contraintes structurelles, de gestions parfois archaïques, et d’un environnement légal qui ne protège pas toujours les plus vulnérables.

On nous taxe de paresseux ; il semble qu’aucun de nous ne veuille travailler ou n’aime le faire. Mais comment parvenir à aimer travailler quand on subit du harcèlement, quand le salaire n’arrive pas, ou quand ledit travail ne permet pas de maintenir sa santé, celle des personnes à sa charge, ou sa dignité ? Il est temps de se poser les bonnes questions et de chercher à redonner espoir à cette jeunesse gabonaise pleine de potentiel. Comment transformer ce tableau sombre en une opportunité de croissance et d’épanouissement pour tous ? La réforme des pratiques de gestion, l’investissement dans des environnements de travail sains, la mise en place de mécanismes efficaces pour le paiement des salaires, un réel plan d’intégration pour les diplômés de la diaspora, et une Inspection du Travail impartiale et accessible à tous sont des étapes cruciales pour panser ces rêves brisés et en forger de nouveaux, plus solides et plus prometteurs.

La Fière Trentenaire 😘

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DiasporaGabonPolitique

‎Analyse critique du discours présidentiel relatif à la suspension des bourses d’études

La récente décision du chef de l’État de suspendre l’attribution des bourses d’études, justifiée officiellement par le poids financier que cela représente et par le phénomène de fuite des cerveaux, soulève un certain nombre d’interrogations qui méritent une analyse approfondie.

En effet, cette décision semble partielle dans la mesure où elle cible exclusivement les étudiants bénéficiaires, sans rétablir une lecture équilibrée des responsabilités respectives de l’État et des étudiants dans la problématique soulevée.

La fuite des cerveaux : une dynamique aux causes structurelles

Le phénomène de fuite des cerveaux est légitimement invoqué comme un argument majeur, mais il traduit en réalité une défaillance systémique. L’insuffisance d’opportunités d’emploi, le non-respect des engagements étatiques, ainsi que le climat socio-économique délétère, participent à la désaffection des diplômés vis-à-vis de leur pays d’origine. Cette réalité se manifeste par un environnement professionnel qui étouffe les ambitions et fragilise la relation compétence-mérite. Le diplômé, jadis porteur d’espoir pour sa famille, est désormais marginalisé, voire moqué. Dans ces conditions, il semble rationnel, voire inévitable, que ces talents choisissent de ne pas revenir.

Les motifs étatiques : une justification partielle et contestable

Sur le plan de l’État, les pertes invoquées concernent à la fois l’investissement financier et le capital humain formé à l’étranger. Toutefois, dans la pratique, la perte réelle se limite souvent aux seuls coûts financiers, dans la mesure où l’État peine à intégrer effectivement ce capital humain sur le marché du travail national. Le paradoxe est que les diplômés, pourtant formés selon des orientations définies par l’État, se retrouvent fréquemment au chômage, la principale cause étant l’inadéquation entre leur formation et les besoins réels du marché local. Par conséquent, plutôt que de cibler les conséquences, il serait pertinent que l’État assume pleinement ses responsabilités en s’attaquant aux causes profondes du dysfonctionnement.

La fuite des cerveaux : un mal nécessaire ?

Loin d’être uniquement préjudiciable, la fuite des cerveaux peut également être perçue comme un mécanisme d’ajustement social et économique. Elle contribue à atténuer les tensions liées au chômage, participe à la stabilité politique, et peut favoriser la création de réseaux de coopération internationale entre la diaspora et le pays d’origine. Dès lors, la fuite des cerveaux pourrait constituer un levier stratégique plutôt qu’un simple mal à éradiquer.

Perspectives et propositions pour une gestion efficiente du capital humain

Pour remédier à cette problématique complexe, plusieurs pistes peuvent être envisagées :

  • Amélioration des conditions d’accès à l’emploi et création d’opportunités stables pour tous les diplômés.
  • Garantie d’une insertion professionnelle sécurisée dans des secteurs économiques stratégiques, notamment pour les boursiers formés à l’étranger.
  • Acceptation, à court terme, d’une certaine perte des compétences formées dans des domaines non encore développés localement, tout en anticipant une future demande liée à l’évolution socio-économique.
  • Identification et mobilisation des profils diplômés à l’étranger dans le cadre de projets nationaux de développement.
  • Valorisation accrue de la diaspora en tant qu’acteur clé du développement, assortie de mesures incitatives ou contraignantes (telles qu’une contribution financière au développement national).

Réformes institutionnelles pour une meilleure efficience

Enfin, pour optimiser la gestion des bourses et des compétences associées, il serait opportun d’adopter des réformes structurantes telles que :

  • La limitation des bourses à l’étranger aux seuls secteurs stratégiques non disponibles localement.
  • L’octroi des bourses à l’étranger, pour les filières existantes sur le territoire, uniquement après validation du premier cycle universitaire, afin de mieux anticiper les profils et rationaliser les coûts.
  • La mise en place d’un suivi rigoureux des formations financées, en veillant à ce qu’elles correspondent aux besoins spécifiques identifiés par l’État.
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Le pouvoir sans la charge : à quoi rêvent-ils vraiment ?

Le pouvoir fascine. Il attire, il séduit. Mais ce n’est pas la mission de service public qui séduit le plus grand nombre — c’est le confort qu’on lui associe. Voitures de luxe, voyages internationaux, résidences secondaires… Le fantasme du pouvoir éclipse trop souvent la notion même de responsabilité. Et c’est ainsi que l’on en arrive à gouverner sans aimer son pays.

Ils veulent le prestige, les titres, les salamalecs. Qu’on les appelle “Excellence”, “Honorable”, “Monsieur le Ministre”. Mais dès qu’il s’agit de se salir les mains avec des réformes douloureuses, de rendre des comptes, de faire face à la colère légitime d’un peuple en souffrance, il n’y a plus personne. Le pouvoir est vu comme un privilège, pas comme une charge. Ils en veulent les avantages. Les responsabilités ? Très peu pour eux. Et soyons honnêtes : ils n’ont d’ailleurs ni les épaules ni la volonté pour les assumer.

C’est simple. Quand on aime, on en prend soin. Or, à voir l’état de nos hôpitaux, de nos écoles, de nos routes, il est légitime de se demander si ceux qui nous dirigent aiment vraiment ce pays. Car on ne détruit pas ce que l’on chérit. Et dans les actes de ceux qui gouvernent — ou qui prétendent gouverner — on ne lit que mépris et désintérêt. Et ce désintérêt ne se limite pas au gouvernement. Que dire de l’Assemblée nationale et du Sénat ? Ces institutions qui devraient être des contre-pouvoirs ne sont devenues que des chambres d’enregistrement, plus préoccupées par leurs propres privilèges que par la défense de l’intérêt général.

Combien de députés ont véritablement proposé des lois utiles ? Combien de sénateurs ont élevé la voix face aux dérives, aux abus, à l’urgence sociale que vit une partie croissante de la population ? Trop peu. Ils sont là, souvent silencieux, parfois absents. Pour quoi faire ? Le rôle d’un parlement, ce n’est pas de faire de la figuration. C’est de défendre les citoyens. C’est de refuser l’inacceptable. C’est de dire non quand il le faut, pas de courir après des promotions et des décorations.

À force de confondre pouvoir et opportunité personnelle, on a oublié que diriger un pays est un engagement. Un vrai. Un sacerdoce. Le Gabon n’a pas besoin de nouveaux gestionnaires d’intérêts privés drapés dans des habits d’État. Il a besoin de gens sincères. De femmes et d’hommes qui aiment vraiment ce pays, et qui le prouvent dans leurs décisions, dans leurs renoncements, dans leurs sacrifices. Car le vrai prestige, c’est de servir.

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