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On nous avait promis la rigueur, on récolte le désordre

On nous avait promis une rigueur militaire, une nouvelle ère où tout serait carré, transparent, exemplaire. Et pourtant, tout ce qu’on récolte aujourd’hui, c’est du désordre. Les dernières élections législatives et locales au Gabon viennent de s’achever, et tout le monde — même le gouvernement, à travers les aveux à demi-mot du ministre de l’Intérieur — sait à quel point le chaos a régné.

Quand trois anciens Premiers ministres, dont Raymond Ndong Sima, celui-là même de la Transition, sont obligés de réagir, c’est qu’on a touché le fond.

Ce qu’on a vu, c’est la fraude à tous les niveaux. À croire que la Transition n’a servi à rien du tout.
Bourrages d’urnes, transhumance électorale – les vieilles recettes de la tricherie sont toujours d’actualité. Des gens quittent Libreville pour aller voter dans des communes où ils ne vivent pas, où ils ne connaissent plus personne. Oui, ils en sont originaires, mais qu’est-ce qu’ils savent encore de la vie là-bas ? Rien. Ils se déplacent parce que le parti leur dit de le faire, et personne ne contrôle rien.
Les assesseurs ? Formés dans le tas, sans expérience.
Les opposants ? Souvent sans représentants.
Les PV ? Ne concordent pas.
Et malgré tout ça, on nous demande de faire avec.

Mais qu’est-ce qu’on apprend aux Gabonais dans ces conditions ? Qu’il suffit de tricher pour s’en sortir. Que l’essentiel, ce n’est pas la justice, mais le résultat, si médiocre soit il. On perpétue les mêmes mauvaises habitudes : ce “petit 9,50 qu’on transforme en 10”, juste pour dire qu’on a réussi. Aujourd’hui, des candidats qui ne méritent pas d’être élus se retrouvent propulsés dans des fonctions comme s’ils l’avaient été par la volonté du peuple.

Ce gouvernement qui nous promettait monts et merveilles sur tous les sujets se révèle tout simplement incompétent.
Et s’il fallait une preuve, ces élections en sont une.
Si les diplômes n’ont pas sauvé le Gabon, il faut reconnaître que l’absence de compétence ne fait pas mieux, parfois même pire. Il faudrait avoir l’honnêteté de le dire.

Je ne dis pas que je regrette le PDG. Je ne le regrette pas.
Mais ce qui se passe aujourd’hui n’est pas mieux.
La seule raison pour laquelle les gens se taisent, c’est la peur — peur de perdre leur poste, peur de déplaire, peur de dire la vérité. Comme avant, sauf qu’aujourd’hui c’est encore pire : avant, on connaissait le chef. Aujourd’hui, on ne le connaît pas. Il est imprévisible, inaccessible. Alors on se terre, on se tait, on observe.

Ce n’est pas une avancée.
C’est un recul.

Je te dis tout

GabonPolitiqueSociété

Médaille pour rien : bienvenue en République du piston

À force de distribuer des médailles comme des bonbons à la kermesse, on
finit par croire que l’excellence est une question de proximité, pas de mérite.
Et voilà qu’on épingle du ruban sur des vestes repassées pour l’occasion, sans
que le moindre pli de sueur n’y ait jamais laissé sa trace.

Avant tout, il faut respecter nos intelligences. Nous ne sommes pas vos enfants maboules qui acceptent tout.

À force de distribuer des médailles comme des bonbons à la kermesse, on
finit par croire que l’excellence est une question de proximité, pas de mérite.
Et voilà qu’on épingle du ruban sur des vestes repassées pour l’occasion, sans
que le moindre pli de sueur n’y ait jamais laissé sa trace.

Comment expliquer qu’en moins d’un an de service, certains ministres –
fraîchement sortis de l’œuf administratif – se retrouvent déjà décorés comme
s’ils avaient sauvé la République d’une guerre civile, redressé l’économie et
alphabétisé trois générations ? Ce n’est plus une République, c’est un jeu
concours.

Des médailles pour services… rendus à qui ?

On ne décore plus ceux qui transforment, réparent, bâtissent. Non. On
décore ceux qui plaisent, qui savent dire “oui monsieur”, “oui madame”, et
surtout “oui excellence” avec la juste intonation. L’efficacité n’est plus un
critère. La loyauté aveugle, si.

Le peuple, lui, regarde ça, médusé. Les vraies décorations, celles qui
devraient être données aux enseignants des zones enclavées, aux médecins
des dispensaires sans électricité, aux agriculteurs qui nourrissent le pays avec
rien… celles-là attendront. Elles ne sont pas dans le bon carnet d’adresses.

La République des copains et des coquins

On récompense l’inertie bien habillée. Le silence complice. L’incompétence
bien entourée. Le mérite est devenu ringard, l’engagement un gros mot, et le
peuple, un décor de fond qu’on ne consulte qu’en période électorale – ou
pour les photos.

Mais la médaille, en théorie, symbolise l’honneur. Dans notre cas, elle est en
train de devenir le marqueur du ridicule. Une insulte silencieuse au bon sens
et au vrai travail.

Alors non, nous ne sommes pas dupes.

Ce n’est pas parce que vous avez collé une épingle sur le revers d’un
costume que vous avez décoré une conscience. Ce n’est pas parce qu’on
vous a applaudi dans une salle climatisée que vous avez le respect de ceux
qui crèvent dehors. Et ce n’est certainement pas parce que vous avez votre
portrait dans un bureau que vous méritez d’être appelé serviteur de l’État.
Il serait peut-être temps de revoir les critères. Ou au moins d’assumer que
cette République aime ses enfants dociles, pas ses enfants brillants.

En attendant, pour beaucoup, la seule médaille qu’ils méritent vraiment…
c’est celle du silence.

Je te dis tout