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Changer de tee-shirt ne fait pas de vous un homme nouveau

À chaque élection, c’est la même rengaine. Les visages changent peu, les slogans se recyclent, et les bourreaux d’hier se réinventent en sauveurs d’aujourd’hui. Le plus troublant ? Ils comptent sur notre amnésie pour réussir leur tour de passe-passe.

« Ils n’ont pas changé. Ils ont juste changé de tee-shirt politique. »
— Harold Leckat

À chaque élection, c’est la même rengaine. Les visages changent peu, les slogans se recyclent, et les bourreaux d’hier se réinventent en sauveurs d’aujourd’hui. Le plus troublant ? Ils comptent sur notre amnésie pour réussir leur tour de passe-passe.

Harold Leckat, avec une lucidité qu’on aimerait contagieuse, refuse de laisser ce manège tourner en rond. Dans une tribune puissante publiée sur Facebook, il sonne l’alarme : l’inclusivité ne doit pas servir de blanchisserie politique. On ne reconstruit pas un pays avec ceux qui l’ont démoli. On ne bâtit pas la rupture avec ceux qui ont chanté l’ancien refrain jusqu’à la dernière note.

La mémoire est une arme

Depuis le 30 août 2023, date du putsch qui a renversé Ali Bongo, les espoirs étaient permis. Le peuple s’est levé, le peuple a cru. Mais à moins de deux ans de ce sursaut collectif, les caméléons de la République reprennent place sur l’échiquier. Les anciens ministres, députés et flatteurs du régime déchu s’offrent une nouvelle virginité politique grâce à une transition trop clémente.

Ils s’affichent désormais dans les meetings du changement, parfois même en tête de cortège, comme s’ils n’avaient jamais trempé dans l’injustice, le clientélisme ou la confiscation de la démocratie.

« Ce jour-là, nous avons cru en un essor vers la félicité.
Mais si nous laissons les néo-bâtisseurs repeindre en blanc leur passé,
ce jour ne sera plus qu’une illusion d’optique. »

Le bulletin est une arme. Servez-vous-en.

Ce n’est pas une parole en l’air. Ce n’est pas une menace. C’est un rappel simple : le pouvoir change de mains quand les citoyens prennent leurs responsabilités. Voter n’est pas une formalité. C’est un acte de mémoire.

  • Se souvenir de ceux qui ont défendu les urnes trafiquées.
  • Se souvenir de ceux qui applaudissaient la restriction des libertés.
  • Se souvenir de ceux qui festoyaient pendant que le peuple avait faim.

Le bulletin de vote n’est pas qu’un choix : c’est une vengeance douce, légale, démocratique.

Pas de pardon sans vérité. Pas d’unité sans justice.

Personne ne nie la nécessité de reconstruire ensemble. Mais ensemble ne signifie pas indistinctement. L’unité nationale n’a jamais été synonyme d’impunité nationale.

On ne peut pas confondre l’opportunisme et la vision.
On ne peut pas décorer ceux qui ont trahi sans demander réparation.

Les vrais bâtisseurs ne sont pas ceux qui se repositionnent à la veille d’un changement. Ce sont ceux qui ont tenu bon quand c’était dangereux. Qui ont dénoncé quand c’était impopulaire. Qui ont résisté quand c’était plus simple de courber l’échine.

Et maintenant, on fait quoi ?

La réponse d’Harold Leckat est claire : on reste éveillés. On refuse le recyclage politique. On se bat pour la mémoire collective.

Le 30 août 2023 ne doit pas devenir un mythe flou. C’était un cri, une claque, une ouverture. Si on laisse les mêmes revenir en douce, alors cette rupture ne sera qu’un mirage.

Nous n’avons pas fait tout ça pour remplacer un tee-shirt vert par un tee-shirt bleu.
Nous n’avons pas crié pour qu’on réécrive l’histoire à notre place.
Nous avons le droit d’espérer mieux, mais surtout le devoir de choisir mieux.

En 2025, on vote pour le changement. Le vrai. Pas celui qui s’achète en boutique politique.
Je te dis tout

GabonJusticeSociété

République Nouvelle, Contrats Ancien Régime

Je vais vous dire un truc simple : chez nous, au Gabon, on aime les mots. Refondation. Transition. Éthique. Souveraineté. Ce sont de beaux mots. Grands, ronds, rassurants. Ils flottent dans l’air comme un parfum de renouveau. Mais dès qu’on passe à la pratique, paf ! le mot explose. Comme une bulle de savon au contact de la réalité.

Tenez, prenons le cas Leckat. Il aurait pu être un simple contentieux administratif. Mais non. Il est devenu le symbole de notre schizophrénie nationale. Harold Leckat, directeur de Gabon Media Time, a eu l’outrecuidance de croire à la République. Il a cru qu’un contrat signé, homologué, exécuté et fiscalisé… serait, vous savez, respecté. Quelle naïveté. Ce pays est une terre de surprises.

Il a donc exécuté une commande de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), payé ses taxes, produit les livrables… et s’est vu répondre par un silence de glace, un refus sans justification. Pourquoi ? Parce qu’un nouveau directeur est arrivé, et que dans ce pays, chaque nomination est une amnistie personnelle et un bouton “reset” sur la légalité. L’État de droit ? Un concept à géométrie hiérarchique.

Mais ne vous inquiétez pas : la même CDC, qui dit ne pas avoir un sou pour une PME locale, aurait trouvé le moyen de verser des émoluments confortables à un ex-président de son conseil d’administration, en violation flagrante d’un décret présidentiel. Et pendant ce temps, des jeunes entreprises meurent la bouche pleine de promesses.

Et ce n’est pas tout. Harold Leckat a aussi osé mettre les pieds dans un autre plat : celui de la publicité. Ce petit monde où les multinationales brassent des milliards au Gabon… tout en ignorant majestueusement les médias locaux. Parce que oui, en 2025, il existe toujours une « xénophobie publicitaire » institutionnalisée. Eramet, Moov, Airtel, Sobraga… tous ces géants signent des campagnes à l’international, mais refusent de payer ne serait-ce que 500 000 FCFA à un média local. Résultat ? La presse gabonaise vit à genoux, mendie des miettes pendant que les discours sur la souveraineté résonnent dans les micros étrangers.

Mais on veut la stabilité nationale ? On veut une démocratie apaisée ? Alors pourquoi méprise-t-on ceux qui produisent de l’information locale, structurent le débat public, racontent nos récits, nos luttes, nos rêves ? Leckat le dit bien : « Un pays qui laisse ses récits nationaux entre les mains de l’étranger abdique d’une partie de sa souveraineté. »

Et pourtant, certains continuent à y croire. Certains, comme Leckat, comme d’autres PME, comme moi, comme nous, continuent de croire qu’un contrat a une valeur. Qu’un État digne respecte ses signatures. Qu’une vision présidentielle n’est pas un simple slogan de meeting. Mais jusqu’à quand ?

J’ai une pensée pour tous ces jeunes Gabonais qui veulent entreprendre. Qui veulent faire les choses dans les règles, créer, innover, participer. Ils se lèvent tôt. Travaillent tard. Déposent leurs dossiers. Respectent la loi. Mais à la fin, c’est toujours le même refrain : un fonctionnaire zélé, un silence institutionnel, et une gifle morale. Bienvenue dans la République Nouvelle. Même saveur, nouvelle étiquette.

Alors oui, Monsieur le Président. Ce combat n’est pas seulement celui d’un journaliste. C’est celui de toute une génération. Celle qui veut encore croire que ce pays peut fonctionner. Que la République n’est pas un club réservé à quelques initiés. Celle qui pense que la souveraineté économique commence par le respect de la parole donnée.

Et si ce contrat n’est pas payé, qu’au moins on ne vienne plus nous parler de refondation. Parce qu’on ne reconstruit rien sur du mépris.

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GabonOpinionSociété

12 avril, 22 juin. Et honnêtement, on souffle déjà fort.

Il aura suffi de deux dates. Deux. Le 12 avril, on votait pour notre futur. Le 22 juin, on regardait la composition de l’Assemblée. Et entre les deux, le doute s’est invité. La colère parfois. Et surtout, une fatigue.

La Cinquième République devait marquer une rupture. Elle en marque une, c’est vrai — mais pas forcément celle qu’on espérait.

On a voté à 95 % pour le président de la Transition, dans un élan massif, presque irréel. Et pourtant, à peine les résultats proclamés, l’énergie s’est dissipée. Les chantiers promis sont au ralenti, lorsqu’ils ne sont pas à l’arrêt. Les décisions structurantes, elles, ne tardent pas forcément, mais leur exécution est pénible, chaotique. L’urgence de plaire nuit à la bonne organisation. Les déguerpissements continuent. La justice à deux vitesses choque. La représentation de la diaspora questionne. Et les législatives, censées équilibrer les pouvoirs, donnent déjà le goût amer d’un Parlement acquis.

C’est comme si la 5e République était entrée par effraction. Brutalement. Sans prendre le temps.
Pas de débat public. Peu de pédagogie. Une gestion verticale, très verticale.
Deux années de transition… pour nous ramener tout droit dans les années 90.
Même logique de concentration du pouvoir. Même méfiance envers la parole citoyenne. Même culte de la stabilité, au détriment de la justice.

Et quand on ose interroger, critiquer, pointer du doigt… on nous dit « laissez-nous travailler », comme si notre rôle s’arrêtait au vote. Comme si demander des comptes était un manque de respect. Comme si le devoir de vigilance citoyenne devenait une nuisance.
Pourtant, les premières décisions frappent toujours plus fort ceux qui ont le moins. Les plus précaires, les plus fragiles financièrement. Ceux qui n’ont ni voix, ni relais. C’est vers plus d’inégalités qu’on se dirige, pas moins.

« Laissez-nous travailler » deviendra peut-être bientôt « On mange la paix ».
On se rappelle des PDGistes condescendants, marchant en blanc dans les rues pour demander « la paix ». Mais en réalité, ils demandaient le silence.
Le silence de l’opposition. Le silence des indignés. Et ce silence a tué : des tirs ont pris des vies en 2016.
La paix au prix du sang. Le calme pour mieux abuser. C’est ce que le PDG nous a montré. Et on ne veut pas retomber aussi bas.

On veut de la justice, pas juste du calme.
On veut de la construction, pas des incantations.
On veut une République qui n’étouffe pas ceux qu’elle prétend servir.

Alors oui, 12 avril – 22 juin, c’est court. Mais parfois, il ne faut pas beaucoup de temps pour sentir que les fondations craquent déjà.

Et si on n’apprend pas à écouter, à expliquer, à construire avec, pas contre… alors ce sera long. Très long. Trop long.

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GabonLibrevilleLogementOpinion

« Expulsez-les d’abord, on verra après »

Entre urgence et mépris de classe, le gouvernement gabonais n’a jamais pris le temps de faire les choses correctement. L’opération « Retour de la dignité » ? Un échec, mon Général.

S’il y a bien une constante au Gabon, ce sont les méthodes. Gouverner en brutalisant, mépriser les plus précaires, les frapper sans prévenir… On connaît. Et après le PDG, rien n’a changé : les hommes sont restés les mêmes, seule la chorégraphie est différente.

Depuis quelques jours, c’est un spectacle accablant qui se joue dans certains quartiers de Libreville. Des centaines de familles, leurs affaires entassées dehors, attendent de pouvoir rejoindre un parent compatissant — pour les plus chanceux. Les autres ? Rien. Pas d’aide. Pas de solution. Parce qu’une fois de plus, l’État a agi dans l’urgence, en niant les besoins les plus élémentaires de ses citoyens. Se loger, c’est quand même la base.

Ce déguerpissement, censé « assainir » la capitale, aurait pu être défendable si les méthodes ne rappelaient pas celles d’un État profondément irrespectueux du bien-être de ses propres administrés. On aurait pu commencer par indemniser, reloger, dialoguer. Ça a été fait pour certains. Mais pour d’autres, rien. Le néant.

Soyons justes : il y a eu des tentatives de respecter les procédures. Des courriers, des réunions, des délais. Mais la réalité, c’est que de nombreux bailleurs — qui devraient être poursuivis — n’ont pas pris la peine d’en informer leurs locataires. Pourtant, en tant que propriétaires, ils ont l’obligation d’annoncer ce genre de contrainte. Quand on vit dans un État de droit…

Entre ces bailleurs indélicats et les oubliés du Ministère, on compte aujourd’hui plusieurs vies littéralement en danger. Disons les termes : c’est de la précarisation programmée à ce stade. Où iront donc toutes ces familles ? Même celles qui ont été indemnisées doivent aujourd’hui se reloger dans un Libreville où les prix de location explosent. Où sont les logements sociaux tant attendus ? N’aurait-on pas pu, justement, attendre encore un peu que ces infrastructures voient le jour avant de vider des quartiers entiers ?

Cette stratégie qui consiste à faire sans réfléchir, sans prévoir, doit cesser. Le mandat du président actuel est de sept ans. Sept ans, c’est peu. Mais c’est assez pour changer de méthode. C’est assez pour prendre le temps. Pour mener des études sérieuses. Pour anticiper les besoins. Et parfois, ces études sont déjà des actions, car elles posent les bases concrètes d’un développement durable. L’épanouissement du Gabonais passe aussi par là : par la planification, la rigueur, et le respect.

Mais voilà : on préfère faire semblant. Expulser d’abord. Voir après. Et tant pis si, entre deux camions de déménagement, des familles s’effondrent.

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GabonOpinionPrésidentielles2025

Hier, j’ai voté.

Hier, c’était le jour J. Ce jour tant attendu après une Transition mi-figue mi-raisin, où l’on pouvait enfin choisir notre président dans une ambiance presque « normale ».

Je suis arrivé au bureau de vote, accueilli par des Gabonais de tout âge, souriants, nous indiquant la marche à suivre. Le retrait de ma carte d’électeur s’est fait sans encombre, sur simple présentation de mon passeport. Les assesseurs étaient clairs, précis, et l’atmosphère détendue. Et ça, franchement, ça n’a pas de prix.

Il y a encore quelques années, l’attente des résultats était synonyme d’angoisse. Il fallait s’organiser, surveiller le dépouillement, vérifier les PV, collecter les preuves… Pour démontrer une défaite que tout le monde constatait, mais que le système refusait de reconnaître. Cette fois-ci, quelque chose a changé. Un certain climat de confiance règne. Peut-être parce qu’on sait. Tu sais, je sais : le favori gagnera.

Je sais aussi que le candidat pour lequel j’ai voté n’a, objectivement, aucune chance de l’emporter. Mais j’espère que son score sera suffisamment significatif pour qu’il ose se représenter. Qu’il comprenne qu’il compte. Parfois, il ne s’agit pas de gagner. Il s’agit juste d’exister dans le débat. De s’imposer comme un challenger crédible. Et ça, c’est déjà beaucoup.

En ce jour, nous allons avoir un nouveau président légitime. Un chef d’État élu, qui nous gouvernera pendant au moins les sept années à venir. Comme à chaque élection, un nouvel espoir naît. Une attente collective, presque mystique : et si cette fois, c’était la bonne ?

Les Gabonais, en quête depuis si longtemps d’un homme providentiel, pensent-ils l’avoir trouvé en la personne du PR Brice Clotaire Oligui Nguema — au risque d’oublier que cette attente de surhomme elle-même mérite d’être interrogée ?

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GabonPolitiquePrésidentielles2025

Projet Oligui Nguéma : Des promesses, en veux-tu ? En voilà !

Alors que le Gabon s’apprête à vivre une élection présidentielle historique, le projet de société du Général Brice Clotaire Oligui Nguema, porté par la transition post-coup d’État, se veut celui d’une renaissance nationale. Entre volonté de rupture avec l’ancien régime, réformes ambitieuses et réaffirmation de la souveraineté, que peut-on retenir de ce programme ?

Une volonté de refondation politique assumée

Les atouts d’un projet de rupture

Le projet s’inscrit dans une dynamique de refonte institutionnelle profonde. S’appuyant sur une transition militaire présentée comme un « coup de la libération », le candidat mise sur une refondation politique complète. Parmi les propositions phares figurent :

  • Une nouvelle Constitution, soumise à référendum, pour garantir des institutions renouvelées.
  • Un Code électoral repensé afin d’assurer la transparence des scrutins.
  • L’organisation d’un Dialogue national inclusif (DNI) pour reconstruire le contrat social et restaurer la confiance citoyenne.
  • Une décentralisation affirmée, avec un transfert de compétences vers les collectivités locales et un renforcement de la gouvernance territoriale.

Les limites d’un pouvoir toujours centralisé

Cependant, derrière cette volonté de réforme, le programme maintient une centralisation forte autour de l’exécutif. La conduite des réformes et les grands chantiers restent dans les mains de l’État central, soulevant des inquiétudes sur une possible dérive autoritaire, accentuée par le passé militaire du candidat. Par ailleurs, l’indépendance de la justice, bien que mentionnée, reste peu détaillée dans sa concrétisation institutionnelle.

Un projet économique ambitieux, mais à clarifier

Des initiatives fortes pour la souveraineté économique

Sur le plan financier, le projet affiche une volonté de maîtriser la dette publique, avec notamment le remboursement anticipé d’un eurobond. Il prévoit également le rachat d’actifs stratégiques, comme Assala Energy et la SNBG, pour renforcer la souveraineté sur les ressources naturelles. Parmi les mesures marquantes :

  • Création d’une Banque publique pour l’entrepreneuriat (BCEG) dotée d’un fonds de 20 milliards FCFA à destination des jeunes.
  • Recours accru aux Partenariats Public-Privé (PPP) pour financer les infrastructures (ports, routes, hôpitaux…).

Des flous budgétaires persistants

Malgré ces orientations, le coût global du programme n’est pas chiffré de manière détaillée. Les investissements annoncés – dans les infrastructures, l’agriculture, la digitalisation ou la défense – sont ambitieux, mais aucune projection pluriannuelle n’est fournie. Le risque d’une dépendance persistante aux recettes extractives (pétrole, mines) reste également élevé, malgré les intentions affichées de diversification économique.

Une vision sociale inclusive mais perfectible

Une ambition d’inclusion à large spectre

Sur le plan social, le projet affirme une orientation fortement inclusive, ciblant la jeunesse, les femmes, les personnes en situation de handicap, les retraités ou encore les populations marginalisées. Il prévoit :

  • Des investissements dans l’éducation et la santé (pôles hospitaliers, réhabilitation des écoles, retour des bourses).
  • Un soutien renforcé à l’emploi des jeunes (formation, alternance, soutien aux startups).
  • Une réforme des systèmes de protection sociale (CNSS, CNAMGS, CPPF).

Des objectifs sociaux encore flous

Cependant, plusieurs mesures phares manquent de précisions techniques : la promesse « Un Gabonais, un titre foncier » ou la réforme du logement social souffrent d’un manque de cadrage opérationnel. En outre, aucun indicateur d’impact social chiffré n’est présenté pour mesurer les progrès en matière de pauvreté, chômage ou inégalités. Enfin, le rôle très central de l’État dans tous les domaines laisse peu de place aux initiatives citoyennes ou privées.

Le projet d’Oligui Nguema se présente comme celui d’un changement en profondeur, porté par une transition exceptionnelle. Si les ambitions sont grandes et les chantiers multiples, la réussite dépendra de la capacité à concrétiser, chiffrer et équilibrer les pouvoirs, tout en impliquant durablement la société civile et les acteurs non étatiques.

Cependant, cette vision soulève aussi une interrogation de fond : le respect effectif des engagements. Depuis sa prise de pouvoir, plusieurs promesses formulées par le Général – notamment en matière de transparence, de réformes urgentes ou de calendrier de transition – ont été partiellement tenues ou repoussées. Cette tendance à l’ajustement en cours de route appelle à la vigilance et au suivi rigoureux de l’exécution de son programme. Au-delà des intentions affichées, c’est la cohérence entre le discours et l’action qui permettra de juger de la portée réelle de ce projet de société.

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GabonLa Fière TrentenaireSociété

Le Gabon, notre pis-aller.

Il n’y a pas à dire, le Gabonais aime son pays. D’un amour sincère et plein d’entrain. Il a beau s’en plaindre à longueur de journées, mais le patriotisme, au fond de lui, ne lui permettra jamais de s’en détourner trop longtemps.

Je me suis toujours dit ça parce que la plupart des gens que je connais reviennent offrir au pays le meilleur de ce qu’ils ont trouvé ou appris après s’être exilés à l’étranger. Il n’y a qu’à voir comment beaucoup d’anciens de la diaspora, de retour au pays, tentent de participer activement à la vie politique et économique du pays. Pas toujours avec beaucoup de sagesse, mais la plupart créent des business, lancent des initiatives novatrices au bénéfice des Gabonais restés au pays, « à ne rien faire d’autre que sortir tard le soir et dormir toute la journée ».

Parce que oui, c’est comme ça que beaucoup de gens de la diaspora nous voient souvent. Pour eux, on ne sait que groover, se chercher des sugar daddies et s’afficher avec les perruques les plus chères du marché, en gros entretenir une vie de paraître dépourvue de but réel. De la même façon, beaucoup d’entre nous, résidents, les voient comme des arrivistes que le rang social des parents propulse presque toujours au-devant des opportunités, facilitant ainsi leur accès au rêve américain gabonais. Il faut les voir les premiers mois, pleins d’idées, pleins de ressources, mais surtout pleins de hargne. Ils sont partout, partagés entre plusieurs business : locations meublées, restos, salles de pilates, instituts de beauté, e-médias, magazines de bons plans, et j’en passe… Ils ont à peine le temps pour leurs proches qu’ils jugent parfois dangereux pour leur « réussite »… « Au pays, on empoisonne », donc on fait attention… Et plus le temps passe, moins ils sont hargneux. L’envie de réussir n’a pas disparu, mais, au vu des difficultés, le rêve gabonais devient de plus en plus abstrait… Comme beaucoup de rêves, il est souvent de courte durée.

Après avoir connu la discrimination, la solitude, le manque de repères culturels, et parfois même le sentiment d’échec à l’étranger, ils se refusent à le revivre chez eux. Après avoir tenté et réessayé sans que ça marche comme ils l’imaginaient. Après avoir tenté de revendre à 100 000 FCFA un sac de citrons acheté à 100 000 FCFA, pour un bénéfice de 100 %, ils s’ouvrent aux réalités actuelles, à ce qu’ils considéraient comme des facilités à l’époque. Leur enthousiasme initial se transforme en déception. Certains finissent par quitter à nouveau le Gabon, déçus et frustrés. Mais d’autres restent, résignés comme nous tous, parce que de toute façon, le Gabon est un pis-aller, le nôtre.

Vous savez que j’aime bien vous faire découvrir des trucs, non ? Eh bien, pour enrichir votre vocabulaire aujourd’hui, sachez que « pis-aller » est un terme que l’on utilise pour définir ce à quoi l’on se résout, faute de mieux. C’est le haut niveau de la résignation, plus connu au pays comme « on va encore faire comment ? ». On est là, autant rester. On ne va pas retourner à l’étranger et de nouveau subir le racisme ou l’exclusion, payer les impôts… Donc on se laisse aller à ce qu’il y a : corruption, retournement de veste, enchaînement de « petites », grooves, plus de Régab que d’eau, délestages, chômage… On garde un sourire apparent. Mais derrière le sourire et la bonne humeur, on ressent souvent une frustration profonde face aux promesses non tenues, aux opportunités manquées, à la corruption endémique qui ralentit le développement du pays. Puisqu’on ne peut porter haut nos voix (en dehors des périodes électorales), on devient décrypteur d’actualité. On critique tout par tous les moyens dont on dispose : Facebook, Twitter, un Gabonais normal… En attendant de voir le soleil et de finir comme ceux qu’on critiquait jadis, parce que c’est quoi le rêve gabonais, sinon une place à l’ombre des billets ? On attend, on se résigne.

Pourtant, malgré cette résignation apparente, il y a quelque chose de fascinant dans la manière dont les Gabonais continuent de croire en leur pays (n’en déplaise à la Chronique d’un Pessimiste). Peut-être est-ce cette espérance tenace, cette croyance que demain sera meilleur. Ou peut-être est-ce simplement la force de l’habitude, cette routine qui fait que l’on finit par accepter les choses telles qu’elles sont. Survivre plus que vivre.

Les Gabonais sont des survivants. Ils ont appris à tirer le meilleur de ce qui leur est offert, à faire preuve d’ingéniosité et de créativité pour surmonter les obstacles, même si ça revient à vendre de la friperie, devenir vineur/tiktokeur, « dealer du mbaki », retourner chez les darons ou se poser en tchiza. Les marchés animés, les lives plus drôles les uns que les autres, les petits commerces familiaux, les initiatives communautaires sont autant de preuves de cette résilience.

Le Gabon possède pourtant tous les atouts pour briller : des ressources naturelles abondantes, une situation géographique stratégique, un peuple talentueux et passionné. Pourtant, malgré ces atouts, le pays peine à décoller véritablement, à sortir de cette spirale de la médiocrité dans laquelle il semble coincé. Pourquoi donc ?

À mon avis (et c’est bien le mien, celui d’une Gabonaise résidente qui se sert de ce dont elle dispose pour dénoncer), c’est parce que ces « richesses » sont gérées en petits groupes, toujours les mêmes noms… Mais on nous jure que le pays change, qu’il évolue, qu’il vit une « transition »… Alors, le Gabonais Normal continue de rêver d’un pays meilleur

Et peut-être, un jour, ce rêve se réalisera.

La Fière Trentenaire 😘

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GabonOpinion

Quand le covo devient une méthode de justice : où sont passés nos droits ?

Depuis quelques mois, une nouvelle mode semble s’installer au Gabon, en pleine ère de Transition. Ce n’est pas la dernière tendance vestimentaire ou une nouvelle danse qui fait fureur, non. Cette fois, c’est une pratique bien plus dérangeante : des individus, arrêtés pour diverses raisons, se retrouvent avec le crâne rasé – un bon vieux covo – et filmés sous tous les angles par les médias.

Un spectacle qui, avouons-le, en fait rire certains… mais qui pose un vrai problème sur le plan des droits humains. D’après la Charte de la Transition, document qui devrait servir de boussole pour cette nouvelle ère politique, « tout détenu doit être traité avec respect et dignité”. Il est également stipulé que toute forme de torture, de traitement cruel, inhumain ou dégradant est strictement interdite ». Vous voyez où je veux en venir ? Je ne sais pas pour vous, mais je trouve que se retrouver rasé, exposé à la vue de tous avant même d’avoir été jugé, ça ressemble à un bon vieux traitement dégradant, non ?

Alors oui, raser des crânes et les montrer à la télé ou sur les réseaux sociaux peut amuser certains spectateurs. On rit un peu, on commente, on partage… Mais est-ce que cela justifie pour autant un tel traitement ? Après tout, ces personnes sont-elles des condamnées ? Non, pas encore ! Il est toujours bien de rappeler que nous sommes dans un État de droit – ou tout du moins, nous essayons de l’être – et qu’un procès doit avoir lieu avant toute forme de condamnation. En d’autres termes, ces têtes rasées sont déjà humiliées, reconnues coupables aux yeux du public, alors qu’un tribunal ne s’est même pas encore prononcé.

Ce qui est encore plus surprenant dans cette affaire, c’est le silence assourdissant de ceux qui sont censés veiller au respect des lois et des procédures : où sont donc passés les magistrats, les juges, et toutes ces voix censées s’indigner face à une telle dérive ? Si ces détentions sont légales, pourquoi personne ne semble s’opposer à cette humiliation publique qui, rappelons-le, est contraire aux dispositions de la Charte de la Transition et aux principes des Droits de l’Homme ?

On pourrait se poser la question suivante : à quoi sert cette pratique ? Est-ce vraiment une mesure de sécurité, une tentative de contrôle, ou simplement une façon d’humilier ces individus pour marquer les esprits ? Et puis, est-ce vraiment nécessaire ? En quoi le fait de raser une tête prouve la culpabilité de quelqu’un ou renforce la justice ? Si la présomption d’innocence est encore d’actualité dans notre pays, comment expliquer ces mises en scène humiliantes, où l’on prend des hommes et des femmes, les rase et les expose aux moqueries ?

Cette pratique donne l’impression qu’on a déjà sauté l’étape du procès, que la sentence est rendue avant même que la justice ait eu son mot à dire. Un covo pour clore le dossier. Et pendant ce temps, la dignité humaine, cette valeur fondamentale qu’on devrait protéger, est allègrement foulée du pied.

Alors, chers compatriotes, posons-nous la question : est-ce vraiment ce que nous voulons pour notre pays ? Une justice qui se fait dans les salons de coiffure improvisés des commissariats, avec des têtes rasées en guise de verdict ? Ce n’est pas seulement une atteinte aux droits des détenus, mais un affront à nous tous, à notre conscience collective.

En conclusion, que ce soit clair : la transition ne signifie pas qu’on doit piétiner la dignité humaine au passage. Raser des têtes ne fera jamais office de justice, et tant que ce spectacle continuera, c’est notre dignité nationale qui en prendra un coup, elle aussi.

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Gabon

Quand la rigueur militaire s’effrite : le CTRI face à ses contradictions

Ah, le CTRI ! Quand ils ont pris les rênes il y a un an, tout le monde croyait qu’on allait enfin voir clair. Les gars devaient venir comme des bulldozers, balayer les copains des copains qui traînaient les pieds, et mettre à la place des technocrates sérieux, limite des robots programmés pour bosser et seulement bosser.

Mais bon, en réalité, c’est un peu comme si on avait demandé à un cancre de devenir major de promo. Le rôle du CTRI, c’était de nous éviter de retomber dans les mêmes travers, d’empêcher les vieux réflexes de magouille et de pistonnage. Sauf que voilà, au lieu de dégager ceux qui nous ont mis dans la sauce, ils se sont retrouvés à recycler les mêmes recettes.

Le CTRI devait être notre super-héros, le garde-fou de l’État, celui qui tape du poing sur la table dès que ça déconne. Au lieu de ça, ils ont ressorti la vieille technique du « c’est mon pote, je le place là, ça va aller ». Résultat ? On est encore coincés avec les mêmes histoires de copinage. Tu veux être DG ? Vas-y, fais un petit clin d’œil à ton pote bien placé et hop, te voilà promu !

Et la déclaration des biens, on en parle ? Si tu cherches bien, tu verras plus de chèvres à Libreville que de gens qui ont déclaré leurs biens. Pourtant, c’était censé être la base pour faire un peu de ménage dans cette grande maison qu’est le Gabon. Comment tu veux qu’on lutte contre la corruption si même ceux qui dirigent ne veulent pas montrer ce qu’ils ont dans les poches ?

Bref, on espérait du CTRI qu’ils allaient sortir les muscles, mais on dirait qu’ils ont plus joué les gentils papas Noël. Alors qu’on avait besoin de technocrates prêts à taper sur les doigts des mauvais élèves, on se retrouve avec un Comité qui a juste rajouté une couche de peinture sur un mur déjà pourri.

Bon, faut pas non plus faire semblant, hein. Des choses ont été faites, c’est vrai. Mais quand on parle de rigueur et de la restauration des institutions, on commence à sentir que la rigueur militaire, celle qu’on attendait, est en train de filer tout doucement. Peut-être qu’elle est encore là, mais elle est surtout là pour ceux qui osent ne pas marcher dans le même sens que le CTRI, tu vois ? Les vrais ennemis de la Transition, eux, ils risquent de passer entre les gouttes.

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